Les incessantes fanfaronnades d’Israël à propos de l’Iran
Il n’est pour ainsi dire aucun haut responsable israélien qui n’ait menacé de lancer une attaque tous azimuts contre l’Iran afin de détruire ses sites nucléaires visibles et souterrains : depuis le Premier ministre Naftali Bennett et son ministre de la Guerre le général Benny Gantz jusqu’au chef de l’armée le général Aviv Kochavi et son bras-droit et commandant des forces aériennes le général Amikam Norkin.
Abdel Bari Atwan, 14 décembre 2021
Tous cherchent à effrayer les dirigeants iraniens pour qu’ils fassent des concessions aux États-Unis, lesquelles résulteront dans la résurrection des vestiges pourrissants de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (ou JCPoA – Joint Comprehensive Plan of Action).
La plus étrange de ces menaces est sortie de la bouche du chef du Mossad, le général David Bernea, lorsqu’il a promis d’empêcher à tout prix l’Iran d’acquérir une capacité en armes nucléaires. Cela m’a rappelé le vœu de l’ancien ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al-Jubeir, il y a six ans, d’assurer la mise à l’écart du pouvoir du président syrien Bashar al-Asad, et ce, par tous les moyens. Barnea pourrait finir par regretter d’avoir émis cette prédiction lui aussi – et connaître le même sort, ou un sort pire encore que celui de Jubeir (Quoi qu’il en soit, où est ce dernier, aujourd’hui ?).
Les avions de combat israéliens peuvent être parvenus à détruire le réacteur nucléaire irakien d’Osirak en 1981, et le réacteur syrien en construction près de Deir az-Zor en 2007, mais la chose ne pourra se répéter contre l’Iran, dont le programme nucléaire n’est pas concentré sur un seul site central. Ses installations, dont les plus importantes opèrent avec des milliers de centrifugeuses, sont très dispersées. Un grand nombre de frappes aériennes seraient nécessaires pour les détruire, et devraient probablement être soutenues par des opérations au sol recourant à des forces spéciales.
Il est utile de considérer deux récents rapports de presse occidentaux pour l’éclairage qu’ils donnent sur cette situation.
Le premier prétendait que le Mossad avait mis sur écoute la première série de pourparlers concernant le JCPoA qui avait débuté en 2012 sous l’administration Obama et qu’il savait ce qui se passait à chaque stade. Si cela est vrai et s’il ne s’agit pas de propagande, nous pouvons être certains que la même chose se passe lors de l’actuelle deuxième série de pourparlers.
Le second rapport concernait l’administration Biden, qui a rejeté une demande israélienne de livraison de munitions portant sur des bombes MOAB de 11 tonnes (les « mères de toutes les bombes ») et sur des bombardiers B-2, indétectables par radar, nécessaires pour larguer ces bombes en vue de détruire des installations iraniennes souterraines. Cela explique pourquoi Gantz et Bernea sont rentrés les mains vides de leur visite urgente à Washington destinée à insister pour que les États-Unis s’engagent à partir en guerre contre l’Iran au cas où les pourparlers échoueraient.
Aucune quantité de frappes aériennes israéliennes ne pourrait mettre un terme au programme nucléaire de l’Iran. Mais cela pourrait avoir l’effet inverse et se traduire par la destruction du réacteur même d’Israël, à Dimona. Toute attaque déclencherait une riposte iranienne instantanée et il suffirait d’une seule frappe de missile de précision pour mettre le réacteur israélien hors d’état. Il n’est pas enterré en profondeur sous une montagne et n’est pas souterrain non plus comme une grande partie des infrastructures bien défendues de l’Iran. De plus, ces installations iraniennes sont de fabrication maison et n’ont pas été importées de quelque autre pays, ce qui rend possible de procéder rapidement à leur réparation ou leur remplacement.
Le commandant adjoint du corps des Gardiens de la révolution iranienne, Ali Fadavi, a répondu à toute cette litanie de menaces en déclarant que son pays allait exercer des représailles contre Israël et « l’aplatir », s’il était attaqué. Cela faisait écho à la remarque d’Ali Shamkhani, le conseiller à la Sécurité nationale, il y a quelques semaines, qui avait dit que le moindre avion de combat israélien envoyé attaquer l’Iran ne trouverait plus d’aéroport ou de base pour se poser à son retour.
La question clé qu’on se pose aujourd’hui en Israël, aux États-Unis et dans les capitales occidentales alliées est celle-ci : Que se passera-t-il si les pourparlers de Vienne aboutissent et qu’un accord est atteint ? Qu’adviendra-t-il de toutes ces menaces israéliennes ?
Je l’ai déjà dit un millier de fois : L’Iran sera le grand vainqueur si les pourparlers de Vienne aboutissent OU s’ils échouent. S’ils aboutissent, cela signifie un afflux de dizaines de milliards de dollars dans les caisses de l’Iran, sous la forme d’avoirs et de transactions dégelés suite à la levée des sanctions de la période Trump. Ceci donnerait la possibilité à l’Iran de continuer à développer ses programmes de missiles et de drones, d’accroître son influence régionale et de renforcer ses forces de frappe paramilitaires dans le Moyen-Orient, tout en améliorant les conditions de vie de ses 80 millions de citoyens. Si les pourparlers échouent et qu’Israël procède à une attaque, il serait confronté à des tirs de barrage de représailles, avec des dizaines de milliers de missiles venant chaque jour de toutes les directions. Ses batteries du Dôme de fer ne seraient pas capables d’intercepter la plupart d’entre eux – ce qui est probablement la raison pour laquelle le Congrès américain vient d’annuler un achat de ces systèmes prévu pour l’armée américaine.
Qu’on soit d’accord ou pas avec les Iraniens, il faut reconnaître qu’ils opèrent habilement. Ils sont parvenus à obtenir de certains des alliés arabes des États-Unis qu’ils se précipitent vers Téhéran pour y chercher la sécurité et la réconciliation. Et ils peuvent mettre les Israéliens à genoux dans toute guerre que ceux-ci lanceront.
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Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du site Rai al-Youm (“L’opinion d’aujourd’hui”, un site qui se veut nationaliste arabe, antisaoudien et antisioniste). Il est l’ancien directeur du quotidien Al-Quds Al-Arabi et l’auteur de L’histoire secrète d’al-Qaïda, de ses mémoires, A Country of Words, et d’Al-Qaida : la nouvelle génération. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan
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Publié le 15 décembre 2021 sur le site Rai al-Youm
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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