Le retour à l’école ravive la crainte de la violence des militaires et des colons israéliens

 « J’avais peur, à l’école », a expliqué Amir H., 15 ans, à Defense for Children International – Palestine (DCI-P). « Chaque fois que je voyais des soldats, sur le chemin de l’école, j’étais effrayé et j’essayais de m’en éloigner le plus possible parce que j’avais déjà été interpellé auparavant, et plus d’une fois. »

DCI-P, 14 octobre 2020

6 septembre 2020, à proximité de la colonie juive de Beit Hadasa, dans la ville de Hébron, en Cisjordanie occupée, des étudiants et des enseignants palestiniens attendent à un check-point militaire que les soldats israéliens les laissent passer pour qu'ils puissent se rendre à l'école en ce premier jour de classe. (Photo : AFP / Hazem Bader)

6 septembre 2020, à proximité de la colonie juive de Beit Hadasa, dans la ville de Hébron, en Cisjordanie occupée, des étudiants et des enseignants palestiniens attendent à un check-point militaire que les soldats israéliens les laissent passer pour qu’ils puissent se rendre à l’école en ce premier jour de classe. (Photo : AFP / Hazem Bader)

Un retour en classe en septembre signifiait que, pour les étudiants et écoliers palestiniens vivant à proximité des colonies israéliennes illégales, les trajets scolaires et les journées de classe allaient une fois de plus être marqués par la violence des soldats et des colons israéliens.

Amir, pour l’instant en neuvième année à l’École secondaire pour garçons de Tuqu, située à l’est de la ville de Bethléem, en Cisjordanie occupée, a fait l’objet de nombreuses tentatives d’arrestation par l’armée israélienne alors qu’il était sur le chemin de l’école ou qu’il en revenait.

« J’étais extrêmement effrayé et je me mettais à hurler et je sentais que les soldats israéliens voulaient m’attraper et me battre »,

se rappelle Amir en parlant d’un précédent incident. « Ils m’effrayaient beaucoup. » Ses professeurs, le principal de l’école et d’autres personnes sont intervenues pour le protéger.

L’histoire d’Amir n’a rien d’unique. Stationnés partout en Cisjordanie occupée, l’armée, la police et les effectifs de la sécurité privée d’Israël protègent les populations de colons. Au contraire des autres civils israéliens, bien des colons israéliens sont armés. Cela crée un environnement hyper-militarisé qui se traduit par l’exercice d’une violence physique et psychologique disproportionnée à l’égard des enfants palestiniens.

Les étudiants et écoliers qui vivent sous occupation militaire israélienne en Cisjordanie occupée sont confrontés quotidiennement à des arrestations, à l’emprisonnement, à la violence et au harcèlement de la part des soldats et des colons israéliens. Les check-points, les routes utilisées par les forces et les colons israéliens, et d’autres infrastructures militaires à l’intérieur ou près des communautés palestiniennes constituent des obstacles supplémentaires à la jouissance de leur droit à un environnement éducatif sécurisé tel que le préconise la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfance, qui a d’ailleurs été ratifiée par Israël en 1991.

Au cours de l’année scolaire 2019–2020, qui a été écourtée en raison des restrictions du lock-down imposé par le Covid-19, DCI-P a répertorié 134 incidents violents provoqués par les forces israéliennes entre le 20 août 2019 et le 6 mars 2020, incidents qui ont impacté au moins 9 429 étudiants, écoliers et enseignants.

L’école d’Amir se trouve à proximité immédiate des colonies illégales, réservées exclusivement aux juifs, de Teqoa, Noqedim et Ma’ale Amos qui entourent Tuqu au nord, au sud et à l’est, dans la partie sud de la Cisjordanie occupée. Une grand-route régionale utilisée par les forces et les colons israéliens coupe en deux les localités de Tuqu et de Khirbet Ad-Deir, toute proche.

À l’École secondaire pour garçons de Tuqu, DCI-P a répertorié 15 incidents impliquant les forces israéliennes, dont cinq entre le 4 février et le 4 mars 2020. Lors de ces incidents, des soldats israéliens ont lancé de multiples grenades de gaz lacrymogène sur les élèves se trouvant à l’extérieur de l’école, le matin. De nombreux enfants ont fait état de difficultés respiratoires provoquées par ces gaz lacrymogènes et, en une occasion, au moins trois dezs élèves ont perdu conscience, selon les renseignements collectés par DCI-P.

Précédemment, le 31 janvier 2019, trois soldats israéliens dans un véhicule militaire positionné à proximité de la route de contournement avaient lancé des grenades paralysantes et des grenades de gaz lacrymogène sur les élèves de Tuqu qui quittaient leurs classes, et ils les avaient pourchassés, selon les renseignements collectés par DCI-P. Un soldat israélien avait tiré à quatre reprises à balles réelles, touchant deux enfants. Mohammad A., 17 ans, avait reçu une blessure par balle dans l’abdomen et, Mazen S., 16 ans, avait été blessé de même à la cuisse. Leurs condisciples avaient été laissés sur place dans un état de panique et de crainte.

En dépit des dangers du trajet scolaire, Amir a déclaré à DCI-P qu’il se sentait en sécurité une fois à l’intérieur. « Je suis excité et je m’impose des défis pour la nouvelle année scolaire », a-t-il encore dit.

Un autre élève, Baha A., 16 ans, en 11e année à l’École secondaire pour garçons de Tuqu, a fait état de sentiments similaires de sécurité une fois qu’il avait rallié l’école, bien que son trajet quotidien implique fréquemment des confrontations avec des soldats.

« Chaque fois que je vois des soldats israéliens, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est que quelque chose de mauvais va se produire. Soit ils nous fouillent, soit ils nous arrêtent »,

a expliqué Baha à DCI-P.

« Je ne me sens pas en sécurité, sur mon trajet vers l’école. Mais je me sens en sécurité une fois que j’arrive à l’école. Je me sens en sécurité à l’intérieur de la classe, parce que je suis entouré de nombreux élèves et professeurs. »

Zain, 12 ans, un écolier de 7e année à l’École primaire pour garçons de Hébron (Cisjordanie occupée), qui est située dans la section H2 de la ville, contrôlée par Israël, ressent la présence continuelle des soldats israéliens sur son trajet scolaire aller et retour et cela a grandement impacté sa capacité de concentration en classe.

« Je réfléchis à la façon de m’enfuir et j’ai peur d’être abattu d’une balle en caoutchouc dans le dos »,

a déclaré Zain à DCI-P.

« J’imagine que je suis sur le point de perdre la vie. Je me sens mal, somnolent et incapable de me concentrer sur le professeur et sur la leçon. »

Quand on lui demande comment il se sent après avoir rencontré des soldats, Zain répond :

« Je me sens comme en état de choc et mon cœur se met à battre plus vite. Je me sens étourdi et je suis incapable de bouger, quand je vois des soldats près de moi. »

Abdullah R., 9 ans, de l’École Ziad Jaber de la ville de Hébron, dans le sud de la Cisjordanie occupée, a déclaré :

« J’aime bien l’école et je suis content d’y être retourné. »

Mais lui aussi a fait remarquer qu’il était incapable de se concentrer après des incidents violents.

Sur le chemin de l’école, en novembre 2019, les forces israéliennes se sont servies de deux chiens de l’armée pour poursuivre et intimider Abdullah, selon les renseignements collectés par DCI-P. Les soldats israéliens ont fouillé son cartable et ont retenu Abdullah pendant une heure environ. Il vit dans le voisinage immédiat de la colonie de Kiryat Arba, réservée aux seuls juifs, de sorte que les soldats israéliens sont régulièrement présents et qu’ils se déploient à proximité de sa maison.

« Je ne prends plus la route où j’ai été agressé par l’armée israélienne »,

a déclaré Abdullah.

« Chaque fois que je passe par-là, je me souviens de ce qui m’est arrivé. »

Entre 1967 et 2017, plus de 200 colonies israéliennes illégales ont été construites en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, selon B’Tselem. Ces colonies sont illégales, en verti des lois internationales, et elles sont protégées par l’armée et la police israéliennes ainsi que par des firmes de sécurité privée, ce qui expose très fréquemment les enfants palestiniens à des actes de violence.

Dans un tel environnement hyper-militarisé, une violence physique et psychologique, fréquente et disproportionnée, est infligée aux enfants palestiniens qui font état, entre autres abus, d’un harcèlement régulier par les soldats et colons israéliens sur leur chemin de l’école, ainsi que d’attaques contre les écoles mêmes.

Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a recensé 547 incidents ou attaques et infractions de la part des colons israéliens contre des Palestiniens entre le 1er janvier et le 13 octobre 2020. Durant cette période, les colons israéliens ont blessé 100 Palestiniens et ont vandalisé 5 650 oliviers et 166 véhicules palestiniens.

L’École élémentaire mixte d’Al-Khansa et l’École élémentaire pour filles d’Al-Jarmaq, à Tuqu, ont été attaquées en mars 2019 par un groupe de 25 colons israéliens armés. L’administration et le personnel des écoles ont déclaré à DCI-P que les colons israéliens avaient tenté de s’infiltrer à l’intérieur des écoles mais qu’ils en avaient été empêchés par les professeurs et les parents qui s’étaient précipités vers les écoles afin d’aider à contrer l’attaque. Les forces israéliennes sont arrivées pour soutenir et protéger les colons israéliens et ont lancé des grenades paralysantes, ce qui a effrayé les enfants. Toute une journée de cours a été perdue pour un total de 569 éleves et enseignants.

« La première fois que les colons nous ont attaqués, j’ai été très distrait le lendemain et je n’ai pas pu me concentrer, une fois en classe »,

a déclaré Baha à DCI-P.

« Je ne pouvais penser à rien d’autre qu’au chemin que j’allais prendre pour rentrer à la maison. »

Selon Baha, chaque mercredi de septembre, après les cours, lui et ses condisciples ont été harcelés par un colon israélien dans un véhicule blanc et accompagné de trois chiens, et ce, dans la rue Khirbet Ad-Deir à Tuqu.

« Nous nous attendions à ce que ce colon nous tire dessus, parce qu’il nous a montré son pistolet »,

a expliqué Baha.

« Même en changeant d’itinéraire chaque mercredi, nous rencontrions toujours le colon où que nous allions. Il était là tout le temps et nous nous sentions terrifiés. »

En enquêtant sur les incidents violents provoqués par les colons, DCI-P a découvert que l’absence de justice et l’impunité étaient la norme et non l’exception. Au cœur du problème, il y a la différence de traitement appliqué par le gouvernement israélien aux Palestiniens et aux Israéliens vivant en Cisjordanie occupée. Bien qu’ils vivent sur le même territoire, tous les Palestiniens sont soumis à la loi martiale, alors que les colons israéliens dépendent du système juridique civil et pénal.

Les colons israéliens, y compris leurs enfants, attaquent souvent les Palestiniens à coups de pierres et d’autres objets, mais il leur est rarement réclamé des comptes, du fait que l’armée israélienne ne dispose pas de l’autorité nécessaire pour arrêter les colons israéliens en Cisjordanie.

En dépit de la violence persistante des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, les autorités israéliennes ont de tout temps négligé d’enquêter sur les plaintes introduites contre les colons. Yesh Din, une organisation israélienne des droits de l’homme, a publié en janvier 2020 une série de données montrant que, entre 2005 et 2019, plus de 90 pour 100 des enquêtes concernant des délits à motivation idéologique commis par les forces et colons israéliens contre des Palestiniens en Cisjordanie ont finalement été classées sans la moindre condamnation.


Publié le 15 octobre 2020 sur Defense for Children – Palestine (DCI-P)
Traduction : Jean-Marie Flémal

Pour rappel : la  Belgique, présidant le Conseil de Sécurité  début 2020 avait honteusement décidé de retirer l’invitation de l’ONG palestinienne Defense for Children International – Palestine à un briefing sur le Moyen-Orient.

Ci-dessous, le communiqué qu’avait diffusé BACBI – Campagne belge pour le boycott académique et culturel d’Israël :

BACBI : « Nous avons honte d’être belges »

Photo à la Une : Une enseignante palestinienne accompagne des écoliers lors d’une opération de l’armée israélienne dans le village d’Al-Yamoun, près de Jénine, le 20 décembre 2005. (MAANnews/Mohamad Torkoman), via The Electronic Intifada

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