L’Europe verse des larmes de crocodile sur la brutalité de l’Autorité palestinienne

Trop occupés à verser des larmes de crocodile, les diplomates européens « oublient » toutefois que leurs propres gouvernements facilitent l’oppression des Palestiniens.

L’Union européenne entraîne la police qui travaille au service de l’Autorité palestinienne. (Photo : APA images)

David Cronin, 26 août 2021

La solidarité ne signifie pas grand-chose si elle n’est pas sincère.

En guise d’exemple typique de fausse solidarité, nous pouvons examiner la manière dont les diplomates européens installés en Cisjordanie occupée font la promotion de leurs activités.  

Chaque fois qu’ils en ont l’occasion, ils organisent des coups publicitaires où ils sont photographiés en train de consoler les opprimés. Trop occupés à verser des larmes de crocodile, ces diplomates « oublient » toutefois que leurs propres gouvernements facilitent l’oppression des Palestiniens.

Les envoyés de l’Europe ne semblent pas s’être réunis pour une opération photographique, cette semaine. Par contre, ils se sont fendus d’une déclaration qui exprime leurs « inquiétudes » à propos des récentes arrestations d’activistes politiques par l’Autorité palestinienne.

La déclaration omet un important détail : L’Europe apporte un soutien financier et politique majeur à l’AP.

Tout au long de l’histoire de l’AP, l’Union européenne n’a cessé d’être sa principale donatrice. En 2020, l’aide budgétaire directe de l’UE à l’AP s’est élevée à quelque 187 millions de USD.

 

Quand on tient les choses à l’œil

Dans la déclaration de cette semaine, les envoyés européens disent qu’ils « escomptent fermement » que l’AP respectera ses engagements sur le plan des droits humains.

Qui ces gens s’imaginent-ils tromper ?

Le but des « forces de sécurité » de l’AP est stipulé dans un document de 1998 qu’on a appelé le « mémorandum de Wye River ».

Signé entre Israël et Yasser Arafat, chef de l’AP à l’époque, le « mémorandum » requiert que ces forces recourent à une approche de style « tolérance zéro » de « la violence et du terrorisme ».

Ce genre de langage reflète clairement le point de vue d’Israël, qui traite toutes les contestations de son occupation comme s’il s’agissait de terrorisme, et peu importe que ces contestations proviennent de combattants armés ou de producteurs de crème glacée.  

Les « forces de sécurité » de l’AP ont toujours été censées agir par procuration pour Israël.

Mahmoud Abbas en personne a qualifié la « coopération sécuritaire » avec Israël de « sacrée ».  

Donald Trump, prenant la parole en tant que président des EU en 2017, a admiré la manière dont les forces israéliennes et celles de l’AP « coopéraient de belle façon ».

Si l’AP a pour tâche d’agir dans l’intérêt d’une occupation brutale, toute personne qui tient un tant soit peu les choses à l’œil ne s’attendra pas à ce que l’autorité défende les droits fondamentaux, mais plutôt qu’elle les bafoue.

Un autre point omis par les diplomates dans leur déclaration de cette semaine, c’est que c’est l’UE qui forme et entraîne la police de l’AP.  

La formation a lieu dans le cadre d’une opération baptisée EUPOL COPPSl’Office européen de coordination du soutien à la police palestinienne.

 

Une « selle onéreuse »

EUPOL COPPS recourt parfois à des histoires passablement excentriques, pour faire la publicité de son travail. Il s’est vanté, par exemple, de ce qu’un policier qui avait démantelé un gang qui avait volé des « selles onéreuses » à un propriétaire de chevaux en Suède, conseillait désormais l’AP en matière de « travail policier guidé par l’information ».

Mahmoud Abbas lui-même est assis sur une « selle onéreuse » depuis qu’il a été élu comme président de l’AP en 2005.  

Bien que son mandat ait expiré en 2009, il est resté en fonction sans le moindre mandat démocratique pendant plus de 12 ans.  

Abbas se comporte comme un dictateur. Et EUPOL COPPS sert de feuille de vigne pour masquer sa dictature.

L’une des tâches de l’UE implique de former un ministère de l’AP afin qu’il puisse promulguer des lois. En l’absence d’un parlement qui fonctionne, ce genre de législation est introduite par décret.

Cela signifie qu’EUPOL COPPS contribue à maintenir en place une situation intrinsèquement autocratique.

Fadi Quran, un représentant de l’organisation Avaaz, qui s’occupe de campagnes internationales, faisait partie des Palestiniens arrêtés par l’AP ces derniers jours (il a été relâché peu de temps après).

On rapporte qu’il a été prétendu que Quran avait enfreint la loi de l’AP portant sur les délits électroniques.  

Ce décret – condamné avec véhémence par les défenseurs des droits de l’homme – a été utilisé pour persécuter les personnes qui publient sur Internet des commentaires critiques à l’encontre de l’AP ainsi que pour censurer les médias.

 

Un État policier

Du fait que l’AP muselle ses opposants, il est hautement dérangeant qu’EUPOL COPPS se targue de l’aider à combattre « la criminalité en ligne ».

Rien n’indique que l’opération de la police de l’UE ait insisté pour que soit abrogée la loi sur la criminalité électronique.

EUPOL COPPS a prétendu qu’il était « particulièrement heureux » des engagements de l’AP en vue de tendre à des normes plus élevées sur le plan des droits humains. Pourtant, l’opération de l’UE reste silencieuse lorsque les policiers de l’AP – les gens mêmes qu’elle forme – se comportent comme de vulgaires voyous.

Les diplomates qui travaillent en dehors des consulats européens en Cisjordanie sont un peu moins réticents que leurs collègues à propos de l’opération policière. En juin, ils ont exprimé de « graves inquiétudes », lorsque l’activiste Nizar Banat est mort après avoir été arrêté par les forces de l’AP.

Les diplomates avaient fait preuve de la même réserve, en novembre dernier, quand Banat avait été arrêté dans la ville cisjordanienne de Jéricho.

Leur déclaration de l’époque ne mentionnait pas que l’UE conseillait l’AP sur la façon de gérer ses prisons à Jéricho.  

Du matériel rendu disponible afin de servir à la consommation publique voudrait nous faire croire que l’objectif de l’UE consiste à améliorer les conditions de détention des prisonniers palestiniens. N’empêche que ce matériel ne présente aucune preuve que des améliorations aient été réellement apportées.

 

Tant que ces preuves ne seront pas présentées, il convient de se poser des questions sur la façon dont l’Europe a aidé Mahmoud Abbas à transformer une partie de la Cisjordanie en un véritable État policier.


Publié le 26 août 2021 sur The Electronic Intifada

Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

Il a écrit de nombreux articles pour de nombreuses publications, dont The Guardian, The Wall Street Journal Europe, European Voice, the Inter Press Service, The Irish Times and The Sunday Tribune. En tant qu’activiste politique, il a tenté d’appliquer un état d’ “arrestation citoyenne” à Tony Blair et Avigdor Lieberman pour crimes contre l’humanité. 

Lisez également : L’idée coloniale qui a mis sur pied l’Autorité palestinienne

Le meurtre de Nizar Banat : Pourquoi les jours de l’AP sont comptés

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