Stavit Sinai : A propos du devoir de résister à l’apartheid

Stavit Sinai : « Jusqu’à présent, toutes les luttes anticoloniales ont été gagnées »

Trois activistes BDS,  Ronnie Barkan, Stavit Sinai et Majed Abusamala sont confrontés à un deuxième procès, le 3 août 2020 à Berlin, sur des accusations inventées de toutes pièces, pour avoir interrompu le discours d’une responsable israélienne lors de sa tournée de propagande anti-BDS à l’université Humboldt de Berlin. Ce procès est très important car le mouvement BDS est largement réprimé.

Trouvez ci -dessous le discours de Stavit Sinai lors du premier procès.

Stavit Sinai devant le tribunal pénal de Berlin, le 4 mars 2019

Stavit Sinai devant le tribunal pénal de Berlin, le 4 mars 2019 

A propos du devoir de résister à l’apartheid

Speech tenu en hébreu à la Cour pénale de Berlin, le 4 mars 2019

Ma présence ici, à ce procès, en tant que coaccusée, résulte de ce que nous avons osé, mes camarades ici présents et moi-même, nous exprimer publiquement sur les crimes contre l’humanité perpétrés par Israël. En juin 2017, au moment où je protestais – non violemment – contre Aliza Lavie, députée au Parlement de l’apartheid, une seule pensée m’occupait l’esprit – et c’était celle des enfants de Gaza assassinés et criant de sous la terre, c’était la voix de toutes les femmes de Gaza assiégées, maltraitées, menacées, terrorisées, des vieilles personnes et des jeunes, des victimes de Gaza en 2009, en 2012, en 2014 et lors de nombreuses autres agressions israéliennes encore ; c’était la voix des centaines d’enfants palestiniens qu’Israël a enfermés dans la prison militaire d’Ofer ; c’étaient les souffrances des gens massés derrière la clôture du ghetto de Gaza et que l’Etat d’Israël a emprisonnés afin de les empêcher de retourner dans les villages où ils avaient subi une épuration ethnique afin qu’Israël puisse sauvegarder son ethnocratie suprémaciste, imposée via un colonialisme d’implantation.

Ce que nous avons dit à l’Université Humboldt, bien d’autres le croyaient aussi. Mais ils n’osent pas s’exprimer d’eux-mêmes. Ils n’osent pas le faire parce qu’ils seront soumis à des poursuites politiques. Comment la société civile peut-elle se défendre contre des régimes qui refusent les droits naturels et humains si elle est obligée par la force de se taire ? L’Etat, censé protéger notre droit constitutionnel à la liberté d’expression, choisit de ne pas respecter les conventions internationales vis-à-vis desquelles il est engagé (et ici je parle du Statut de Rome, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et autres législations internationales contraignantes ainsi que les résolutions des Nations unies). En lieu et place, de même Etat dépouille sa propre constitution de sa validité par souci de ses intérêts militaires semi-impérialistes et il cherche à criminaliser les dissidents qui s’opposent à l’apartheid systémique barbare appliqué par Israël en Palestine et bien au-delà (comme le montre le rapport de l’ONU proposé par Tilley et Falk).

Pourtant, dans mon cœur, il n’y a pas de crainte, ni celle de défier la cécité bienveillante de l’Allemagne et sa complicité dans le crime d’apartheid, ni celle d’exercer mon droit de résister aux pulsions génocidaires d’Israël. Je ne nourris aucune crainte parce que je sais que s’opposer aux crimes contre l’humanité n’est pas simplement mon droit civil, mais aussi une nécessité, que dis-je, un devoir – un impératif moral catégorique qui m’est assigné à moi, et à tout autre être humain. En tant que fille d’une famille qui a survécu à l’Holocauste, je refuse d’être une simple spectatrice de l’histoire, je refuse de détourner le regard de mes frères et sœurs   palestiniens en lutte quand l’Occident les force à se soumettre. Je ne me soumettrai à aucune force politique irrationnelle qui vise à gouverner la pensée, parce que je suis libre et que, par conséquent, je continuerai à élever la voix contre les abominables crimes israéliens toujours en cours contre l’humanité, et ce, quel que soit le nombre de fois que je devrai m’exprimer devant ce tribunal. « Votre esprit a-t-il été à ce point malmené par la violence que vous oubliez que ce n’est pas seulement votre droit mais aussi votre devoir moral de mettre fin à ce système ? » Les gens réclament que l’égalité, la liberté et la justice marquent aujourd’hui en Palestine la fin de l’apartheid ; toute personne qui a une voix est en mesure de contribuer au renversement de ce système.

Le type de lois que je suis supposées avoir enfreintes sont par nature passagères et susceptibles de changements au cours de chaque phase sociale historique que traverse ce pays. Si les lois les plus terre à terre contre, par exemple, la « violation de domicile » et les « coups et blessures », doivent être respectées et protégées, il est d’autant plus important que l’on obéisse à des lois dont l’autorité découle d’un quelconque système juridique, à des lois dictées par la morale universelle. Il est des choses qui sont plus éternelles et plus pures que les étoiles mêmes, votre honneur, des choses comme la vertu de citoyens comme Hans et Sophie Scholl, qui se sont révoltés malgré les pires dangers qu’ils encouraient et qui en sont venus à aider des juifs, et que nous honorons. Nous suivrons leur voie jusqu’à ce que l’apartheid israélien soit aboli – et il le sera certainement – car, jusqu’à présent, tout combat anticolonial a été un combat gagné.


Publié le 24 mai 2020 sur Medium.com
Traduction : Jean-Marie Flémal

Soutenons les trois activistes !

-Aidez-les à couvrir leurs frais de justice : Activistes BDS traduits en justice – Soutenez les Humboldt3

-Ecrivez à l’ambassadeur d’Allemagne en Belgique, Martin Kotthaus (info@bruessel.diplo.de) (en vous inspirant éventuellement d’une lettre de personnalités françaises)

-Si possible, rendez-vous au tribunal de Moabit de Berlin le 3 août prochain, à 9 h du matin.

 

 

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