Les citoyens palestiniens d’Israël protestent contre la saisie de terres

Lundi, des centaines de citoyens palestiniens d’Israël ont manifesté dans la région du Néguev afin de dénoncer la politique du gouvernement israélien consistant à démolir des maisons et à délivrer des ordres d’évacuation, entre autres, dans le village de Khirbet al-Watan.

Lubna Masarwa & Mustafa Abu Sneineh, 22 juin 2020

Des citoyens palestiniens d'Israël manifestent dans la ville de Beersheba, le 22 juin 2020. (Photo : Yousef Jabareen)

Des citoyens palestiniens d’Israël manifestent dans la ville de Beersheba, le 22 juin 2020. (Photo : Yousef Jabareen)

Marwan Abu Frieh, un coordinateur et enquêteur de terrain travaillant pour le centre Adalah des droits humains en Israël, a expliqué à Middle East Eye (MEE) que le Fonds national juif (FNJ) israélien et les Autorités foncières d’Israël (Israel Land Authority ou ILA) prévoyaient de planter des centaines d’arbres sur les terres de cinq villages bédouins, dont Khirbet al-Watan, qui tous avaient déjà reçu des ordres de démolition et avaient été confrontés à la déportation de milliers de leurs résidents « au nom du développement de la région ».

Les manifestants ont commencé à marcher depuis Khirbet al-Watan et sont allés jusqu’en face du tribunal de Beersheba, en portant des banderoles accusant le FNJ et l’ILA d’accaparement de terres par la force, de déportation de Palestiniens et de pratiques discriminatoires.

Sur certaines banderoles, on pouvait lire : « Nos revendications légitimes : reconnaissance et propriété » ; « Pas de déportation, pas de déplacement, nous ne nous éloignerons pas de nos terres » ; et « Nous ne plierons pas, notre terre est un droit légitime ».

Certains membres de la Liste unifiée, la coalition politique des partis représentant les citoyens palestiniens d’Israël au parlement du pays, la Knesset, étaient présents.

Dans une déclaration transmise à MEE, Yousef Jabareen, député à la Knesset et dirigeant de la Liste unifiée, a dénoncé les

« expulsions, expropriations, destructions et démolitions en cours de villages bédouins non reconnus dans le Néguev ».

« Cela suffit, avec le langage de la force ; ces villages sont légitimes et doivent disposer d’une reconnaissance légale et être protégés »,

a ajouté Jabareen.

« Les résidents bédouins arabes du Néguev méritent de vivre dans la dignité et l’égalité. »

« Nous sommes unis dans ce juste combat contre la dépossession et pour la reconnaissance »,

a-t-il conclu.

Des villages non reconnus

On rapporte que les bulldozers israéliens ont déjà nivelé au moins 50 dounoums (5 hectares) de terres de Khirbet al-Watan depuis mai – mais le plan de forestation prévoit de couvrir 2 000 dounoums (200 hectares ou 2 km2) de terres.

D’autres villages menacés par le plan sont al-Buqaya, al-Bat al-Gharbi, Oum Badoun et Ras al-Jarba et tous font partie de la petite cinquantaine de villages bédouins du Néguev non reconnus par l’État d’Israël.

Environ 240 000 citoyens palestiniens d’Israël vivent dans les villages et villes du Néguev. Quelque 76 000 d’entre eux – des Bédouins palestiniens – vivent dans des villages non reconnus. À de multiples reprises, Israël a tenté de déplacer les Bédouins vers des communautés « reconnues », prétendant chaque fois que les personnes vivant dans des zones non reconnues n’ont aucun droit à la terre.

Les villages non reconnus se voient refuser toute infrastructure ou soutien de la part du gouvernement. Il n’y a pas de moyens de transport, pas de routes, pas d’écoles et les autorités israéliennes ne collaborent pas avec les autorités locales. Les résidents disent que cette politique constitue une tentative de les mettre sous pression afin qu’ils soient déplacés au niveau interne, bien que les Bédouins vivent sur ces terres ou à proximité depuis bien avant la création du pays en 1948.

Abu Frieh a expliqué que le FNJ et l’ILA utilisent le terme juridique de « prévention d’invasion » pour couvrir l’accaparement de terres dans le Néguev.

« Ils ont démarré le processus de forestation des terres afin de les reprendre et d’imposer sans la moindre autorisation une nouvelle réalité au paysage »,

a déclaré Abu Frieh.

« Ils recourent à l’excuse de la ”prévention d’invasion” pour dire que ces terres sont sous menace, même si elles sont des propriétés privées. »

Près de 4 000 Bédouins vivent à Khirbet al-Watan, où les manifestants ont dressé une tente de protestation.

Les résidents de Khirbet al-Watan n’ont pas de services municipaux, pas plus qu’ils n’ont d’eau ou d’électricité et ils assistent régulièrement à la démolition de leurs maisons et infrastructures ainsi qu’à la confiscation de leurs terres.

Le Comité supérieur palestinien pour le Néguev a dit dans une déclaration que ces protestations représentaient

« un devoir national et moral, un soutien et une promotion de la détermination de notre peuple ».

Depuis longtemps, le FNJ est accusé de recourir à des projets de reforestation pour empêcher les Palestiniens de retourner aux terres desquelles ils ont été déplacés.

Les citoyens palestiniens d’Israël – qui représentent 20 pour 100 de la population du pays – ont longtemps dénoncé de façon très visible les initiatives sociales prises par les autorités israéliennes qui, en fait, prétendent-ils, cherchent à déposséder les Palestiniens ou à effacer l’héritage palestinien.

Plus tôt, ce mois-ci, les résidents palestiniens de la ville côtière de Jaffa avaient déjà manifesté dans le cadre d’une campagne contre les plans israéliens prévoyant de niveler un cimetière musulman vieux de près de 200 ans afin d’y construire en lieu et place un refuge pour sans-abri.


Publié le 22 juin 2020 sur Middle East Eye
Traduction : Jean-Marie Flémal

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