Le Likoud de Netanyahou fait sien le rassemblement « Mort aux Arabes » à Jérusalem

Jeudi, le spectacle annuel des nationalistes religieux israéliens, « Mort aux Arabes », dans la Vieille Ville de Jérusalem, a été l’occasion de scènes de harcèlement et d’agression contre des Palestiniens et des journalistes, de la part des participants ainsi que de la police.

 

18 mai. Des ultranationalistes religieux massés à l’extérieur de la porte de Damas donnant sur la Vieille Ville de Jérusalem

18 mai. Des ultranationalistes religieux massés à l’extérieur de la porte de Damas donnant sur la Vieille Ville de Jérusalem. (Photo : Saeed Qaq / SOPA Images)

 

Maureen Clare Murphy, 19 mai 2023

Les marcheurs scandaient des slogans génocidaires du genre « Nous brûlerons votre village » et « Je vengerai un de mes deux yeux sur la Palestine ; puisse leur nom être effacé. »

 

Officiellement annoncé comme le rassemblement de la Journée des drapeaux à Jérusalem, l’événement propose de célébrer l’acquisition forcée par Israël du secteur oriental de Jérusalem, suite à la guerre de 1967 (guerre des Six-Jours) et à l’occupation et à l’annexion illégale qui en ont résulté.

Les Palestiniens ont été contraints de fermer leurs boutiques et leurs mouvements ont été restreints afin de laisser l’espace aux marcheurs qui, ces dernières années, se sont de plus en plus fait remarquer par leurs chants racistes antipalestiniens, tout en cherchant à affirmer la domination juive sur la totalité de la ville.

 

Cette année, la marche a eu lieu quelques jours après un cessez-le-feu qui a mis fin à une attaque surprise israélienne de cinq jours contre Gaza, attaque qui aura tué 33 Palestiniens de l’enclave côtière.

Durant l’escalade, une Israélienne et un ouvrier palestinien originaire de Gaza ont été tués par des roquettes tirées depuis le territoire en riposte à toute une série d’assassinats de personnalités éminentes de la faction de résistance du Djihad islamique.

Israël a embrayé avec l’événement de Jérusalem, bien que son annulation ait été l’une des conditions initiales de cessez-le-feu exprimées par le Djihad islamique. De peur qu’il n’ait l’air de transiger avec la résistance palestinienne, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a mis les bouchées doubles sur cette marche et sur son parcours provocateur à travers le quartier musulman de la Vieille Ville, en dépit des pressions exercées par l’administration Biden pour qu’en soit modifié le parcours.

La marche menaçait de déstabiliser plus encore une situation déjà passablement fragile.

La marche aux drapeaux avait déjà été un catalyseur de la guerre de mai 2021 contre Gaza, qui avait tué plus de 250 Palestiniens du territoire assiégé ainsi qu’une douzaine de personnes en Israël.

Alors que, cette année, l’événement s’est déroulé sans escalade dramatique, les Palestiniens ont enduré une montée de cette violence raciste qui constitue la réalité quotidienne, dans la ville.

 

Des journalistes agressés

Selon Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv, « avant que la marche ait atteint la Vieille Ville de Jérusalem, des heurts ont éclaté entre les marcheurs juifs et les résidents palestiniens ».

Le journal ajoutait que,

« lors d’un incident, des insultes verbales proférées par des participants juifs s’étaient muées en tiraillements et en agressions physiques contre les Palestiniens. Un résident avait été projeté au sol et brièvement roué de coups ; les forces de l’ordre étaient intervenues et avaient dispersé les Palestiniens impliqués dans les heurts ».

Les marcheurs s’en sont également pris à des journalistes, dont un correspondant de Haaretz. La police a elle aussi agressé des journalistes, parmi lesquels un photographe de Haaretz et un correspondant de CNN, Ben Wedeman.

Le correspondant de la BBC pour le Moyen-Orient, Tom Bateman, a écrit que des journalistes avaient été touchés par des projectiles à la porte de Damas :

 

Un peu avant l’incursion des extrémistes israéliens à al-Aqsa, le dirigeant de la communauté palestinienne, Fakhri Abu Diab, s’était fait agresser par la police sur les lieux saints alors qu’il répondait à une interview en direct du réseau d’information israélien Ynet :

 

La police a jeté le téléphone d’Abu Diab sur le sol, le brisant, et l’a contraint de quitter le site de la mosquée al-Aqsa en lui ordonnant en outre de ne plus mettre les pieds dans la Vieille Ville, rapporte le journal The Guardian.

 

Haaretz a fait remarquer que durant le rassemblement et la marche, « des centaines de personnes ont été filmées en train de crier ‘Mort aux Arabes’ et ‘Un Juif est une âme, un Arabe est un fils de pute’ à proximité de la porte de Damas » – l’entrée orientale vers le quartier musulman de la Vieille Ville et l’un des centres de la ville culturelle et sociale palestinienne.

Plusieurs députés israéliens et certains ministres du gouvernement participaient à la marche cette année, dont le ministre d’extrême droite des finances, Bezalel Smotrich :

Yuli Edelstein, né en Ukraine et député faisant partie du parti de Netanyahou, le Likoud, était présent lui aussi :

 

Yizhak Kroizer, un député appartenant au parti Force juive du ministre de la sécurité publique Itamar Ben-Gvir a déclaré que l’événement portait sur « l’application de la souveraineté à toutes les parties de Jérusalem ».

Ben-Gvir, qui est investi de l’autorité sur la police israélienne, est arrivé à la porte de Damas avec une escorte de policiers afin de participer à la marche.

CNN a rapporté que

« certains des marcheurs scandaient : ‘Qui est ici ? Le Premier ministre est ici’, suggérant qu’ils estiment que c’est Ben-Gvir, et non le Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui contrôle le gouvernement d’Israël ».

Israel Katz, le ministre de l’énergie qui appartient au Likoud de Natanyahou, a profité de l’occasion pour menacer d’assassinat Yahia Sinwar, le dirigeant du Hamas à Gaza.

Un peu plus tôt dans la journée, rapportait The Times of Israel, des députés du Likoud et de Force juive s’étaient livrés à des provocations en faisant le tour du complexe de la mosquée al-Aqsa en compagnie de quelque 1 200 juifs. Certains avaient prié, en violation manifeste des arrangements de statu quo concernant le lieu saint.


L’insécurité

La violence du spectacle révèle à la fois l’insécurité du projet sioniste en Palestine et la violence raciste qui se trouve à sa base.

 

La politique d’Israël à l’égard des Palestiniens de Jérusalem consiste à appliquer toute une ingénierie démographique censée assurer une majorité juive dans la ville, et ce, en recourant à tous les outils à sa disposition : la construction de colonies, l’expulsion forcée de Palestiniens de chez eux, la révocation des droits de résidence des Palestiniens, les démolitions de maisons, etc.

Le complexe de la mosquée al-Aqsa et sa centralité dans l’identité palestinienne, est un point de concentration prioritaire des extrémistes israéliens qui cherchent une domination juive absolue du Jourdain à la Méditerranée.

Le fameux mouvement du Temple, qui a des appuis au parlement israélien et dans l’establishment religieux, cherche à accroître le nombre de juifs visitant le complexe de la mosquée al-Aqsa, l’un des sites les plus sacrés des musulmans.

Les activistes du mouvement du temple cherchent en fin de compte la destruction du dôme du Rocher, qui se trouve lui aussi à l’intérieur du complexe de la mosquée, et la construction à sa place d’un temple juif.

Récemment, l’autorité des antiquités d’Israël a publié une proposition de ce qui pourrait être un futur temple juif sur le site d’al-Aqsa, dans le cadre de la promotion du tourisme biblique.

 

La municipalité de Jérusalem, sous contrôle israélien en partenariat avec d’autres entités gouvernementales et le groupe de colons Elad ont fait avancer les démolitions de maisons palestiniennes à Silwan, un quartier situé près de la Vieille Ville de Jérusalem, afin d’établir un parc thématique qui sera baptisé Roi David, du nom du personnage biblique.

 

Même s’il n’y a pas eu de réponse de la part de la résistance à Gaza, où des protestations ont été organisées jeudi, le long de la frontière avec Israël, la marche de la Journée de Jérusalem et le mouvement extrémiste qu’elle représente pourraient toujours en provoquer une.

18 mai 2023. À l’est de Gaza, le long de la clôture de la frontière avec Israël, des Palestiniens protestent contre la marche aux drapeaux de la Journée annuelle de Jérusalem

18 mai 2023. À l’est de Gaza, le long de la clôture de la frontière avec Israël, des Palestiniens protestent contre la marche aux drapeaux de la Journée annuelle de Jérusalem. (Photo : Mohammed Dahman / APA images)

 

Juste avant le rassemblement de la Journée annuelle de Jérusalem, Basim Naim, chef des relations politiques et étrangères du Hamas, a expliqué à Al Jazeera que le pouvoir croissant dans les mains de l’extrême droite israélienne s’était traduit par des développements dangereux comme l’envahissement du quartier musulman de la Vieille Ville ou encore les tentatives de marcher sur le site même d’al-Aqsa.

« Le Hamas n’a nulle envie d’une escalade. Mais s’il est question de Jérusalem, d’al-Aqsa, du pilier central de la cause palestinienne (…) nous sommes disposés à aller jusqu’au bout (…) pour sacrifier tout ce que nous pouvons »,

a ajouté Naim.

Naim a accusé l’actuel gouvernement israélien d’« emporter tout le conflit dans le coin de la religion », ce qui pourrait déborder « dans d’autres pays ».

« Ce n’est pas un conflit entre Gaza et Israël – c’est un conflit entre les Palestiniens de partout et Israël »,

a déclaré Naim.

« Et s’il tourne autour des lieux saints, cela signifie que vous allez recruter des millions et des millions de musulmans pour le même conflit. »

La conversion d’un « conflit politique en un conflit religieux », a déclaré Naim, serait « très malaisée, si pas impossible, à résoudre ».

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 19 mai 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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