Qu’y a-t-il derrière l’arrangement autour de la libération d’Hisham Abou Hawash ?

Commentant les rapports à propos de l’implication d’Abbas dans l’arrangement en vue de libérer Abou Hawash, l’ancien gréviste de la faim cisjordanien Sheikh Khader Adnan a déclaré : « Si la pression politique de l’AP est réelle, elle chercherait à faire libérer Marwan Al-Barghouti ou le gréviste de la faim Naser Abou Hamaid, qui est à l’approche de la mort. »

5 janvier 2022. Les Palestiniens de Gaza expriment leur solidarité avec le gréviste de la faim Hisham Abou Hawash. (Photo : Mohammed Asad / Middle East Monitor)

5 janvier 2022. Les Palestiniens de Gaza expriment leur solidarité avec le gréviste de la faim Hisham Abou Hawash. (Photo : Mohammed Asad / Middle East Monitor)

Motasem A Dalloul, 5 janvier 20

Après 141 jours de grève de la faim dans une prison israélienne, le prisonnier palestinien Hisham Abou Hawash a accepté un marché avec les autorités d’occupation selon lequel sa rétention administrative prendra fin le 26 février. La Commission des prisonniers et anciens prisonniers a annoncé l’arrangement entre Hisham Abou Hawash et les autorités d’occupation israéliennes, mais a également expliqué ce qui avait mené à cet accord en précisant quelles étaient les personnes qui avaient joué un rôle dans l’affaire.

La Société des prisonniers palestiniens (PPS) a déclaré que la grève de la faim et l’arrangement mettaient en exergue la question des prisonniers détenus par Israël.

« En dépit de tous les défis, le combat mené par Abou Hawash a remis à l’avant-plan la question des prisonniers, et plus particulièrement le problème de la rétention administrative »,

a expliqué la société.

Père de cinq enfants, Hisham Abou Hawash, 40 ans, est originaire de Dura, au sud de Hébron, en Cisjordanie occupée. Il a été arrêté le 27 octobre 2020 et a immédiatement été placé en rétention administrative pour six mois. Comme il n’a été confronté à aucune accusation et qu’il n’a pas eu de procès, son ordonnance de rétention a été renouvelée à plusieurs reprises, ce qui l’a incité à entamer une grève de la faim illimitée en guise de protestation.

Le fait le plus important dans son cas, c’est que les autorités israéliennes ont été d’accord pour le libérer en dépit de leurs desiderata, car ni les hommes politiques ni l’armée ne voulaient de sa libération. Ils voulaient qu’il mette un terme à son action de protestation mais, lorsque son état de santé s’est gravement détérioré et qu’il a été au bord de la mort, ils ont accepté le fait qu’il préférait la mort à la rétention administrative. Dans ce cas, pourquoi Israël ne l’a-t-il donc pas laissé mourir ?

L’agence de presse palestinienne Wafa a rapporté que les autorités israéliennes avaient subi des pressions massives de la part de l’Autorité palestinienne afin de relâcher Hisham Abou Hawash. On affirme que le président de l’AP, Mahmoud Abbas, et le chef du Service général des renseignements, Majed Faraj, ont entrepris d’intenses démarches auprès des Israéliens en vue de sa libération.

Toutefois, les journalistes israéliens contredisent la chose. Bien que l’AP eût dû jouer un rôle important dans l’obtention de la libération d’Abou Hawash, je doute qu’elle l’ait fait. La preuve en est l’arrestation même par l’AP de Ziad Al-Kinani, un Palestinien de Jénine qui a été libéré récemment par Israël. Du fait que leurs propres prisons sont pleines de prisonniers politiques palestiniens, dont nombre d’anciens prisonniers des Israéliens, pourquoi Abbas et Faraj chercheraient-ils à faire libérer Abou Hawash ?

Commentant les rapports à propos de l’implication d’Abbas dans l’arrangement en vue de libérer Abou Hawash, l’ancien gréviste de la faim cisjordanien Sheikh Khader Adnan a déclaré :

« Si la pression politique de l’AP est réelle, elle chercherait à faire libérer Marwan Al-Barghouti ou le gréviste de la faim Naser Abou Hamaid, qui est à l’approche de la mort. »

Adnan d’ajouter que, si l’AP est capable de faire vraiment quoi que ce soit, elle devrait au moins inciter Israël à mettre un terme à l’isolement des prisonniers palestiniens à la prison d’Al-Ramla.

Tout de suite après l’annonce du marché entre Hisham Abou Hawash et les autorités d’occupation israéliennes, The Times of Israel rapportait que cette grève de la faim marathon avait suscité en même temps un intense intérêt de la part des Palestiniens et des pressions internationales sur Israël. Le porte-parole du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Stéphane Dujarric, a accueilli favorablement le marché en disant :

« Nous avons toujours dit clairement que les prisonniers devaient être jugés selon les procédures juridiques ou libérés. »

Israël ne voulait pas libérer Abou Hawash et ce, précisément, parce qu’il allait désormais se trouver sous une pression accrue afin de relâcher des prisonniers détenus sans procès en vertu du système archaïque de la rétention administrative. De plus, le gouvernement aurait été condamné par les Israéliens d’extrême droite pour avoir cédé sous les pressions des « terroristes ». En apprenant le marché, un membre extrémiste du Parlement israélien, Itamar Ben-Gvir, s’est précipité dans l’hôpital où Abou Hawash était gardé et a tenté de s’en prendre à lui.

La résistance palestinienne n’a pas prétendu avoir mis des pressions sur Israël afin de libérer le gréviste de la faim, mais a salué la patience et la résilience de ce dernier. Toutefois, les médias israéliens ont révélé que des pressions de la part de la résistance palestinienne à Gaza avaient poussé Israël à mettre un terme à sa rétention administrative.

La chaîne publique israélienne Kan a rapporté que des menaces de Gaza avaient hâté le Service du Ministère public à accepter la libération de Hisham Abou Hawash le 26 février. Selon le journaliste israélien Gal Berger, de Kan,

« la libération d’Abou Hawash a restauré la connexion entre Gaza et la Cisjordanie ».

Baruch Yedid, de Channel 14, m’a raconté qu’il n’y a pas de doute que les menaces émanant de Gaza aient joué un rôle dans la libération du gréviste de la faim.

« Actuellement, Israël ne désire pas une confrontation. Il ne veut pas de confrontation avec le Hamas. »

Il a confirmé ensuite que de nombreux médias israéliens de droite se servent de cet incident pour attaquer le gouvernement.

Le journaliste très respecté de Haaretz, Gideon Levy, m’a dit que les Israéliens ne voulaient pas qu’Abou Hawash meure.

« Ils savent que cela provoquerait plus d’agitation en Cisjordanie et des roquettes depuis Gaza »,

a-t-il expliqué.

Le gouvernement israélien, a déclaré Meron Rapoport, du magazine +972, m’a répété qu’Israël ne voulait pas d’un prisonnier mort.

« Il semble que la libération d’Abou Hawash ait eu un rapport direct avec Gaza, mais Israël cède toujours au tout dernier moment. »

L’AP pourrait bien essayer de revendiquer le crédit de la fin de la grève de la faim d’Abou Hawash et de sa libération le mois prochain, mais elle se trahirait, en le faisant. Si Abbas et Faraj estiment que les prisonniers politiques devraient être libérés, ils devraient alors vider les prisons mêmes de l’AP de chaque membre de chaque faction de résistance. Le fait qu’ils ne le veulent pas nous dit tout ce que nous avons besoin de savoir sur leurs intentions réelles.

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Motasem A Dalloul est un journaliste palestinien qui travaille pour MEMO en tant que correspondant à Gaza. Le 11 mai 2018, lors des manifestations de la Grande Marche du Retour à Gaza, il était abattu de deux balles, une dans la poitrine et une dans le ventre, par un sniper israélien. Un traitement intensif lui avait permis de s’en tirer.

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Publié le 5 janvier 2022 sur Middle East Monitor
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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