« Nous ne voulons pas mourir de soif, mais nous ne voulons pas trahir »

Des milliers de Jordaniens sont descendus dans les rues d’Amman ce vendredi 26 novembre pour protester contre un accord eau-électricité avec Israël. Parmi les slogans scandés et les affiches : « Nous ne voulons pas mourir de soif, mais nous ne voulons pas trahir ; la normalisation est une grande trahison. »

Rima Najjar, 27 novembre 2021

« Nous ne voulons pas mourir de soif, mais nous ne voulons pas trahir et la normalisation est une grande trahison. » « Laissez tomber le traité de Wadi Araba. »

« Nous ne voulons pas mourir de soif, mais nous ne voulons pas trahir et la normalisation est une grande trahison. » « Laissez tomber le traité de Wadi Araba. »

 

Hier, dans la ville basse d’Amman, j’ai participé à des manifestations contre les dernières démarches entreprises par le gouvernement jordanien afin de normaliser ses relations avec Israël au moyen d’un autre traité encore mijoté par les États-Unis mais, cette fois, manifestement, en guise de réponse au changement climatique.

Le traité prévoit que la Jordanie reçoive 200 millions de mètres cubes d’eau désalinisée d’Israël. En échange, Israël recevrait 600 mégawatts d’électricité produite à partir d’un parc à énergie solaire situé en Jordanie et financé par les EAU. Cet accord est une création d’EcoPeace en Jordanie – une ONG israélo-jordano-palestinienne « œuvrant pour la paix » – l’une de ces ONG actives dans la normalisation et qui se sont développées au cours du « processus de paix » d’Oslo et n’ont cessé de prospérer depuis.

Dans le langage mort du « processus de paix » défunt, le directeur d’EcoPeace Jordanie, Yana Abu Taleb, a reconnu :

« Nous devons nous pencher sur des projets de coopération comme celui-ci, au bénéfice de notre peuple ; il nous faut reconstruire des interdépendances saines. »

Lors de la signature de la « déclaration d’intention » du projet, l’envoyé américain pour le climat, John Kerry, présent en compagnie de ministre jordanien de l’Eau, du ministre israélien de l’Énergie et du ministre des EAU en charge du changement climatique, a également parlé de l’énorme impact de l’accord sur « l’effort jordanien en vue de l’adaptation climatique ». Les deux hommes ont diffusé l’information bidon prétendant que l’accord avait trait avant tout à l’environnement et qu’il n’avait rien à voir avec la politique.

Ce n’était pas l’avis des manifestants à Amman dont les slogans passionnés et coléreux rejetaient le traité et réclamaient la libération de la Palestine dans une pleine compréhension de son contexte politique, qui est celui du traité de Wadi Araba, du 26 octobre 1994. À l’époque, le public jordanien s’était massivement opposé à ce traité qui, de façon prévisible, à l’instar du « processus de paix » d’Oslo, ne rapporta rien au pays ni à son peuple et affecta négativement la Jordanie sur plusieurs fronts, comme l’ont fait remarquer l’activiste Azzam Tamimi et l’analyse politique Lamis Andoni.

Certains des slogans du clip vidéo ci-dessous disent : « La normalisation est une trahison », « Wadi Araaba est une trahison » ; « La reddition est une trahison » ; « La Palestine est la terre de l’Islam. Dieu est grand et loué soit-il. »

Les manifestants rejetaient aussi les bénéfices environnementaux tant vantés que le traité est censé rapporter à la Jordanie. Le leader de l’Union environnementale de Jordanie, Omar Sushan, a expliqué :

« Il nous faut renforcer notre réseau hydrographique national, bâtir une conscientisation publique à propos de la gestion de l’eau et utiliser de nouvelles méthodes d’irrigation en Jordanie. Telle est notre option stratégique. Nous ne pouvons pas nous appuyer sur Israël. » 

Jawad al-Anani, ancien vice-Premier ministre de Jordanie pour les Affaires économiques a également fait remarquer qu’il était

« plus sûr pour la Jordanie d’obtenir de l’eau désalinisée à des fins de consommation humaine (…) depuis la Jordanie, plutôt que depuis Israël. »

Il est clair – et cela vaut également dans le cas de l’Autorité palestinienne et du peuple palestinien – que le gouvernement jordanien, dirigé par le roi Abdallah, ne représente pas les revendications et desiderata du peuple jordanien. Et il est tout aussi clair que cet accord ne vise pas le meilleur des intérêts du peuple jordanien, ni politiquement, ni économiquement, ni sur le plan de l’environnement.

Masar Badil, le Mouvement palestinien de la voie révolutionnaire alternative, a lancé

« un mouvement populaire unifié et un cadre organisé ( le Conseil des organisations et institutions palestiniennes) en vue de guider les masses de notre peuple, de défendre nos droits nationaux et humains, de libérer le potentiel de notre peuple palestinien, en particulier des jeunes générations, et de renforcer leur position dirigeante décisive au cours de la prochaine phase de la lutte ».

Le mouvement comprend très bien que seule la résistance pourra assurer la restauration des valeurs et idées fondamentales qui donneront aux masses la possibilité d’œuvrer ensemble dans le but de concrétiser leurs droits.

La résistance, en tant que mode de vie, peut contribuer à modifier l’image actuelle proposée par les élites politiques et sécuritaires dans tous les pays arabes. Le sentiment de cette manifestation a été véhiculé de vive voix et à de multiples reprises dans le slogan suivant : « La mort plutôt que l’humiliation ! »

 

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Rima Najjar est une Palestinienne dont la famille paternelle provient du village – dépeuplé de force – de Lifta dans la périphérie ouest de Jérusalem et dont la famille maternelle est originaire d’Ijzim, au sud de Haïfa. C’est une activiste, une chercheuse et professeure retraitée de littérature anglaise à l’Université Al-Quds, en Cisjordanie occupée

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Publié le 27 novembre 2021 sur le blog de Rima Najjar
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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