« Gestion de conflit » ? Et voilà Itamar Ben-Gvir !

Pour l’administration Biden, un gouvernement israélien ne peut apparemment pas faire de tort, pas même un gouvernement comprenant les racistes antipalestiniens Ben-Gvir et Smotrich. Lundi, le porte-parole du département d’État, Ned Price, a déclaré : « Qu’importe la forme de la coalition et du gouvernement d’Israël, nos relations seront fortes et durables. »

 

L’ambassadrice des EU aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield et le président Joe Biden ont suggéré deux poids et deux mesures et se sont montrés incapables d’exercer des pressions sur Israël en raison de ses violations des lois internationales. (Photo : Adam Schultz / The White House)

L’ambassadrice des EU aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield et le président Joe Biden ont suggéré deux poids et deux mesures et se sont montrés incapables d’exercer des pressions sur Israël en raison de ses violations des lois internationales. (Photo : Adam Schultz / The White House)


Michael F. Brown
, 2 novembre 2022

Les démocrates sont à fond pour la gestion de conflit au nom d’Israël.

Résolution de conflit ? Il en est à peine question.

Le plus près que l’administration Biden pourrait peut-être s’approcher d’une résolution de conflit, ce serait en composant une déclaration vide et occasionnelle en faveur d’une solution à deux États, mais il en résulterait des bantoustans permanents et une intensification de la ségrégation.

Le kahaniste Itamar Ben-Gvir est depuis peu en position ascendante suite aux élections de mardi en Israël et dans les colonies israéliennes situées en territoire palestinien occupé. Lui-même est une résultante du financement par les EU de la soumission par Israël des Palestiniens et de leur activation incessante des extrémistes israéliens, de Benny Gantz à Bezalel Smotrich et d’autres encore.

Jeter le blâme des élections sur les Palestiniens qui résistent à l’apartheid est malavisé. Ce résultat électoral est la conséquence inévitable de s’être livré à l’épuration ethnique, à l’apartheid et au colonialisme de peuplement des décennies durant.

L’Union européenne a elle aussi contribué au résultat électoral en finançant et soutenant sans arrêt les gouvernements israéliens de l’apartheid et en donnant chaque fois l’impression que cela allait pouvoir durer indéfiniment.

 

Les démocrates peuvent se tapoter dans le dos et insister en disant qu’ils peuvent faire mieux qu’exacerber le conflit comme le faisait Donald Trump, mais les inconvénients qu’il y a de frapper au hasard comme stratégie deviennent clairs quand il circule des bruits à propos d’une recrudescence de la révolte palestinienne contre la violence et l’apartheid émanant d’Israël.

Le président Joe Biden n’a rien fait pour repousser la politique de Trump : reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël, le déménagement de l’ambassade des EU à Jérusalem et la reconnaissance – créant un précédent – de l’annexion par Israël des hauteurs occupées du Golan. Par ailleurs, ces derniers jours, l’Australie a fait marche arrière à propos de son ambassade, encore que celle-ci n’ait jamais déménagé de Tel-Aviv.

Le président américain, a accepté que les négociations soient futiles – « le terrain n’est pas mûr », pour reprendre ses termes – tout en oubliant de faire remarquer que, si elles sont futiles, c’est parce qu’Israël est un État d’apartheid et de colonialisme de peuplement que n’intéresse en aucun cas l’égalité de droits pour les Palestiniens. En fait, il a encensé les États autoritaires du Golfe parce que ceux-ci, en fin de compte, normalisent l’apartheid israélien – comme l’a fait Tom Nides, l’ambassadeur des EU en Israël.

Biden est également resté silencieux en octobre quand, épaule contre épaule, les colons et les soldats israéliens mettaient à sac les quartiers palestiniens en territoire palestinien occupé. Les soldats israéliens bloquaient une portion significative du nord de la Cisjordanie, tuant des Palestiniens tout au long de leur progression.

Les médias traditionnels américains, et particulièrement les informations télévisées, n’ont guère mis de pression sur Biden en ne prêtant que peu d’attention au sujet. Le peu d’attention donnée à la politique étrangère va à l’Ukraine et à l’Iran – des sujets très dignes d’attention, soit, mais pas au point d’éloigner quasi complètement les Palestiniens du cycle des informations.

Dans un même temps, l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est de nouveau en train de vanter les perspectives d’annexion de certaines parties de la Cisjordanie, bien qu’il reconnaisse que c’est moins susceptible de se réaliser avec Biden au pouvoir.

 

Pour l’administration Biden, un gouvernement israélien ne peut apparemment pas faire de tort, pas même un gouvernement comprenant les racistes antipalestiniens Ben-Gvir et Smotrich. Lundi, le porte-parole du département d’État, Ned Price, a déclaré : « Qu’importe la forme de la coalition et du gouvernement d’Israël, nos relations seront fortes et durables. »

 

Absurde et ridicule

Les porte-parole de Biden ainsi que les hauts responsables de l’administration soutiennent non seulement l’apartheid, mais ils se couvrent de ridicule et exprimant des absurdités de vive voix.

Quand Vedant Patel, principal porte-parole adjoint du département d’État, déclare une fois de plus – comme il l’a déjà fait le mois dernier – que

« les Israéliens et les Palestiniens méritent de façon égale de vivre en toute sécurité et de bénéficier de mesures égales de liberté, de justice, de prospérité et de démocratie »,

est-ce que cela signifie vraiment quelque chose pour qui que ce soit ? Ou veut-il dire tout simplement que les EU maintiendront leur aide militaire à un seul camp alors qu’Israël bloque la liberté et la justice pour les Palestiniens ?

L’ennui, c’est qu’il y a tellement d’occasions où un tel sujet passe-partout peut être recyclé avant que les auditeurs le reconnaissent comme étant absolument creux et vide de sens. Il est certain que c’est ainsi qu’Israël le perçoit.

L’ambassadrice des EU aux Nations unies, Linda Thomas-Greenfield, a récemment fait mieux que Patel encore dans le recours à deux poids et deux mesures, lorsqu’elle a affirmé que les Nations unies

« ne toléreront pas des tentatives d’annexion illégale, ni qu’on s’empare de force des terres d’un voisin »,

ou encore que l’on s’en prenne à la charte des Nations unies.

 

Il y a un jeu de règles et toute une rhétorique du gouvernement américain pour les ennemis de l’Amérique, comme la Russie, et un autre jeu de règles, absolument différentes, pour les alliés comme Israël.

Pile, je gagne, face, tu perds. Quoi que disent les États-Unis, ce sont les règles. Les lois internationales n’ont pas de sens, mais les EU les citeront quand elles sont à leur avantage.

La charade continue à se répéter dans les informations des télévisions traditionnelles parce que l’on n’accorde en fait que très, très peu d’attention à l’anéantissement par Israël des droits palestiniens.

L’ambassadeur Nides ne risque pas d’être contesté pour avoir dit qu’il regardait

« vers l’avant afin de continuer de travailler avec le gouvernement israélien autour des intérêts et des valeurs que nous partageons ».

Toute pression verbale sur Netanyahou pour qu’il inverse son cours vers une coalition de droite n’aura pas de conséquence, du fait que Biden n’a pas du tout envie de se dresser contre ne seraient-ce que les expressions les plus claires d’un racisme antipalestinien.

 

La perspective de voir l’administration Biden boycotter Ben-Gvir existe, mais elle est très incertaine. Quoi qu’il en soit, le travail en collaboration étroite avec Netanyahou se poursuivrait.


Codifier la discrimination

L’administration Biden s’abstient également de critiquer Israël pour avoir codifié les règles de l’apartheid pour les étrangers qui rendent visite à des amis, des êtres aimés et des organisations d’accueil en Cisjordanie occupée. Un communiqué de presse américain faisant état d’une vague inquiétude à propos des 90 pages de restrictions proposées par le Coordinateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires (le COGAT, une institution militaire), est très différent des dénonciations d’une telle discrimination.

Même si certaines des mesures des plus extrêmes ont été retirées des premières versions, les nouvelles réglementations, qui sont entrées en vigueur le 20 octobre, vont gâcher la vie des familles palestiniennes dont l’épouse est étrangère – et grandement compliquer les voyages en vue de voir des amis et des proches en dehors des « parents du premier degré ».

Les quotas académiques ont été écartés, mais les « critères aléatoires et invasifs » imposés par l’arme israélienne restent, selon Jessica Montell, directrice exécutive de HaMoked, une organisation israélienne de défense des droits humains.

Israël double la mise sur la discrimination, même s’il continue de chercher à entrer dans le Visa Waiver Program (programme d’exemption de visa) avec les États-Unis, une priorité actuelle pour l’administration Biden, comme cela a été dit dans la fameuse Déclaration de Jérusalem de juillet 2022 entre Biden et le premier ministre israélien Yair Lapid.

L’Arab American Institute rapporte que la discrimination israélienne envers les voyageurs vers la Cisjordanie depuis de nombreuses années. Il dit que

« à la lumière de ces pratiques discriminatoires, le membre du Congrès Don Beyer (démocrate, Virginie) fait circuler une lettre de style ‘Cher Collègue’ adressée au secrétaire d’État Antony Blinken et mettant en évidence l’incapacité d’Israël à satisfaire aux exigences statutaires du Visa Waiver Program et la nécessité de protéger les droits de tous les voyageurs américains, y compris les Américains palestiniens ».

La lettre, datée du 27 octobre, comprenait la participation de 17 autres membres du Congrès.

La critique modérée des discriminations israéliennes n’a toutefois rien d’une résolution de conflit ni même d’une gestion efficace d’un conflit. L’administration Biden est aujourd’hui un peu plus encore qu’une facilitatrice dans le mauvais sens des mesures politiques israéliennes.

L’administration Biden collabore avec la version Lapid de l’apartheid même quand les David Dukes (*) israéliens que sont Ben-Gvir et Smotrich sont normalisés dans la politique israélienne et se tiennent tout au bord du véritable pouvoir.

Ben-Gvir pourrait même devenir le prochain « ministre de la sécurité interne », bien que le doute subsiste. S’il atteint son but, cela signifierait que l’extrémiste de droite qui, à deux reprises en l’année écoulée, a pointé sur arme sur des Palestiniens, contrôlerait la police.

Quand le galop d’essai de deux ans des nouvelles réglementations du COGAT pour les voyageurs en Cisjordanie se terminera en 2024, peut-être Trump se trouvera-t-il sur le seuil d’un second mandat présidentiel. Il pourrait bien perdre à nouveau les votes populaires, mais voguer vers la « victoire » via la courtoisie de l’on ne peut plus important collège électoral, avec sa forte inclination vers les électeurs blancs dans les États peu peuplés.

Certains crimes sont fondamentaux et ont la vie dure. De l’État d’apartheid israélien vers des États-Unis toujours peu désireux et incapables d’affronter les aspects de leur origine raciste, Netanyahou, Ben-Gvir et Trump n’auront aucun scrupule à refuser leurs droits fondamentaux aux populations qu’ils dirigent.

Il s’avère en fait que l’inepte et déphasé Biden leur facilite la voie.

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Michael F. Brown est un journaliste indépendant. Ses travaux et opinions ont été publiés dans The International Herald Tribune, TheNation.com, The San Diego Union-Tribune, The News & Observer, The Atlanta Journal-Constitution, The Washington Post et bien d’autres.

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(*) David Ernest Duke (1950) est un suprémaciste blanc américain, théoricien du complot antisémite, homme politique d’extrême droite et membre du Ku Klux Klan.

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Publié le 2 novembre 2022 sur The Electric Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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