La famille Salem de Sheikh Jarrah se bat contre son expulsion

Les autorités israéliennes tentent de chasser une famille palestinienne de sa maison, qui est sa propriété depuis plus de 70 ans, et de la céder à des colons juifs.

La famille Salem vit dans sa maison du quartier de Sheikh Jarrah depuis le début des années 1950, au moment où Jérusalem-Est occupée était sous contrôle jordanien.

3 février 2022. Des colons aspergent des Palestiniens de spray au poivre à proximité du bureau volant de l’avocat et député extrémiste israélien Itamar Ben-Gvir, en face de la maison familiale des Salem, dans le quartier de Sheikh Jarrar, à Jérusalem-Est occupée. (Photo : Oren Ziv ActiveStills)

13 février 2022. Des colons aspergent des Palestiniens de spray au poivre à proximité du bureau volant de l’avocat et député extrémiste israélien Itamar Ben-Gvir, en face de la maison familiale des Salem, dans le quartier de Sheikh Jarrar, à Jérusalem-Est occupée. (Photo : Oren Ziv ActiveStills)

Tamara Nassar (rédactrice en chef adjointe à The Electronic Intifada), 18 février 2022

Si l’expulsion forcée a lieu, 12 Palestiniens – dont la moitié sont des enfants – se retrouveront sans toit.

Au début de cette semaine, Itamar Ben-Gvir, un député et avocat israélien d’extrême droite, a installé un bureau volant dans l’allée longeant la maison familiale, provoquant ainsi des confrontations.

La dernière fois que Ben-Gvir a installé son bureau dans le quartier remonte à mai 2021, au moment où avait éclaté « L’offensive militaire la plus dévastatrice d’Israël contre Gaza en sept ans » – comme l’avait appelée l’organisation Medical Aid for Palestinians.

Les efforts d’Israël en vue de forcer d’autres familles à quitter leurs maisons à Sheikh Jarrah au printemps dernier allaient dégénérer, en ce même mois de mai, en des affrontements à grande échelle avec des Palestiniens.

Des colons juifs extrémistes ont pris position à proximité de la maison des Salem, dansant de façon provocante, agressant les membres de la famille ainsi que les gens qui sympathisent avec les Palestiniens et les soutiennent.

« Plutôt que d’assurer la protection et la sécurité des résidents du quartier, les autorités israéliennes recourent à des provocations comme celles-ci et attisent plus encore les flammes de l’agitation »,

a déclaré Ir Amim, une organisation israélienne qui surveille l’activité de peuplement à Jérusalem.

Israël a tiré des balles métalliques enrobées de caoutchouc, des grenades lacrymogènes et des grenades incapacitantes sur les Palestiniens qui défendaient leur terre contre la colonisation israélienne.

Au moins 35 Palestiniens ont été blessés, y compris trois assistants médicaux et un journaliste, a déclaré la société du Croissant-Rouge de Palestine.

Un porte-parole du Croissant-Rouge a expliqué que des armes israéliennes « avaient été levées contre des assistants médicaux » et qu’une de ses ambulances avait été attaquée.

Fatima Salem, la matriarche de la famille, qui a passé toute sa vie dans cette maison, a déclaré qu’un colon avait menacé d’incendier la demeure et de les y brûler vifs, elle et ses enfants, s’ils ne s’en allaient pas.

Fatima Salem a rétorqué au colon qu’elle restait dans la maison. Elle a ensuite été agressée, blessée à la main et jetée au sol, a-t-elle déclaré à la presse.

Israël a donné à la famille jusqu’à la fin du mois de février pour s’en aller, a ajouté Fatima Salem.

Des efforts incessants

La famille Salem est constituée de réfugiés palestiniens qui ont déjà été déportés lors de la Nakba, en 1948 – le nettoyage ethnique des Palestiniens organisé par les forces sionistes afin d’instaurer l’État d’Israël sur leur terre.

On prétend que la maison appartenait à une famille juive, avant 1948.

Israël a conquis Jérusalem-Est en 1967 quand il a occupé la Cisjordanie, la bande de Gaza, les hauteurs syriennes du Golan et le désert égyptien du Sinaï.

Une organisation de peuplement israélienne a acheté une partie de la propriété auprès des prétendus héritiers juifs, peut-on lire dans le quotidien Haaretz de Tel-Aviv, qui n’a toutefois pas donné le nom de l’organisation.

En 1988, un tribunal israélien avait ordonné à la famille Salem de quitter sa maison, une décision que la famille est parvenue à geler.

De telles éditions sont rendues possibles par la Loi israélienne des propriétaires absents, de 1950, qui permet à Israël de s’emparer de terres et de propriétés détenues par des réfugiés palestiniens qui ont fui leurs foyers ou en ont été chassés pendant et après la Nakba.

Conformément à un amendement apporté en 1970 à cette loi, Israël a permis aux juifs de revendiquer les propriétés de Jérusalem qu’ils avaient quittées en 1948, mais il n’a pas accordé le même droit aux Palestiniens – une mesure d’un racisme on ne peut plus flagrant.

En 2015, l’ordonnance d’expulsion a été renouvelée, enjoignant à la famille de s’en aller au plus tard durant le second semestre de 2021.

En décembre, la famille a reçu un autre avis d’expulsion de la part d’Arieh King, un dirigeant de droite des colons, membre également du conseil municipal de Jérusalem, aux mains des juifs, et de Yonatan Yosef, l’ancien porte-parole des colons juifs à Sheikh Jarrah.

L’avocat de Yosef a reporté l’évacuation forcée à une date située entre le 20 janvier et le 8 février, a-t-on pu lire dans Haaretz.

Retarder la démolition jusqu’à une date spécifique « pourrait mettre les forces en danger et contrecarrer le succès de l’évacuation », a déclaré à Haaretz l’inspecteur principal Eliran Hazan.

Un pilier de l’apartheid

« La famille Salem est l’une des 218 familles palestiniennes, comptant en tout 970 personnes, dont 424 enfants, qui vivent à Jérusalem-Est, surtout dans les quartiers de Sheikh Jarrah et de Silwan, et qui sont actuellement confrontées à une menace d’expulsion forcée de la part des autorités israéliennes »,

a déclaré vendredi l’OCHA, l’organisation de contrôle dépendant de l’ONU.

Depuis le début de l’année, les autorités israéliennes ont démoli 19 structures palestiniennes à Jérusalem-Est occupée, déplaçant ainsi des dizaines de personnes, selon les rapports de l’OCHA.

Deux des structures démolies se trouvaient à Jabal al-Mukabbir, et cela avait donné lieu à l’expulsion, de 10 personnes.

Des résidents du quartier ont manifesté cette semaine pour protester contre les démolitions en cours dans leur quartier, en face du bâtiment de la municipalité de Jérusalem sous contrôle israélien.

Israël « promeut la construction de milliers d’unités de logement pour la population juive et pour ainsi dire pas une seule pour la population palestinienne », a déclaré Ir Amim.

 

« Le transfert forcé est un crime de guerre et un pilier du système d’apartheid d’Israël », a déclaré Amnesty International après avoir reconnu, un peu plus tôt ce mois-ci, qu’Israël se livre au crime d’apartheid contre les Palestiniens.

« Nous demandons aux autorités israéliennes de mettre un terme immédiatement aux expulsions forcées dans le quartier de Sheikh Jarrah ainsi qu’à la déportation forcée en cours de Palestiniens de Jérusalem-Est. »

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Publié le 18 février 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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