Ali Abunimah : “Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’Etat juif”?

Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’Etat juif” constitue le deuxième chapitre du livre d’Ali Abunimah  « The battle for justice in Palestine », édité en 2014 par Haymarket Books. (Traduction par Jean-Marie Flémal, avec l’autorisation de l’auteur).

La couverture du livre "Israël a-t-il le droit d'exister en tant qu'Etat juif" ?

 

Ali Abunimah, journaliste palestino-américain est le cofondateur de ’The Electronic Intifadaet également auteur du livre  One Country : A bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

 

 

 

 

Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’Etat juif ?

Le 9 septembre 1993, Yasser Arafat répondait favorablement à l’une des plus anciennes revendications d’Israël.
Dans une lettre adressée au Premier ministre de l’époque, Yitzhak Rabin, le dirigeant de l’OLP écrivait : « L’OLP reconnaît le droit de l’État d’Israël d’exister dans la paix et la sécurité. » Le même jour, Rabin répondait par une simple phrase, informant Arafatqu’au vu de sa lettre,

« le gouvernement israélien a[vait] décidé de reconnaître l’OLP comme le représentant du peuple palestinien et d’entamer des négociations avec l’OLP dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient (1) ».

Cet échange de lettres n’avait pas grand-chose de réciproque. Arafat avait reconnu « le droit d’exister » d’Israël, avait promis d’amender les documents de fondation de l’OLP, « renonçait au recours au terrorisme et à d’autres actes de violence » et promettait de « châtier les contrevenants ». Par contre, Rabin ne proposait pas de reconnaître le moindre droit palestinien, mais uniquement qu’Israël s’entretiendrait avec l’OLP. Quatre jours plus tard, les deux hommes signaient la déclaration de principe d’Oslo sur la pelouse de la Maison-Blanche.

Arafat, naguère encore l’ennemi implacable d’Israël, avait accordé sa légitimité et son droit d’exister à l’État qui avait chassé son peuple de sa terre natale et lui avait refusé le retour. Ce faisant, il transformait l’Organisation de libération de la Palestine en une entreprise de sous-traitance œuvrant pour le compte de la puissance occupante dont les Palestiniens cherchaient à se libérer. Mais Israël ne se satisfaisait pas de ses gains et se mit à placer la barre plus haut encore en exigeant que les Palestiniens le reconnaissent comme un « État explicitement juif », ce qui signifiait en pratique un État avec une majorité juive prépondérante, au sein duquel les Juifs pourraient toujours monopoliser le pouvoir politique.

Arafat céda, acceptant en effet cette exigence dans un éditorial du New York Timesen 2002 :

« Nous comprenons les préoccupations démographiques d’Israël et comprenons également que le droit au retour des réfugiés palestiniens, un droit garanti par les lois internationales et par la Résolution 194 des Nations unies, doit être appliqué d’une façon qui tienne compte de ces préoccupations (2). »

En d’autres termes, Arafat était tout disposé à subordonner les droits des réfugiés palestiniens à l’exigence israélienne en faveur de la suprématie juive.

Pourtant, cela ne suffisait pas encore.

Dans sa réponse officielle exposant ses objections à propos du plan de paix de la « Feuille de route » de George W. Bush, en 2003, Israël exigeait que

« des références affirmées fussent faites au droit d’exister d’Israël en tant qu’État juif et au renoncement à tout droit au retour des réfugiés palestiniens dans l’État d’Israël (3) ».

Et, alors qu’il se trouvait aux côtés du nouveau président américain Barack Obama, à la Maison-Blanche en mai 2009, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou insista sur le fait que, pour la reprise des négociations, « les Palestiniens auraient à reconnaître Israël en tant qu’État juif (4) ».

Alors que pratiquement aucun pays n’avait encore soutenu cette exigence d‘Israël, ses principaux partisans et alliés internationaux l’ont fait.

Adoptant le langage israélien presque textuellement, Obama déclara en 2011 au groupe de pression pro-israélien AIPAC que

« le but ultime était deux États pour deux peuples : Israël comme État juif et patrie du peuple juif, et l’État de Palestine comme patrie du peuple palestinien (5) ».

De même, le Premier ministre canadien Stephen Harper promit à Netanyahou que son pays

« continuerait à soutenir le droit d’Israël à exister en tant qu’État juif et ce, dans la paix et la sécurité (6) ».

Ce n’est pas un hasard si Israël défend cette exigence avec une ferveur accrue au moment où les Palestiniens deviennent de nouveau majoritaires dans la Palestine historique – c’est-à-dire Israël,  et la bande de Gaza reunis – et si Israël rend plus improbable encore la possibilité déjà éloignée d’une solution à deux États.

Au vu du caractère prioritaire de la revendication israélienne, la question de savoir si Israël a effectivement le « droit d’exister en tant qu’État juif » mérite qu’on l’examine avec sérieux.

Un prisme utile au travers duquel examiner cette proposition n’est autre que l’adage juridique fondamental que je citais au début de ce chapitre. Pour le dire en termes plus simples, si un individu détient un droit, il doit alors exister un endroit – habituellement, une cour de justice – où il peut chercher à ce que ce droit soit obligatoirement reconnu, à ce qu’une sanction soit prise contre la personne qui l’enfreint, ou obtenir l’une ou l’autre forme de compensation juridique (7).

Pour reprendre les termes du juriste William Blackstone au 18eme siècle, « il existe un principe bien établi et immuable dans les lois anglaises, selon lequel tout droit empêché doit avoir une réparation et tout tort sa propre réparation ».

Son utilisation du terme « propre » nous rappelle qu’une réparation doit être conforme à la loi et équitable. Si mon voisin abat mon arbre, une réparation appropriée pourrait consister à me payer des dommages et intérêts, à remplacer l’arbre et peut-être aussi en une ordonnance contraignante dans le but d’empêcher mon voisin d’abattre d’autres arbres. Ce ne serait en aucun cas une solution appropriée pour moi d’abattre par vengeance les arbres de mon voisin, de démolir sa maison ou de tuer ses enfants.

Admettons, pour les besoins du débat, qu’Israël ait « le droit d’exister en tant qu’État juif » – ou le droit de conserver son « caractère juif » ou son « caractère juif et démocratique », pour utiliser d’autres formulations courantes – et que cela signifie en pratique qu’Israël a le droit de s’assurer une majorité démographique juive.

Laissons également de côté pour l’instant le fait que la majorité juive à l’intérieur des frontières d’Israël avant 1967 fut créée lorsque les milices sionistes et, plus tard, Israël chassèrent la majorité de la population autochtone palestinienne en 1947 et 1948 et empêchèrent ensuite son retour.

Tout d’abord, comment le droit d’Israël à maintenir en place une majorité juive peut- il être violé et par qui, et par quels moyens Israël peut-il faire respecter ce droit ?

En gros, il existe trois groupes de Palestiniens qui représentent une menace pour le droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif : les réfugiés palestiniens en exil, les citoyens palestiniens d’Israël et les Palestiniens de la Cisjordanie occupée et de la bande de Gaza. (Il y a aussi les citoyens de la Syrie qui, actuellement, vivent toujours sur les hauteurs occupées du Golan.)

Les réfugiés palestiniens pourraient violer ce droit en rentrant chez eux en nombre suffisant pour faire disparaître une majorité juive. Le remède direct exigé en permanence par Israël consiste à supprimer le droit au retour. Mais, même si les réfugiés palestiniens renonçaient à leurs droits et qu’aucun d’entre eux ne devait rentrer, ce serait insuffisant pour protéger pendant très longtemps le droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif de la menace plus pressante encore que constituent les Palestiniens vivant déjà dans les territoires contrôlés par Israël.

Ensemble, les citoyens palestiniens d’Israël et les Palestiniens des territoires occupés représentent la moitié de la population vivant sous domination israélienne. Pour le dire de façon plus simple, partout, les parents palestiniens bafouent le droit d’Israël de préserver une majorité juive en ayant des enfants, et leurs bébés, puisqu’ils ne sont pas nés de parents juifs, violent le droit d’Israël uniquement du fait qu’ils vivent et respirent.

Les Israéliens eux-mêmes perçoivent les naissances de bébés non juifs – que ce soit chez les citoyens palestiniens de l’État ou chez ceux des territoires occupés – comme une atteinte à leurs droits et une agression contre l’existence même d’Israël. L’emploi habituel par les hommes politiques et les médias du terme « menace démographique » pour décrire ces bébés atteste de ce phénomène (8).

« L’expression la plus vive de cette crainte », nous rappelle David Hirst, est venue de Golda Meir, Première ministre d’Israël dans les années 1970.

« Le taux de naissance des Palestiniens était tellement plus élevé que celui des Juifs que son sommeil en était souvent perturbé, disait-elle, à la pensée du nombre de bébés arabes qui étaient nés pendant la nuit (9). »

Mais la menace ne vient pas seulement des bébés arabes. Les réfugiés africains non juifs, les demandeurs d’asile et autres migrants violent eux aussi le droit d’Israël d’être juif en vivant dans le pays et en se reproduisant.

Maintenant que nous avons identifié les principaux contrevenants au droit d’Israël à exister en tant qu’État juif et le tort qu’ils causent à Israël par la seule procréation, nous devons nous interroger sur les remèdes qu’Israël pourrait chercher et nous demander si l’un ou l’autre de ces remèdes est adéquat.

Comme on l’a fait remarquer, la « menace » émanant des réfugiés palestiniens est abordée en supprimant leur droit au retour. Mais qu’en est-il des citoyens palestiniens d’Israël et des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza qui resteraient des contrevenants non contrôlés ? Les remèdes à la disposition d’Israël devraient inclure des mesures physiques et/ou politiques pour renverser et empêcher la poursuite des violations de son droit à l’existence en tant qu’État juif.

En théorie, ces mesures pourraient inclure l’expulsion des Palestiniens, une démarche qui servirait le double objectif de réduire leur nombre et d’éliminer le risque de futures violations par les bébés palestiniens qui pourraient naître parmi les personnes expulsées.

N’y parvenant pas, Israël pourrait promulguer des ordonnances restrictives obligeant les parents palestiniens à limiter le nombre d’enfants qu’il leur serait permis d’avoir, ou passer à d’autres pratiques destinées à dissuader les naissances des Palestiniens et à encourager celles des Juifs. Des mesures similaires pourraient être utilisées contre d’autres contrevenants non juifs aussi.

Parmi les mesures politiques ou juridiques, Israël pourrait punir et empêcher les violations en privant les citoyens palestiniens d’Israël de leur droit de vote ou en maintenant en place un régime séparé pour les Palestiniens en Israël et dans les territoires occupés, régime qui permettrait aux Juifs de continuer à diriger le pays sans qu’il y ait le moindre défi à leur pouvoir et à leur contrôle des ressources.

Telles sont les mesures qui découlent naturellement de l’affirmation du droit d’exister d’Israël en tant qu’État juif ; il est toutefois impossible d’imaginer que la moindre de ces mesures ne violerait pas outrageusement les principes fondamentaux des droits de l’homme, l’égalité et l’antiracisme.

N’empêche que bon nombre de ces idées nocives sont déjà en place ou sont fortement encouragées en Israël.

Au cours de la dernière décennie, Israël a intensifié les mesures visant à restreindre le droit des non-Juifs à une vie de famille et ce, afin de maintenir leur nombre au niveau le plus bas possible.

En 2003, Israël a introduit des amendements « temporaires » d’urgence dans sa loi sur la nationalité et l’entrée en Israël – amendements qui, depuis, ont été renouvelés chaque année par la Knesset – qui refusent la résidence ou la citoyenneté aux Palestiniens de la Cisjordanie occupée ou de la bande de Gaza qui épousent des citoyens israéliens.

La loi a été élargie en 2007 afin d’inclure les citoyens de l’Iran, de l’Irak, de la Syrie et du Liban, considérés comme des États ennemis (10).

Adalah, une organisation de défense juridique des droits des citoyens palestiniens d’Israël, a fait remarquer que cette loi ne ressemblait à aucune autre loi existante

« dans aucun État démocratique au monde, en privant les citoyens de s’assurer une vie familiale en Israël, et ce, uniquement sur base de l’ethnicité et de l’appartenance nationale de leur époux ou épouse (11) ».

Nominalement, Israël a justifié sa loi en s’appuyant sur des motifs « sécuritaires », et cette excuse a été rejetée par Human Rights Watch, qui a déclaré que cette

« interdiction hâtive, sans aucun examen individuel pour s’assurer que la personne en question pourrait menacer la sécurité, est injustifiée »

et « impose une entrave gravement disproportionnée au droit des Palestiniens et des citoyens israéliens de vivre avec leur famille ». La discrimination dans la loi pouvait se mesurer « par ses effets sur les citoyens palestiniens d’Israël comparés à ceux sur les citoyens juifs », faisait remarquer Adalah (12).

Le Premier ministre de l’époque, Ariel Sharon, admit le véritable but de la loi en 2005, quand son renouvellement fit l’objet d’un débat. « Il n’est pas nécessaire de se cacher derrière des arguments sécuritaires », avait déclaré Sharon. « Ce qui est nécessaire, c’est l’existence d’un État juif (13). »

L’objectif démographique de la loi fut réaffirmé en 2012, quand la Cour suprême d’Israël rejeta la plainte d’Adalah.

« Les droits de l’homme ne sont pas une prescription en faveur d’un suicide national », écrivit le juge Asher Grunis pour obtenir une majorité de 6 contre 5. En validant effectivement le découpage démographique, la décision de la cour ajoutait que

« le droit à une vie familiale ne devrait pas nécessairement être réalisé à l’intérieur des frontières d’Israël (14) ».

Je me souviens d’un jeune homme que j’avais rencontré en Afrique du Sud en 2010 et qui était né au Transkei – l’un des anciens bantoustans noirs nominalement indépendants et aujourd’hui disparus, instaurés par l’ancien gouvernement de l’apartheid – parce que ses parents avaient été forcés de s’y installer après avoir dû quitter Johannesburg pour avoir enfreint l’interdiction sud-africaine concernant les mariages mixtes.
Ces mesures avaient été justifiées par les dirigeants sud-africains dans les mêmes termes que ceux utilisés aujourd’hui par la Cour suprême d’Israël, de même qu’en 1953, le Premier ministre sud- africain Daniel Malan avait déclaré que « l’égalité (…) ne devait signifier ni plus ni moins qu’un suicide national, pour l’Afrique du Sud blanche (15) ».

Avec cette décision et une autre encore légitimant le pillage des ressources naturelles dela Cisjordanie occupée par les entreprises israéliennes,

« la Cour suprême d’Israël, qui servait de dernier rempart pour la préservation des droits de l’homme, a sérieusement changé de cap »,

mettait en garde Sarah Leah Whitson, directrice de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient (16).

Mais Whitson se trompait. La cour suivait bel et bien une voie délibérément choisie. En lieu et place d’une constitution écrite, Israël dispose de quatorze « lois fondamentales » qui officialisent diverses institutions de l’État, préservant les privilèges des Juifs et certains droits des non-Juifs, tout en violant les droits d’autres.

Un exemple important est celui de la « Loi fondamentale de 1980 : Jérusalem, capitale d’Israël », qui a pour but d’annexer Jérusalem-Est occupée en violation directe des lois internationales et contre la volonté des habitants légitimes de Jérusalem (17).

Aucune des lois fondamentales d’Israël n’est un projet sur les droits mais, en 1992, la Knesset a fait passer la « Loi fondamentale : la dignité humaine et la liberté » (18).

Cette loi « semble en apparence offrir une protection à tous les citoyens israéliens mais, en réalité, le texte est très inquiétant pour la minorité palestinienne », fait remarquer Ben White, auteur de « Palestiniens en Israël : ségrégation, discrimination et démocratie » (19).

La section 8 de cette loi fondamentale dispose :

« Il n’y aura pas de violation des droits sous la Loi fondamentale, excepté par une loi établissant les valeurs de l’État d’Israël et promulguée dans un but approprié et jusqu’à un point qui ne dépassera pas le but requis. »

Quant à ces « valeurs », on peut les trouver au début de la loi, qui commence en ces termes :

« Le but de cette Loi fondamentale est de protéger la dignité humaine et la liberté, afin d’établir dans une Loi fondamentale les valeurs de l’État d’Israël en tant qu’État juif et démocratique. »

L’inclusion des mots « juif et démocratique » ouvre la porte à toutes les formes de discrimination légale que le gouvernement israélien pratique depuis longtemps, souvent avec la bénédiction de la Cour.

La Loi fondamentale est encore vidée davantage de sa substance par sa clause finale qui permet que soient refusés ou restreints les droits qu’elle protège, « lorsqu’un état d’urgence a été instauré ».

La proclamation de « l’état d’urgence », renouvelée chaque année par la Knesset, existe depuis 1948. Sous ce prétexte, les autorités israéliennes ont systématiquement violé les droits des citoyens palestiniens d’Israël, y compris en interdisant à des personnes de se déplacer et en expropriant de vastes superficies de terre sans compensation et en les destinant à l’usage exclusif des Juifs.

Ces mesures ne doivent pas être perçues comme des aberrations – ou des « changements de cap » – mais comme faisant partie de la logique de départ, selon laquelle Israël a le droit d’exister en tant qu’État juif.

Alors que, dans la plupart des pays – et certainement dans tout pays se prétendant démocratique – les droits échoient aux citoyens sans discrimination, Israël fait une distinction fondamentale entre la citoyenneté et la nationalité. Les droits sont accordés sur base de la nationalité et non pas de la citoyenneté, et c’est la nationalité « juive » qui bénéficie du statut privilégié.

Au fil des années, plusieurs citoyens israéliens on demandé sans succès à la Cour suprême de faire changer l’enregistrement officiel de leur nationalité de « Juifs » en « Israéliens ». Mais la Cour a statué dans les années 1970 qu’« il n’y a pas de nation israélienne séparée de la nation juive » (20).

En 2013, la Cour suprême israélienne rejetait la dernière tentative d’un groupe de citoyens juifs de faire enregistrer leur nationalité en tant qu’« Israéliens » dans le registre de population. La Cour avait statué qu’un tel changement allait saper le « caractère juif » d’Israël (21).

Dès les toutes premières années d’Israël, ses lois ont mis à l’écart les Palestiniens et privilégié les Juifs de nombreuses manières. La loi de 1953 sur la nationalité, par exemple, a privé 750.000 réfugiés palestiniens de leur nationalité dans l’État qui avait été créé sur les ruines de leur terre natale et elle a annulé leur citoyenneté palestinienne, qui avait été reconnue par les autorités mandataires britanniques en 1925 (22).

Mais un aussi grand nombre de Palestiniens restés dans ce qui était devenu Israël furent forcés de demander leur « naturalisation » et de prononcer un serment de loyauté envers l’État juif. Une importante partie d’entre eux se virent refuser cette citoyenneté et furent expulsés.

La Loi sur la propriété des absents fut utilisée pour confisquer les terres et les propriétés réelles non seulement des réfugiés mais aussi des citoyens palestiniens d’Israël, qui se virent attribuer l’étiquette tout orwellienne d’« absents présents » (23).

Une part importante de leurs terres furent cédées au quasi officiel Fonds national juif, qui les administre et les alloue, non pas à des citoyens israéliens, mais spécifiquement à des Juifs, sur base d’une discrimination ouverte (24).

Pendant ce temps, alors que les Palestiniens étaient dénationalisés et dépossédés, des Juifs venus de n’importe où pouvaient revendiquer la nationalité israélienne dès l’instant où ils posaient un pied dans le pays et ce, en fonction de la loi discriminatoire sur le retour.

Même si la loi est simplement destinée à exclure les Palestiniens autochtones et à empêcher le retour des réfugiés tout en attirant des colons juifs, les sionistes défendent parfois la loi du retour en se basant sur le fait que d’autres pays, telle l’Irlande, accordent par le biais de la descendance la nationalité à des personnes nées à l’étranger (25).

De tels arguments partent du principe qu’une entité transhistorique appelée « le peuple juif » est l’indiscutable propriétaire et prétendante naturelledu pays, semblable en cela aux populations présentes en permanence et établies de façon stable dans d’autres pays (à l’exception bien sûr des Palestiniens, dont la présence permanente est niée ou rejetée comme non pertinente) (26).

Mais, même si nous acceptons cette allégation, ne serait-ce que pour répondre à l’argument, il existe des différences fondamentales. La république d‘Irlande accorde la citoyenneté à toute personne née à l’étranger si cette personne a au moins un grand- parent né en quelque endroit de l’île d’Irlande, soit dans la république, soit dans le Nord sous domination britannique (27).

Cela signifie à coup sûr que bien des personnes de la diaspora mondiale qui s’identifient à l’héritage celtique irlandais ou catholique irlandais sont habilitées à « retourner » en Irlande.

Mais il n’y a là aucune analogie avec la Loi israélienne sur le retour. Au contraire de cette dernière, la loi irlandaise ne comporte pas de conditions stipulant que les bénéficiaires doivent appartenir à un groupe culturel ethno-national ou religieux particulier.

La loi s’applique de la même façon aux personnes de descendance catholique irlandaise qu’aux personnes descendant de protestants dont les ancêtres sont arrivés en même temps que le colonialisme anglo-écossais, ainsi qu’aux personnes dont les ancêtres peuvent avoir immigré en Irlande depuis tout autre endroit du monde.

Une meilleure analogie avec la loi sur le retour se situerait dans la politique de l’Australie blanche telle qu’elle a été appliquée jusque dans les années 1970, favorisant l’immigration depuis l’Europe alors que les immigrants non européens et les aborigènes étaient confrontés à un horrible racisme officiel et à l’héritage permanent du colonialisme et de la perte des terres.

Certains sionistes « libéraux » ont prétendu que la discrimination qui envahit le moindre aspect des existences des citoyens palestiniens d’Israël consiste en abus malencontreux et réparables qui ne sont pas intrinsèquement nécessaires à la défense du « droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif ».

Comme le fait remarquer Tikva Honig-Parnass :

« La plupart des intellectuels sionistes de gauche partagent la conviction que les Palestiniens en Israël devraient être privés des droits qui incarnent et soutiennent l’identité nationale et l’existence des Juifs. Les intellectuels sont d’accord pour dire qu’en lieu et place, les Palestiniens devraient pouvoir bénéficier de l”“égalité civile” – à savoir l’égalité d’accès aux fonds des municipalités palestiniennes locales ou des institutions publiques et dans le financement des services religieux, éducatifs et sociaux. (28) »

Mais, en pratique, il s’est avéré extrêmement futile d’établir une distinction entre les droits « nationaux » privilégiés appartenant collectivement aux Juifs, d’une part, et, d’autre part, les droits « civils » dont peuvent bénéficier à titre égal tous les citoyens, y compris les Arabes. En réalité, de nombreux droits individuels en Israël sont directement liés à l’identité ethno-religieuse. Par conséquent, les dirigeants israéliens ont toujours considéré la limitation des droits fondamentaux et de l’espace vital des citoyens palestiniens au sein de l’État comme une nécessité fondamentale afin d’étendre et de préserver le contrôle politique et territorial juif.

Depuis la création d’Israël, aucun parti arabe n’a jamais été invité à participer à un gouvernement. Il s’agit d’une exclusion quasi totale du processus décisionnel politique toujours soutenu actuellement par deux tiers des Juifs israéliens (29). Les hommes politiques israéliens parlent fréquemment de décisions diversifiées, en particulier de celles concernant le « processus de paix » où le « caractère juif » d’Israël, en disant qu’elles nécessitent une majorité parlementaire parmi les partis sionistes (lisez : juifs), s’il faut qu’elles aient une légitimité politique et sociale.

En outre, il y a eu des tentatives répétées d’aller jusqu’à interdire la présence à la Knesset des partis représentant les citoyens palestiniens d’Israël. Par exemple, en 2009, la Commission électorale centrale de la Knesset votait pour interdire à deux partis arabes de participer aux élections de cette année-là, une décision rejetée plus tard par la Cour suprême. Mais, selon les partisans de l’interdiction, cette dernière était motivée pâr le fait que ces partis – de même que des représentants comme Haneen Zoabi – avaient fait preuve de « déloyauté » envers l’État (30).

De 1948 à 1966, les citoyens palestiniens d’Israël ont vécu sous la loi martiale et, au cours de ces années, on leur a confisqué de vastes étendues de terre. Les dirigeants israéliens n’ont pas caché le fait que le pouvoir militaire était un mécanisme visant à déposséder les citoyens palestiniens de leurs terres, de façon à pouvoir allouer ces dernières à des Juifs. Shimon Peres, ministre adjoint de la Défense en 1962, avait expliqué que ce n’était que grâce aux pouvoirs répressifs de la gouvernance militaire que « nous pourrons poursuivre directement le combat en faveur de l’implantation et de l’immigration juives » (31).

Le premier Premier ministre d’Israël, David Ben-Gourion, avait déclaré que

« la gouvernance militaire avait vu le jour pour protéger le droit à l’implantation juive dans toutes les parties de l’État » (32).

Les droits des non-Juifs n’entraient tout simplement pas en ligne de compte. Même après la cessation officielle de la gouvernance militaire, les expropriations foncières sans compensations au détriment des Palestiniens ne cessèrent pas.

En 1976, d’importantes confiscations de terres en Galilée déclenchèrent des marches et une grève générale auxquelles les autorités israéliennes répondirent par une violence létale. Ces protestations et la mort de six citoyens palestiniens d’Israël sous les balles de la police, sont commémorées partout par les Palestiniens le 30 mars de chaque année, en tant que Journée de la Terre (33).

Peu de choses semblent avoir changé dans le profil des responsables israéliens et sionistes chargés d’appliquer les mesures destinées à transférer les terres des Palestiniens dans des mains juives. « David Ben-Gourion a dit un jour que si nous ne parvenions pas à coloniser le Néguev, nous allions perdre Tel-Aviv », expliquait en 2012 – aux donateurs d’une collecte de fonds en Floride – Efi Stenzler, président du Fonds national juif, qui contribue activement à l’expulsion forcée des Bédouins palestiniens par le gouvernement. « Aujourd’hui, nous savons à quel point il avait raison. (34) »

De même, en 2009, le ministre du Logement Ariel Atias avait déclaré que c’était

« un devoir national que d’empêcher la prolifération d’une population dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’aime pas l’État d’Israël ».

Il parlait des citoyens palestiniens d’Israël.

« Si nous suivons la même voie que celle que nous avons suivie jusqu’à présent, nous allons perdre la Galilée »,

avait mis en garde Atias, ajoutant :

« Des populations qui ne devraient pas se mélanger se répandront là-bas. Je ne pense pas qu’il soit adéquat [pour elles] de vivre ensemble (35). »

Si nous suivons la logique d’Atias, une législation équivalente à la loi américaine pour un logement équitable (1968), qui fait partie des réformes de l’époque des droits civiques qui ont mis un terme à la ségrégation raciale, aboutirait à la désintégration d’Israël. Cet engagement passionné dans la domination par les Juifs de la terre et dans la ségrégation ethnique de la population s’est encore intensifié en 2011, quand la Knesset a fait passer une loi officialisant dans des centaines de villes juives des « commissions d’admission » nanties du droit d’exclure des résidents potentiels ne répondant pas à de vagues critères d’admission. Human Rights Watch a dénoncé ces commissions au sein desquelles des sièges sont réservés aux responsables de l’Agence juive ou de l’Organisation sioniste mondiale, comme étant une forme de « discrimination officiellement admise » en vue de tenir les Arabes à l’écart (36).

Des responsables locaux de premier plan ont prétendu que le fait de laisser vivre leur vie aux Palestiniens pouvait représenter une menace majeure contre l’intégrité territoriale de l’État juif. Shimon Gapso, le maire de Nazareth Illit (Ville haute), a rejeté avec colère une requête afin d’ouvrir la première école pour les 1900 enfants de la population arabe de la ville – un cinquième de ses 52.000 habitants – comme étant une « prise de position nationaliste provocatrice ». En expliquant son refus, Gapso avait insisté en disant :

« Nazareth Illit a été créée pour rendre la Galilée juive et elle doit sauvegarder ce rôle (37). »

Gapso aurait pu argumenter sa décision en disant qu’il ne faisait qu’appliquer la vision des fondateurs d’Israël. Sa ville avait été bâtie sur les hauteurs surplombant la ville palestinienne de Nazareth, sur les ordres de Ben-Gourion et de Peres. Ben-Gourion avait été « outré par la présence de tant d’“Arabes” en Galilée quand il avait parcouru la région de 1953 ». En 1948, il avait déjà émis une mise en garde : « Nous avons libéré la Galilée et le Néguev. Il ne suffit pas d’expulser l’envahisseur étranger », – telle était sa définition des Palestiniens autochtones – « nous devons le remplacer par les colons hébreux (38). »

Mais, au fil des décennies, comme la ville à majorité palestinienne de Nazareth n’avait bénéficié que de peu d’espace pour se développer, des familles arabes avaient emménagé à Nazareth Illit. Gapso profita des protestations des citoyens palestiniens lors des bombardements aériens sur Gaza par Israël, en novembre 2012, pour presser le gouvernement de proclamer la ville voisine de Nazareth « ville hostile ».

« Si cela ne dépendait que de moi, je ferais évacuer de cette ville ses résidents, ces gens qui haïssent Israël et dont la place normale se situe à Gaza et non pas ici »,

écrivait Gapso dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur (39). Alors qu’il était en lice pour sa réélection en 2013, Gapso défendit sa politique dans un éditorial de Haaretz, dont le titre témoignait d’une honnêteté réjouissante :

« Si vous estimez que je suis raciste, alors, Israël est un État raciste ».

Gapso prétendait que, dans un pays avec des « kibboutzim racialement purs et sans un seul membre arabe, avec une armée qui protégeait une certaine tension raciale », de même que des « partis politiques aux noms fièrement racistes » et « même notre hymne national raciste ignorant l’existence de la minorité arabe », les « libéraux » de Tel-Aviv

« faisaient preuve d’une hypocrisie vulgaire et d’une morale de saintes-nitouches en pâmoison » quand ils épinglaient sa ville comme raciste.

Le maire citait la Bible dans laquelle, disait-il,

« le Dieu d’Israël avait dit à Moïse comment opérer pour conquérir le pays : il devait le débarrasser de ses habitants du moment (40) ».

Gapso fut réélu à une majorité écrasante.

N’empêche que Gapso se montrait peut-être un peu déloyal envers Tel-Aviv, où il a un nombre très appréciable d’émules. Le maire adjoint de Tel-Aviv, Arnon Giladi, par exemple, dirigea la campagne de son parti, le Likoud, lors des élections municipales de 2013, en promettant de « réduire au silence » les mosquées encore présentes à Jaffa. Jadis capitale culturelle et commerciale de la Palestine, Jaffa vit la grande majorité de sa population forcée de s’enfuir par la mer lorsque les milices sionistes l’envahirent et l’occupèrent en 1948. Préoccupé par le fait que quelques milliers de Palestiniens avaient gardé leur mode de vie et leurs pratiques religieuses dans la ville – aujourd’hui annexée à la municipalité de Tel-Aviv –, Giladi y était allé d’une mise en garde :

« Il n’est pas possible qu’à quelques kilomètres à peine du centre ville, il existe une autonomie nationaliste palestinienne qui se soustrait aux valeurs de l’État d’Israël. »

Il promit que son parti allait

« agir pour remédier à cette situation et cristalliser un plan national qui garantirait que Jaffa continuerait à faire partie de l’État d’Israël et aurait également un caractère juif (41) ».

Ces dernières années, les Palestiniens restés à Jaffa ont lutté contre un embourgeoisement organisé afin de les faire partir au profit de nouveaux venus juifs financièrement plus aisés (42).

Le rapport étroit entre le besoin de réprimer les aspirations politiques et les droits des citoyens d’une part, et le « droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif » d’autre part, a été exprimé en 2008 par le journaliste de Haaretz, Israel Harel, quand il a mis en garde les dirigeants israéliens contre la reconnaissance du Kosovo, la province serbe qui avait fait sécession sous la tutelle de l’Otan en cette même année 2008. Harel, cofondateur et dirigeant influent du conseil représentatif des colons israéliens en Cisjordanie et à Gaza, était embarrassé par le précédent.

« La déclaration d’indépendance du Kosovo a suscité des inquiétudes dans certains cercles en Israël », écrivait-il (43). « Le jour pourrait ne pas être loin où les Arabes de Galilée se mettront à réclamer leur indépendance politique eux aussi. » Comparant les deux cas, Harel affirmait que

« les musulmans du Kosovo constituent la majorité absolue de la population, et la même chose est vraie pour les Arabes de Galilée »

– c’était le terme qu’il utilisait pour désigner les citoyens palestiniens d’Israël.

« Bon nombre de Juifs ont quitté la Galilée (…) et ils ne sont pas nombreux à rallier la population juive disséminée qui y vit, malgré toute une série d’incitatifs financiers. »

La conséquence d’avoir permis aux citoyens palestiniens d’exercer leurs droits ou d’exprimer librement leur identité culturelle et politique équivaudrait à mettre l’existence même d’Israël en danger :

« Au contraire des Kosovars des Balkans, qui sont satisfaits de leur province séparatiste et ne revendiquent pas la propriété de tout le territoire serbe, les Arabes de la Galilée, et certainement l’aile nord du mouvement islamique, revendiquent la propriété – politique et territoriale – de la totalité d’Israël. »

Harel comparait chaque droit supplémentaire pouvant être accordé aux citoyens palestiniens au fait de leur permettre de tailler une nouvelle tranche de salami. Bientôt, avant qu’Israël ne s’en rende compte, mettait-il en garde, les Arabes auraient avalé la totalité de l’État sioniste.

Même les budgets grossièrement inadéquats des services éducationnels et publics accordés aux communautés arabes en Israël sont étroitement liés à l’effort de préserver le caractère « juif » de l’État. Benjamin Netanyahou a très bien exprimé ce dilemme en faisant remarquer en 2003 :

« S’il y a un problème démographique, et il y en a effectivement un, c’est avec les Arabes israéliens qui resteront des citoyens israéliens (44). »

S’ils devaient

« être bien intégrés et en arriver à constituer de 35 à 40 pour 100 de la population, il n’y aurait plus d’État juif mais bien un État binational »,

avait expliqué Netanyahou, à l’époque ministre des Finances, dans Haaretz.

« Mais, si les Arabes s’en tiennent à 20 pour 100 et que les relations sont tendues et violentes, cela fera également du tort au tissu démocratique de l’État. »

Par conséquent, concluait Netanyahou, « il est nécessaire d’avoir une politique qui équilibre les deux ».

Il encensait également le mur de séparation construit par Israël en Cisjordanie, disant qu’il empêcherait un « débordement démographique ». Du palmarès des divers gouvernements israéliens, y compris ceux dirigés par Netanyahou, il apparaîtrait que des écoles décentes pour les citoyens palestiniens, des terres à suffisance pour le logement et le développement, un bon coup de pouce à l’emploi, un rôle dans le gouvernement et dans le processus décisionnel national et des symboles nationaux favorisant l’insertion pourraient tous provoquer une trop grande intégration et présenter par conséquent une menace existentielle pour le caractère juif d’Israël.

L’impact cumulatif des mesures israéliennes jugées nécessaires pour protéger le droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif peut se voir dans le fossé béant qui existe entre les citoyens juifs et palestiniens. Sikkuy, une organisation juive qui contrôle l’inégalité, a découvert que, dans quatre des cinq domaines qu’elle étudie pour établir son indice périodique d’égalité – santé, logement, éducation, emploi et bien-être social –, il y a eu entre 2006 et 2009 une « augmentation aberrante » de l’inégalité entre citoyens juifs et arabes (45).

La seule exception se situait dans l’éducation, où l’on constate une légère diminution de l’inégalité, bien que les écarts soient restés importants (46). Les Juifs vivent en moyenne quatre ans de plus que les citoyens palestiniens d’Israël ; cet écart s’est élargi. Le taux de mortalité infantile parmi les citoyens palestiniens, à 7,7 pour mille naissances vivantes, est 2,5 fois plus élevé que celui des bébés juifs. Chez les enfants de un à quatre ans, le taux de mortalité des garçons arabes est 3,5 fois plus élevé que celui des enfants juifs (47).

Non seulement les citoyens palestiniens d’Israël vivent en moyenne moins longtemps que les citoyens juifs et ont une éducation et des perspectives d’emploi nettement moins bonnes, mais ils sont également confrontés à une plus grande pauvreté tout au long de leur existence. Les chiffres sont on ne peut plus éloquents : en 2009, le taux de pauvreté officiel en Israël était de 17 pour 100 pour les Juifs, mais de 54 pour 100 pour les citoyens arabes. Chez les enfants, le taux de pauvreté se situait honteusement à 24 pour 100 pour les Juifs, mais à un choquant 63 pour 100 pour les Arabes (48).

La « pauvreté accélérée » parmi les citoyens arabes était le résultat des restrictions dans les programmes sociaux (les dépenses sociales annuelles par tête étaient de 551 shekels israéliens pour les Juifs et de 375 shekels pour les Arabes), de

« la politique d’exclusion et de l’absence d’une politique de soutien d’une représentation équitable des Arabes dans les divers secteurs du marché de l’emploi (49) ».

Les disparités dans l’enseignement commencent dès le plus jeune âge et s’accroissent tout au long du secondaire tant poures ressources, que le nombre d’élèves par classe, le taux d’échec ou de décrochage et les scores de réussite, et tous les chiffres démontrent que les Juifs sont avantagés.

Bien que, depuis les années 1990, il y ait eu une augmentation dans la proportion des citoyens palestiniens d’Israël ayant fréquenté l’université, ces étudiants doivent surmonter de sérieux obstacles. Israël n’a jamais permis la création d’une université de langue arabe par crainte qu’elle ne devînt un « foyer d’activité contre l’État et de radicalisme » et, probablement, une autre source de danger pour l’intégrité territoriale d’Israël et de son droit d’exister en tant qu’État juif, de sorte que les citoyens palestiniens d’Israël doivent fréquenter des universités à dominance juive s’ils veulent étudier dans leur propre pays (50).

Ils sont souvent barrés par des conditions d’admission qui requièrent la connaissance de l’hébreu et de l’anglais. Pour de nombreux étudiants arabes, fait remarquer Sikkuy, l’anglais est une quatrième langue, après l’arabe parlé, l’arabe littéraire standard et l’hébreu. Il s’ensuit que de nombreux étudiants se rendent à l’étranger pour leurs études. En 2009, on estimait que cinq mille citoyens palestiniens d’Israël étudiaient dans les seules universités de Jordanie (51).

Après avoir reçu un enseignement séparé et marqué par l’inégalité, il n’est pas étonnant de découvrir que

« les Arabes sont surreprésentés dans les industries à travail lourd et à bas salaires, dans celles ne requérant pas une main-d’œuvre spécialisée, dans la construction et l’agriculture »,

tout en étant

« presque entièrement absents des branches prestigieuses de l’économie proposant des salaires élevés »,

comme la technologie, la banque, les assurances et la finance, l’électricité et l’eau – les genres d’activités utilisées par Israël pour redorer son blason à l’étranger (52).

Bien des emplois sont proposés en requérant que le postulant ait accompli son service militaire, ce qui constitue un véritable obstacle pour les citoyens palestiniens d’Israël qui, à de rares exceptions près, ne servent pas dans l’armée israélienne. Les Juifs occupent 93 pour 100 des emplois dans les services publics, alors que les Arabes, qui constituent 20 pour 100 de la population, n’en occupent que 7 pour 100 (53).

Le taux de participation dans la main-d’œuvre des femmes juives était de 56 pour 100 en 2009, mais il n’était que de 19 pour 100 pour les femmes palestiniennes en Israël (54). La chose ne manque pas d’ironie, puisque Israël se vante fréquemment que les femmes arabes s’en tirent bien mieux sous son pouvoir que les femmes de tout autre pays arabe ou à majorité musulmane. Mais cela pourrait contribuer à expliquer pourquoi, dans l’indice sur l’égalité des genres, Israël occupait une très modeste 35eme place sur les 36 pays de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) (55).

Une exception à ces disparités énormes dans l’emploi concerne la profession médicale, « le seul environnement où une intégration relative s’est produite » et où, vers le milieu des années 1990, les citoyens palestiniens sont parvenus à occuper des positions d’avant-plan et ce, même dans les hôpitaux juifs (56). Bien que les services de santé du gouvernement aient proposé des salaires moindres que dans toute autre profession à qualification élevée, tel le secteur high tech, la médecine a été l’un des rares domaines de ce genre à s’ouvrir aux citoyens palestiniens, du fait qu’Israël était confronté à une pénurie chronique de médecins.

Même si les Arabes subissaient une concurrence croissante de la part des immigrés de l’ancienne Union soviétique, en 2011, un quart des étudiants en médecine en Israël étaient des citoyens palestiniens de l’État. Un pays qui cherche à éliminer des écarts sociaux persistants et sans cesse croissants devrait s’enorgueillir de cette réalisation et continuer à bâtir dessus. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit.

« En 2008, les universités israéliennes [leurs facultés de médecine] décidaient sans vergogne de relever l’âge d’admission de dix-huit ans à vingt »,

explique l’historien Ilan Pappé.

« Du fait qu’ils ne servent pas dans l’armée, les étudiants palestiniens pouvaient s’inscrire dans les universités israéliennes à l’âge de dix-huit ans. Toutefois, désormais, ils ne peuvent plus être admis, ni même postuler, avant que deux années se soient écoulées depuis l’obtention de leur diplôme de l’enseignement secondaire ; ils sont plus susceptibles de tenter leur chance à l’étranger ou peut-être aussi de poursuivre une autre carrière (57). »

La discrimination israélienne dans l’enseignement a pour effet d’encourager des milliers des meilleurs et des plus brillants citoyens palestiniens à se rendre à l’étranger, d’où beaucoup ne reviendront pas, comme sans aucun doute l’espèrent de nombreux Israéliens. Tout ceci se passe dans le même temps qu’Israël fait des efforts soutenus pour mettre un terme et inverser la fuite des cerveaux parmi les citoyens juifs les mieux formés et qui ont découvert de meilleures opportunités à l’étranger (58).

L’inquiétude exprimée par Netanyahou en 2003 à propos du nombre de citoyens palestiniens d’Israël atteignant des positions trop élevées, et sa crainte de voir ces citoyens trop bien s’intégrer, soulèvent la question de savoir si l’effet non déclaré mais bel et bien voulu de ce système complet de discrimination légale et bien réelle ne consiste pas à créer des conditions si pénibles que les citoyens palestiniens d’Israël n’auront d’autre choix que de s’en aller – non seulement s’ils veulent épouser la personne de leur choix, acquérir une meilleure éducation dans leur langue maternelle ou conserver leurs qualifications durement acquises dans une profession qui s’y rapporte, mais aussi pour avoir la possibilité de mener quelque existence vraiment digne.

Le discours de l’expulsion ou du « transfert » des Palestiniens d’Israël et de la Cisjordanie et de la bande de Gaza occupées gagne du terrain depuis longtemps, mais il a adopté une forme bien plus subtile au cours de ces dernières années (59). Peu de personnalités publiques israéliennes parlent aujourd’hui de forcer les Palestiniens à monter dans des camions et des autobus à la pointe du fusil et de les larguer en Jordanie. Ceci, peut-être, afin d’éviter de contrevenir à des lois qui empêchent les partis israéliens de plaider explicitement en faveur de l’expulsion, mais il se peut aussi que cela provienne de la compréhension de ce que ces idées nocives ont besoin d’un meilleur marketing et ce, particulièrement, dans l’arène internationale.

De nos jours, les projets d’exclusion sont destinés à donner le « choix » aux Palestiniens. Moshe Feiglin, élu à la Knesset en 2013 pour le parti Likoud de Netanyahou, a proposé de payer aux familles palestiniennes 500.000 dollars à chacune pour quitter définitivement la Cisjordanie (60). Il ne faut guère d’imagination pour voir Feiglin, qui a déclaré son intention de briguer la direction du Likoud, étendre cette idée aux citoyens palestiniens d’Israël, qu’il a accusés d’une « conquête arabe rampante et sournoise à l’intérieur même d’Israël » (61). En proposant de payer les Palestiniens pour qu’ils s’en aillent, Feiglin faisait passer dans l’opinion générale une idée avancée depuis des années par le Sommet de Jérusalem, une organisation d’extrême droite qui préconise ce qu’elle appelle une solution « humanitaire » au « problème » palestinien.

Le groupe se targue des mesures prises par l’ancien sénateur américain et actuel gouverneur du Kansas, Sam Brownback, et la baronne Caroline Cox, membre de la Chambre des Lords britannique, et ne fait pas d’effort pour déguiser l’islamophobie virulente diffusée largement sur son site Internet.

« C’est un problème que l’on peut envisager de traiter avec de l’argent – des montants particulièrement généreux payés aux Palestiniens pour s’en aller et se réinstaller dans quelque autre endroit du monde arabe musulman »,

µaffirme-t-il, en proposant « l’octroi de 100.000 à 150.000 dollars américains à chaque unité familiale » (62).

En 2007, des sondages ont révélé que « la moitié de la population juive d’Israël croit que l’État devrait encourager l’émigration arabe » (63). Aujourd’hui, des membres élus du parti dirigeant d’Israël défendent sans vergogne ces idées en public.

On entend également des allégations crédibles prétendant qu’Israël pourrait s’être engagé dans les méthodes les plus nocives de contrôle ethno-racial de la population. En 2012, nombre de femmes éthiopiennes ont déclaré qu’elles avaient été forcées de se faire inoculer un médicament de contrôle de naissance à effet très prolongé, le Depo-Provera, avant d’avoir l’autorisation d’émigrer en Israël. L’affaire a été révélée quand un journaliste israélien s’est lancé dans une enquête sur une baisse spectaculaire de 50 pour 100 des naissances parmi les femmes éthiopiennes, et ce, sur une brève période de dix ans, baisse qui ne pouvait s’expliquer par des facteurs sociaux.

Certaines de ces femmes ont affirmé qu’elles avaient été menacées et forcées de prendre le médicament alors qu’elles se trouvaient dans des camps de transit en attendant l’autorisation d’émigrer vers Israël et elles ont déclaré que si elles ne l’avaient pas pris, elles n’auraient pas eu la possibilité de partir et se seraient vu refuser des soins médicaux.

« Ils nous ont dit que c’étaient des inoculations », a expliqué une des femmes interviewées par Haaretz.

« Ils nous ont dit que les personnes qui enfantaient fréquemment souffraient. Nous le prenions tous les trois mois. Nous avons dit que nous ne voulions pas le prendre (64). »

Le gouvernement a nié cette pratique mais a ordonné aux cliniques de ne pas renouveler les prescriptions du contraceptif « pour les femmes d’origine éthiopienne ou autre s’il y avait le moindre doute qu’elle n’aient pas compris les implications de ce traitement (65) ». Plusieurs mois après que les allégations eurent vu le jour, le contrôleur de gestion de l’État d’Israël annonça une enquête indépendante (66).

Alors que les femmes concernées entraient en Israël dans le cadre de la Loi sur le retour uniquement applicable aux Juifs, les responsables israéliens et les rabbins de l’État ont longtemps retardé ou refusé l’entrée à des dizaines de milliers d’Éthiopiens dont la judéité n’était pas conforme aux critères officiels. Au début des années 1990, par exemple, le Premier ministre Yitzhak Shamir accusa officiellement des milliers d’Éthiopiens d’être des chrétiens sous le manteau (67).

Le programme de contraception fut géré par le gouvernement de Netanyahou, au sein duquel ce dernier occupait également les fonctions de ministre de la Santé. Netanyahou avait de plus affirmé de vive voix que les immigrés et réfugiés d’Afrique « menaçaient notre existence en tant qu’État juif et démocratique » (68). Plus frappant encore, au niveau de la propagation de la peur des immigrés, le ministre de l’Intérieur Eli Yishai avait déclaré :

« Les musulmans qui débarquent ici ne croient même pas que ce pays nous appartient, à nous les hommes ”blancs” » (69).

Les Éthiopiens pouvaient peut-être passer de mauvaise grâce pour juifs, mais ils ne pourraient jamais passer pour des blancs.

Le problème des deux États

Si l’approche d’Israël visant à empêcher les citoyens palestiniens de violer son droit à être juif est claire, désormais, que dire de la menace émanant des Palestiniens de la Cisjordanie et de la bande de Gaza occupées ?

Depuis une génération, l’approche la plus courante a été la «solution à deux États».  D’un point de vue sioniste, la logique est absolument directe : créer un État palestinien nominalement indépendant permettrait à Israël de faire disparaître des millions de Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza de ses registres de population, étayant de la sorte une majorité juive sans devoir perdre l’étiquette d’« État démocratique » qu’il s’accorde.

Depuis qu’Israël a retiré ses colons de Gaza en 2005 et déplacé ses forces d’occupation vers la périphérie afin d’imposer un blocus, beaucoup d’Israéliens croient déjà que le « problème » de Gaza a été résolu. Pourtant, les partisans sionistes d’une solution à deux États réitèrent souvent des mises en garde prémonitoires, disant que si Israël ne met pas un terme à son occupation de la Cisjordanie et ne permet pas l’émergence d’un État palestinien, Israël va devenir un État d’« apartheid », du fait que les Palestiniens dépassent les Juifs en nombre. Israël, craignent-ils, perdrait ainsi son droit d’être considéré comme une démocratie libérale.

En outre, certains partisans enthousiastes de cette approche ont reconnu ses limitations importantes et ses contradictions inhérentes. Si, pour répondre à cet argument, nous acceptons que la création d’un État palestinien, en gros selon les frontières de 1967, demeure réaliste et réalisable, il y aurait toujours 1,5 million de citoyens palestiniens d’Israël au sein même d’Israël, une perspective qui suscite une angoisse considérable chez les sionistes.

« Il y a une tension fondamentale entre les Israéliens arabes et juifs », fait remarquer Peter Beinart dans « La crise du sionisme ». « Les Israéliens juifs veulent qu’Israël soit un État juif, les Israéliens arabes pas. » Beinart espère qu’une solution à deux États produirait néanmoins un cercle vicieux qui obscurcirait ce conflit fondamental :

« Mais quand l’occupation cessera, les Israéliens arabes deviendront moins hostiles envers l’État juif, les Israéliens juifs deviendront moins hostiles envers les Israéliens arabes et la réconciliation entre la démocratie libérale et le sionisme s’en trouvera facilitée (70). »

Les prédictions optimistes de Beinart ne tiennent que très peu compte de l’histoire de la violence étatique d’Israël et de sa discrimination opiniâtre à l’égard des citoyens palestiniens, toujours justifiée au nom de la protection du caractère juif d’Israël. Il ne considère pas non plus que les tendances présentes et à venir laissent présager qu’un cercle plus vicieux encore devrait être le genre de solution à deux États que Beinart espère voir apparaître pour de bon.

Les craintes exprimées par Netanyahou, selon lesquelles trop d’intégration pour les citoyens palestiniens risque de transformer Israël en un « État binational » ne seraient susceptibles que de s’intensifier.

« C’est comme si quelqu’un vous vendait un appartement et vous demandait ensuite de permettre à sa belle-mère de continuer à y vivre »,

a expliqué Avigdor Lieberman, ministre israélien des Affaires étrangères et dirigeant du parti Yisrael Beitenu.

Pour Lieberman, il ne peut tout simplement pas être question d’envisager une solution à deux États qui ne déboucherait pas sur une majorité juive écrasante et permanente en Israël (71). En lieu et place, prétendait Lieberman, une solution

« au conflit doit s’appuyer sur un accord d’échange de territoires et de populations, et l’instauration d’une réalité de deux États nations homogènes, de façon à ne pas engendrer une situation dans laquelle les Palestiniens auraient un État et demi et les Juifs la moitié d’un État » (72).

En d’autres termes, Lieberman propose que les citoyens palestiniens soient dépossédés de leur citoyenneté et que les zones à forte densité de population palestinienne soient transférées à l’État palestinien, dans le même temps qu’Israël annexerait les terres qu’il a colonisées en Cisjordanie (73). La version de Lieberman d’une solution à deux États ne vise pas à « mettre un terme à l’occupation » ni à ressusciter l’âme « libérale » d’Israël. C’est une question de tripotage ethno-colonial de l’espèce la plus grossière.

Évincer les Palestiniens politiquement ou physiquement du corps politique d’Israël est une idée qui bénéficie d’un important soutien au sein du spectre politique sioniste, dont on peut convenir qu’il est assez étroit. Les Palestine Papers, des rapports confidentiels sur les négociations de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne et qui ont fait l’objet de fuites ont révélé qu’en 2008, la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Tzipi Livni, avait proposé d’annexer des villages arabes d’Israël au futur État palestinien, ce qui aurait, selon ses dires, forcé « des dizaines de milliers d’Arabes israéliens à choisir entre leur citoyenneté et leur terre » (74).

Lors d’une session, Livni, souvent présentée comme un personnage de type « colombe » (y compris par certains dirigeants de l’Autorité palestinienne), avait expliqué à ses interlocuteurs palestiniens :

« Notre idée est de faire référence à deux États pour deux peuples. Ou deux États nations, la Palestine et Israël, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, avec chaque État constituant la patrie de son peuple et l’accomplissement de ses aspirations nationales et de son autodétermination. »

Livni insistait :

« Israël est l’État du peuple juif – et j’aimerais mettre l’accent sur la signification de ”son peuple est le peuple juif” – avec Jérusalem comme capitale unie et non divisée d’Israël et du peuple juif depuis 3.007 ans (75). »

Livni, qui fut désignée comme ministre de la Justice au sein du gouvernement israélien formé en 2013, et fut chargée ensuite des négociations avec l’Autorité palestinienne, estime à l’instar de Lieberman que les termes « citoyen palestinien d’Israël » sont contradictoires. La formule de Livni – un code de ségrégation ethnique – fut adoptée en tant que politique officielle américaine. « Des négociations seront nécessaires », déclara le président Obama lors de sa visite présidentielle en Israël en mars 2013, « mais il y a peu de secret sur ce à quoi elles doivent aboutir – deux États pour deux peuples (76). »

De même, quelle est la viabilité de la vision utopique de Beinart consistant à résorber les écarts et à réduire les conflits après une nouvelle partition de la Palestine ? Quelle serait la possibilité, pour un État israélien réduit et ultra-nationaliste, obligé de panser ses blessures résultant de la « cession » de territoires et peut-être de la réinstallation de milliers de colons, de faire passer au premier plan la suppression des inégalités de plus en plus graves qu’il a imposées à ses citoyens palestiniens ? Un signe éloquent montre que, quand apparaissent des mesures objectives imposant inégalité et discrimination aux citoyens palestiniens d’Israël en même temps que des incitations hostiles aux Arabes et des lois ciblant les droits de ces derniers, les Juifs israéliens sont encore moins à même de percevoir ces réalités. Durant la décennie écoulée, le nombre de Juifs d’accord avec la position affirmant que « les citoyens arabes d’Israël sont discriminés par rapport aux Juifs » est retombé progressivement d’une moitié à 38 pour 100 à peine en 2012. En outre, 0,7 pour 100 seulement des Juifs israéliens estimaient alors qu’une « amélioration de la situation du secteur arabe » méritait d’être une priorité dans les dépenses du gouvernement (77).

L’attitude généralement de mise a été énoncée par le journaliste Shmuel Rosner dans un article déplorant le taux élevé des naissances à la fois chez les Arabes et chez les Juifs haredim, deux communautés fréquemment accusées d’absorber une part disproportionnée de l’aide sociale de l’État.

« Je dois admettre, à l’instar de bien d’autres Israéliens juifs, que j’en suis venu à me sentir aliéné et dénué de la moindre patience à l’égard des haredim et des Arabes »,

écrivait Rosner.

« Par conséquent, je perçois moins les besoins de leurs enfants que les fardeaux qu’ils ont imposés à Israël (78). »

En d’autres endroits, les genres de bouleversements et de répartitions qui seraient nécessaires pour créer quelque « solution à deux États » que ce soit et susceptible de satisfaire l’insistance d’Israël à propos de la suprématie juive, n’ont pas abouti à une harmonie mais à une exacerbation des conflits, de la violence et d’un nettoyage ethnique pur et simple. Toute tentative de créer une solution à deux États placerait les citoyens palestiniens d’Israël dans une position de risque immédiat, parce que tous les ingrédients qui ont existé dans d’autres pays pour qu’une minorité insultée et rejetée soit soumise à un surcroît de persécution ou d’expulsion directe sont présents en Israël (79).Un indicateur de l’actuel climat réside dans le simple fait que de parler de l’égalité complète des droits pour les citoyens palestiniens d’Israël peut être perçu par les autorités comme une violation du droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif. Au milieu des années 2000, des responsables élus, des intellectuels et des militants en provenance de la communauté palestinienne d’Israël ont publié plusieurs propositions largement discutées et visant à transformer Israël en un État démocratique libéral.

En captant l’esprit de ces efforts, l’un des documents avançait la notion à peine radicale selon laquelle

« la relation entre les Palestiniens et les Juifs en Israël devrait reposer sur une réalisation de l’égalité des droits humains et civiques s’appuyant sur des conventions internationales et des traités et déclarations internationaux qui s’y rapportent (80).

Mais le chef du service national israélien de renseignement, le Shin Bet, avait réagi promptement à ces propositions, en assurant que son service allait

« contrecarrer toute activité cherchant à nuire au caractère juif ou démocratique d’Israël, même si cette activité était organisée en recourant à des moyens légaux (81) ».

Depuis sa fondation, Israël s’emploie très activement à garder les citoyens palestiniens divisés au sein de sous-groupes distincts et souvent rivalisant de sectarisme – Druzes, chrétiens, musulmans, Bédouins – conformément à une politique du « diviser pour régner » visant à les empêcher de se constituer une identité nationale collective et de s’unir pour exiger l’égalité des droits (82). À coup sûr, le Shin Bet n’allait pas s’asseoir en attendant que tout ce gros travail soit détricoté.

Même Beinart a été forcé d’admettre qu’une solution à deux États pour les sionistes dépendait de la poursuite des violations des droits fondamentaux des Palestiniens.

« Je ne demande pas à Israël d’être utopique. Je ne demande pas qu’il permette aux Palestiniens qui ont été chassés (ou qui ont fui) en 1948 de rentrer chez eux. Je ne demande même pas de permettre la pleine et égale citoyenneté pour les Israéliens arabes, puisque cela pourrait requérir d’Israël qu’il ne soit plus un État juif »,

déclara-t-il dans Atlantic’s de Jeffrey Goldberg.

« Je serais plutôt d’accord de compromettre mon ”libéralisme” pour la sécurité d’Israël et pour son statut en tant qu’État juif (83). »

Il n’est pas le seul. L’engagement de Beinart en faveur du suprématisme juif est largement partagé par les élites « libérales » américaines qui remettent rarement en question la prétention d’Israël à avoir « le droit d’exister en tant qu’État juif ». Un exemple frappant de jusqu’où certains intellectuels de l’establishment sont prêts à aller pour répondre favorablement aux exigences des privilèges juifs est venu d’Anne-Marie Slaughter, ancienne professeure de sciences politiques et relations internationales de l’Université de Princeton et, en 2013 encore, présidente de la New America Foundation, un groupe « libéral » de réflexion, un think-tank, très influent.

Slaughter, qui fut également directrice de la planification politique du ministère américain des Affaires étrangères (le Département d’État) durant le premier mandat présidentiel d’Obama, proposait ce qu’elle appelait une « nouvelle conception de l’État » pour les Palestiniens et les Israéliens (84). Selon sa vision, les Palestiniens et les Israéliens pourraient vivre où ils le souhaiteraient dans la Palestine historique, en « formant une seule communauté binationale », mais ils auraient une citoyenneté dans des États juif et palestinien séparés et dont les frontières correspondraient en gros à celles de 1967. Jusque-là, cela ne semble pas dévier grandement du consensus de l’élite concernant la « solution à deux États ».

Mais voici où le bât blesse :

« Les Arabes israéliens seraient alors tenus de transférer leur citoyenneté, leur identité nationale et leurs droits de vote nationaux – mais par leur résidence – vers le nouvel État palestinien. »

Utilisant le prestige considérable de ses affiliations internationales, Slaughter a adopté le rêve de Lieberman et de Livni de priver les Palestiniens en Israël de leur citoyenneté et l’a blanchi en une excitante idée « nouvelle » et même progressiste. Selon la proposition de Slaughter, un Palestinien né à Nazareth et vivant à Nazareth deviendrait désormais, et tout d’un coup, un citoyen d’un État étranger et ce, uniquement en fonction de sa religion et de son identité ethno- nationale. Étant donné les actions et déclarations d’hommes politiques israéliens comme Netanyahou, Lieberman et Livni et des fonctionnaires comme le maire de Nazareth Illit, Shimon Gapso, combien de temps faudrait-il avant que ces « résidents permanents » palestiniens dans le pays de leur naissance soient forcés de quitter l’« État juif » pour de bon, comme tant d’autres Palestiniens l’ont été avant eux ?

Slaughter n’explique pas non plus quelle sorte d’appareil d’État il faudrait pour classifier les citoyens en de tels termes ethniques, étant donné le caractère inévitable du métissage entre humains. À quel « État » la progéniture issue de concubinages et de mariages mixtes, en admettant qu’elle soit autorisée, devrait-elle appartenir et quelle sorte de bureaucratie du type apartheid déciderait de la chose ?

En dépit de ce que Slaughter veut faire croire, il n’y a réellement pas grand-chose de neuf dans ce qu’elle avance. Sa proposition est émaillée de puissants échos du système des bantoustans instauré par l’Afrique du Sud de l’apartheid. Les noirs nés et élevés dans des villes comme Johannesburg ou Pretoria se virent notifier qu’ils étaient brusquement devenus des citoyens d’États nominalement indépendants comme le Transkei et le Ciskei, des régions d’Afrique du Sud dans lesquelles ils pouvaient très bien n’avoir jamais mis les pieds. Si les noirs voulaient voter et avoir une appartenance nationale, leur expliqua le régime suprématiste blanc, ce serait dans ces « patries » éloignées – des États fantoches appauvris qu’aucun pays au monde ne reconnaissait officiellement – mais pas dans l’Afrique du Sud elle-même dirigée par les blancs.

La proposition de Slaughter renvoie également des échos des parlements séparés de l’Afrique du Sud créés pour les Indiens et les personnes classifiées comme gens de couleur dans les années 1980, une réforme « libérale » destinée à empêcher l’effondrement éventuel du régime raciste. Moralement et juridiquement, l’idée de Slaughter n’est pas différente de ce qui se serait passé si les États-Unis avaient répondu à la lutte des droits civiques des Afro-Américains en désignant, par exemple, le Mississippi ou l’Alabama comme « l’État des noirs » et en déclarant que, peu importait l’endroit où ils vivaient aux États-Unis, les Afro-Américains ne pourraient avoir la citoyenneté et le droit de vote que dans l’État noir.

Sa suggestion dérangeante est une réminiscence de ce que les idées qui sont justement estimées répugnantes dans toute autre situation, sont souvent parfaitement acceptables pour des intellectuels « libéraux » tant que leur but réside dans la sauvegarde de la légitimation ou la dissimulation de la suprématie juive israélienne sur les Palestiniens.

Il s’agit d’apartheid, et alors ?

« Si le jour vient où la solution à deux États va s’écrouler et où nous assisterons à une lutte du même genre qu’en Afrique du Sud pour l’égalité des droits électoraux  pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza,  alors, dès que cela se produira, c’en sera fini pour l’État d’Israël »,

disait la fameuse mise en garde du Premier ministre Ehud Olmert en 2007 (85).

C’est cette crainte qui avait transformé ce partisan acharné du « Grand Israël » en un évangéliste de la solution à deux États et, si nécessaire, de la « séparation unilatérale » d’avec les Palestiniens. Les manifestations les plus brutales de cette séparation ont été les murs construits en Cisjordanie et la reconfiguration de l’occupation de Gaza en un siège et un blocus permanents. La mise en garde d’Olmert a été reprise de très nombreuses fois par des analystes israéliens et des sionistes « libéraux » américains dans l’espoir d’instiller chez les dirigeants israéliens et les administrations américaines l’urgence de créer un État palestinien avant que la « bombe à retardement démographique » ne s’affole.

Les partisans de la solution à deux États se rassurent d’un sondage à l’autre puisque ces sondages révèlent qu’une majorité écrasante de Juifs israéliens – trois quarts en 2012 – donnent la priorité au maintien d’une majorité juive dans l’État d’Israël plutôt qu’à la conservation de toutes les terres actuellement contrôlées par Israël (86). Trois cinquièmes des Israéliens ont même considéré qu’il était « urgent » pour Israël d’arriver à faire la paix avec les Palestiniens (87).

Mais une chose curieuse se produisit lors des élections de janvier 2013 en Israël. La coalition de Netanyahou, qui avait effrontément accéléré l’implantation des colonies en Cisjordanie occupée, demeura en place. Certains se réjouirent de la montée de Yesh Atid, un parti supposé centriste dirigé par l’ancienne personnalité de la télévision Yair Lapid, qui avait gagné quelques sièges au détriment du bloc de Netanyahou. Mais le glissement était illusoire.

Les « centristes » ne proposaient aucun défi au consensus sioniste en faveur du maintien du statu quo de l’occupation et de la colonisation de la Cisjordanie, du siège de Gaza et de l’exclusion politique des citoyens palestiniens (88). En effet, l’une des premières déclarations de Lapid visait à décréter l’inclusion des partis arabes au sein de la coalition gouvernementale (89).

Invoquant feu son père, Yosef « Tommy » Lapid, un survivant de l’Holocauste qui avait présidé le mémorial de l’Holocauste, le Yad Vashem, Yair Lapid insistait :

« Mon père n’avait pas quitté le ghetto pour venir ici et vivre dans un pays à moitié arabe et à moitié juif. Il était venu ici pour vivre dans un État juif (90). »

Les élections de 2013 marquèrent également la montée de Habeyit Hayehudi (Foyer juif), un parti dont le jeune président, Naftali Bennett, accuse Netanyahou de trahir le sionisme en étant d’accord en principe avec un État palestinien démilitarisé. Le parti de Bennett remporta douze des cent vingt sièges de la Knesset, ce qui lui valut un portefeuille dans le nouveau cabinet, aux côtés de Netanyahou et de Lapid. Durant sa campagne, Bennett déclara que la frontière de 1967 entre la Cisjordanie et l’Israël d’avant 1967 « n’avait aucun sens » et il promit :

« Je mettrai tout en œuvre pour faire en sorte qu’ils [les Palestiniens] n’obtiennent jamais un État. »

Pour Bennett, un entrepreneur prospère en Internet et un ancien soldat dans une unité d’élite, c’est une affaire toute simple :

« Le pays est le nôtre (91). »

Selon son plan, Israël annexerait ce que les Accords d’Oslo avaient désigné comme Zones C en Cisjordanie occupée – soit plus de 60 pour 100 du territoire – alors que des millions de Palestiniens pourraient disposer d’une autonomie dans les Zones A et B, des ghettos constitués par les principales villes et leur périphérie de villages.

En pratique, ce n’est pas très différent de la situation qui existe depuis des années, hormis que la revendication selon laquelle un État palestinien puisse un jour être créé serait abandonnée à jamais (92). La population palestinienne de la Zone C – estimée à cent cinquante mille personnes, bien que Bennett prétende qu’elle n’est que de cinquante mille individus – recevrait la résidence ou la citoyenneté israélienne afin, bizarrement, de

« contrer toutes les allégations d’apartheid » (93).

Mais ce serait une petite concession au prix élevé que coûterait le fait de priver des millions de Palestiniens supplémentaires de leurs droits de citoyenneté.

Au contraire de diverses autres propositions de « solutions à deux États », Bennett ne permettrait pas aux réfugiés palestiniens de rentrer un jour en Cisjordanie.

« Les descendants des réfugiés devraient être absorbés dans les pays où ils résident actuellement »,

prône le plan Bennett,

« et ils n’auront pas l’autorisation de se rendre à l’ouest du Jourdain. »

Il n’y aurait pas non plus de « passage sécurisé » entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. En lieu et place, Gaza serait complètement coupée du reste de la Palestine et les Palestiniens n’auraient pas le droit de se déplacer entre les territoires – cela ressemble fortement à la situation qui prévaut depuis des années mais, selon la proposition de Bennett, le « fardeau » de Gaza serait « cédé à l’Égypte » pour de bon.

Quant aux millions de Palestiniens parqués dans les Zones A et B, on leur accorderait une mesure d’« auto-gouvernance » sous la garde de l’armée israélienne, qui y maintiendrait

« une présence forte et assurerait un contrôle sécuritaire complet sur la Judée et la Samarie ».

Ce que Bennett voulait dire se précisa plus clairement quand il déclara au cabinet qu’Israël devrait exécuter sommairement les personnes qu’il capturait comme « terroristes ». Quand un collègue de cabinet déclara que la chose pourrait être illégale, Bennett répondit :

« J’ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie, et il n’y a aucun problème avec ça (95). »

Ce régime brutal éliminerait tout espoir des Palestiniens de réaliser un jour leur liberté dans leur propre pays et – espéraient les Israéliens d’extrême droite – se solderait par un

« exode potentiel des Palestiniens découragés vers l’est du Jourdain, où les Palestiniens sont déjà majoritaires (95) ». « Le monde ne reconnaîtra pas notre revendication de souveraineté, pas plus qu’il ne reconnaît notre souveraineté sur le mur des Lamentations, les quartiers de Ramot et Gilo à Jérusalem et les hauteurs du Golan »,

admet Bennett.

« En fin de compte, le monde s’adaptera à la réalité de fait (96). »

Bien que le résultat de Habeyit Hayehudi ait été impressionnant, avec douze des cent vingt sièges de la Knesset, il allait toujours avoir l’air d’un parti relativement marginal. Mais Bennett articule une pensée qui a une résonance bien plus large parmi les Israéliens. Et, en agissant de la sorte, il a forcé Netanyahou à reculer, même dans son engagement très léger en faveur d’un État palestinien (97).

Comment le public juif israélien – visiblement soucieux avant tout de conserver une majorité juive – pourrait-il être si rassuré à propos de l’officialisation d’un pouvoir permanent sur une majorité palestinienne ? La réponse, semblerait-il, est que le public juif israélien ne se soucie pas de la démocratie autant que le prétendent les gens qui mettent en garde contre une catastrophe démographique. En fait, trois quarts des Juifs israéliens préféraient

« qu’Israël reste un pays à majorité juive, alors qu’un quart préféraient qu’Israël continue à diriger toute la Terre d’Israël à l’ouest du Jourdain »,

estimait l’Institut israélien de la démocratie, en 2012. Et deux tiers disaient qu’ils s’opposeraient à la poursuite de la domination israélienne sur la Cisjordanie s’ils savaient que cela allait

« aboutir à un État pour les Juifs et les Arabes sur la Terre d’Israël, un État qui n’aurait pas une majorité juive ».

Ces conclusions – qui se répétaient d’un sondage à l’autre – sembleraient soutenir la cause des partisans des deux États disant que le peuple israélien acceptera finalement la création d’un État palestinien afin de garantir une majorité juive durable. Mais ce que l’étude découvrit ensuite nous propose un tout autre discours sur lequel on a rarement mis l’accent :

« La majorité (54 pour 100) n’était pas d’accord avec l’affirmation disant qu’un maintien du pouvoir dans les territoires allait déboucher sur un pays sans majorité juive. Quelque 54 pour 100 croient que le maintien du pouvoir dans les territoires n’empêchera pas Israël de rester un État juif et démocratique. En d’autres termes, le public [juif] préfère en fait qu’Israël soit un État juif plutôt que de continuer d’exercer le pouvoir sur la totalité de la Terre d’Israël, mais la plupart des gens ne croient pas qu’il y a une contradiction entre les deux objectifs (98). »

D’autres preuves de ce que Habeyit Hayehudi était à l’écoute de l’« esprit du temps » régnant dans le public juif israélien sont ressorties d’une étude de Haaretz quelques mois avant les élections et qui a révélé que 69 pour 100 des Juifs israéliens n’étaient pas d’accord d’octroyer aux Palestiniens le droit de vote si Israël annexait la Cisjordanie.

Trois sur cinq désiraient la priorité des Juifs sur les Arabes dans les emplois gouvernementaux et un sur deux voulait que

« l’État traite les citoyens juifs mieux que les citoyens arabes ».

Un bon tiers des Juifs israéliens désiraient une loi interdisant aux citoyens palestiniens d’Israël d’avoir le droit de vote et près de la moitié voulaient qu’une

« partie de la population arabe d’Israël soit transférée à l’Autorité palestinienne ».

Le groupe le plus anti-arabe était celui des Juifs ultra-orthodoxes, dont 95 pour 100 étaient partisans d’une discrimination ouverte dans l’emploi. Au sein du groupe le moins raciste, celui des Juifs israéliens laïcs, seuls 50 pour 100 croyaient que les Arabes ne devaient pas subir de discrimination (99).

À l’instar de Naftali Bennett, dont la femme est une chef pâtissière réputée, la plupart des Juifs israéliens pensent qu’ils peuvent recevoir leur gâteau cisjordanien et, de même, le manger.

Quelques mois après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement et suite à la nouvelle que le secrétaire d’État américain Kerry avait orchestré une reprise des pourparlers de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne, il s’avéra que le soutien nominal de longue date à une solution à deux États était en train de s’évaporer. En juillet 2013, l’Institut israélien de la démocratie découvrit qu’une grande majorité des Juifs israéliens rejetaient des éléments clés d’un accord de paix permanent

« comprenant des arrangements sécuritaires pour Israël, un État palestinien démilitarisé, des garanties internationales et une déclaration palestinienne confirmant la fin du conflit ».

Quelque 77 pour 100 des Juifs israéliens s’opposaient à la

« reconnaissance de principe par Israël du droit au retour, disant qu’un nombre restreint de réfugiés palestiniens auraient la permission de revenir et que les autres recevraient des compensations financières ».

Près de deux tiers s’opposaient au retrait à l’intérieur des frontières de 1967, même avec des « échanges de terre » et trois sur cinq s’opposaient à l’évacuation, ne serait-ce que des colonies moins importantes (100).

Ce que démontrent ces tendances concrètes, c’est que la grande majorité des Juifs israéliens se trouvent bien de la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie et que, contrairement à ce que prétendent les sionistes « libéraux », ils ne voient pas la nécessité urgente ou existentielle de mettre un terme à l’occupation.

Il n’existe pas de droit d’être raciste

Même dans les versions les plus « libérales » du sionisme, les droits de la grande majorité des Palestiniens subissent des atteintes irréparables. Les réfugiés devraient être bannis à jamais de leur patrie, uniquement parce qu’ils ne sont pas juifs. Les citoyens palestiniens d’Israël resteraient des citoyens de second rang d’un État dont le nationalisme juif ne pourrait jamais les intégrer et ils seraient probablement confrontés à des appels croissants en faveur de leur expulsion. Les Palestiniens dans un État tronqué en Cisjordanie et à Gaza vivraient au mieux sous des restrictions et des conditions qui rendraient vides de sens le caractère de l’État, leur souveraineté et leur indépendance. Dans la pratique, le « droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif » se traduit, comme le dit Joseph Massad, par un droit

« à coloniser la terre palestinienne, à l’occuper et à exercer des discriminations à l’égard du peuple palestinien non juif (101) ».

L’affirmation par Israël de son « droit d’exister en tant qu’État juif » n’a en outre jamais été reconnue nulle part par les lois internationales, alors que tous les droits palestiniens qu’Israël cherche à nier l’ont été itérativement et spécifiquement par d’importantes majorités au sein des Nations Unies. Ces droits dérivent directement de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Charte des Nations unies et de l’ensemble du corps des lois qui se sont développées durant la seconde moitié du 20eme siècle, afin de protéger les droits des peuples colonisés et indigènes.

Les sionistes revendiquent souvent la légitimité en s’appuyant sur le plan de partition de l’ONU en 1947, qui envisageait un « État juif » et un « État arabe ». Mais ce plan, jamais appliqué dans la pratique, aurait vu la création d’un « État juif » dont la moitié de la population aurait été palestinienne.

La résolution de partition stipulait que, dans chaque État,

« aucune discrimination de quelque sorte ne pouvait exister entre les habitants sur base de la race, de la religion, de la langue ou du sexe » (102).

Les pratiques habituelles d’Israël, justifiées comme nécessaires pour protéger son caractère juif, violent ce principe de façon on ne peut plus flagrante.

Israël a été créé en tant qu’« État juif » en chassant les Palestiniens et en empêchant leur retour. Il ne peut survivre sous cette forme qu’en maintenant les actuelles violations et en continuant à en commettre d’autres à l’encontre des droits des Palestiniens. Nier les droits de ces derniers où qu’ils soient, de sorte qu’Israël puisse conserver une majorité juive établie par la violence et la discrimination, bafoue tout principe contemporain des droits de l’homme et des lois internationales. Cette façon d’agir fait fi de la volonté du peuple palestinien, dont la grande majorité, après sept décennies ou presque, ne montre aucun signe d’être disposée à renoncer à ses droits. Respecter tous les droits des Palestiniens, par contre, requiert qu’il n’y ait aucune violation, quelle qu’elle soit, des droits légitimes des Israéliens. (*)

Le « droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif » est un droit sans le moindre remède – ou possibilité de réparation – réel, légal ou moral, et un droit dont l’application nécessite de commettre des actes terribles. Par conséquent, ce n’est absolument pas un droit. Ceci laisse ouverte la question de savoir si Israël a vraiment « le droit d’exister ». Ici, la réponse est directe. De deux choses l’une, les États existent ou n’existent pas et d’autres États les reconnaissent ou pas, mais aucun autre État n’a revendiqué un « droit abstrait à l’existence ».

Si Israël est de fait un État normal parmi d’autres nations comme ses fondateurs sionistes souhaitaient qu’il le fût, dans ce cas, il n’a pas de « droit à l’existence » plus grand que celui de l’Allemagne de l’Est, de la Tchécoslovaquie, du Vietnam du Sud ou de l’Union soviétique. Tous ces États se sont dissous et aucun d’eux n’est en position de défendre sous quelque forme que ce soit la revendication de pouvoir ressusciter sur base d’un « droit à l’existence » abstrait, dissocié du droit de ses résidents légitimes à l’autodétermination.

Même si sa légitimité était universellement acceptée, Israël n’aurait pas plus de « droit d’exister » que le Royaume-Uni, qui cesserait d’exister sous la forme qu’il a acquise depuis plus de trois siècles, si le peuple écossais devait voter en faveur de son indépendance.

De la même façon, la Belgique n’a pas de « droit intrinsèque à l’existence » si son peuple décide de la scinder en États séparés flamand et wallon.

Israël n’a pas un droit d’exister plus grand que celui de son principal soutien, les États- Unis, dont la propre déclaration d’indépendance affirme que

« dès que la moindre forme de gouvernement se mue en destructrice des droits inaliénables de ceux qui vivent sous sa gouvernance, c’est un devoir du peuple que de l’altérer ou de l’abolir et d’instaurer un nouveau gouvernement ».


Israël a-t-il le droit d’exister en tant qu’Etat juif” constitue le deuxième chapitre du livre d’Ali Abunimah  « The battle for justice in Palestine », édité en 2014 par Haymarket Books. (Traduction par Jean-Marie Flémal, avec l’autorisation de l’auteur).

Ali Abunimah est le cofondateur de The Electronic Intifada

Il a également écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse.

 

 

Notes de l’auteur

(1)-Ministère israélien des Affaires étrangères, « Reconnaissance mutuelle entre Israël et l’OLP – Lettres et discours – 10 septembre 1993 »,

(2)-Yasser Arafat, « La vision palestinienne de la paix », New York Times, 3 février 2002.

(3)-Ministre israélien des Affaires étrangères, « La réponse d’Israël à la Feuille de route », 25 mai 2003,

(4)-Maison-Blanche, « Remarques du président Obama et du Premier ministre israélien Netanyahou lors de leur conférence de presse », communiqué de presse, 18 mai 2009, http://www.whitehouse.gov/the-press-office/remarks- president-obama-and-israeli-prime-minister-netanyahu-press-availability.

(5)-Maison-Blanche, « Remarques du président Obama lors de la conférence politique de l’AIPAC en 2011 », communiqué de presse, 22 mai 2011

(6)-Cabinet du Premier ministre du Canada, « Déclaration du Premier ministre du Canada lors d’une conférence de presse commune avec Benjamin Netanyahou, Premier ministre de l’État d’Israël », communiqué de presse, 2 mars 2012, http://pm.gc.ca/eng/media.asp?id=4675.

(7)-Ted Sampell-Jones, « Le mythe d’Ashby vs. White », University of St. Thomas Law Journal 8, n° 1 (2010), http://ir.stthomas.edu/ustli/vol8/iss1/4. P
Pour un point de vue critique sur la relation entre les droits et les réparations, voir Daryl Levinson, « Caractère essentiel des droits et équilibre des réparations », Columbia Law Review 99, n° 4 (1999), 857-940. Levinson écrit : « Les droits dépendent des réparations non seulement pour leur application au monde réel, mais aussi pour leur portée, leur ampleur et leur existence même. »

(8)-Pour de nombreux exemples de l’emploi de ce terme ou d’expressions similaires, voir Ben White, Palestinians in Israel (Londres : Pluto Press, 2012), pp. 51-54 ; voir également Dan Perry, « Analyse : la gauche israélienne perçoit la fin de l’État juif », Associated Press, 11 janvier 2013.

(9)-David Hirst, The Gun and the Olive Branch (Le fusil et le rameau d’olivier) (New York : Thunder’s Mouth Press/Nation Books, 2003), p. 369.

(10)-White, Palestinians in Israel, pp. 13-14.

(11)-Adalah, « La Cour suprême israélienne confirme l’interdiction de regroupement familial », communiqué de presse, 12 janvier 2012

(12)-Human Rights Watch, « Israël : Les décisions de la Cour suprême sapent les droits de l’homme », communiqué de presse, 20 janvier 2012, c

(13)-Aluf Benn, « La législation cherche à entraver la citoyenneté pour les Palestiniens et les non-Juifs », 5 avril 2005, http://www.haaretz.com/print-edition/news/legislation-seeks-to-hinder-ciitizenship-for-palestiniens-non-jews-1.155055.

(14)-Harrier Sherwood, « La Cour entérine la loi interdisant aux époux(-ses) palestiniens de vivre en Israël », Guardian, 12 janvier 2012.

(15)-United Press, « La suprématie blanche est en danger, a mis en garde l’Afrique du Sud », 13 avril 1953, publié dans Lodi News-Sentinel, 14 avril 1953, http://news.google.com/newspapers? id=JYgzAAAAIBAJ&sjid=_e4HAAAAIBAJ&dq=must-inevitably-mean-to-white-south-africa-nothing-less-than-national- suicide&pg=4489%2C1382535

(16)-Note (12) op.cit.

(17)-Cette loi fondamentale a été adoptée par la Knesset le 30 juillet 1980. Le 30 juin 1980, le Conseil de sécurité des Nations unies avait adopté la Résolution 476, qui stipulait que le Conseil était « grandement préoccupé par les démarches ligislatives engagées à la Knesset israélienne dans le but de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem ». La résolution « reconfirme également que toutes les mesures et actions législatives et administratives prises par Israël, le pouvoir occupant, qui ont pour but de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem, n’ont aucune validité juridique et constituent une violation flagrante de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et constituent également une grave obstruction à l’obtention d’une paix totale, équitable et durable au Moyen-Orient ».

(18)-Loi fondamentale : La dignité humaine et la liberté, 1992

(19)-White, op.cit., p. 15.

(20)-Ibidem, pp. 12-13.

(21)-Associated Press, « La Cour israélienne rejette la nationalité israélienne, en disant qu’elle pourrait nuire au caractère juif », 4 octobre 2013.

(22)-Pour le résumé et la définition de la citoyenneté palestinienne, voir : Commission de conciliation des Nations unies pour la Palestine, « Définition d’un ”réfugié”, sous le paragraphe 11 de la Résolution de l’Assemblée générale du 11 décembre 1948 ,9 avril 1951.

(23)-Ilan Pappé, The Forgotten Palestinians : A History of the Palestinians in Israel (Les Palestiniens oubliés : Histoire des Palestiniens en Israël) (New Haven, CT : Yale University Press, 2011), pp. 35-47.

(24)- Voir White, op.cit., pp. 22-50.

(25)-Voir, par exemple : Benett Ruda, « La Loi israélienne du retour : l’un des nombreux pays dotés d’une telle loi », Daled Amos (blog), 27 février 2012

(26)-Pour l’histoire du concept du « peuple juif » en tant qu’entité cohérente et transhistorique et ses origines au 19e siècle, voir : Shlomo Sand, The Invention of the Jewish People (L’invention du peuple juif) (Londres/New York : Verso,2009).

(27)-Service irlandais de naturalisation et d’immigration, Département de la Justice et de l’Égalité, « La citoyenneté via les origines »

(28)-Tikva Honig-Parnass, False Prophets of Peace : Liberal Zionism and the Struggle for Palestine (Les faux prophètes de la paix : le sionisme libéral et la lutte pour la Palestine) (Chicago : Haymarket, 2011), p. 54.

(29)-Ephraim Yaar et Tamar Hermann, « L’indice de paix : octobre 2012 », Institut israélien de la démocratie, octobre 2012, http://en.idi.org.il/media/1838538/Peace%20Index-October%202012.pdf.

(30)-Nathan Jeffay, « Citant la déloyauté, la Knesset interdit l’accès aux élections aux principaux partis arabes », Jewish Daily Forward, 23 janvier 2009.

(31)-Cité dans Sabriu Jiryis, The Arabs in Israel (New York : Monthly Review Press, 1976), p. 53. (32)-Ibidem, p. 53.

(33)-Pappé, Forgotten Palestinians op.cit., pp. 126-134.

(34)-Steve Linde, « Notes de la rédaction : c’est maintenant ou le Néguev », Jerusalem Post, 25 octobre 2012. De même, Yaron ben Ezra, directeur général de la division d’« implantation » de l’Agence juive, expliquait que le but des plans israéliens de développement dans le Néguev était de « faire main basse sur les dernières parcelles de terre restantes et d’empêcher de la sorte de nouvelles incursions bédouines dans d’autres terres de l’État et le développement d’une ceinture arabe depuis le sud du mont Hébron en direction d’Arad et des parages de Dimona et de Yeruham, de même que dans la zone s’étendant en direction de Be’er Sheva ». Voir Ranit Nahum-Halevy, « La judaïsation du Néguev à tout prix », Haaretz, 9 janvier 2012.

(35)-Guy Lieberman, « Le ministre du Logement : L’expansion de la population arabe doit cesser », Haaretz, 2 juillet 2009.

(36)-Human Rights Watch, « Israël : Les nouvelles lois marginalisent les citoyens arabes palestiniens », communiqué de presse, 20 mars 2011, http://www.hrw.org/news/2011/03/30/israel-new-laws-marginalize-palestinian-arab-citizens; voir également White, op.cit., pp. 48-50.

(37)-Jack Khoury, « Le maire de Nazareth Illit : Pas d’école arabe ici aussi longtemps que je serai en fonction », Haaretz, 17 janvier 2013.

(38)-Ilan Pappé, op.cit., p. 74.

(39)-Eli Ashkenazi et Jackie Khoury, « Rosh Ha’ir Notzrat Illit Le Yishai : Lehakhriz ‘Al Notzrat Ke’ir ‘Oyenet », Haaretz (en hébreu), 20 novembre 2012, http://www.haaretz.co.il/news/education/1.1869948. La lettre de Gapso a été publiée en hébreu. Pour une traduction en anglais, voir Ali Abunimah, « Israeli Mayor : Expel Palestinian Citizens of ”Hostile” Nazareth to Gaza for Opposing War » (Un maire israélien : Chassez vers Gaza les citoyens palestiniens de la ville ”hostile” de Nazareth, parce qu’ils s’opposent à la guerre), Electronic Intifada, 21 novembre 2012, http://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/israeli- mayor-expel-palestinian-citizens-hostile-nazareth-gaza-opposing-war.

(40)-Shimon Gapso, « Si vous estimez que je suis raciste, dans ce cas, Israël est un État raciste », Haaretz, 7 août 2013.

(41)-Ali Abunimah, « Le Likoud israélien espère achever le nettoyage ethnique de Jaffa », Electronic Intifada, 9 octobre 2013, http://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/israels-likud-hopes-complete-ethnic-cleansing-jaffa.

(42)-Sami Abu Shehadeh et Fadi Shbaytah, « Jaffa : D’une position éminente au nettoyage ethnique », Electronic Intifada, 26 février 2009

(43)-Israel Harel, « Le Kosovo existe déjà ici », Haaretz, 21 février 2008.

(44)-Gideon Alon et Aluf Benn, « Netanyahou : Les Arabes d’Israël constituent la vraie menace démographique », Haaretz, 18 décembre 2003.

(45)-La majorité de la population juive d’Israël est constituée de Juifs des terres arabes ou de leurs descandants. Toutefois, quand des organisations israéliennes comme Sikkuy utilisent le terme « Arabes » ou « Arabes israéliens », elles font allusion aux seuls citoyens palestiniens d’Israël, et non aux Juifs arabes.

(46)-Ali Haider, Alaa Hamdan et Yaser Awad, The Equality Index of Jewish and Arab Citizens in Israel (Index de l’égalité pour les citoyens juifs et arabes d’Israël) (Jérusalem : Sikkuy, 2010), 9, http://www.sikkuy.org.il/english/en2009/r_sikkuy09.pdf.

(47)-Ibidem, pp. 26-27.

(48)-Ibidem, p. 79.

(49)-Ibidem, pp. 75-77.

(50)-Pappé, op.cit., pp. 99-100. (51)-Sikkuy, Egality Index, p. 50.

(52)-Ibidem, p. 61 ; OCDE, « Israël : une société divisée ; résultats d’une étude sur le marché de l’emploi et la politique sociale », communiqué de presse, 20 janvier 2010

(53)-Sikkuy, Egality Index, p. 69.

(54)-Ibidem, p. 64. C’était moins qu’en Égypte (24 pour 100) et qu’au Liban (22 pour 100), et juste un peu plus qu’en Arabie saoudite (17 pour 100) et en Jordanie, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (15 pour 100), et considérablement moins qu’au Yémen (25 pour 100), en Turquie (28 pour 100), aux Émirats arabes unis (44 pour 100), au Qatar (52 pour 100) et au Soudan (31 pour 100). Voir : Banque mondiale, “Labor participation rate, Female (% Female Population Ages 15+),” tableau dans “World Development Indicators”

(55)-OCDE, Indice d’une vie meilleure, ressource en ligne, http://www.oecdbetterlifeindex.org/countries/israel/.

(56)-Pappé, op.cit., p. 166. (57)-Ibidem.

(58)-Nadav Shemer, « Inverser la fuite des cerveaux en Israël », Jerusalem Post, 14 juillet 2011. Voir aussi BioAbroad, une organisation qui travaille avec le gouvernement israélien pour aider les hommes de science israéliens à rentrer chez eux et qui a des partenariats avec plusieurs importantes universités israéliennes. Selon ce que révèle un examen du site Internet de l’organisation (bioabroad.org.il), l’équipe et ses responsables ne prennent en compte aucun citoyen palestinien d’Israël.

(59)-Pour la relance de l’intérêt israélien pour des projets visant à expulser les Palestiniens, voir mon ouvrage One Country (Un seul pays) (New York : Metropolitan Books, 2006), chapitre 3.

(60)-Jewish Telegraphic Agency (Agence télégraphique juive), « Le plan de Feiglin paierait les Palestiniens pour quitter la Cisjordanie », 2 janvier 2013.

(61)-Moshe Feiglin, « La cinquième colonne en Israël ».

(62)-Martin Sherman, « Redéfinir le problème palestinien », site Internet du Sommet de Jérusalem, 28 août 2005. Sherman est identifié en tant que « directeur académique du Sommet de Jérusalem et chargé de cours en Sciences politiques à l’Université de Tel-Aviv ».

(63)-Yoav Stern, « Sondage : 50 % des Juifs israéliens soutiennent l’émigration arabe appuyée par l’État », Haaretz, 27 mars 2007.

(64)-Talila Nesher, « Israël reconnaît que les femmes éthiopiennes se sont vu administrer des injections destinées à contrôler les naissances », Haaretz, 27 janvier 2013.

(65)-Talila Nesher, « Le ministre israélien désigne une équipe afin d’enquêter sur la controverse issue des inoculations de contrôle des naissances chez les Éthiopiennes », Haaretz, 28 février 2013.

(66)-Asher Zeiger, « Le contrôleur de l’administration va examiner les allégations concernant le contrôle des naissances chez les Éthiopiennes », Times of Israel, 14 juillet 2013.

(67)-Len Lyons, « Finalement, les derniers Juifs éthiopiens entament leur exode vers Israël », Jewish Daily Forward, 9 septembre 2011.

(68)-Alistair Dawber, « Israël a pratiqué le contrôle des naissances sur des Juives éthiopiennes sans leur consentement », Independent, 27 janvier 2013.

(69)-Dana Weiler-Polak, « Israël adopte une loi permettant aux autorités d’arrêter des immigrés illégaux et de les détenir pendant 3 ans », Haaretz, 3 juin 2012. J’ai cité la traduction de Haaretz de la déclaration de Yishai. Yishai a fait sa déclaration originale en hébreu lors d’une interview accordée à NRG, le site Internet du journal Maariv. Yishai avait dit : « La plupart des gens qui viennent ici sont des musulmans qui ne croient pas que le pays nous appartient à nous, les hommes blancs. » Voir Shalom Yerushalmi, « Eli Yishai b’re’ayon meyudad : ”Ze o anahnu o hem” », NRG (en hébreu), 1er juin 2012.

(70)-Peter Beinart, Crisis of Zionism (La crise du sionisme) (New York : Times Books, 2012), p. 25.

(71)-Barak Ravid, « Lieberman : Les pourparlers de paix doivent réaffirmer le droit à la citoyenneté des Arabes israéliens », Haaretz, 19 septembre 2010.

(72)-Ronny Sofer, « Lieberman réclame un échange de population », Ynet, 28 octobre 2007.

(73)-Barak Ravid, « Lieberman présente des plans d’échange de population aux Nations unies », Haaretz, 28 septembre 2010.

(74)-Gregg Carlstrom, « Expulser la population arabe d’Israël ? », Al Jazeera English, 24 janvier 2011.

(75)-Ali Abunimah, « Un glissement dangereux sur les frontières de 1967 », Al Jazeera English, 24 janvier 2011.

(76)-Maison-Blanche, « Remarques du président Barack Obama à l’adresse du peuple d’Israël », communiqué de presse, 21 mars 2013.

(77)-Tamar Hermann, Nir Armor, Ella Heller et Yuval Lebel, The Israel Democracy Index 2012 (Indice 2012 de la démocratie en Israël) (Tel-Aviv : Israel Democracy Institute, 2012), pp. 64, 88.

(78)-Shmual Rosner, « Enfants d’Israël », International Herald Tribune, 28 août 2013.

(79)-Je développe cet argument plus en détail dans deux articles : Ali Abunimah, « Un curieux cas d’exceptionnalisme : les approches non partitionnistes du règlement du conflit ethnique et de la question de la Palestine », Ethnopolitics 10.3- 4 (2011), pp. 431-444, et Ali Abunimah, « Écartez le couteau du partitionniste et pensez nouveau : Une réponse à Bose, Adam et Oberschall », Ethnopolitics 10.3-4 (2011), pp. 461-465.

(80)-Commission nationale des dirigeants des autorités arabes locales en Israël, La vision future des Arabes palestiniens en Israël (Nazareth : Comm. Nat. 2006) ; Adalah, La Constitution démocratique (Shafa’amr : Adalah 2007); Yousef T. Jabareen, Une constitution égale pour tous ? À propos d’une constitution et de droits collectifs pour les citoyens arabes en Israël (Haïfa : Mossawa, 2007) ; Mada al-Carmel, La déclaration de Haïfa (Haïfa : Mada al-Carmel, 2007), . La citation provient du premier document cité dans cette note.

(81)-Yoav Stern, « Les dirigeants arabes dévoilent leur campagne de relations publiques contre le Shin Bet », Haaretz, 6 avril 2007.

(82)-Voir Ilan Peleg et Dov Waxman, Israel’s Palestinians : The Conflict Within (Les Palestiniens d’Israël : Le conflit intérieur) (Cambridge : Cambridge University Press, 2011), pp. 19-47 ; et Pappé, op.cit.

(83)-Jeffrey Goldberg, « Goldblog vs. Peter Beinart, 2e partie », Atlantic, 18 mai 2010.

(84)-Anne-Marie Slaughter, « Une solution sous forme d’un nouvel État pour Israël et la Palestine », Al Jazeera English, 26 mars 2013.

.(85)-Barak Ravid, David Landau, Aluf Benn et Shmuel Rosner, « Olmert à Haaretz : La solution à deux États, ou Israël s’y prête », Haaretz, 29 novembre 2007.

(86)-Idem note 29.

(87)-Idem note 29.

(88)-Max Blumenthal, « Pourquoi les élections israéliennes ont été une victoire pour la droite », Nation, 23 janvier 2013.

(89)-Ali Abunimah, « Le racisme normal : les élections sont terminées, le faiseur de roi ”centriste” Yair Lapid évite les citoyens palestiniens d’Israël », Electronic Intifada, 23 janvier 2013.

(90)-Karl Vick, « Yair Lapid : une interview du nouveau faiseur de pouvoir d’Israël », TIME, 31 janvier 2013.

(91)-David Remnick, « Les fidèles au parti », New Yorker, 21 janvier 2013.

(92)-Naftali Bennett, « Initiative en faveur de la stabilité israélienne : Un programme pratique de gestion du conflit israélo-palestinien », onestateisrael.com, mars 2012.

(93)-Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires – Territoires palestiniens occupés, « Fiche détaillée du plan de réponse humanitaire en Zone C », août 2010, . Ce document comporte une estimatiion de la population en Zone C.

(94)-Ariel Ben Solomon, « Bennett en point de mire pour ses commentaires au sujet des tueries d’Arabes », Jerusalem Post, 30 juillet 2013.

(95)-Idem note 91.

(96)-Bennett, « Initiative en faveur de la stabilité israélienne ».

(97)-Harriet Sherwood, « Benjamin Netanyahou rejette les appels en faveur d’un État palestinien à l’intérieur des frontières de 1967 », Guardian, 20 janvier 2013.

(98)-Idem note 29.pt

(99)-Gideon Levy, « Enquête : La plupart des Juifs israéliens n’accorderaient pas le droit de vote aux Palestiniens en cas d’annexion de la Cisjordanie », Haaretz, 23 octobre 2012.

(100)-Ephraim Yaar et Tamar Hermann, « L’indice de paix : juillet 2013 », communiqué de presse, Institut israélien de la démocratie, 6 août 2013.

(101)-Joseph Massad, « Les droits d’Israël », Al Jazeera English, 6 mai 2011.

(102)-Susan Akram, « Les droits des réfugiés palestiniens et les solutions territoriales dans la Palestine historique », dans The Failure of the Two-State Solution : The Prospects of One State in the Israel-Palestine Conflict (L’échec de la solution à deux États : les perspectives d’un seul État dans le conflit israélo-palestinien), réd. Hani Faris (Londres/New York : I. B. Tauris, 2013), pp. 171-184 ; Massad, « Les droits d’Israël ».

Ali Abunimah

(*) : c’est un sujet qu’Ali Abunimah aborde dans le septième chapitre de son ouvrage.

 

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