La famille d’Eyad Hallaq considère que l’enquête s’éternise

 

 

Les parents (Khiri, le père, et Rana, la mère) d’Eyah Hallaq, un autiste palestinien de 32 ans abattu et tué par la police israélienne, au cours d’une interview à Jérusalem, le mercredi 3 juin 2020. La famille explique qu’il est à espérer que les agents soient poursuivis, après qu’a été confirmée l’existence d’une prise de vue du drame par une caméra de sécurité. (Photo : AP / Mahmoud Illean)

Les parents (Khiri, le père, et Rana, la mère) d’Eyah Hallaq, un autiste palestinien de 32 ans abattu et tué par la police israélienne, au cours d’une interview à Jérusalem, le mercredi 3 juin 2020. La famille explique qu’il est à espérer que les agents soient poursuivis, après qu’a été confirmée l’existence d’une prise de vue du drame par une caméra de sécurité. (Photo : AP / Mahmoud Illean)

La famille d’Eyad Hallaq, un Palestinien souffrant d’autisme et tué par la police israélienne a déclaré jeudi qu’il avait fallu un mois aux autorités pour confirmer l’existence d’une prise de vue de la scène par une caméra de sécurité.

L’existence de cette prise de vue avait été remise en question lors d’une enquête dont la famille dit qu’elle avait été douloureusement lente. Des groupes des droits de l’homme affirment qu’Israël présente un palmarès peu enviable sur le plan des enquêtes et des poursuites concernant les violences policières à l’encontre de Palestiniens.  

La famille a déclaré qu’elle espérait, sans trop se hasarder, que les agents seraient désormais poursuivis, maintenant que les prises de vue étaient confirmées.

« La police dit que l’enquête suit son cours. Bien que ce soit tardif, nous espérons qu’elle se terminera en faisant valoir la justice »,

a expliqué Khiri Hallaq, le père de l’homme abattu.

Son fils, Eyad Hallaq, a été abattu et tué le 30 mai à l’intérieur de la Vieille Ville de Jérusalem, alors qu’il effectuait son trajet quotidien vers l’école de soins spéciaux qu’il fréquentait.  Sur le moment, la police israélienne avait déclaré qu’elle croyait que l’homme (32 ans) transportait un « objet douteux » et qu’elle avait ouvert le feu quand il avait refusé d’écouter les appels à s’arrêter.

Selon divers témoignages, deux membres de la police (paramilitaire) israélienne des frontières avaient poursuivi Hallaq jusque dans un recoin et l’avait abattu au moment où il avait tenté de se dissimuler près d’un conteneur à ordures.

La professeure de Hallaq, qui l’accompagnait, expliqua à une chaîne de TV israélienne que Hallaq, qui avait des difficultés pour s’exprimer, était d’abord tombé sur le sol après avoir été abattu, puis s’était mis à courir pour se mettre à l’abri près du conteneur à ordures.

Elle affirma qu’elle avait crié à plusieurs reprises à l’adresse des policiers que Hallaq était « handicapé » et qu’elle avait tenté en vain d’éviter la fusillade. Au moins cinq impacts de balles ont été retrouvés dans l’un des murs d’une petite structure sur le site même.

A l’époque, l’homicide suscita des comparaisons avec la mort de George Floyd aux Etats-Unis et déclencha une série de petites manifestations contre les violences policières. L’agitation traversa les lignes israélo-palestiniennes et réveilla également des protestataires juifs.

Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, déclara qu’Israël était « très navré », alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahou qualifia l’incident de « tragédie » et promit une enquête fouillée.

Depuis, toutefois, la famille n’a pas appris grand-chose alors que les deux agents impliqués dans la fusillade ont été libérés, dit-on, de toute arrêt de quartier.

Mercredi, après un mois de pression de la part de la famille, des fonctionnaires israéliens ont confirmé dans une session de la cour que les enquêteurs examinaient soigneusement les prises de vue des caméras de sécurité concernant la fusillade, a expliqué l’avocat de la famille.

Au début de cette semaine, le quotidien israélien Haaretz disait qu’il était possible qu’il n’y ait pas de prise de vue, même si les rues et allées de la très instable Vieille Ville sont contrôlées par des centaines de caméras de sécurité.

L’avocat, Jad Qadamani, a déclaré que la famille n’avait pas encore eu la permission de voir l’une ou l’autre de ces vidéos du fait qu’elles constituent des preuves dans l’enquête en cours.

Il a néanmoins ajouté qu’ils étaient « plus calmes du fait que nous savons que les vidéos sont là ». Il a expliqué que la prise de vue était « un outil important » dans l’enquête.

Qadamani a déclaré que la famille était frustrée du fait qu’il avait fallu tant d’efforts pour que les autorités reconnaissent enfin l’existence des vidéos et que l’enquête avait tellement traîné en longueur.

« Peut-être est-il nécessaire d’enquêter, mais pas à ce point » a-t-il ajouté.

Les affaires impliquant des violences policières sont confiées à un département indépendant d’investigations internes placé sous la tutelle du ministère de la Justice et appelé « Machash ». Le ministère a déclaré que le cas restait sous enquête et il s’est refusé à tout autre commentaire. Quant à la police israélienne, elle a renvoyé les questions au ministère.  

Selon l’Association pour les droits civils en Israël, les cas renvoyés au département se soldent rarement par des actions disciplinaires.  

Elle a également dit que plus de 80 pour 100 des plus de 5 400 cas confiés au Machash entre 2015 et 2018 n’avaient pas du tout fait l’objet d’une enquête et que pas plus de 3 pour 100 des plaintes avaient débouché sur des condamnations. Environ 20 cas par an se soldent par des sanctions disciplinaires en raison du recours à la force, et la plupart d’entre elles ne consistent en guère plus qu’une réprimande ou une rétrogradation (à un rang inférieur). 

Et elle ajouté que les chiffres se basaient sur des données officielles obtenues via une requête introduite dans le cadre de la liberté d’information.

Les statistiques « parlent d’elles-mêmes », a déclaré l’association de défense des droits 

« Par une majorité écrasante de plaintes contre les violences policières ne faisant jamais l’objet d’une enquête et une absence complète de demande de justification de la part des autorités, le cycle du recours odieux à la violence policière ne cessera jamais. »  

Elle a également dit que le profilage des minorités par la police constituait également un « grave problème ».

Qadamani, l’avocat de la famille, a expliqué que celle-ci avait eu du mal à faire confiance au système, mais qu’elle gardait quand même espoir.

« J’espère – et je voudrais vraiment beaucoup – croire qu’ils entreprendront les démarches réelles et correctes pour rendre justice à Eyad »,

a-t-il conclu.


Publié le 2 juillet 2020 sur AP News
Traduction : Jean-Marie Flémal

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