Libération des Noirs, libération des Palestiniens – vers l’avant toujours et sans faiblir

L’indivisibilité de la justice requiert que le mouvement palestinien de libération soutienne la lutte de libération des noirs avec autant de détermination farouche que notre propre lutte.

 

Logo du Black Panther Party affirmant « Libération des Noirs et Palestine »

Logo du Black Panther Party affirmant « Pouvoir noir et Palestine » en arabe.

 

Nadya Tannous & Lenna Zahran Nasr, 7 juin 2023

 

Les connexions entre les luttes de libération des Noirs et des Palestiniens vont plus loin que des grenades vides de gaz lacrymogène d’Israël ou qu’une poignée de tweets. Elles se situent dans la centralité de la lutte des prisonniers au sein de nos mouvements, dans la surveillance pesante de nos communautés, dans la façon dont nos communautés sont utilisées en tant que bancs d’essai des forces impérialistes ; et, simultanément, dans la manière dont nous avons œuvré conjointement en vue de mettre un terme à l’impérialisme, échangé des tactiques et puisé les uns chez les autres notre inspiration et nos leçons politiques. Autrement dit : les luttes de libération des Noirs et des Palestiniens sont matériellement et politiquement connectées et, dans de nombreux exemples, les deux peuples ont opté et continuent d’opter pour la solidarité.

À travers la profonde résonance entre nos luttes et nos riches histoires d’internationalisme, la lutte commune des noirs et des Palestiniens a produit une longue et fructueuse histoire de connexions et de travail, depuis le contexte de l’Amérique du Nord dans le ventre même de la bête, jusque dans les Caraïbes et le continent africain. Des organisations et des individus comme Malcolm X, Kwame Ture, le Comité de coordination non violente des étudiants, Angela Davis, Huey Newton, le Black Panther Party for Self Defense, les Black for Palestine et les luttes de libération du Mozambique, de l’Angola, de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe, et de la Côte d’Ivoire constituent tous des témoignages de cette riche histoire en même temps qu’ils sont connectés à notre époque présente.

Engagé à étudier ce puissant héritage tout en y contribuant, le Mouvement de la jeunesse palestinienne (PYM) a pris en charge le travail de la lutte commune – en œuvrant avec d’autres communautés colonisées et opprimées à une vision partagée de la libération – en tant que partie intégrante de notre programme depuis la création de notre premier chapitre nord-américain en 2009. Nous avons joué un rôle clef dans les campagnes historiques de démilitarisation comme Stop Urban Shield (Non au bouclier urbain), de même que dans des coalitions comme Stop LAPD Spying (Non aux opérations d’espionnage du département de police de Los Angeles), où nous avons établi des connexions on ne peut plus importantes entre le sionisme et les manifestations domestiques de l’impérialisme américain.

Ce travail nous a donné l’occasion non seulement de tirer des leçons politiques chez nos camarades noirs (comme la lutte sud-africaine contre l’apartheid), mais aussi de contribuer à des analyses clefs à l’intersection même de nos luttes (comme sur les formations / échanges meurtriers entre la police américaine et les FOI).

 

Les leçons politiques tirées de l’Afrique

La situation palestinienne a de plus en plus été décrite comme une situation d’apartheid. Telle était la structure de la monumentale délégation palestinienne envoyée en 2001 à la Conférence mondiale contre le racisme à Durban, en Afrique du Sud, et qui a fait progresser la trajectoire de l’appel de la société civile en faveur de BDS, en 2005. Étant donné la fréquence du terme au niveau mondial, l’apartheid est un cadre aisément compris et il sert de point d’entrée critique dans la lutte palestinienne pour de nombreux mouvements progressistes et internationaux. Au grand dam d’Israël et de ses alliés sionistes, B’Tselem, Human Rights Watch, Amnesty International, la Clinique internationale des droits humains de l’École de droit de Harvard et la rapporteuse spéciale de l’ONU en Palestine, entre autres, ont appliqué la définition juridique du terme à l’entité sioniste et ont minutieusement répertorié les nombreuses formes diverses de discrimination antipalestinienne rencontrées en Palestine. En 2017, un tollé sioniste contre ce terme s’est traduit de façon infâme par le retrait forcé d’un rapport de l’ONU sur l’apartheid israélien et par la démission du chef de la Commission économique et sociale des Nations unies pour l’Asie occidentale (ESCWA).

Malgré l’opprobre sioniste, alors que le terme apartheid décrit certaines formes de discrimination raciale de surface et la prescription juridique de deux législations différentes pour deux groupes de personnes vivant sur la même terre, il n’englobe pas entièrement la situation palestinienne ni les objectifs historiques ou présents du sionisme en Palestine – et c’est quelque chose que nous voyons clairement quand nous comprenons comment certains sionistes libéraux, comme Peter Beinart, ont repris le cadre, argumentant sans reconnaître l’ironie de la chose, en faveur des droits palestiniens à l’intérieur de la législation israélienne, plutôt que pour le démantèlement complet du sionisme. L’apartheid n’est qu’une facette de notre situation et si nous devons appliquer le concept de l’apartheid à notre lutte, nous devons aussi comprendre et appliquer l’intégralité des leçons que l’Afrique du Sud a apprises au cours de sa propre lutte de libération.

En 2019, le PYM envoyait en Afrique du Sud une délégation de participants palestiniens de huit pays différents afin de nous permettre d’acquérir une compréhension plus intime de la lutte sud-africaine, d’approfondir notre compréhension du capitalisme racial et de son application à notre lutte et d’aiguiser notre critique en même temps de l’application du cadre de l’apartheid à la Palestine et de son héritage politique et économique actuel dans l’Afrique du Sud d’aujourd’hui. L’une de nos conclusions, après le retour de la délégation, est que, malgré la fin de l’apartheid officiel en 1994, malgré toute une liste de présidents xhosa, batswana et zoulous et malgré tout un processus de vérité et de réconciliation, l’Afrique du Sud reste l’un des pays les plus sous-développés du monde, avec un écart dans les revenus qui n’a pas changé depuis l’apartheid et qui correspond étroitement aux divisions raciales. Le consensus sur le terrain est que, sans redistribution sérieuse de la terre et de la richesse – en remettant la terre sous la souveraineté et le contrôle noir africain –, l’appareil essentiel de l’apartheid restera bien implanté en Afrique du Sud. Nous remarquons dans cette réflexion importante que la situation de l’Afrique du Sud est fondamentalement celle du colonialisme de peuplement européen – consolidée à un moment donné sous un apartheid officiel. Les parallèles dans notre histoire et la perspective pour la libération palestinienne, si nous ne considérons la Palestine que sous le seul angle de l’apartheid, ne pourrait pas être plus reconnaissable.

En outre, les tentatives des mouvements palestiniens lors des accords d’Oslo n’ont pas ramené de terres dans les mains palestiniennes, n’ont pas débouché sur une reconnaissance internationale de la souveraineté palestinienne et n’ont pas résulté non plus dans le retour des réfugiés dans notre patrie, ni ne nous ont fourni un gouvernement représentatif ou disposant d’autonomie, pas plus qu’elles n’ont abouti à la moindre amélioration matérielle de notre situation. Au contraire, tout cela a débouché sur la création d’une classe collaboratrice d’élites qui servent à réprimer les luttes de libération significatives.

L’expérience sud-africaine nous a enseigné que la question des droits humanitaires et civils a peu de sens sans souveraineté reconnue sur base territoriale. De même que la définition juridique de l’apartheid n’a pas en elle-même contesté le colonialisme de peuplement européen ni les revendications européennes concernant la terre africaine, l’apartheid lui non plus ne remet en question ni ne criminalise le sionisme ou son projet de construction d’un État (Israël). Au contraire, le cadre juridique de l’apartheid peut implicitement légitimer le sionisme et l’entité sioniste en la positionnant comme l’arbitre qui accorde les droits politiques et civils ; cela aussi crée une fausse équivalence de libération et d’autodétermination par rapport à la trace superficielle d’un gain d’égalité des droits ou d’opposition juridique à nos oppresseurs, mais sans aborder aucune des conditions matérielles du peuplement colonial et des décennies de mise en place des systèmes d’extraction, d’exploitation et de domination. Dissocié d’un programme complet de libération, le fait d’aborder uniquement les aspects manifestes de l’apartheid constitue une saisie libérale d’un projet révolutionnaire. Nous ne luttons pas pour l’égalité des droits contre nos oppresseurs dans le cadre d’une structure juridique de peuplement. Nous combattons pour la libération complète de la Palestine – terre et peuple – et la reconnaissance de la souveraineté palestinienne du fleuve à la mer.

Où que nous nous trouvions en tant que Palestiniens en exil, nous savons que nous sommes sur les lignes de front de la lutte contre le sionisme. Quand nous sommes sur ces lignes de front, nous devons nous accrocher à nos principes politiques et à notre fier vécu d’internationalisme et appliquer la même vigueur, le même engagement dans les luttes des autres peuples contre l’oppression et la violence coloniale délibérées.

 

Non à Cop City et Défense de la forêt de Weelaunee

Atlanta (Géorgie) qui, historiquement, a connu une majorité de noirs et possède fièrement un riche passé de culture noire, passe pour une « ville noire ». Elle est également devenue un laboratoire pour de nouvelles méthodes d’occupation et de contrôle militaire et elle est désormais un point chaud de la lutte anti-impérialiste avec son combat pour mettre un terme à Cop City (la ville des flics).

Il existe bien des situations pour les noirs dans ce qu’on appelle les États-Unis mais, quelle que soit leur diversité, elles sont toutes caractérisées par un système mêlant travail policier raciste, extraction économique, organisation de milices blanches soutenues par l’État, lynchage, système rabique d’emprisonnement pour le profit – tout cela s’entremêle avec la réalité de la vie au sein d’une nation coloniale de peuplement dont la richesse s’est largement construite à partir du labeur volé des noirs asservis, le tout encore entrecoupé de l’actuelle réalité des quartiers et communautés noirs ghettoïsés. Cette constellation de l’oppression est multigénérationnelle et profondément enracinée au sein de l’establishment politique et économique américain : elle a été intégrée aux fondations de l’État même. Comme le disait James Baldwin en 1980 :

« Ce qui nous occupe réellement, c’est que, pour les noirs de ce pays, il n’y a pas de code juridique du tout. Nous sommes toujours gouvernés, si c’est le mot que je cherche, par le code de l’esclavage. »

L’esclavage est un spectre sans cesse présent aux États-Unis, persistant dans ses effets, sinon par son nom, après la fin officielle de l’esclavage légal dans l’engagement économique des noirs (le métayage) et le convict leasing ou système de location de prisonniers. Son héritage continue de vivre via le pillage du travail des noirs dans le système pénitentiaire moderne.

Les conditions socioéconomiques relatives au fait d’être né noir aux États-Unis ne peuvent être séparées d’être soit noir soit pauvre en raison de la racialisation de la richesse aux États-Unis. La violence sponsorisée par l’État et les homicides commis par la police constituent l’essentiel de l’héritage des noirs dans les Amériques. Ceci, de ce fait, a fait partie des principaux facteurs qui ont produit le Black Power Movement (Mouvement du pouvoir noir), y compris le Black Panther Party for Self-Defense (Parti BP pour l’autodéfense) et la pétition historique « Nous accusons de génocide » adressée aux États-Unis dans l’espoir de réparation d’un crime commis par le gouvernement des EU contre le peuple noir (1951).

Cet héritage est on ne peut plus important si l’on veut comprendre l’actuel mouvement populaire qui se développe à Atlanta (Géorgie), mis en évidence par des tactiques et lois répressives qui constituent des précédents dans la législation civile des États-Unis, et par des majorations de charges pour toutes les personnes arrêtées, comme l’application d’accusations de crime de terrorisme domestique sous la justification d’extrémisme domestique violent. Ceci concerne de très près, entre autres, deux protestataires qui doivent purger 20 ans de prison pour avoir posté des tracts identifiant le policier dont ils prétendent qu’il était lié à l’homicide du défenseur des forêts Manuel « Tortuguita » Terán dans la forêt d’Atlanta alors qu’il mobilisait pour bloquer le complexe d’entraînement de la police et des pompiers de 90 millions de USD financé par le monde des entreprises (que les mouvements populaires ont surnommé « Cop City » ou la ville des flics).

Annoncée en 2017, Cop City est née de la tendance à la hausse de la militarisation des forces de police civiles dans ce qu’on appelle les États-Unis et ailleurs dans le monde. L’Atlanta Police Foundation (APF – Fondation de la police d’Atlanta) compte faire main basse sur 85 acres (34 hectares) d’une étendue de 1000 acres (400 hectares) de bois, appelée Weelaunee Forest (des terres ancestrales appartenant aux nations Mvskoke/Muskogee) ou forêt d’Atlanta, afin de construire un complexe d’entraînement pour les départements de la police et des pompiers locaux, pour les forces nationales de l’ordre et pour les armées internationales qui y échangeront des tactiques et des technologies. Atlanta accueille déjà l’infâme Georgia International Law Enforcement Exchange (GILEE – Échange international des forces de l’ordre en Géorgie), situé sur le campus de l’Université d’État de Géorgie. C’est un point focal pour le Deadly-Exchange Program (Programme d’échange mortel) entre des centaines d’unités policières nationales, dont la patrouille de police frontalière et l’armée israélienne.

À quelques États de là, Durham, en Caroline du Nord, est devenue la première ville américaine à interdire, en 2018, les entraînements de la police en compagnie de l’armée israélienne, par le biais d’une résolution municipale menée par une coalition d’organisateurs locaux sous l’égide de Demilitarize from Durham2Palestine (Démilitariser de Durham à la Palestine). Dans leur analyse, les organisateurs font remarquer que les similitudes entre les traitements, brutalités et horreurs commises par les Israéliens sur les Palestiniens et le traitement des noirs et autres minorités par la police de Durham ne font pas que partager les mêmes caractéristiques. Elles s’étendront concrètement et matériellement par le biais des échanges de savoir-faire, de tactiques, de technologies entre, d’une part, les forces sionistes des colons génocidaires et, d’autre part, une force de police américaine tirant son origine des campagnes d’extermination des indigènes et des patrouilles contre les esclaves. Nous savons déjà quelle sera la conclusion de cette collusion. Comme nous l’avons vu partout à travers l’Amérique du Nord, plus de police signifie plus de surveillance, de mort, d’incarcération. Cela ne signifie nullement la sécurité.

Dans le cas de Cop City, nous pouvons supposer que les entraînements qui seront proposés seront empreints de tendances que vous voyons un peu partout aux États-Unis : « police prédictive » ; modules de contreterrorisme trouvés dans GILEE et autres programmes d’échange entre la police et l’armée, comme l’Urban Shield (Bouclier urbain) aujourd’hui défunt qui prônait également les échanges entre l’arme israélienne et toute une horde de départements de police ; et des centres d’échange de surveillance entre les services d’ordre fédéraux, nationaux et locaux connus sous l’appellation de « centres de fusion » que l’on rencontre dans de nombreuses villes des prétendus États-Unis. Ces centres de fusion associent officiellement la collaboration dans la surveillance entre la police, l’ICE (police de l’immigration et des douanes), le DHS (sécurité intérieure), entre autres agences. En tant que tels, ils représentent le lien entre diverses luttes – palestinienne, arabe, musulmane, noire, latino, autochtone, migrante – puisque le cadre de la guerre contre le terrorisme s’est étendu et est utilisé comme un prétexte pour instituer plus encore la surveillance à large échelle d’autres communautés racialisées.

L’État de Géorgie a utilisé ce moment comme une opportunité en vue d’assouplir son nouveau statut de terrorisme intérieur. Au cours des dernières décennies, les accusations de terrorisme ont été utilisées contre des activistes dans la lutte palestinienne, avec un effet dévastateur sur notre communauté en exil. De façon particulièrement scandaleuse, cinq membres de la Holy Land Foundation (Fondation de la Terre sainte), une organisation caritative musulmane qui fournissait de l’aide aux Palestiniens en Asie du Sud-Ouest et en Afrique du Nord, ont été accusés de soutien matériel au terrorisme. Les accusations s’appuyaient sur des témoignages secrets fournis par un agent israélien. Ce genre d’accusations ont également été utilisées contre des Palestiniens, comme Sami al-Arian, qui a été déporté vers la Turquie en 2015.

Aujourd’hui, à Atlanta, plus de 42 personnes sont confrontées à des accusations de terrorisme intérieur, lesquelles entraînent des sentences pouvant aller jusqu’à 35 ans de prison. Cela montre bien une escalade vicieuse dans la répression des mouvements de libération populaire en Amérique du Nord.

Mais, plus forte est la répression, plus forte est la résistance. Bon nombre de ces programmes d’échange entre police ont été abandonnés face aux actions d’un front communautaire uni. Il est à espérer que Cop City subira le même sort. Les protestations contre la construction du complexe, qui ont débuté quand des défenseurs de la terre sont allés habiter dans la forêt en novembre 2021 et se sont muées en un ample mouvement dès le début de l’automne 2022, ont connu une escalade en obtenant une couverture médiatique nationale, et ce, en raison de l’assassinat du défenseur des forêts Tortuguita Terán en janvier, ce qui a en quelque sorte constitué le cri de ralliement pour attirer des partisans de tout le continent à venir sur le site afin de consolider le front. Aux importantes installations de l’APF (Cop City) s’oppose une résistance coordonnée bâtie sur les fondations de divers mouvements pour la justice : les mouvements Black Lives Matter, qui veulent la fin des échanges meurtriers, la justice pour les personnes assassinées par l’impunité de la police, et ceux qui œuvrent dans la défense de la terre. C’est pourquoi la coalitions des organisations communautaires entrées dans la lutte gère toute une gamme de mouvements, depuis LANDBACK, un mouvement populaire de l’île de la Tortue qui vise à ramener la terre sous souveraineté autochtone, jusqu’à la justice raciale et la justice environnementale. Cette puissante coalition inclut les Community Movement Builders (Bâtisseurs du mouvement communautaire), qui a coorganisé un débat, dont le PYM faisait partie, sur la lutte noire et palestinienne – citant Malcolm X qui disait que ce projet allait être bloqué « par tous les moyens nécessaires ».

Dès à présent, l’Atlanta Police Department (APD), la Georgia State Police, le Georgia Bureau of Investigation, les Georgia State Troopers et la Garde nationale participent tous à cet accaparement illégal de terre. La présence concertée de la police et la répression juridique de ce combat actuel, soutenue par l’État, ne sont qu’un avant-goût de ce qui va se produire si Cop City se concrétise – terrorisme intérieur, racket, aggravation des accusations et homicides couverts par la police. Il est demandé, en guise d’introduction, au maire Andre Dickens et au Conseil municipal d’annuler Cop City, de sauver la forêt d’Atlanta et d’annuler le leasing de celle-ci à l’Atlanta Police Foundation. Lors de la conférence de presse, les dirigeants religieux se sont vu reprocher ce qui suit : ceci se passe à Atlanta ; pourquoi, dans ce cas, la majorité des gens qui s’engagent ici viennent-ils d’autres États ou même d’autres pays ? Le révérend Keyanna Jones a répondu : « La réalité, c’est que ceux qui s’engagent dans la violence, ce sont les gens de la police et, eux, ils sont d’ici même, d’Atlanta, en Géorgie. »

 

Soutenir la libération des noirs dans l’île de la Tortue

Aujourd’hui, la massue impérialiste, c’est l’étiquette de « terrorisme » qui, comme l’illustre Cop City, s’applique aux mouvements de libérations, aussi bien ceux des noirs que celui des Palestiniens. Alors que cette désignation a été initiée très récemment par la « guerre mondiale contre le terrorisme », elle a une histoire plus profonde, une histoire qui impacte nos mouvements de masse aujourd’hui dans ce qu’on appelle les États-Unis.

En avril 1968, le FBI a énoncé certains des objectifs de COINTELPRO, dont :

« 1) Empêcher la coalition des organisations nationalistes noires militantes (…) et 4) empêcher la croissance des organisations nationalistes noires militantes, particulièrement parmi les jeunes ».

Cela témoigne de l’importance de l’organisation révolutionnaire des noirs aux États-Unis : Le FBI considérait ces organisations tellement dangereuses pour son agenda impérialiste qu’il leur a consacré le plus gros de sa surveillance concertée. Comme Kanafani et d’autres révolutionnaires particulièrement clairvoyants à leur époque, les organisateurs noirs de notre temps ont été abattus ou emprisonnés, non pour ce qu’ils avaient fait mais pour ce qu’ils pouvaient potentiellement faire. L’État s’est lancé dans la désintégration d’un mouvement puissant en faveur du changement à l’intérieur même du noyau impérialiste. Aujourd’hui, il continue d’incarcérer les noirs selon des taux parmi les plus élevés dans le pays et dans le monde, avec une surveillance accrue, un travail policier massif et de nouvelles désignations juridiques, tel l’« extrémisme identitaire noir ».

L’indivisibilité de la justice requiert que nous soutenions matériellement la lutte de libération des noirs avec la même détermination farouche que la nôtre. Et, alors que nous reconnaissons les similitudes et la profonde résonance entre nos mouvements, nous devons également creuser au-delà afin de concrétiser la liberté. Nous devons reconnaître que la lutte des noirs est fondamentalement opposée à l’impérialisme : ce fut au service de l’impérialisme que les Européens enlevèrent les Africains pour les acheminer par bateau vers l’hémisphère occidental, et c’est aujourd’hui au service de l’impérialisme que les communautés noires sont délibérément sous-développées et qu’il est habituel que leur main-d’œuvre soit exploitée d’une multitude de façons, que ce soit dans les prisons ou dans le cadre de la pauvreté. Il faut combattre l’impérialisme partout où il se trouve et il est clair que les États-Unis sont autant en guerre intérieurement qu’ils ne le sont sur le plan international.

L’internationalisme doit vivre non seulement par les sentiments mais aussi par les actes. Il ne peut être considéré comme acquis d’office. Si nous voulons rester fidèles aux principes internationalistes qui sont au cœur du caractère et de l’histoire du mouvement palestinien de libération, nous devons comprendre que notre libération est intégralement mêlée à celle de l’Afrique et de sa diaspora. Nous devons créer un front uni contre nos oppresseurs communs et nous devons soutenir nos camarades noirs et élaborer avec eux des stratégies quand ils se battent contre les injustices de l’État, contre les forces de l’ordre et contre un système économique destiné à les exploiter. Nous devons descendre dans la rue épaule contre épaule avec nos camarades noirs qui combattent pour la totale autodétermination des communautés noires, pour la liberté des prisonniers politiques noirs comme Mumia Abu-Jamal et pour la fin des activités policières, des prisons, du militarisme et de la soumission économique.

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Le Mouvement de la jeunesse palestinienne (PYM) est un mouvement populaire, indépendant et transnational qui œuvre à la libération totale vis-à-vis du sionisme de la Palestine, de sa terre et de son peuple. Une première version de cet article a été publiée en arabe dans Al-Akhbar le 3 juin 2023.

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Nadya Tannous est une animatrice communautaire passionnée, née et élevée dans la région de la Baie (de San Francisco, en territoire ohlone), avec un intérêt marqué pour l’éducation politique, la mise sur pied de relations entre mouvements, à la restitution de terres aux gens et au retour des gens sur leurs terres. Nadya est membre du Mouvement de la jeunesse palestinienne. Elle a décroché une maîtrise en science sur la migration forcée et les études sur les réfugiés à l’Université d’Oxford et une licence en anthropologie et sociologie à l’Université de Californie à Santa Cruz.

Lenna Zahran Nasr est animatrice communautaire elle aussi et membre du Mouvement de la jeunesse palestinienne. Elle est née et a été élevée sur les terres occupées de Tickanwa-tic et Coahuiltecan land (dans le centre du Texas).

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Publié le 7 juin 2023 sur Mondoweiss
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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