Palestine occupée : l’annexion de fait se poursuit

L’annexion de fait se poursuit par des démolitions de maisons au bulldozer Hyundai, par la destruction de terres et infrastructures palestiniennes et par le pillage organisé

Al Haq, 16 juillet 2020

L’annexion de fait se poursuit par des démolitions de maisons, par la destruction de terres et infrastructures palestiniennes et par le pillage organisé

L’annexion de fait se poursuit par des démolitions de maisons, par la destruction de terres et infrastructures palestiniennes et par le pillage organisé

La semaine où Israël a planifié l’annexion illégale de jure d’importantes parties de la vallée du Jourdain, Al-Haq a répertorié et vérifié un certain nombre d’incidents se rapportant à l’appropriation de terres et de ressources naturelles destinée à faire avancer la colonisation dans la foulée de l’annexion de facto par Israël. (1)

Les Forces israéliennes d’occupation (IOF) ont nivelé des terres agricoles palestiniennes à Beit Iksa, fermé les routes principales à Naplouse, réservant leur usage aux colonies ; dans le même temps, des colons se sont approprié par le vol les principales infrastructures hydrographiques du village palestinien de Madama et d’autres colons ont tenté par la force d’expulser des fermiers palestiniens de leurs terres à Salfit. De plus, la Municipalité de Jérusalem a procédé à deux démolitions de maisons à Al-Issawiya et à Jabal Al-Mukabber, au nord-est de Jérusalem.

1.L’Autorité des antiquités d’Israël et les IOF nivellent des terres à Beit Iksa

Entre le 28 et le 30 juin, un important contingent des Forces israéliennes d’occupation (IOF) accompagné de deux bulldozers a fait irruption dans le village de Beit Iksa, au nord-ouest de Jérusalem occupée. Il était également accompagné d’employés de l’Autorité des antiquités d’Israël et s’est mis à niveler les terres du village. Le témoin oculaire Muhammad Khalil Sader Saleh, 40 ans, a expliqué comment des IOF ont bloqué les accès au village, ont dressé une tente et procédé au nivelage des terres. Pendant ce temps, des soldats des IOF prenaient position sur les toits des maisons avoisinantes, alors que des déploiements de forces terrestres prenaient le contrôle du village. Les IOF procédaient alors au nivelage, à l’aide des deux bulldozers, d’une parcelle de terre (environ 2 dounams ou 20 ares) appartenant à la famille de Saleh et située près de la vieille ville. Selon Saleh, un officier des IOF a expliqué que l’armée nivelait le terrain afin de chercher des restes d’artefacts datant de deux mille ans et qui, a affirmé l’officier des IOF, appartenaient à l’Etat d’Israël. 

2.Appropriation du puits d’Ain al-Sha`ara et pillage des ressources en eau

Le 2 juillet, une bande de colons de la colonie de Yitzhar a pris possession et s’est approprié la source du puits d’eau d’Ain al-Sha`ara, dans le village de Madama, au sud de Naplouse. Après avoir installé une pompe à eau au-dessus du puits, ils ont procédé au pillage des ressources en eau. Le puits procurait de l’eau aux villageois palestiniens de Madama depuis des centaines d’années.

3.Des colons armés tentent d’expulser de force des Palestiniens de leurs terres 

Le 5 juillet, Muhannad Sadiq Abu Alia et Daoud Abdel Rahman Hassan, deux quinquagénaires de la zone de Khalat Hassan, dans la Municipalité de Bidya, à Salfit, ont été blessés lors d’une attaque de colons à balles réelles. Selon le témoin oculaire Youssef Ahmed Saleh Abu Safieh, 60 ans, un colon armé d’un fusil M16 s’est approché des fermiers qui travaillaient à Khalat Hassan dans les heures matinales et a essayé de les chasser du champ, prétendant qu’il venait de l’acheter. Quand les fermiers ont refusé de quitter la terre, six autres colons armés sont arrivés sur les lieux accompagnés de chiens, et ont tenté d’expulser les fermiers de force. Les villageois de Bidya se sont mobilisés rapidement et sont venus aider les fermiers. Les colons ont tiré à balles réelles sur les gens, blessant Muhannad Sadiq Abu Alia et Daoud Abdel Rahman Hassan, qui ont tous deux été emmenés à l’hôpital pour être soignés.

4.Démolitions de maisons à Al-Issawiya et Jabal Al-Mukabber

Le 1er juillet, des bulldozers israéliens ont démoli la maison d’Attia Ismail Mahmoud Mutair, 58 ans, à Al-Issawiya, au nord-est de Jérusalem. En juin, Mutair avait entamé la construction sur 60 mètres carrés d’une deuxième maison « adjacente à la sienne » pour la famille de son fils, au prix de 70 000 NIS (environ 20 000 USD). Précédemment, en 2010, la Municipalité de Jérusalem avait déjà procédé à une démolition similaire, celle d’une maison également construite par Mutair, couvrant une superficie de 130 mètres carrés. Suite à cette démolition de 2010, Mutair avait introduit une demande de permis, mais sans succès. Avant la démolition du 1er juillet, Mutair avait reçu un ordre de démolition de la Municipalité de Jérusalem, signé par Moshe Lyon, et faisant ressortir que le bâtiment était une construction non autorisée. Au cours de la démolition, Mutair identifia les bulldozers Hyundai utilisés par la Municipalité de Jérusalem, qui démolirent la nouvelle maison et provoquèrent en outre d’importants dégâts à l’habitation principale, laissant de larges fissures dans les murs et la toiture de la maison. 

Le même jour, la Municipalité de Jérusalem a également démoli à Jabal Al-Mukabber (Jérusalem-Est occupée) la maison de Yassin Taha Muhammad Za’atra, 47 ans, et de sa famille, composée de Mervat Za’atra, 40 ans, Taha Za’atra, 20 ans, Muhammad Za’atara, 18 ans, et Ghina Za’atara, 3 ans. Cette famille de cinq personnes a construit la maison voici près de dix ans sans permis et, depuis lors, ses tentatives auprès des autorités compétentes (dont des hommes de loi et des ingénieurs) en vue d’obtenir une autorisation rétroactive pour la maison ont échoué. L’affaire a été soumise à la Cour suprême qui a pris une décision contre la suspension de l’ordre de démolition. La Cour a infligé une amende supplémentaire à la famille pour « avoir construit sans autorisation ». Bien que la famille se soit engagée à payer l’amende, sa maison a néanmoins été démolie. Ici aussi, la famille a identifié le matériel Hyundai utilisé pour effectuer la démolition. Le coût estimé de la maison 85 mètres carrés, avec deux chambres à coucher, était de 250 000 NIS (environ 73 000 USD), plus les frais additionnels de la Municipalité pour la démolition de la maison s’élevant à environ 80 000 NIS (environ 23 000 USD) et les amendes en justice s’élevant à quelque 34 000 NIS (environ 10 000 USD) que la famille va également devoir payer. Après la démolition, la famille de cinq personnes a été laissée sans logis.

Conclusion

Les actions des IOF durant l’occupation belligérante sont régies par l’application des lois humanitaires internationales et de la législation internationale sur les droits humains. Elément très important, l’utilisation de la propriété foncière privée est protégée contre les interférences, sauf dans les circonstances particulièrement exceptionnelles concernant la réquisition en fonction des besoins et opérations militaires. Il est certain que le type de chasse au butin pratiquée par l’Autorité des antiquités israéliennes et à laquelle on a assisté à Beit Iksa, en même temps que la destruction de propriété, qui est interdite par l’Article 53 de la Quatrième Convention de Genève, représentent une violation manifeste des lois internationales. De plus, l’appropriation et le pillage de l’eau du puits d’Ain al-Sha`ara constituent une violation de l’Article 55 portant sur les ressources naturelles et équivalent au crime de guerre qu’est le pillage, lequel peut être poursuivi devant la Cour pénale internationale sous l’Article 8(2)(b)(xvi) du Statut de Rome. 

Outre l’illégalité manifeste de la présence de colons dans un territoire occupé, qui est une infraction à l’Article 49 de la Quatrième Convention de Genève, le recours à la force armée lors de l’attaque des colons contre Muhannad Sadiq Abu Alia et Daoud Abdel Rahman Hassan, équivaut à une autre infraction, cette fois à l’Article 43 des Conventions de La Haye, puisqu’Israël doit faire en sorte que la population locale ne soit pas maltraitée par les autorités de la puissance occupante ou par des acteurs privés. (2) A ce propos, il convient de rappeler que le parlementaire israélien (de la Knesset) Amir Ohana, avait précédemment émis l’avis selon lequel « un civil qui porte une arme à feu est plus une solution qu’une menace et il sert de multiplicateur de force au profit des forces de sécurité », faisant ainsi allusion à la politique israélienne d’institutionnalisation de la violence des colons en tant que composante de l’arsenal de la colonisation. (3)

En fin de compte, les démolitions de maisons de personnes protégées à Jérusalem-Est occupée équivalent à une destruction illégale de propriété, opérée en violation des Articles 46 et 53 des Conventions de La Haye régissant la protection de la propriété privée. « L’interférence arbitraire et illégale dans (…) la vie privée, la famille (ou) l’habitation » viole en outre « l’Article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ». Ceci inclut la protection contre l’interférence illégale qu’est le régime de l’annexion imposé par la Puissance occupée à Jérusalem, à laquelle il est en soi strictement interdit d‘éroder les protections garanties à la population protégée, conformément à l’Article 47 de la Quatrième Convention de Genève. A la lumière des actes susmentionnés contribuant à la poursuite de l’annexion de facto des Territoires palestiniens occupés, Al-Haq demande à la communauté internationale, et en particulier à l’UE, d’imposer des mesures commerciales et économiques restrictives à Israël, afin de garantir le respect et l’adhérence de ce dernier pays aux normes fondamentales de la législation internationale.


Publié le 16 juillet 2020 sur Al Haq
Traduction : Jean-Marie Flémal

Notes

(1)En raison des restrictions de mouvement permanentes résultant du confinement lié au Covid-19, les enquêteurs de terrain deAl-Haq ont recueilli leurs témoignages par téléphone.

(2)JS Pictet, « Commentary : Fourth Geneva Convention Relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War » (Commentaire : Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre) (ICRC, Genève, 1958), pp. 274-283 ; Y Arai-Takahashi, « The Law of Occupation : Continuity and Change of International Humanitarian Law, and its Interaction with International Human Rights Law » (La loi de l’occuption : Continuité et changement de la législation humanitaire internationale et son interaction avec la législation internationale des droits humains) (Martinus Nijhoff Publishers, Leyde/Boston, 2009), p. 169. Voir aussi l’Article 47 de la Quatrième Convention de Genève.

(3)Josh Briener, « Thousands of Guns Could Flood Streets as Israel Seeks to Ease Restrictions » (Des milliers de fusils pourraient déborder dans les rues quand Israël cherche à alléger les restrictions), Haaretz (9 juillet 2018), disponible sur : https://www.haaretz.com/israel-news/.premium-israel-expected-to-lower-the-bar-for- obtaining-a-firearm-license-1.6247213

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