La Grande-Bretagne va-t-elle proposer une loi destinée à protéger les fabricants d’armes d’Israël ?

Le National Security Bill (Projet de loi sur la sécurité nationale) – ainsi a-t-on appelé cette législation – confère à la police les pouvoirs de désigner comme « lieux interdits » les zones où se trouvent « un avion – ou une composante d’avion – utilisé à des fins militaires », ou « des équipements correspondant à ce genre d’avion ».

Palestine Action a forcé Elbit Systems à abandonner deux des dix sites qu’il fait tourner en Grande-Bretagne. (Photo : VX Pictures)

Kit Klarenberg, 24 juin 2022

Palestine Action a prouvé que les marchands de mort ne sont pas invincibles.

Cette semaine encore, il a été confirmé que le premier exportateur d’armes israélien, Elbit Systems, fermait ses bureaux de Londres.

La décision fait suite à de nombreuses protestations contre Elbit et Jones Lang LaSalle (JLL), l’agent immobilier de ces bureaux.

C’est la deuxième fois que Palestine Action, le groupe qui organise les protestations, a forcé Elbit à abandonner un site en Grande-Bretagne – un pays désigné par la firme comme une priorité pour ses ventes et investissements.

Un peu plus tôt, cette année, Elbit a confirmé qu’il avait vendu Ferranti, sa filiale installée à Oldham, près de Manchester.

Les protestations de Palestine Action – qui se traduisent souvent par des dégâts pour les usines d’armement – ont suscité la colère d’Israël et de ses partisans.

L’une des amies les plus influentes d’Israël en Grande-Bretagne n’est autre que Priti Patel, la ministre de l’Intérieur.

Elle a effectivement déclaré la guerre aux activistes de la solidarité avec la Palestine en prétendant que le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions était raciste – sans toutefois en fournir la moindre preuve.

Priti Patel a proposé une nouvelle législation qui vise le genre de protestations organisées par Palestine Action.

Le National Security Bill (Projet de loi sur la sécurité nationale) – ainsi a-t-on appelé cette législation – confère à la police les pouvoirs de désigner comme « lieux interdits » les zones où se trouvent « un avion – ou une composante d’avion – utilisé à des fins militaires », ou « des équipements correspondant à ce genre d’avion ».

Peu d’opposition

Suite à la vente de son usine d’Oldham et à la fermeture de ses bureaux londoniens, Elbit opère désormais à partir de huit sites situés en Grande-Bretagne.

Il est concevable que les usines appartenant à Elbit – qui, entre autres composantes, fabriquent des moteurs de drones – reçoivent un statut protégé une fois que la législation entrera en vigueur.

Introduit au Parlement britannique en mai, le projet de loi n’a rencontré que très peu d’opposition, jusqu’à présent.

Il s’avère que la plupart des représentants accueillent favorablement la façon dont il pourrait pénaliser l’action directe contre le commerce des armes, à moins qu’ils ne se soucient guère de ses implications probables.

L’objectif déclaré du projet de loi consiste à remplacer

« les lois existantes sur le contre-espionnage par un cadre complet de lutte contre des activités hostiles au niveau de l’État ».

L’approche prévue est si « complète » qu’on peut se demander si le projet de loi vise réellement l’espionnage dans le sens conventionnel du terme. Nombre de ses stipulations pourraient être utilisées contre des citoyens ordinaires qui cherchent à perturber le business des armes.

Le projet de loi rend possible l’emprisonnement à vie pour toute personne qui obtient ou révèle des « informations protégées » et qui se conduit d’une façon estimée « préjudiciable pour la sécurité ou les intérêts du Royaume-Uni ».

Elbit se décrit comme un « fournisseur attitré des forces armées du Royaume-Uni » et il s’est vu récemment accorder un contrat lui permettant de fournir des drones de surveillance à l’armée britannique.

Sabotage

Dans ce projet de loi, une section relative au « sabotage » est particulièrement pertinente dans le cas de Palestine Action.

« Sabotage » se définit comme « une conduite qui se traduit par des dégâts à quelque bien que ce soit », spécialement si le but de cette activité « porte préjudice à la sécurité ou aux intérêts du Royaume-Uni ».

Palestine Action s’est ouvertement engagée à endommager ou à détruire les biens d’Elbit en Grande-Bretagne.

Alors que de nombreuses personnes ont été arrêtées pour s’être introduites dans les usines d’Elbit en Grande-Bretagne, presque toutes ont été acquittées lorsque leur cas est passé au tribunal.

Les seules poursuites menées à bien l’ont été contre un activiste, qui a été condamné pour avoir dégradé un site de JLL dans la ville anglaise de Brighton.

La sentence prononcée dans ce cas avait été une amende de moins de 30 livres et une libération conditionnelle pour trois mois.

Dans le cadre d’une libération conditionnelle, une personne condamnée pour un « délit » est libérée, mais le « délit » est inscrit dans son casier judiciaire. Aucune autre action n’est entreprise si aucun « délit » n’est commis durant la période indiquée.

Elbit a affiché des réticences à insister pour qu’on porte des accusations contre les protestataires – sans aucun doute parce que la société craint que ne soient produites au tribunal les preuves concernant l’emploi de ses armes dans les attaques contre les Palestiniens.

La nouvelle proposition de loi pourrait mettre Elbit et d’autres fabricants d’armes à l’abri de tout examen.

Par exemple, les tribunaux seraient à même d’« exclure le public de la procédure » dans le cas où agir de la sorte serait estimé « nécessaire dans l’intérêt de la sécurité nationale ».

Un activiste de Palestine Action a déclaré que le gouvernement britannique est

« très effrayé de l’efficacité de l’action directe déployée contre Elbit ».

« Si ce projet de loi est rédigé sur mesure pour accroître les conséquences des actions entreprises contre Elbit, comme cela semble être le cas, il dénonce clairement l’alliance entre la Grande-Bretagne et le régime d’apartheid israélien »,

a ajouté l’activiste, qui s’est exprimé sous condition d’anonymat.

« Qu’importe les efforts qu’ils déploient pour faire cesser notre campagne, nous ne céderons pas. Alors que le gouvernement gaspille son temps à légiférer contre nous, Palestine Action poursuivra son travail consistant à fermer les usines d’armement israéliennes restantes installées en Grande-Bretagne. »

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Kit Klarenberg est un journaliste d’investigation qui examine le rôle des services de renseignement dans le modelage de la politique et des perceptions. Twitter: @KitKlarenberg.

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Publié le 24 juin 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Bon à savoir :

En Belgique, les entreprises OIP situées à Oudenaarde et à Tournai, sont également la propriété d’Elbit.

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