La Coupe du monde de 2022, une occasion en or pour la Palestine

La Coupe du monde au Qatar, en 2022, constitue une occasion sans précédent pour attiser la conscientisation autour de la Palestine au niveau international.

Des supporters du Celtic de Glasgow agitent des drapeaux palestiniens au cours d’un match contre l’équipe israélienne du Hapoël Beer-Sheva, en 2016

Des supporters du Celtic de Glasgow agitent des drapeaux palestiniens au cours d’un match contre l’équipe israélienne du Hapoël Beer-Sheva, en 2016 (Photo : Reuters)

 

Sary Farraj, 19 novembre 2022

La Coupe du monde de la FIFA, Qatar 2022, donne son coup d’envoi ce dimanche 20 novembre.

Alors que la FIFA et d’autres organisations sportives internationales ont traditionnellement professé que la politique et le sport devaient mener une existence séparée, au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, en février 2022, il semble ne plus y avoir de doute à propos de la place de la politique dans le sport et, plus particulièrement, dans le football association, étant donné que cette coupe du monde constitue une occasion sans précédent pour répandre la conscientisation et soulever la question de la Palestine dans l’un des plus importants événements sportifs de la planète.

Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier, l’UEFA et la FIFA ont proposé de plusieurs façons leur soutien inconditionnel à l’Ukraine. L’équipe nationale russe et les clubs russes ont été suspendus de la Coupe du Monde 2022 et de leurs compétitions européennes respectives quatre jours à peine après l’attaque en Ukraine orientale. En outre, le drapeau ukrainien a été hissé dans les stades, imprimé sur les brassards des capitaines et montré sur les écrans de télévision à proximité du score, outre le fait que les clubs et supporters ont organisé des collectes de fonds et des fêtes de charité dédiées au peuple uktainien. Plus récemment, Robert Lewandowski, le capitaine de l’équipe nationale polonaise, a promis de porter durant la Coupe du monde un brassard aux couleurs de l’Ukraine que lui a donné l’ancien capitaine aujourd’hui coach de l’équipe ukrainiene, Andriy Shevchenko, dont l’équipe a raté de peu la qualification au tournoi de cette année.

Ces gestes politiques ne sont pas les premiers, quoi qu’il en soit, mais nous assistons clairement à une implication de plus en plus visible et directe de la politique dans le monde du football.

En fait, la politique internationale est au centre de cette Coupe du monde depuis que son site d’accueil a été annoncé par la FIFA, en 2010.

La légitimité du choix et le processus d’offre, la pertinence du Qatar en tant que nation d’accueil et les innombrables questions de droits humains, dont des allégations d’esclavage et la mort d’environ 6 000 ouvriers de la construction, ont été constamment remis en question par des activistes, par les médias et même par des joueurs.

Des membres de l’équipe nationale de Norvège et de celle de l’Allemagne ont récemment expliqué leur mécontentement à propos du Qatar et ont porté des t-shirts plaidant pour les droits humains. Hummel International, une marque danoise de vêtements de sport qui dessine et produit les équipements de l’équipe nationale danoise, a spécifiquement sorti une version plus ou moins décolorée de son kit montrant à peine son blason et son logo, en guise de déclaration sur les violations des droits humains auxquelles est confronté le Qatar.

De plus, le Qatar s’est vu adresser des critiques politiques concernant sa façon de traiter la communauté LGBTQ+. Alors que les organisateurs de la Coupe du monde ont dit que tous les supporters étaient les bienvenus sans la moindre discrimination, le pays lui-même interdit les relations homosexuelles et invite les supporters à la prudence dans l’étalage de leur affection. Huit des treize équipes européennes participant au tournoi ont annoncé leur décision de porter des brassards aux couleurs de l’arc-en-ciel, et ce, en guise de prise de position politique. Dans le même temps, les équipes nationales allemande et anglaise se sont rendues au Qatar dans un avion orné des couleurs de la « pride », et l’équipe des EU a incorporé ces couleurs au dessin du logo qui figure sur ses équipements et son centre d’entraînement.

Alors que, naguère, l’association de la politique et du sport était mal perçue, aujourd’hui, il semble que les joueurs qui refusent d’accomplir de tels gestes se retrouvent de plus en plus en proie à la critique.

Début octobre dernier, le Centre arabe de recherche et d’études politiques (ACRPS), dont le directeur général est l’ancien membre de la Knesset et fondateur du parti Balad, Azmi Bishara, a organisé un symposium à Doha afin de discuter de la Coupe du monde 2022 par le biais de plusieurs disciplines académiques, telles la sociologie, les sciences politiques et les études culturelles.

Parmi les sujets discutés, figuraient les opportunités qu’introduisent les sports en tant que nouveaux débouchés pour la résistance palestinienne. La situation de l’Ukraine a été discutée en tant qu’opportunité de mettre en exergue les deux poids et deux mesures que les pays et organisations sportives de l’Occident manient à l’égard de la lutte palestinienne.

Plusieurs chercheurs de l’ACRPS ont également prétendu que la Coupe du monde 2022 avait un solide potentiel de mise en place de pouvoir doux et d’influence politique, outre le fait de faire progresser des questions politiques, nationales et culturelles concernant le monde arabe. La position du Qatar en tant qu’allié traditionnel de la lutte palestinienne et sa réputation en tant que pays médiateur au Moyen-Orient le placent en une position optimale pour promouvoir des discussions politiques sur la Palestine et accroître leur dynamisme.

La prévalence croissante de la politique dans les sports, la situation de l’Ukraine et la position unique du Qatar envers la lutte palestinienne contribuent toutes à créer un environnement favorable à la progression des discussions sur la Palestine concernant le football et les sports, alors que, précédemment, ce sujet était perçu comme tabou par les organisations sportives internationales.

Par exemple, en 2016, le Celtic de Glasgow s’était vu infliger 8 600 £ d’amende du fait que son groupe de supporters ultras, la Green Brigade (Brigade verte), avait bombardé et recouvert de drapeaux palestiniens la section de la North Curve (Virage nord) du Celtic Park lorsque le club avait accueilli le Hapoël Beer-Sheva lors d’un match de qualification de la Champion’s League.

Aujourd’hui, on peut voir des drapeaux palestiniens dans le Virage nord pour ainsi dire dans chaque match et on ne peut plus nier que les pays occidentaux recourent à deux poids et deux mesures.

Ce fait a été élégamment cité par Omar Faraj, le champion égyptien de squash qui, en mars 2022, a remporté les Optasia Championships de Londres et a déclaré :

« L’on ne nous a jamais permis de parler de politique dans le sport mais, brusquement, cela devient permis. Ainsi donc, maintenant que nous en avons le droit, j’espère que les gens examineront également l’oppression partout dans le monde. Je parle ici des Palestiniens et de ce qu’ils ont enduré durant ces 74 dernières années, mais je devine que, du fait que cela ne convient pas au discours des médias occidentaux, nous ne pourrions pas en parler ; mais, maintenant que nous pouvons parler de l’Ukraine, nous pouvons parler des Palestiniens et, par conséquent, ne perdez pas ça de vue. »

Des appels ont déjà été adressés aux capitaines des équipes nationales arabes afin qu’ils portent des brassards ornés du drapeau palestinien, que l’on brandisse le drapeau palestinien dans les stades et qu’on normalise le soutien à la Palestine de la même manière que cela se passe à coup sûr pour l’Ukraine. Incrusté à la Coupe du monde 2022, il y a le potentiel de porter les discussions sur la lutte palestinienne pour l’autodétermination nationale à un niveau supérieur. Les stars se sont alignées pour créer cette opportunité et il ne faudrait pas la galvauder.

*****

 Sary Farraj est étudiante à Paderborn, en Allemagne, où elle prépare un master en neuroscience appliquée aux sports et aux exercices physiques. Voici ici son compte Twitter. 

*****

Publié le 19 novembre 2022 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

 

 

Vous aimerez aussi...