Pourquoi il faut combattre le colonialisme de peuplement sioniste

L’apartheid israélien est un outil du colonialisme de peuplement sioniste en Palestine, destiné à faciliter le dessein de l’État consistant à déporter et à remplacer les Palestiniens autochtones sur leur propre terre.

C’est aussi ce qui ressort clairement du nouveau rapport de l’organisation palestinienne des droits humains, Al-Haq, appuyé par toute une coalition d’organisations de la société civile palestinienne.

La Marche pour la Libération et le Retour, le 29 octobre 2022 à Bruxelles

La Marche pour la libération et le Retour, organisé par Masar Badil, le 29 octobre 2022 à Bruxelles

 

Maureen Clare Murphy, 23 décembre 2022

Le document de plus de 200 pages a été élaboré à partir de décennies d’étude et de défense des Palestiniens et il corrige les faiblesses fondamentales des publications récentes sur l’apartheid par nombre d’organisations israéliennes et internationales des droits humains.

« Le colonialisme de peuplement sioniste et sa logique de l’élimination et du transfert de la population restent absents »

déclare Al-Haq.

Sans incorporer cet aspect fondamental de la domination sioniste en Palestine, les organisations israéliennes et internationales cherchent à contrer l’apartheid par « l’égalité libérale », telle que l’a critiquée l’universitaire Lana Tatour.

Cela obscurcit les buts de la décolonisation et de la libération que les Palestiniens combattent depuis des décennies.

L’intellectuel et diplomate palestinien Fayez Sayegh a décrit le colonialisme de peuplement sioniste comme un projet intrinsèquement racial semblable au régime de l’apartheid en Afrique du Sud dès 1965, c’est-à-dire deux ans avant l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de gaza, fait remarquer Al-Haq.

L’apartheid israélien n’est pas la résultante d’une détérioration de la situation des droits humains dans les territoires occupés depuis 1967. Au lieu de cela, l’occupation et les actuelles conditions intenables sont les suites logiques du régime israélien de colonialisme de peuplement.

 

Mobiliser contre la colonisation

Mobiliser contre le régime d’apartheid colonial de peuplement, qui a cherché à fragmenter la société palestinienne géographiquement et politiquement, a constitué un centre d’intérêt prioritaire pour les défenseurs de la Palestine au cours des deux décennies écoulées – dont l’histoire est détaillée par Al-Haq.

Cette analyse a été favorisée par des organisations de la société civile comme Badil et défendue sur des forums internationaux dont les Nations unies.

Pendant ce temps, le mouvement BDS

« a été à l’avant-plan de la promotion organisée par la Palestine dans la construction et la diffusion de l’analyse complète du régime israélien de colonialisme de peuplement, d’apartheid et d’occupation »,

estime Al-Haq.

Ceci a servi à renforcer

« une compréhension structurelle de l’apartheid israélien en tant que résultat inévitable du colonialisme de peuplement »

ainsi qu’un examen du système israélien d’oppression dans son ensemble.

Al-Haq critique les analyses de l’apartheid publiées par les organisations israéliennes des droits humains Yesh Din et B’Tselem du fait qu’elles évitent

« de discuter du peuple palestinien dans son ensemble et en particulier des réfugiés palestiniens ».

Al-Haq reproche également à ces rapports de négliger

« la question de l’idéologie raciale et le rôle des institutions sionistes dans l’instauration et l’incrustation de l’apartheid ».

Une approche uniquement concentrée sur l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Gaza depuis 1967 sert à légitimer le colonialisme de peuplement depuis la fin du 19e siècle de la terre palestinienne dans ce qui s’appelle aujourd’hui « Israël », affirme Al-Haq.

De même, les analyses ultérieures publiées par Human Rights Watch et Amnesty International sont allées plus loin que celles des organisations israéliennes.

Mais, selon Al-Haq, ces rapports, qu’on a encensés parce ils « bousculaient les paradigmes », négligent de

« considérer l’apartheid israélien dans le contexte du colonialisme, et en particulier du colonialisme de peuplement »,

comme les Palestiniens le font depuis des décennies.

Al-Haq fait allusion à une prise de position de 2008 par le Comité national BDS et soutenue par près de 100 organisations en Palestine et dans le monde entier,

« visant à mettre sur pied un large consensus de masse autour du régime israélien d’oppression du peuple autochtone palestinien dans son ensemble, dans toute la Palestine historique comme dans l’exil ».

Le résultat de ces efforts a été l’instauration d’une commission permanente de l’ONU en vue d’examiner le système israélien d’oppression des Palestiniens dans leur ensemble.

Aller au-delà d’un cadre qui se limite à l’illégalité des activités d’Israël en Cisjordanie et à Gaza est essentiel pour réaliser le droit palestinien à l’autodétermination et au retour dans les terres et propriétés dont ils ont été expulsés et dépossédés en 1948.

Al-Haq suggère que les territoires palestiniens saisis en 1948 et sur lesquels l’État d’Israël a été proclamé cette même année, peuvent être considérés comme occupés sous d’autres catégories d’occupation outre celles qui s’appliquent à la Cisjordanie et à Gaza, y compris «

l’occupation de l’armistice, l’occupation post-debellatio, c’est-à-dire des occupations par la force en temps de paix ».

Le fait de se concentrer étroitement sur les lois humanitaires internationales – ou sur les lois des conflits armés – en tant que cadre juridique dominant en Palestine a servi à renforcer la fragmentation par Israël du peuple palestinien.

Après tout, l’État a été créé

« par le biais d’une ‘acquisition inacceptable de territoire’ au moyen d’une guerre »,

pour reprendre les termes de la Résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU concernant l’occupation par Israël de la Cisjordanie et de Gaza en 1967.

La création d’Israël en 1948 a impliqué

« le transfert massif par la force de Palestiniens et le rejet du droit au retour des réfugiés, déportés et exilés involontaires palestiniens, et ce, en violation des lois internationales ».

En ne se concentrant que sur l’occupation de 1967 et non sur « la totalité de l’expérience collective palestinienne », la prétendue communauté internationale a normalisé un « peuplement sioniste exclusif » en Israël qui implique les mêmes méthodes de déportation et de dépossession des Palestiniens que l’on condamne en Cisjordanie.

Percevoir ces mesures comme distinctes en quelque sorte, et ce, en raison d’une dévotion rigide envers les technicités des lois humanitaires internationales – comme l’ont fait Yesh Din et Human Rights Watch – équivaut à ne pas voir derrière un seul arbre la forêt de la colonisation sioniste de la Palestine historique.

Pour dire les choses plus simplement, le colonialisme de peuplement sioniste est mauvais et sert le même dessein injuste, de quelque côté que ce soit de la Ligne verte.

 

Une « logique de l’élimination »

Le rapport d’Al-Haq explique les moyens par lesquels Israël et des organisations parastatales comme le Fonds national juif, l’Agence juive et l’Organisation sioniste mondiale se sont approprié la terre palestinienne et ont empêché les Palestiniens de s’adapter à la croissance démographique via des mesures intrinsèquement discriminatoires et recourant très fréquemment à la violence.

Pendant ce temps, Israël maintient un environnement répressif afin d’empêcher les Palestiniens d’exercer leurs droits collectifs, et il recourt entre autres à la privation arbitraire de la vie, dans le cadre de sa « logique de l’élimination », affirme Al-Haq.

Ce n’est pas une coïncidence si, un an après l’intifada de l’unité qui a vu les Palestiniens résister à la domination coloniale de peuplement israélienne dans leur patrie et en exil, les pertes palestiniennes imputables aux forces israéliennes en Cisjordanie ont atteint un point culminant sur une période de près de deux décennies.

Comme le fait remarquer Al-Haq en citant l’historien Ilan Pappe,

« il n’y a jamais eu de fin au massacre des Palestiniens par Israël »

depuis les dizaines de massacres qui ont contribué aux 15 000 morts palestiniens de la création d’Israël en 1948.

Ces éliminations par la violence ont adopté diverses formes selon les zones géographiques de la Palestine et là où les Palestiniens vivent en exil, que ce soit dans les épisodiques bombardements de Gaza par Israël ou via la prolifération des armes à feu au sein des communautés palestiniennes en Israël, laquelle a résulté en des tueries intercommunautaires sur lesquelles l’État n’enquête pas ni n’exerce la moindre prévention.

L’apartheid israélien a un effet délétère sur quasiment tous les aspects de la vie palestinienne, qu’il s’agisse de la capacité de préserver le fonctionnement du système des soins de santé ou l’exercice du droit légal de l’existence familiale.

Israël arrête arbitrairement et emprisonne des Palestiniens afin de préserver son régime d’apartheid et de colonisation et il soumet les Palestiniens à des punitions collectives. Dans le même temps, il s’en prend aux défenseurs palestiniens des droits humains, comme Al-Haq, en les cataloguant comme terroristes afin de saboter leur travail.

Une situation aussi extrême n’a été permise que par l’incapacité des États tiers

« à s’assurer qu’ils ne contribuent pas (…) à faciliter les violations des droits des Palestiniens au maintien du régime d’apartheid »,

déclare Al-Haq.

L’organisation fait référence à l’adoption des mesures prises jadis par l’ONU dans le but de galvaniser les efforts internationaux en vue de

« supprimer et éradiquer le crime d’apartheid en Afrique du Sud et en Namibie occupée ».

La Cour pénale internationale n’existait pas encore au moment où sévissait le régime d’apartheid en Afrique du Sud.

Comme le fait remarquer Al-Haq dans son rapport,

« à ce jour, aucun tribunal international ou national n’a jamais poursuivi un individu pour le crime d’apartheid ».

Cela pourrait changer avec l’enquête de la Cour pénale internationale en Palestine. Et, si ce n’est pas le cas, ce ne sera pas faute de preuves ou d’analyses juridiques, mais bien par absence de volonté politique.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 23 décembre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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