D’une Jérusalem «unifiée» à un Grand Jérusalem

Ir Amim publie une nouvelle carte qui montre l’annexion prévue par Israël autour de Jérusalem, conformément au plan de Trump.

Bien des signes montrent que le « Grand Jérusalem » ou, du moins, une partie, sera inclus dans le plan de l’annexion officielle, en 2020.

De plus, dans le sillage des pressions émanant aussi bien d’Israël que de l’étranger, des propositions de remplacement en vue d’une annexion qualifiée de « mineure » espérée à l’intérieur même du « Grand Jérusalem », ont été suggérées.

Par contre, les conséquences d’une « annexion mineure » n’auront absolument rien de mineur, elles.

Le « Grand Jérusalem » pénètre profondément à l’intérieur de la Cisjordanie, en coupant carrément la région en deux.

L’annexion ne fera que la diviser encore plus en enclaves additionnelles. Même sans d’autres démarches vers l’annexion, le « Grand Jérusalem » seul compromet vilainement les chances d’une solution à deux États et refuse aux Palestiniens le droit à l’autodétermination.

Découvrez ci-dessous une analyse et des explications plus détaillées sur les ramifications directes de l’annexion autour de Jérusalem.

Il est possible de décharger la carte depuis ce lien. L’annexion unilatérale par Israël constitue une partie du plan Trump. Pour une analyse plus en profondeur des ramifications du plan Trump, consultez l’article d’Ir Amim. Cette alerte se concentre sur les implications de l’annexion dans le Grand Jérusalem.

 

 

 

Carte (Ir Amim, juin 2020) : L'annexion prévue afin de constituer un Grand Jérusalem

Carte (Ir Amim, juin 2020) : L’annexion prévue afin de constituer un Grand Jérusalem. Ligne verte : Ligne d’armistice de 1949 (Green Line)
Ligne bleue : Limite de la municipalité
Zone bordée d’ocre: Vieille Ville de Jérusalem
Ligne rouge : Route de la Barrière telle qu’elle existe actuellement
Ligne ocre : Route de la barrière telle que prévue
Point noir : Check-point
Zone bleu foncé : Zone bâtie israélienne
Zone bleu ciel : Futur plan de construction d’Israël (E1…)
Zone ocre : Zone bâtie palestinienne
Zone bleu pâle : Annexion selon le plan de Trump
Zone hachurée en bleu : Annexion de 1967

Comme le permettra de voir l’analyse qui suit, la moindre « petite » annexion dans le Grand Jérusalem aura en fait des impacts particulièrement négatifs :

* L’annexion du Grand Jérusalem érodera plus encore l’espace palestinien autour de Jérusalem et accroîtra sa déconnexion de Jérusalem-Est. En même temps que la construction accélérée de colonies, ces actions ne laisseront guère de chance pour une future capitale palestinienne à Jérusalem et, de ce fait, son impact négatif pourrait être irréversible.

* Le Grand Jérusalem, c’est là où les plans israéliens d’infrastructure, de construction de colonies et de déplacement de population sont les plus détaillés et ont atteint divers stades de réalisation. Par conséquent, l’annexion accélérera grandement les actions israéliennes dans la zone.

* En raison de la densité de la population palestinienne autour de Jérusalem, tant dans la zone ciblée pour l’annexion que dans la zone immédiatement extérieure – et de façon pas moins importante – , l’annexion de la zone du Grand Jérusalem se traduira par de graves violations des droits humains.
 

L’ érosion de l’espace palestinien autour de Jérusalem

Autour de Jérusalem, l’annexion pénétrera en profondeur en Cisjordanie et comprendra des zones des deux côtés de la barrière de séparation. Elle transformera l’espace qui se brisera sans cesse en enclaves isolées : au nord de Jérusalem, l’annexion entourera Ramallah sur trois côtés ; à l’est, elle submergera Abu Dis et Azaria et ira aussi loin que Jéricho ; au sud, l’annexion entourera Bethléem depuis trois directions et la coupera de bon nombre de villages voisins.

Par conséquent, la zone entre Ramallah et Bethléem – à vol d’oiseau, une distance de 25 kilomètres à peine – sera coupée en cinq enclaves. La zone de Jéricho en constituera une sixième, séparée.

Les localités palestiniennes seront déconnectées non seulement l’une de l’autre, mais aussi de parties importantes de leurs environs et de leurs villages voisins sur lesquelles elles s’appuient politiquement, socialement, économiquement ainsi que pour le développement urbain très nécessaire à l’avenir.

En outre, et c’est plus important encore, la déconnexion de toutes ces enclaves de Jérusalem-Est sera consolidée par une infrastructure routière et la construction massive de colonies.

Cette « enclavisation » résultera en une détérioration continue de l’économie palestinienne et elle affaiblira sans doute les institutions palestiniennes. En même temps, la frénésie de construction affichée par Israël dans les zones annexées peut créer une déconnexion irréversible entre ces enclaves et Jérusalem-Est. Une solution à deux États cessera d’être une option viable, alors que l’Autorité palestinienne aura de moins en moins la possibilité de pourvoir aux besoins de la population palestinienne.

La construction accélérée de colonies en zone E1 et dans d’autres zones autour de Jérusalem

Israël va faire progresser rapidement les plans de construction de colonies dans les zones annexées entourant Jérusalem. Les plans schématiques de cette construction en sont déjà à divers stades d’approbation. Une grande partie de l’infrastructure routière nécessaire pour une telle expansion a été construite ces dernières années, via l’investissement de milliards de shekels.

En raison de leur impact destructif sur la possibilité d’un État palestinien viable, les plus connus de ces plans sont ceux prévoyant la construction de milliers d’unités de logement en zone E1, entre Jérusalem et la colonie de Maale Adumim.

Les plans concernant E1 sont devenus une ligne rouge en politique internationale et, durant nombre d’années, Israël a dû se retenir de les faire progresser. Les choses ont changé avec l’annonce du plan Trump qui a donné le feu vert à Israël pour l’installation de colonies dans ces zones extrêmement sensibles. En effet, deux des plans pour E1, pour un total de 3 400 unités de logement, ont été récemment déposés, après un gel de huit ans.

Mais l’ampleur des plans israéliens concernant les zones entourant Jérusalem est nettement plus impressionnante. En 2015, un appel à la liberté d’information lancé par Peace Now a révélé que le ministère de la Construction avait embauché des planificateurs pour des douzaines de plans schématiques dans ce qu’on appelle les « blocs d’implantation » autour de Jérusalem :

* La zone autour de Givat Zeev, au nord-ouest de Jérusalem ;
* Les colonies le long de la Route 60, comme Geva Binyamin et Kochav Hashachar, au nord-est de Jérusalem, et qui isolent Ramallah à l’est ;
* Maale Adumim-E1, à l’est de Jérusalem et qui coupe Jéricho de Jérusalem-Est et Abu Dis de Ramallah ;
* Le conseil régional de Gush Etsion, au sud de Jérusalem et qui entoure Bethléem.

Les plans schématiques pour ces zones (qui en sont actuellement à divers stades du processus d’approbation) contiennent un total de plus de 30 000 unités de logement. Ils n’amplifient pas seulement les colonies, mais visent à créer des zones construites israéliennes contiguës qui empêcheront le développement de villes palestiniennes et qui rompront considérablement l’intégrité de l’espace palestinien.

Des violations extrêmes des droits humains

La zone ciblée pour l’annexion est déterminée selon les lignes d’une politique israélienne bien connue : « un maximum de territoire, un minimum de Palestiniens ».

À en juger par les pratiques israéliennes à Jérusalem-Est et en Zone C, on peut comprendre qu’un « minimum de Palestiniens » sera un but que la politique israélienne poursuivra de façon agressive dans les zones qu’elle parviendra à annexer :

Le statut juridique de la population palestinienne en territoire annexé : un mécanisme en vue de la déportation à grande échelle

Les communautés palestiniennes dans la zone entourant Jérusalem et ciblée pour l’annexion comprennent des villages de petite et moyenne importance outre des communautés minuscules et très vulnérables qui, très souvent, n’ont même pas d’infrastructure sur le plan de l’électricité et de l’eau.

Parmi les premiers, on trouve des villages comme Walaja (au sud de Jérusalem, entre Jérusalem et Bethléem) et A-Nabi Samwil (au nord-est) ; parmi les derniers, Khan al-Akhmar, dans la zone E1 à l’est de Jérusalem, est le plus connu.

Ces trois communautés souffrent d’une certaine variété de la politique de déportation. Bien que ces trois communautés soient les plus connues, elles ne sont certainement pas les seules dans la zone du Grand Jérusalem. Parmi les nombreux autres exemples figurent des villages comme A-Zaim et de petites communautés de Bédouins en E1 où vivent en gros quelque 2 000 Bédouins.

À ce jour, le gouvernement israélien n’a rien révélé de ses intentions à l’égard du statut de la population palestinienne vivant dans les zones devant être annexées. Cette question cruciale est totalement absente du discours public israélien.

Peut-être Israël utilisera-t-il un mécanisme similaire à celui utilisé pour l’annexion de Jérusalem-Est en 1967, c’est-à-dire en accordant le statut de résidence (ou quelque autre statut) à la population annexée. Mais il est très probable que, cette fois, le statut de résidence ne sera pas accordé automatiquement à toute la population annexée : Israël pourrait préparer des conditions d’éligibilité, pour ce statut de résidence, dans l’intention de recourir à des obstacles bureaucratiques en tant que moyens de refuser le statut de résidence et de forcer le plus grand nombre possible de Palestiniens à quitter la zone annexée.

Une autre possibilité qui cadrerait mieux avec le schéma décrit dans le plan Trump, est que les communautés palestiniennes ne soient pas annexées, mais qu’elles resteraient comme des enclaves minuscules et isolées complètement englouties par le territoire annexé.

Puisque toutes ces communautés comptent un maximum sur les villes palestiniennes des Zones A et B pour leurs besoins les plus quotidiens, on n’imagine absolument pas qu’elle puissent survivre dans de telles enclaves.

De plus, la plupart de ces communautés ne peuvent survivre sans leurs terres agricoles ou pastorales qui vont sans doute être annexées et, de ce fait, se retrouver hors de leurs limites d’accès. Par exemple, les communautés bédouines tirent leur subsistance de leurs troupeaux de moutons et de chèvres, lesquels ont absolument besoin d’accéder à ces pâturages.

 

Un potentiel de démolitions à grande échelle en tant que moyen de déportation

Même si le statut juridique de la population annexée était résolu, elle resterait vulnérable à la déportation par d’autres moyens.

Après des décennies au cours desquelles Israël a empêché ces communautés de recevoir des autorisations de bâtir, une portion importante des logements de ces mêmes communautés ont été construits sans permis.

Faire appel à la souveraineté d’Israël aura sans doute un effet qui encouragera Israël à « appliquer la loi » de façon bien plus agressive. Dans la pratique, cela signifiera des démolitions de maisons à grande échelle.

Par conséquent, sous le prétexte de planifier les réglementations, Israël sera à même de déporter des parties de communautés, voire des communautés entières et de les forcer à quitter le territoire annexé.

Les expropriations de terres

Aujourd’hui, de nombreux obstacles empêchent encore Israël d’exproprier des terres en Zone C qui sont la propriété privée de Palestiniens. Dans bien des cas, la propriété par un Palestinien empêche l’expansion des colonies ou la légalisation des postes avancés.

L’annexion permettra les expropriations qui n’ont pas été possibles jusqu’à présent : La zone ciblée en vue de l’annexion comprend de larges étendues de terre possédées par des Palestiniens vivant en dehors de la zone annexée.

Par exemple, au sud de Jérusalem, Al-Makhrour est une vaste zone abondamment fournie en terres agricoles. Celles-ci appartiennent aux résidents de Batir et de Beit Jalla. Alors qu’il est prévu qu’Al-Makhrour soit annexé, Batir et Beit Jalla, où vivent les propriétaires, ne le seront pas. Une fois que leurs terres se retrouveront sous la souveraineté israélienne, ces propriétaires de terres qui n’ont aucun statut légal en Israël n’auront pas le droit d’y accéder.

Israël pourra même ériger des clôtures, installer des check-points, etc., qui empêcheront physiquement les Palestiniens vivant à l’extérieur du territoire annexé d’accéder à leurs terres.
 

Saisir les terres par le biais de la Loi sur les Propriétaires absents

Finalement, comme on vient de l’expliquer un peu plus haut, de nombreux Palestiniens propriétaires de terres dans les zones ciblées en vue de l’annexion par Israël, vivent dans les villes qu’Israël n’a nullement l’intention d’annexer.

Cela permettra à Israël d’appliquer à ces terres la Loi sur les Propriétaires absents. Et, de la sorte, les droits de propriété des « absents » vivant en dehors du territoire annexé seront annulés et les terres privées palestiniennes seront transformées en terres de l’État par les autorités israéliennes.

Par conséquent, il importe de comprendre que l’annexion aura un impact impressionnant sur les droits humains et sur l’existence quotidienne des Palestiniens, non seulement dans la zone annexée, mais aussi à l’extérieur.

Pour en revenir à l’exemple d’Al-Makhrour, l’an dernier, un petit poste avancé illégal y a été installé. Aujourd’hui, il est entouré de terres privées palestiniennes dont l’expropriation permettra l’expansion du poste avancé en direction de la colonie de Har Gilo.

Les conséquences de l’annexion vont aller très loin. Nous avons cité ici celles dont nous croyons qu’elles sont les plus significatives. Comme on l’a montré plus haut, si elle est appliquée, l’annexion aura un effet double.

* D’une part, elle continuera à violer les droits humains les plus élémentaires des Palestiniens, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du territoire annexé, et elle exposera des communautés entières au risque d’être déportées.

* D’autre part, elle exacerbera le détachement de la Cisjordanie de Jérusalem-Est et portera un coup sévère de plus à la perspective d’une future capitale palestinienne dans la ville. Par conséquent, même si Israël n’annexait que la seule zone du « Grand Jérusalem », un futur État palestinien cesserait d’être une possibilité viable et il ne serait plus possible de considérer la violation des lois internationales et des droits humains palestiniens comme temporaires.


Publié le 22 juin 2020 sur Ir Amin
Traduction : Jean-Marie Flémal
 
 
 
 
 

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