Israël refuse à Khalida Jarrar un dernier adieu à sa fille Suha

Israël a déjà fait subir tant de choses, à Khalida Jarrar. Mais son refus de permettre à la députée palestinienne de sortir de prison afin d’assister aux funérailles de sa fille Suha est peut-être la plus cruelle de toutes.

La députée palestinienne Khalida Jarrar, au centre, avec son mari Ghassan et sa fille Suha, après sa libération d’une prison israélienne en février 2019. Suha est décédée soudainement cette semaine et Israël a empêché sa mère d’assister aux funérailles. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

La députée palestinienne Khalida Jarrar, au centre, avec son mari Ghassan et sa fille Suha, après sa libération d’une prison israélienne en février 2019. Suha est décédée soudainement cette semaine et Israël a empêché sa mère d’assister aux funérailles. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

Ali Abunimah, 13 juillet 2021

« Tout ce que je demandais, c’était d’adresser un dernier adieu à ma fille, avec un baiser sur le front, et lui dire que je l’aime tout autant que la Palestine »,

a écrit Khalida Jarrar, emprisonnée à Damon, dans un message qui a été partagé en ligne ce mardi par son autre fille Yafa.

Suha Jarrar, 31 ans, a été retrouvée morte le 11 juillet dans son appartement de Ramallah, en Cisjordanie occupée.

« Suha était engagée dans la défense des droits humains et de la justice de genre, et elle défendait également les lois internationales et la protection de l’environnement »,

a déclaré Al-Haq, l’organisation des droits de l’homme au sein de laquelle Suha travaillait, en guise d’hommage mettant en exergue ses nombreuses contributions.  

Des années de persécution

Lundi, c’est en vertu de prétextes politiques que le Service carcéral israélien a rejeté de nombreux appels en faveur de la libération temporaire de Khalida Jarrar afin qu’elle puisse assister aux funérailles de sa fille. Les autorités israéliennes ont invoqué la prétendue « menace sécuritaire » posée par Jarrar en raison de son « rôle [négatif] de meneuse » à l’intérieur et à l’extérieur de la prison, a déclaré Addameer, l’organisation défendant les droits des prisonniers.

Cette décision vindicative est la toute dernière mesure prise par Israël dans sa longue persécution politique à l’encontre de Khalida Jarrar, âgée aujourd’hui de 58 ans. En mars dernier, les autorités d’occupation israéliennes l’avaient condamnée à deux années d’emprisonnement et à une amende, en raison de son appartenance au Front populaire pour la libération de la Palestine. Comme la quasi-totalité des partis politiques et organisations de la résistance de Palestine, Israël a classé l’organisation de gauche dans la catégorie des groupes « terroristes ».

Cette sentence est tombée après que Khalida Jarrar avait passé près d’un an et demi en détention administrative – un emprisonnement arbitraire sans accusation ni procès. Selon Addameer, l’arrestation de Khalida Jarrar en octobre 2019 avait eu lieu au beau milieu d’une « campagne ciblant des dizaines d’activistes politiques et étudiants universitaires palestiniens ».

Les autorités israéliennes avaient alors propagé de fausses accusations via les médias dans une tentative d’associer Khalida Jarrar à des activités de résistance militaire. Toutefois, le procureur militaire israélien n’a en fin de compte condamné Khalida Jarrar que pour « son rôle politique et son travail avec l’Autorité palestinienne », a déclaré Addameer. Ce fait, toujours selon Addameer, est la confirmation de ce que Khalida Jarrar « n’a aucune responsabilité ou relation dans des activités militaires, financières ou organisationnelles ».

Même si l’armée israélienne ne l’a pas accusée de violations de la « sécurité », le Service carcéral israélien considère néanmoins Khalida Jarrar comme une « détenue sécuritaire ». Cela signifie que, en vertu des réglementations israéliennes, elle ne peut en aucun cas bénéficier d’une libération pour raisons humanitaires.  

« Le régime d’occupation israélien s’appuie explicitement sur la criminalisation du travail politique et de l’activisme au niveau des droits humains de Khalida Jarrar, comme sur un moyen de la considérer comme une ‘menace sécuritaire’, la privant par conséquent de la dignité humaine et des considérations humanitaires qu’elle est en droit d’attendre »,

a déclaré Addameer.

Khalida Jarrar a travaillé comme législatrice et a contribué à formuler la requête adressée par la Palestine à la Cour pénale internationale. Tout au long des années de son travail politique et en faveur des droits humains, « elle a été harcelée et visée systématiquement par le régime d’occupation israélien », affirme Addameer, où elle a exercé les fonctions de directrice générale.

« Déterminée et forte »

En tout, Khalida Jarrar a été arrêtée à trois reprises par les autorités d’occupation israéliennes depuis 2015 et elle a passé 59 mois dans les prisons israéliennes. Depuis 1998, elle fait l’objet d’une interdiction de voyager de la part d’Israël, interdiction qui a été levée une seule fois, en 2010, afin de lui permettre de suivre un traitement médical à l’étranger.

« Suha, ma précieuse fille. Ils m’ont empêchée d’aller te donner un dernier baiser d’adieu »,

a écrit Khalida Jarrar depuis sa cellule.

« Ton absence est terriblement et cruellement douloureuse. Mais je reste déterminée et forte, comme les montagnes de notre Palestine bien-aimée. »

Omar Shakir, le directeur de Human Rights Watch pour Israël et la Palestine, a rendu hommage à Suha Jarrar et à ses « recherches innovatives sur les impacts environnementaux de l’occupation israélienne ». Il a rappelé que son

« sourire contagieux ne s’éteignait jamais, même si, durant une bonne partie de sa vie d’adulte, sa mère est restée injustement emprisonnée ».

« Du fait qu’ils ont arrêté plusieurs fois Khalida en violation de ses droits, les autorités israéliennes devraient au moins lui permettre d’aller dire au revoir à sa fille »,

a ajouté Omar Shakir. Pourtant, même ce petit geste d’humanité allait bien au-delà de ce qu’on pourrait espérer de la part d’Israël.


Publié le 6 juillet 2021 sur The Electronic Intifada

Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Ali Abunimah

 

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impass

Lisez également :  Lettre de Khalida Jarrar à sa fille Suha Jarrar, tragiquement disparue

 

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