Israël tente de blanchir son héritage sanglant au Liban

Une fois de plus, Israël tente de blanchir ses crimes contre le Liban en proposant au pays son « aide humanitaire ». Le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a déclaré qu’Israël était « prêt à agir » et qu’il lançait sa proposition via l’UNIFIL, la force de maintien de la paix des Nations unies au Liban, en recourant aux liaisons de l’armée israélienne.

28 juin 2021. Des automobilistes de Beyrouth font la file à proximité d’une station-service, alors qu’il règne au Liban une pénurie de carburant sans précédent ainsi qu’une crise qui ne cesse d’empirer. (Photo : Marwan Naamani / DPA)

Tamara Nasser, 7 juillet 2021

Du fait que la devise libanaise qui a perdu 90 pour 100 de sa valeur et que les supermarchés et pharmacies luttent pour reconstituer leurs stocks de fournitures de première nécessité, le pays traverse une profonde crise économique.

La gigantesque explosion qui s’est produite au port en août dernier et qui a dévasté d’importantes sections de la capitale Beyrouth, a porté la crise à des niveaux plus graves encore. Les choses ont encore empiré avec la pandémie de Covid-19 et les sanctions économiques des États-Unis contre la Syrie et l’Iran voisins. Ces sanctions, bien sûr, font partie d’une politique de longue haleine des États-Unis visant à punir tout pays ou organisation qui s’engage dans la résistance contre Israël ou qui la soutient.

« J’ai mal au cœur à la seule vue des images du peuple de plus en plus affamé que l’on voit dans les rues du Liban »,

a tweeté Gantz mardi. Et d’ajouter qu’il y était allé du même genre de commentaire dimanche, au cours d’une cérémonie en honneur d’anciens membres de l’armée du Sud-Liban (ASL). Cette même ASL était une milice de collabos qui avait aidé Israël durant les 22 années de son occupation du Sud-Liban.

Cette occupation avait pris fin en 2000 quand les combattants de la résistance libanaise dirigée par le Hezbollah avaient chassé du pays les forces israéliennes. De nombreux membres de l’ASL s’étaient alors réfugiés en Israël.

La proposition de Gantz est d’une hypocrisie à couper le souffle. Malgré le retrait de ses troupes, Israël viole toujours l’espace aérien et la souveraineté du Liban quasi quotidiennement, en envoyant des drones et des avions de combat survoler le pays.

Néanmoins, le mois dernier encore, Gantz adressait des menaces au Liban.

« Il est nécessaire que le Liban sache que ce qu’a connu Gaza voici quelques semaines n’est que le sommet de l’iceberg »,

avait-il déclaré en juin. La menace de Gantz faisait allusion à l’assassinat de quelque 245 Palestiniens – parmi lesquels des familles entières et des dizaines d’enfants – dans la bande de Gaza durant 11 jours en mai dernier.

Gantz avait pris la parole au cours d’une cérémonie en l’honneur de soldats israéliens qui avaient participé à l’occupation du Liban. Il a même prétendu avoir été le dernier soldat israélien à quitter le Liban quand les forces israéliennes avaient brusquement abandonné leurs positions en mai 2000. Il servait d’agent de liaison entre l’armée israélienne et ses collaborateurs de l’ASL

« Les cibles sont prêtes. Tous ceux qui cachent des armes chez eux mettent leurs propres enfants en danger »,

avait menacé Gantz – recourant apparemment au prétexte de s’en prendre aux logements des civils libanais de la même façon exactement qu’Israël l’avait fait à Gaza.

En février, Gantz avait également menacé explicitement les civils libanais alors qu’il était en fait censé transmettre un avertissement au dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le Hezbollah est de fait la force de défense et de dissuasion du Liban contre les menaces et agressions répétées d’Israël.

« Si les menaces de Nasrallah se muent en actes – le résultat sera douloureux pour le Hezbollah, pour ses dirigeants et malheureusement aussi pour les citoyens du Liban, que le Hezbollah a transformés en boucliers humains », avait tweeté  Gantz.

L’exploitation de la souffrance

Gantz n’a pas caché la motivation politique qui sous-tend sa proposition « humanitaire » au Liban, en disant qu’il était aiguillonné par « les tentatives du Hezbollah d’accroître les investissements iraniens dans le pays ». Loin d’être « humanitaire », dans ce cas, la proposition de Gantz n’est qu’une astuce dirigée contre l’Iran, un pays qu’Israël perçoit comme un contrepoids régional à sa domination.

Dans une allocution récente, Nasrallah a déclaré que si la crise ne cessait d’empirer, l’Iran pourrait aider le Liban en lui envoyant du pétrole, « même si cela devait poser un problème ». Ce n’est pas la première fois qu’Israël adresse des propositions cyniques au Liban. Suite à l’explosion au port de Beyrouth en août dernier, Israël s’était précipité pour exploiter la tragédie en proposant son aide.

Il s’agit d’une stratégie de propagande appelée le « bluewashing » (consistant à emballer sa propagande dans la couleur bleue des Nations unies afin d’améliorer son image sociale, NdT). Un important groupe israélien de lobbying a même tenté d’exploiter le désastre afin d’éliminer la résistance. Le Comité juif américain a en outre exigé dans un tweet que toute aide internationale au Liban soit conditionnée par « le désarmement du Hezbollah, promis depuis longtemps et évité depuis tout aussi longtemps ». Plus tard, le comité a détruit son tweet – apparemment embarrassé par un retour de flamme quant à son intention manifeste d’exploiter la souffrance du peuple libanais afin qu’Israël puisse en tirer avantage.  

Un organe de presse financé par le gouvernement israélien avait également prétendu sans la moindre preuve que l’explosion au port « provenait d’un entrepôt de munitions du Hezbollah ».

Le long palmarès israélien de crimes contre le Liban et sa population civile est bien connu. Mais Israël a également commis des crimes contre l’UNIFIL, l’institution à laquelle Gantz a prétendu s’être adressé pour avancer sa proposition d’aide. En avril 1996, lors de son invasion du Liban, Israël a bombardé une base de l’UNIFIL dans le village de Qana, tuant plus de 100 réfugiés de soldats du maintien de la paix de l’ONU. Le Premier ministre israélien nouvellement élu, Naftali Bennett, avait joué un rôle dans ce massacre.

Une enquête des Nations unies menée par un général hollandais a rejeté comme « peu crédibles » les allégations d’Israël selon lesquelles ses obus avaient frappé la base de l’UNIFIL par accident, mais personne n’a jamais dû rendre de comptes, à propos de cette action.

La normalisation marocaine

Pendant ce temps, un avion de combat marocain est arrivé en Israël dimanche afin de participer à un exercice militaire en commun avec Israël. Les États-Unis y participent également.

En décembre dernier, le Maroc est devenu le dernier État arabe à nouer des liens diplomatiques complets avec Israël, normalisant ainsi des années de relations clandestines. Les deux gouvernements inaugureront également des vols civils directs dans les semaines à venir.

En janvier 2020 – près d’un an avant l’accord officiel de normalisation – l’armée marocaine aurait reçu des drones de reconnaissance israéliens dans un contrat portant sur 48 millions de USD. The Jerusalem Post rapporte que les deux pays ont signé ce contrat en 2014 et qu’ils « l’ont conclu par le biais de la société française Dassault ».


Publié le 7 juillet 2021 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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