La déclaration de Majed Abusalama au 1er procès à Berlin

Trois activistes BDS,  Ronnie Barkan, Stavit Sinai et Majed Abusamala sont confrontés à un deuxième procès, le 3 août 2020 à Berlin, sur des accusations inventées de toutes pièces, pour avoir interrompu le discours d’une responsable israélienne lors de sa tournée de propagande anti-BDS à l’université Humboldt de Berlin. Ce procès est très important car le mouvement BDS est largement réprimé.

L’activiste BDS Majed Abusalama partage ici une déclaration qu’il a faite au tribunal après avoir été jugé pour être allé protester contre une conférence donnée à Berlin par une parlementaire de la Knesset israélienne.

Avant sa comparution, Majed Abusalama assiste à une action de protestation (Magda Stefanenco/Facebook)

Avant sa comparution, Majed Abusalama assiste à une action de protestation (Magda Stefanenco/Facebook)

Majed Abusalama, 18 avril 2019

Je me retrouve au beau milieu d’un cauchemar pour avoir osé réclamer l’égalité, la justice, la liberté et la dignité pour les Palestiniens. Mon activisme en Allemagne, en tant que composante du mouvement international de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), m’a valu de me retrouver devant un tribunal.  

Le mois dernier, les accusations contre moi-même et mes deux camarades juifs, Ronnie Barkan et Stavit Sinai, ont été suspendues. Ensemble, on nous connaît sous l’appellation de #humboldt3, parce que nous avions protesté pacifiquement contre une conférence donnée à l’Université Humboldt de Berlin par Aliza Lavie, membre de la Knesset, qui en 2014 avait soutenu la guerre contre la bande de Gaza en état de siège.

J’ai été profondément touché par le soutien international que nous avons reçu durant cette épreuve. Cependant, nous avons encore besoin du soutien des défenseurs des droits de l’homme et des amis de la Palestine, puisque nous allons devoir affronter une nouvelle version du procès suite aux pressions d’Israël qui veut que nous soyons condamnés.

Bien des gens m’ont dit que je vaincrais – mais ce qu’ils ne pouvaient savoir, c’est qu’en tant que survivant de trois décennies d’’occupation israélienne, l’expérience de la violence, de l’oppression et des punitions collectives m’a enseigné que j’allais devoir continuer à me battre pour vivre.

Dans la salle d’audience, où je comparaissais comme un criminel, j’ai fait la déclaration suivante :

Je suis ici, en jugement, en tant qu’accusé, en même temps que mes camarades, et c’est la conséquence de ce que nous avons osé nous exprimer publiquement à propos des crimes contre l’humanité perpétrés par Israël dans ma Palestine bien-aimée. Je me suis engagé, en tant qu’humaniste responsable et en tant que Palestinien, à répondre à Aliza Lavie, qui faisait partie de la coalition qui avait décidé de massacrer, déporter, bombarder, torturer, emprisonner et liquider mon peuple bien-aimé en 2014.

Il était de mon devoir moral de l’interpeller en raison de ses crimes contre l’humanité. Tout au long de cet événement, je suis resté silencieux, me contentant d’écouter dans la douleur pendant que Lavie parlait. Je l’ai vue s’exprimer avec joie à propos de son pays prétendument démocratique – mais, en réalité, elle se réjouissait du sang versé par mon peuple, et sans la moindre honte.

Il est une image que j’ai vue dans mon esprit et ressentie dans mon cœur : celle de mes amis qui avaient perdu leurs membres alors qu’ils protestaient pacifiquement pour la justice et la liberté à l’intérieur du ghetto de Gaza.

J’ai pensé à toute ma famille et à mes amis menant une existence soumise à la brutalité et à l’horreur de l’apartheid israélien, vivant tous emprisonnés et punis collectivement de façon illégale.

J’ai vu des dizaines de milliers de maisons détruites au cours des massacres perpétrés par Israël. Des centaines de milliers de Palestiniens ont été transformés en sans-abri, suite au massacre de Gaza en 2014 et à d’autres massacres commis par les Israéliens.  

Votre honneur, si vous étiez à ma place – et vous ne le serez pas, parce que vous ne comprendrez jamais la sensation de l’attente qu’une bombe tombe sur la maison de votre famille ou sur celle de vos voisins – vous comprendriez à quel point il est pénible de vivre dans cette horreur permanente.

J’ai reçu une balle réelle dans la jambe alors que le protestais pacifiquement – en plantant des oliviers – à la clôture de Gaza en 2014. Lavie, qui était à la Knesset depuis 2013, est du nombre de ceux qui sont responsables de la balle qui m’a handicapé pendant des mois et qui me portera préjudice pour le restant de mes jours.

Nos actions à l’Université Humboldt devraient être honorées, puisqu’il est du devoir moral de tout humaniste de faire entendre sa voix contre les criminels, en particulier ceux qui sont complices de crimes contre l’humanité. En tant qu’activistes des droits humains, tel est notre devoir collectif – non seulement en Israël, mais aussi en Europe et spécifiquement en Allemagne, où nous vivons.

Nous, les défenseurs des droits de l’homme, nous pensons qu’il est de notre devoir, collectivement, d’affronter tout criminel, non seulement en Israël, mais aussi en Europe.

Nous, les Palestiniens et les Juifs qui ont échappé à l’apartheid en Israël, comme ici en Allemagne pour remplir notre devoir civil et moral qui consiste à lutter pour la solidarité transnationale, l’égalité et la justice – à rallier toutes les communautés ensemble autour de notre humanité partagée.

Je suis venu vivre en Allemagne en tant que citoyen de ce monde, en espérant que je ne souffrirais plus du confinement de l’apartheid israélien. Mais j’ai découvert que l’apartheid israélien se propageait en Allemagne.

Les milliers de musulmans et de Palestiniens en Allemagne ne se sentent pas en sécurité s’ils élèvent la parole. Ils sentent qu’ils pourraient être persécutés à tout moment, simplement pour avoir crié « Free Palestine » ou pour avoir rêvé de rentrer librement dans leurs foyers, conformément au droit au retour mandaté par l’ONU. Ils craignent les poursuites, s’ils réclament l’égalité, la dignité, la liberté et la justice pour Gaza.

Votre honneur, pendant des jours, j’ai été incapable de fermer l’œil après avoir pris connaissance de cette affabulation qui nous présentait comme des criminels pour avoir élevé la voix contre l’apartheid israélien. Pourtant, je comprends qu’il est de mon devoir en tant que futur citoyen de ce pays de modifier le discours circulant en Allemagne à propos des crimes d’Israël.

Il est de mon devoir civil de prendre la parole en faveur de ma communauté palestinienne et de l’application dans notre pays des lois internationales – et en faveur de notre liberté de nous exprimer et de protester en Allemagne.

Je suis ici devant vous, aujourd’hui, pour réclamer justice, non seulement pour mes camarades et moi-même, mais pour tous ceux qui recherchent la justice et l’égalité en Allemagne et en Palestine.  

Le texte qui précède a d’abord été publié sur https://www.middleeasteye.net.


Publié le 30 avril 2019 sur medium.com
Traduction : Jean-Marie Flémal

Soutenons les trois activistes !

-Aidez-les à couvrir leurs frais de justice : Activistes BDS traduits en justice – Soutenez les Humboldt3

-Ecrivez à l’ambassadeur d’Allemagne en Belgique, Martin Kotthaus (info@bruessel.diplo.de) (en vous inspirant éventuellement d’une lettre de personnalités françaises)

-Si possible, rendez-vous au tribunal de Moabit de Berlin le 3 août prochain, à 9 h du matin.

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