La CPI reconnaît sa compétence pour juger les crimes de guerre d’Israël
La Cour Pénale Internationale (CPI) a infligé vendredi un camouflet au régime d’apartheid, en reconnaissant sa compétence pour juger des crimes de guerre perpétrés dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, la bande de Gaza et Cisjordanie.
Saisie depuis des années, notamment après la tuerie massive (plus de 2.400 morts palestiniens dont une large majorité de civils) de l’attaque sur Gaza de l’été 2014, la Procureure de la CPI, Mme Fatou Bensouda, avait traîné pendant cinq ans, jusqu’à la fin 2019, pour estimer qu’on pouvait « raisonnablement » penser qu’ Israël s’est rendu coupable de crimes de guerre.
Outre le massacre de 2014 contre la population de Gaza, Fatou Bensouda prenait en considération l’installation de colons dans les territoires occupés, les centaines de Gazaouis désarmés assassinés, et les milliers d’autres blessés par les snipers en 2018, ou encore l’intention publiquement affichée de carrément annexer à Israël toute une partie de la Cisjordanie. Autant de violations caractérisées du droit international, et des Conventions de Genève en particulier.
Mais après ce constat, exact bien que très tardif, Mme Bensouda cédait aussitôt à une manœuvre dilatoire d’Israël, un Etat qui ne fait même pas partie de la CPI, dont les dirigeants en disent pis que pendre du matin au soir, mais qui ont néanmoins le culot de vouloir dicter son ordre du jour à la juridiction internationale.
Maintenant, vous n’avez plus de prétexte, Mme Bensouda !
En substance, Netanyahou et sa bande contestaient la compétence de la CPI concernant les territoires palestiniens occupés, au motif qu’il n’y a pas, ou qu’il n’y aurait pas « d’Etat de Palestine ». Autrement dit, version israélienne, si la Palestine n’est pas un Etat, alors il ne peut y avoir de victimes de crimes de guerre en Palestine !
Plutôt que d’ignorer purement et simplement la revendication grotesque des criminels, Mme Bensouda avait alors demandé à des juges de la CPI d’étudier la question.
Il s’en est suivi, tout au long de l’année 2020, l’examen de cette demande israélienne, avec entrée en lice d’une kyrielle d’amis du régime de l’apartheid, allant de l’ancien ministre français Robert Badinter à des gouvernements européens, sans oublier l’éventuel habituel d’officines et de lobbies israéliens.
Ils n’ont pas eu gain de cause. La Chambre préliminaire de la CPI a répondu vendredi à la Procureure que finalement, oui, la juridiction internationale était bien qualifiée pour connaître des crimes commis dans les territoires palestiniens, et que le processus judiciaire peut donc continuer. La décision a été notifiée à toutes les parties, dont les avocats d’un certain nombre des victimes palestiniennes, et les autorités de l’Etat de Palestine.
Il s’agit là d’une victoire du droit, dont le peuple palestinien en quête de justice ne peut que se réjouir, même si le chemin est encore long, et assurément semé de nombreuses embûches, tant Israël bénéficie de la complicité des grandes puissances, à commencer par celle des Etats-Unis, que ce soit sous le règne de Bush, Obama et Trump hier, ou de Biden aujourd’hui.
Le Communiqué de presse du CPI
Aujourd’hui, le 5 février 2021, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour ») a décidé, à la majorité, que la compétence territoriale de la Cour dans la situation en Palestine, un État partie au Statut de Rome de la CPI, s’étend aux territoires occupés par Israël depuis 1967, à savoir Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.
Le 20 décembre 2019, le Procureur a annoncé la conclusion de l’examen préliminaire de la situation en Palestine. Le Procureur avait conclu que tous les critères définis dans le Statut de Rome pour l’ouverture d’une enquête étaient remplis. La décision d’ouvrir une enquête concernant cette situation est du ressort du Procureur de la CPI. Le 22 janvier 2020, le Procureur a saisi la Chambre en vertu de l’article 19-3 du Statut de Rome, lui demandant de se prononcer uniquement sur la portée de la compétence territoriale de la Cour dans la situation dans l’État de Palestine.
Dans la décision d’aujourd’hui, la Chambre préliminaire I a rappelé que la CPI n’était pas constitutionnellement compétente pour statuer sur les questions de statut d’État qui lieraient la communauté internationale. En statuant sur la portée de sa compétence territoriale, la Chambre ne se prononce pas sur un différend frontalier en vertu du droit international ni ne préjuge de la question d’éventuelles futures frontières. La décision de la Chambre a pour seul but de définir la compétence territoriale de la Cour.
La Chambre préliminaire I a examiné la demande du Procureur ainsi que les observations d’autres États, organisations et universitaires déposées à titre d’amicus curiae et de groupes de victimes. La Chambre a estimé que, conformément au sens ordinaire donné à ses termes dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du Statut, la référence à « [l’] État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu » dans l’article 12-2-a du Statut doit être interprété comme une référence à un État partie au Statut de Rome. La Chambre a conclu que, quel que soit son statut au regard du droit international général, l’adhésion de la Palestine au Statut a suivi la procédure correcte et ordinaire et que la Chambre n’est pas habilitée à contester et à examiner le résultat de la procédure d’adhésion menée par l’Assemblée des États parties. La Palestine a donc accepté de se soumettre aux termes du Statut de Rome de la CPI et a le droit d’être traitée comme tout autre État partie pour les questions liées à la mise en œuvre du Statut.
La Chambre préliminaire I a noté que, parmi d’autres résolutions formulées de façon similaire, l’Assemblée générale des Nations Unies dans la résolution 67/19 « [a réaffirmé] le droit du peuple palestinien à l’autodétermination et à l’indépendance dans un État de Palestine situé sur le territoire palestinien occupé depuis 1967 ». Sur cette base, la majorité de la Chambre, composée de la juge Reine Adélaïde Sophie Alapini-Gansou et du juge Marc Perrin de Brichambaut, a conclu que la compétence territoriale de la Cour dans la situation en Palestine s’étendait aux territoires occupés par Israël depuis 1967, à savoir Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.
En outre, la majorité de la Chambre a estimé que les arguments concernant les Accords d’Oslo et ses clauses limitant la portée de la compétence palestinienne ne sont pas pertinents pour le règlement de la question de la compétence territoriale de la Cour en Palestine. Ces sujets et d’autres questions relatives à la compétence pourraient être examinées lorsque et si le Procureur présentait une demande de délivrance d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître.
Le juge Marc Perrin de Brichambaut a joint une opinion partiellement séparée sur les raisons pour lesquelles l’article 19-3 du Statut de Rome est applicable dans la situation actuelle. Le juge Péter Kovács, juge président, a joint une opinion partiellement dissidente dans laquelle il n’est pas d’accord sur le fait que la qualification d’ « État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu » au sens de l’article 12-2-a du Statut de Rome soit applicable à la Palestine, et que la compétence territoriale de la Cour dans la situation en Palestine s’étende – de façon quasi automatique et sans aucune restriction -aux territoires occupés par Israël depuis 1967, à savoir Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est.
Publié le 5 février 2021 sur CAPJPO-Europalestine
Vidéo : “Les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale” :
Christophe Oberlin, interviewé en direct par Thierry Delcourt, sur Radio Courtoisie, à l’occasion de la parution de son dernier livre, publié aux Éditions Érick Bonnier : “Les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale. L’enquête.”
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