Israël approuve près de 5 000 nouvelles unités d’implantation en Cisjordanie occupée

Le gouvernement Netanyahou a présenté les plans prévoyant la construction de 4 948 nouvelles unités d’implantation en Cisjordanie, cessant ainsi de faire semblant qu’Israël avait gelé ses plans d’annexion en échange de la normalisation avec nombre de pays arabes.

Yumna Patel, 15 octobre 2020

30 juin 2020. La colonie israélienne d'Efrat à l'intérieur du bloc de colonies de Gush Etzion, entre les villes palestiniennes de Hébron et de Bethléem, en Cisjordanie. (Photo : Mosab Shawer/APA Images)

30 juin 2020. La colonie israélienne d’Efrat à l’intérieur du bloc de colonies de Gush Etzion, entre les villes palestiniennes de Hébron et de Bethléem, en Cisjordanie. (Photo : Mosab Shawer/APA Images)

Lors des réunions de préparation des 14 et 15 octobre, le gouvernement israélien a présenté les plans prévoyant la construction de 4 948 nouvelles unités d’implantation en territoire palestinien occupé, a rapporté l’organisation de surveillance des colonies, Peace Now.

Selon l’organisation, la présentation des plans par l’administration civile israélienne fait de 2020

« une année record en termes d’unités pour les plans d’implantation promus depuis que Peace Now a lancé ses rapports en 2012 ».

Il est possible, faisait remarquer l’organisation, que le Comité supérieur de planification de l’administration civile se réunisse encore avant la fin de l’année et qu’il présente encore d’autres plans d’implantation.

Peace Now a expliqué que, sur les 4 948 unités, 2 260 avaient été approuvées en vue d’être déposées (la première étape majeure du développement) et 2 688 l’avaient été en vue de validation (la seconde et, souvent, la dernière étape majeure du développement).

L’organisation a encore fait remarquer que toutes les nouvelles unités sauf deux avaient été approuvées dans des zones qu’Israël devrait faire évacuer en cas d’une solution à deux États adhérant aux frontières dessinées lors de l’ Accord de Genève.

Des villages palestiniens menacés

Parmi les plans présentés figuraient des centaines d’avant-postes illégaux d’implantation qui ont été reconnus et approuvés rétroactivement. Les avant-postes israéliens qui, au contraire des colonies, sont construits sans l’approbation initiale du gouvernement, sont considérés comme illégaux sous la législation israélienne même, mais sont fréquemment « légalisés rétroactivement » par le gouvernement au cours de procédures semblables à celle-ci.

Peace Now a également fait remarquer que les plans comprenaient 560 unités dans la colonie de Har Gilo, qui a été construite sur les terres du village d’al-Walaja et se situe dans les collines entre Bethléem et Jérusalem.

Le nouveau « quartier » de Har Gilo, ajoute Peace Now, serait en fait plus grand que Har Gilo même et isolerait réellement encore plus al-Walaja du village voisin de Battir, et Batir même de la ville de Bethléem.

Non seulement les terres en question sont d’une importance vitale pour les Palestiniens de la zone de Bethléem puisque, depuis des décennies, de nombreux résidents aiment faire des excursions et des randonnées nature entre Bethléem, Battir et al-Walaja, mais la terre elle-même

« constitue une partie des seules réserves de terres fertiles inhabitées à la disposition de Bethélem qui, actuellement, est coupée de son nord et ouest immédiats par la barrière de séparation de la Cisjordanie »,

explique Peace Now.

Dans notre deuxième épisode de la série sur le Covid-19 en Palestine, des résidents du village d’al-Walaja avaient raconté à Mondoweiss que les forces israéliennes avaient poursuivi leur politique des démolitions de maisons tout au long de la pandémie de coronavirus.

« La mesure constitue la première manifestation majeure de l’inclination du ministre de la Défense Benny Gantz devant l’agenda d’implantation du  »Grand Israël’‘ qui ferait apparaître effectivement une réalité permanente et non démocratique à un seul État »,

a expliqué Peace Now dans une déclaration.

« En agissant de la sorte, Israël signale au monde son soutien bi-partisan à la fin du concept d’une solution à deux États et à un État palestinien – le paradigme qui, jusqu’à présent, a grandement protégé Israël des pressions officielles à propos de ses 53 années d’occupation. L’entreprise d’implantation n’est pas dans l’intérêt national ou sécuritaire d’Israël et il constitue une erreur stratégique au niveau national et international »,

a déclaré l’organisation.

Les colonies israéliennes sont considérées comme illégales par les lois internationales et elles ont été largement condamnées par la communauté internationale comme l’un des principaux obstacles à la réalisation de la paix dans la région et de la justice pour les Palestiniens.

On estime que plus de 600 000 citoyens israéliens vivent dans ces colonies illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

La construction de ces colonies réservées exclusivement aux juifs est directement liée à la dépossession des Palestiniens de leurs terres, à la poursuite des démolitions de maisons palestiniennes, et à l’incapacité croissante pour les Palestiniens d’accéder à leurs terres dans les colonies et autour.

Tirer le maximum de la présidence de Trump

Des organisations comme Peace ont fait remarquer un pic manifeste dans l’approbation de la construction de nouvelles colonies au cours de l’ère Trump,

« quand l’activité d’implantation israélienne s’est considérablement accrue dès le moment où l’administration Trump a exercé moins de pression sur l’expansion des colonies et que la politique intérieure israélienne a été proportionnellement encouragée à faire preuve de plus d’activité ».

Des analystes suggèrent que la série d’approbations de cette semaine font partie d’un effort plus fourni du gouvernement Netanyahou à officialiser le plus de colonies possible tant que le président américain Donald Trump sera au pouvoir.

Alors que l’ancien vice-président Joseph Biden a un très long passé de mesures politiques pro-israéliennes et qu’il a utilisé cette campagne pour doubler son soutien à Israël, on ne voit pas clairement si une administration Biden pourrait assurer un tel soutien à l’expansion des colonies que celui dont a fait preuve l’administration Trump.

« Le gouvernement israélien ne peut compter sur une politique américaine qui continuera à soutenir une annexion unilatérale ou à déclarer que les colonies israéliennes ne sont pas intrinsèquement en conflit avec les lois internationales »,

écrivait le Dr Michael J. Koplow de l’Israel Policy Forum (Forum de la poltique israélienne).

« La dynamique que cela crée consiste en ce que, plutôt que de changer désormais de cours d’une façon destinée à démarrer sur une note positive avec une administration différente, le gouvernement israélien essaie d’abriter de la possibilité que nous soyons dans les derniers mois de l’administration pour grappiller le plus possible avant l’échéance »,

a ajouté Koplow.

Koplow a également fait remarquer que la nouvelle vague d’approbations concerne de nombreuses unités dans les colonies « profondément situées » en Cisjordanie, « dans des endroits qui ont été choisis à dessein pour leur rôle dans l’empêchement de toute contiguïté palestinienne potentielle dans un futur Etat ».

L’annexion de retour sur la table

Des critiques ont également mis le doigt sur le fait que la série d’approbations de jeudi signalait officiellement qu’Israël cessait de faire semblant de geler ses plans d’annexion en échange de la normalisation et des pleines relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis (EAU).

Avec cette nouvelle série d’approbations ; c’est la première fois que de nouvelles unités d’implantation ont été proposées depuis qu’Israël a signé des accords de normalisation avec les EAU et Bahreïn.

Quand les EAU ont annoncé leur accord avec Israël, ils ont insisté sur le fait que, dans le cadre de l’accord, Israël allait geler les plans d’annexion dont le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou se vantait depuis des mois et qui étaient censés être annoncés officiellement le 1er juillet.

Prétendre que les EAU étaient responsables du gel de l’annexion attira de larges critiques de la part des Palestiniens et de leurs partisans, qui déclarèrent que non seulement l’annexion était déjà une réalité de fait dans les territoires palestiniens occupés, mais qu’Israël avait bel et bien l’intention de poursuivre sa politique de déportation des Palestiniens à l’avenir.

Alors que la construction de nouvelles colonies ne signifie pas nécessairement qu’Israël appliquera immédiatement sa souveraineté sur les colonies et sur d’autres portions de la Cisjordanie, l’expansion des colonies est largement perçue comme une mesure précédant directement l’annexion.

Conséquence directe de ces nouvelles unités d’implantation, l’accès des Palestiniens à leurs terres dans des endroits comme la région de Bethléem, par exemple, sera encore plus restreint au cours des mois à venir, en attendant le jour très probable où ils seront pleinement empêchés d’encore rallier leurs terres à l’intérieur des colonies et autour.

Pour bien des Palestiniens, l’annexion est plus que la reconnaissance officielle de la souveraineté israélienne sur des portions entières des territoires palestiniens occupés, c’est même avant tout la poursuite de la dépossession des Palestiniens de leurs terres, via l’expansion des colonies, les démolitions de maisons et les confiscations de terres.

La décision d’Israël de faire progresser grandement les plans des nouvelles unités d’implantation, quelques semaines à peine après la signature des tout récents accords de normalisation, constitue un signal pour beaucoup de la fin du faux semblant que l’annexion était gelée et de l’introduction d’une réalité dans laquelle de nombreux États de la région du Moyen-Orient continueront à signer des accords de normalisation avec Israël, et ce, avec ou sans l’approbation des Palestiniens.


Publié le 15 octobre 2020 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal

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