Israël double sa mise sur l’apartheid

Israël double la mise sur son pouvoir d’apartheid envers les Palestiniens dans le même temps qu’en compagnie de ses complices internationaux, il tente de se défaire de cette étiquette.

Novembre 2021. Des Palestiniens réclament l’unification des familles face au siège de l’UNSCO (Coordinateur spécial des Nations unies, à Gaza. (Photo : Youssef Abu Wafta APA images)

Maureen Clare Murphy, 11 mars 2022

Cette semaine, Israël a remis en vigueur une interdiction d’unification des familles palestiniennes dans le cadre de ses efforts d’ingénierie démographique en vue d’assurer une majorité juive sur le territoire de la Palestine historique.

Adalah, un groupe qui plaide en faveur des droits des Palestiniens en Israël, a déclaré que cette législation est

« l’une des lois les plus racistes et discriminatoires au monde et qu’elle devait être immédiatement rejetée ».

L’ordonnance de « citoyenneté et entrée en Israël » interdit au ministre israélien de l’Intérieur d’octroyer la résidence ou la citoyenneté aux Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qui épousent des citoyens d’Israël.

Selon Adalah, qui va contester la loi devant la haute cour d’Israël,

« elle interdit également l’unification entre citoyens ou résidents d’Israël et des épouses en provenance d’‘États ennemis’, dont la Syrie, le Liban, l’Irak et l’Iran ».

Adalah a ajouté que

« les institutions des droits de l’homme de l’ONU ont demandé à Israël d’annuler l’interdiction de l’unification des familles palestiniennes, du fait que cette interdiction viole les lois internationales ».

Ces 18 dernières années, le parlement israélien, la Knesset, a renouvelé à 21 reprises l’ordonnance temporaire d’interdiction de l’unification familiale, a ajouté l’organisation de défense des droits.

Cependant, au contraire de ce qui s’est passé antérieurement, la version actuelle de la loi

« stipule « explicitement » que son but est d’assurer une majorité démographique juive »,

a encore déclaré Adalah.

Les députés israéliens et Ayelet Shaked, la ministre de l’Intérieur de l’État, ont dit que la législation avait pour but d’empêcher les Palestiniens à regagner progressivement leur patrie.

L’ingénierie démographique fournit également des informations sur la politique israélienne concernant les réfugiés qui fuient la violence en Ukraine.

Dimanche, Shaked a déclaré que l’afflux d’Ukrainiens, la plupart non juifs, en fuite vers Israël « ne peut se poursuivre ».

« Toute personne avec un cerveau comprendra que nous ne pouvons continuer à ce rythme d’accepter des entrées »,

a ajouté Shaked.

L’obsession de la démographie

L’obsession d’Israël au sujet de la démographie n’a rien de neuf.

Elle a empêché des millions de réfugiés palestiniens et leurs descendants d’exercer leur droit au retour dans les terres dont ils avaient été déportés de force sur base qu’ils n’étaient pas juifs.

Shaked a reconnu la nature d’apartheid de la loi sur l’unification des familles en tweetant que son approbation était une victoire pour « un État juif et démocratique » et une perte pour « un État de tous ses citoyens ».

La loi israélienne de l’État-nation, adoptée en 2018, stipule que le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est unique pour le peuple juif.

Les Palestiniens apatrides vivant en Cisjordanie et à Gaza sont confrontés à des restrictions similaires, puisqu’Israël refuse de conférer un statut de résidence aux ressortissants étrangers qui sont mariés à des Palestinien·ne·s vivant dans ces territoires. Les colons juifs ne sont pas confrontés à de telles restrictions.

Amnesty International met en exergue « le refus d’Israël de la nationalité, de la résidence et de la vie de famille » dans son récent rapport estimant qu’Israël pratique l’apartheid à l’encontre des Palestiniens.

La suspension des procédures d’unification familiale en Cisjordanie et à Gaza affecte des dizaines de milliers de nationaux mariés à des Palestinien·ne·s.

Pendant ce temps, Israël interdit aux Palestiniens de Gaza de résider en Cisjordanie.

L’organisation de défense des droits humains Al-Haq a déclaré que les Palestiniens sont forcés de procéder à des choix vitaux personnels concernant qui ils épousent et où ils vivent, choix qui

« s’appuient sur les contraintes des mesures et pratiques israéliennes qui les ciblent non seulement eux, mais en dernier recours leur transfert aussi ».

Depuis sa création, Israël empêche les Palestiniens de vivre dans leur patrie par le biais des expulsions et déportations de masse de 1948 et 1967 et il conteste en permanence le statut de résidence des Palestiniens en Cisjordanie, y compris à Jérusalem.

Suite à ces efforts,

« des centaines de milliers de Palestiniens qui sont nés en Palestine sont désormais considérés par Israël comme des ‘étrangers’, sans droit immédiat d’entrée ou de séjour »,

estime Al-Haq.

Israël empêche également les Palestiniens vivant sous occupation militaire de jouir de la liberté de mouvement, après avoir imposé des interdictions arbitraires de déplacement à plus de 10 500 Palestiniens en Cisjordanie l’an dernier.

Le contrôle par Israël des universités palestiniennes

Le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, a rapporté cette semaine qu’Israël voulait contrôler chacun des enseignants étrangers désireux de venir exercer dans les universités palestiniennes de Cisjordanie.

Les universités seront en mesure d’utiliser des enseignants venus de l’étranger

« uniquement s’ils enseignent dans des branches qui auront été considérées comme essentielles par Israël »,

rapporte Haaretz.

Les enseignants postulants doivent être détenteurs d’un doctorat et

« devront soumettre des demandes de permis de ce genre auprès du consulat israélien du pays d’origine du demandeur ».

Le COGAT (coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires), le bras bureaucratique de l’occupation militaire d’Israël, approuvera en dernier recours toute entrée d’enseignant.

Cette institution exerce le contrôle sur les déplacements des personnes et des marchandises depuis et vers Gaza, y compris les patients cherchant des soins non accessibles dans le territoire assiégé et à qui on refuse ou retarde fréquemment des traitements qui pourraient leur sauver la vie.

De septembre 2020 à mars 2021, Israël a refusé ou reporté les demandes de voyage d’un tiers des patients gazaouis cherchant un traitement médical en Israël et en Cisjordanie.

Les demandeurs cherchant à enseigner dans des universités palestiniennes devront prouver, à la satisfaction d’Israël, qu’ils

« apporteront une contribution significative à l’enseignement universitaire, à l’économie régionale ou à la promotion de la coopération régionale et de la paix dans la région ».

Israël qualifie pour ainsi dire toute personne qui le critique ou qui défend les droits palestiniens d’hostile à la « paix ». Cela signifie qu’Israël imposera dans les faits un contrôle politique total sur les universités palestiniennes.

« Le nombre d’enseignants sera limité par un quota devant être déterminé par Israël et qui, actuellement, est de 100 »,

rapporte Haaretz.

Pendant ce temps, seuls 150 étudiants étrangers par an seront autorisés à étudier dans les universités palestiniennes et le COGAT déterminera les domaines d’étude qui s’ouvrent à eux.

https://twitter.com/MartinKonecny/status/1501818353161318401?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1501818353161318401%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fisrael-doubles-down-apartheid

 

Aux étudiants postulants, il sera aussi requis de se soumettre à une interview « dans une mission diplomatique israélienne installée dans leur pays d’origine », ajoutait Haaretz.

Tant les étudiants que les enseignants doivent avoir une invitation de l’Autorité palestinienne pour introduire une demande de permis d’étudier ou de travailler dans une université palestinienne.

Le contrôle israélien sur les entrées de toutes les personnes en Cisjordanie est un problème très ancien déjà pour les institutions universitaires palestiniennes, du fait qu’Israël n’accorde des visas touristiques que pour des périodes n’excédant pas trois mois.

« Aucun professeur visiteur n’accepte de quitter son emploi et d’enseigner dans une université palestinienne sans garantie de résidence au moins pour un semestre ou cinq mois »,

a expliqué à Arab News Ghassan Khatib, vice-président de l’Université de Birzeit.

PACBI – la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël – a fait remarquer que le contrôle d’Israël sur les Palestiniens via son système de permis n’est qu’une des façons dont il entend refuser la liberté d’éducation.

« Israël a bombardé et démoli des écoles et universités palestiniennes, effectué des raids militaires sur les campus et empêché les déplacements vers les campus et à l’étranger pour des boursiers »,

a déclaré PACBI.

Les nouvelles restrictions, dont on attend l’application en mai, ont provoqué une recrudescence des appels au boycott des institutions universitaires israéliennes, dont beaucoup ont de profonds liens avec le régime israélien d’occupation, d’apartheid et de colonialisme de peuplement en Palestine.

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 Maureen Clare Murphy est l’une des rédactrices en chef de The Electronic Intifada. Elle vit à Chicago

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Publié le 11 mars 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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