Contester l’impunité d’Israël

L’équilibre du pouvoir est en train de changer et les agressions ne resteront plus sans réponse.

Photo : Rai al-Youm

Abdel Bari Atwan, 10 août 2021

Le fait qu’Israël s’est rendu au Conseil de sécurité des Nations unies à quatre reprises en moins de dix jours pour se plaindre de supposées attaques iraniennes contre ses navires ou des tirs de roquettes depuis le Sud-Liban est une preuve suffisante en soi de ce que l’équilibre de pouvoir au Moyen-Orient s’est modifié et que le poids politique et militaire de l’État d’occupation s’érode rapidement.

Le dirigeant du Hezbollah Hassan Nasrallah a inséré un point très important dans son discours du week-end en expliquant le dernier lancement par l’organisation de missiles de représailles contre le territoire occupé par Israël : autrement dit, que la crise domestique qui touche tous les domaines au Liban ne détournera pas ce dernier de faire face à la menace israélienne ; qu’il répondra immédiatement et sans  hésitation à toute frappe aérienne ou agression ; et que l’espace aérien libanais n’est plus ouvert à l’aviation israélienne pour qu’elle y opère comme bon lui semble.

Les chefs politiques et militaires d’Israël ont fait un mauvais calcul, peut-être pour la dixième fois sinon plus, en supposant que la préoccupation du Hezbollah au sujet de la crise interne allait l’empêcher de réagir à la dernière frappe aérienne israélienne. Sa riposte a révélé les limites de l’intelligence et de l’expertise militaires d’Israël, vantées comme infaillibles et vendues pour des centaines de millions de dollars aux régimes arabes en pleine normalisation.

Nasrallah insistait pour dire que les ripostes futures aux attaques israéliennes seraient « appropriées et proportionnelles » et qu’elles pourraient être menées dans l’intérieur de la Palestine occupée ou dans les hauteurs du Golan occupées de même. Le récent échange d’artillerie et de tirs de missile visant des zones inhabitées des deux camps est une expression claire de cette nouvelle équation et de sa mise en pratique, qui pourrait même s’étendre bientôt au front syrien.

Les dirigeants israéliens sont bien conscients que les missiles tirés par le Hezbollah étaient d’une ancienne variété imprécise et qu’ils étaient destinés à faire passer le message qui précède plutôt qu’à infliger de véritables dégâts. Des projectiles similaires ont été utilisés par les organisations de résistance à Gaza afin de détourner avec succès le système du Dôme de fer et d’affaiblir ses missiles.

Les avions de combat israéliens avaient l’habitude de répondre aux ballons incendiaires lancés depuis Gaza par des frappes aériennes et des bombardements, détruisant ainsi des immeubles et tuant des civils et des membres de la résistance. Aujourd’hui, leurs missiles tendent à cibler des terrains sablonneux ou des zones inhabitées afin d’éviter des frappes de représailles. La même chose s’est produite vendredi dernier dans le Sud-Liban par crainte de déclencher une riposte par missiles « appropriée et proportionnelle ».

Les dirigeants israéliens et les colons, de même, sont alarmés par la prolifération des fronts ouverts contre eux ces derniers jours. La situation à la frontière nord avec le Liban ressemble de plus en plus à celle aux frontières avec la bande de Gaza. Il y a également la « guerre maritime » dans le Golfe, au cours de laquelle l’Iran prend le dessus : les Américains et les Britanniques reviennent sur leurs menaces de représailles depuis l’attaque par drone, la semaine dernière, contre le tanker Mercer Street manœuvré par Israël dans la mer d’Arabie.

L’impact de tout cela sur le moral des Israéliens est bien plus grand et plus important que l’effet matériel. Cela sape la confiance dans l’État, dans l’armée et dans les establishments militaire et sécuritaire, et cela révèle les manquements et échecs de la classe politique dirigeante. Si le moral israélien était bas lors de la récente guerre contre Gaza, il a encore baissé d’un cran après la récente frappe de missiles du Hezbollah.

Naftali Bennett s’est adressé au secrétaire américain à la Défense, plaidant pour qu’il intervienne afin de faire cesser les envois de missiles du Hezbollah, exactement comme son prédécesseur Benjamin Netanyahou avait imploré le président Joe Biden d’intercéder avec les dirigeants égyptiens pour décréter un cessez-le-feu lors de la récente guerre contre Gaza.

Est-ce le même Israël qui réglait des guerres en six jours, qui se précipitait à travers des frontières, détruisait des réacteurs nucléaires et envahissait et occupait des pays arabes à sa guise ?

Bennett et ses alliés au gouvernement, à l’instar de Netanyahou avant eux, savent qu’il y a des centaines de milliers de missiles de précision qui attendent de riposter à la moindre folie de leur part. Le chef du Conseil général de la sécurité iranienne, le général Ali Shamkhani, a fait remarquer un jour que tous les avions de combat israéliens qui oseraient bombarder son pays ne retrouveraient plus de base où se poser à leur retour de mission. La prochaine fournée de missiles pourrait ne pas être très éloignée…


Publié le 21 mai 2021 sur le site Rai al-Youm
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Abdel Bari Atwan

Abdel Bari Atwan

Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du site Rai al-Youm (“L’opinion d’aujourd’hui”, un site qui se veut nationaliste arabe, antisaoudien et antisioniste). Il est l’ancien directeur du quotidien Al-Quds Al-Arabi et l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan

Lisez également : Iran / Israël : L’escalade dans la « guerre sur mer »

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