Susan Abulhawa : « La Palestine, c’est ‘le’ test »

« La Palestine est le test de la manière dont nous pouvons réussir et de la manière dont nous pouvons avancer »

Susan Abulhawa : "La Palestine, c'est le test"

Ci-dessous une transcription d’une intervention de la romancière palestinienne Susan Abulhawa vivant aux USA, le 19 septembre dernier, à l’occasion d’un webinaire organisé par le World Workers Parti sur le thème « Palestine libre ! Non à la Normalisation avec la colonisation ou l’occupation ».

Nous savons depuis des années que les Émirats arabes unis (EAU), l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe coopèrent à huis clos avec Israël. C’était un secret de polichinelle. Au cours des deux dernières années, il y a eu des campagnes, certaines subversives, pour préparer le public arabe à ce moment.

Par exemple, chaque année pendant le Ramadan, il y a une série – essentiellement un feuilleton – qui capture l’imagination du monde arabe. Vous avez 300 millions de personnes assises après avoir rompu le jeûne pour regarder la série du Ramadan. C’est extrêmement populaire. La série de cette année, intitulée «Um Haroun», faisait essentiellement allusion au rapprochement avec Israël et l’appuyait. Il a également dénigré les Palestiniens de bien des manières. Il a poussé ce mythe de propagande selon lequel nous, Palestiniens, «avons vendu notre pays» ou «avons couru comme des lâches». C’est le genre de choses qui sont écrites ou dites dans les médias populaires du monde arabe et dictées par des acteurs étatiques qui contrôlent les médias dans une très large mesure.

Beaucoup d’entre nous qui regardions cela, comprenions que ce moment allait arriver. Cela n’a pas rendu les choses moins douloureuses. À certains égards, il est bon que les choses se déroulent au grand jour.

Cet accord de normalisation va vraiment polariser le Moyen-Orient d’une manière que nous n’avons jamais vue auparavant.

Pourquoi les pays arabes font-ils cela ? Les EAU ont déclaré qu’ils aidaient les Palestiniens, qu’ils retireraient l’annexion de la table, alors qu’avant cela, Israël était sur le point d’annexer la vallée du Jourdain. Mais Netanyahou a immédiatement montré que c’était un mensonge. Littéralement ce jour-là ou le jour suivant, Netanyahou a déclaré que l’annexion n’était pas abandonnée mais temporairement suspendue. Israël les a immédiatement poignardés dans le dos. Ils ont fait la même chose quelques jours plus tard. Un contrat d’armement pour des avions militaires F-35 faisait partie de cet accord entre les Émirats arabes unis et Israël. Même si cet accord était censé être négocié par les États-Unis et que les Émirats arabes unis étaient censés obtenir des avions F-35, Israël a fait demi-tour et a bloqué cela. Selon certaines informations, les Émirats arabes unis étaient extrêmement consternés, mais ils n’ont rien fait à ce sujet.

Israël n’a pas d’amis. On ne peut pas faire confiance à Israël. Les États-Unis sont censés être leur plus proche allié, mais l’année dernière, du matériel d’espionnage sur téléphone portable dit «stingray» a été découvert à la Maison Blanche pour intercepter les appels de la Maison Blanche. Tout le monde le savait, mais rien n’est arrivé à Israël.

De même, sous l’administration Obama, Netanyahou est venu ici pour saper la politique étrangère d’un président en exercice sur le sol américain, et il s’est adressé pour cela à une session conjointe du Congrès et a participé à des émissions d’information américaines pour saper l’accord avec l’Iran. C’est ce qu’Israël fait aux États-Unis. C’est donc une question de temps avant que les choses se gâtent.

Quels que soient les accords commerciaux, quels que soient les accords militaires issus de ce nouvel accord de normalisation, ce sera dans l’intérêt d’Israël. Ce n’est jamais une rue à double sens avec Israël, et ils sont très doués pour emmêler les gens dans leurs propres lois.

Et la société israélienne va paniquer si elle voit beaucoup plus d’Arabes venir à Jérusalem à al-Aqsa, surtout s’ils arrivent en costume traditionnel arabe, car le racisme israélien est franchement médiéval. Je prédis que ce sera un problème. Et de même, quel que soit l’accord commercial, il siphonnera des ressources vers Israël, car c’est ce qu’ils font systématiquement.

J’ai donc parlé de ce qui va arriver à ces jeunes mariés lors de leur lune de miel. Je pense que ça va se terminer par un divorce, franchement.

La solidarité est la clé

En ce qui concerne les Palestiniens, c’est définitivement une période sombre pour nous. Mais elle est aussi remplie d’espoir, d’inspiration et d’idées d’une nouvelle génération et de cette solidarité internationale croissante. Je crois qu’en fin de compte, le genre d’internationalisme qui se produit parmi les luttes aux vues similaires pour la justice sociale, la justice climatique, la justice économique, la justice politique – c’est cette arène qui occupe les esprits et les passions des masses. Israël n’a aucune position dans cette arène. Je pense que nous vaincrons.

Peu importe à quel point il fait sombre pour nous, l’histoire nous a montré à maintes reprises à quelle vitesse les puissants peuvent tomber. Des gens et des régimes que nous pensions extrêmement puissants se sont effondrés à plusieurs reprises du jour au lendemain. Donc, je ne désespère pas. Je compte sur le type de solidarité que nous pouvons favoriser parmi les masses en éduquant les gens. En poussant au socialisme, en poussant aux idéaux anticoloniaux, en poussant à la justice.

Parce que sur la scène internationale, la question de Palestine est au cœur de tout mouvement de justice sociale. Parce que si nous tombons, d’autres personnes tomberont. La Palestine est le test de la manière dont nous pouvons réussir et de la manière dont nous pouvons avancer


Publié le 24 septembre 2020 sur Workers World
Traduction : CAPJPO-EuroPalestine

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