Israël, destructeur du Liban, se pose comme son sauveur

 
 

Tamara Nassar, le 6 août 2020

Une explosion massive a secoué Beyrouth mardi, tuant au moins 135 personnes, en blessant plus de 5 000 et déplaçant des centaines de milliers d’autres.

Le nombre de morts va probablement augmenter alors que les sauveteurs fouillent la capitale libanaise dévastée.
L’explosion n’a guère épargné, les citoyens ayant posté des photos et des vidéos de maisons détruites, de voitures endommagées et d’immeubles effondrés dans toute la ville.
Les causes de l’explosion font toujours l’objet d’une enquête. Les autorités libanaises l’ont reliée à 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées depuis six ans dans des entrepôts du port sans précautions de sécurité.

Aujourd’hui, Israël exploite cette tragédie pour effacer ses propres crimes contre le Liban, détourner l’attention de l’occupation militaire et polir son image – une stratégie de propagande appelée « bluewashing ».

Bluewashing

Israël a annoncé qu’il offrait au Liban une aide humanitaire par la voie diplomatique.

 

« C’est le moment de transcender le conflit », a tweeté le compte-rendu officiel de l’armée israélienne.
Mercredi soir, Tel-Aviv a même illuminé son hôtel de ville avec le drapeau libanais.

 

Cette hypocrisie à couper le souffle n’a pas échappé aux utilisateurs de Twitter qui ont posté des images notoires prises lors de l’invasion israélienne de 2006 montrant des enfants israéliens en train d’écrire des messages sur des obus d’artillerie avant que l’armée ne les tire sur le Liban.

https://twitter.com/apoIlon/status/1290743845836206091

 

« Vos paniers cadeaux seront-ils signés comme vos missiles ? » a écrit une personne sur les réseaux sociaux.
Les offres d’aide « humanitaire » proviennent du même pays qui a tué et blessé des dizaines de milliers de civils palestiniens et libanais et qui menace régulièrement de détruire les infrastructures civiles du Liban comme il l’a fait à maintes reprises.
Lors de l’invasion de 2006, Israël a tiré plus d’un million de bombes à sous-munitions sur le pays.
« Ce que nous avons fait était fou et monstrueux, nous avons couvert des villes entières de bombes à fragmentation », a déclaré un officier de l’armée israélienne au journal Haaretz de Tel Aviv.
Au cours de cette guerre, Israël a largué quelque 7 000 bombes et missiles, et a bombardé toutes les régions du Liban par l’artillerie terrestre et navale également.
Plus de 1 100 personnes ont été tuées et quelque 4 400 blessées, en grande majorité des civils.
Une enquête menée par Human Rights Watch a complètement démenti les affirmations d’Israël selon lesquelles le bilan effroyable était le résultat de « dommages collatéraux » parce que les combattants du Hezbollah se cachaient parmi les civils ou les utilisaient comme « boucliers humains ».
Human Rights Watch a conclu qu’Israël avait ciblé sans distinction des zones civiles – une stratégie connue sous le nom de « Doctrine Dahiya », d’après la banlieue sud de Beyrouth qu’Israël a délibérément écrasé.
Et les dirigeants israéliens menacent fréquemment de le refaire.En 2018, par exemple, Yisrael Katz, un membre important du gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a menacé de bombarder le Liban jusqu’à « l’âge de pierre » et « l’âge des hommes des cavernes ».
Et il y a quelques jours à peine, après avoir affirmé que les combattants du Hezbollah avaient tenté d’attaquer l’armée israélienne de l’autre côté de la frontière, Netanyahu a fait allusion à la guerre de 2006.
Le 27 juillet, le leader israélien a déclaré qu’en 2006, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, « a commis une grave erreur en mettant à l’épreuve la détermination d’Israël à se défendre, et l’État libanais a payé un lourd tribut pour cela ».
« Je suggère qu’il ne répète pas cette erreur »
, a ajouté M. Netanyahu – une menace à peine voilée de répéter la même destruction massive.
Netanyahu a répété ses menaces quelques heures seulement avant l’explosion de Beyrouth.

 

Répandre des rumeurs

Pour une valeur maximale de propagande, Israël insisterait sur le maintien de marquages en hébreu sur tout envoi d’aide qui pourrait atteindre le Liban – bien que le Liban soit presque certain de rejeter cette aide.

 

Pendant ce temps, Israël s’est empressé de répandre des rumeurs infondées accusant le Hezbollah d’être à l’origine de l’explosion.
« Suite à la tragédie de Beyrouth, Israël a officiellement offert une aide humanitaire au Liban », a tweeté le 4IL, un organe de propagande du ministère israélien des affaires stratégiques.
« Cela arrive malgré les preuves que l’explosion provient d’un entrepôt de munitions du Hezbollah », ajoute le compte-rendu.
Absolument aucune preuve de ce genre n’a été mise au jour.

L’ONU vend Israël

Israël viole régulièrement l’espace aérien et la souveraineté du Liban, en faisant voler des avions sans pilote et des avions de chasse au-dessus du sud du pays et même de sa capitale.
Au lieu de condamner ces violations et de demander justice pour les victimes des crimes de guerre israéliens au Liban, Nickolay Mladenov, l’envoyé de l’ONU pour la paix au Moyen-Orient, a loué l’aide offerte par Israël :

 

Mladenov semble utiliser cyniquement cette tragédie comme une opportunité pour faire avancer un programme politique de normalisation des liens régionaux avec Israël.
Le compte Twitter de propagande en langue arabe d’Israël a continué à diffuser des affirmations éhontées de « solidarité » avec le peuple libanais :

 

Cependant, tout le monde n’était pas d’accord avec le message.
Moshe Feiglin, l’ancien vice-président de la Knesset en Israël, a célébré l’explosion à Beyrouth comme un « spectacle pyrotechnique spectaculaire » et une « merveilleuse célébration » coïncidant avec une date que les Juifs marquent comme une fête de l’amour.
C’est ce même Feiglin qui, lors de l’assaut israélien de 2014 sur Gaza, a proposé un plan visant à « concentrer » les Palestiniens dans des camps frontaliers et à « exterminer » tous ceux qui ont résisté, tout en détruisant tous les logements et infrastructures civils.
Mais la plupart des politiciens israéliens ont apparemment reçu le mémo que ce genre de déclarations ne sont pas l’image qu’Israël veut donner.Même si Israël illumine l’hôtel de ville de Tel-Aviv dans une manifestation cynique de soutien, peu de Libanais oublieront qu’il y a presque 14 ans jour pour jour, Israël illuminait le ciel du Liban avec des missiles et des bombes.

 


Publié le 6 août 2020 sur The Electronic Intifada
Traduction : Collectif Palestine Vaincra

Vous aimerez aussi...