Un Palestinien tué lors d’un pogrom des colons dans une ville de Cisjordanie

Les habitants ont exprimé leur colère contre l’Autorité palestinienne qui ne les a pas protégés contre les colons armés lors du pogrom à Turmus Aya.

 

Une maison incendiée par les colons à Turmus Aya, près de Ramallah, en Cisjordanie, lors du pogrom du 21 juin.

Une maison incendiée par les colons à Turmus Aya, près de Ramallah, en Cisjordanie, le 21 juin. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

 

Maureen Clare Murphy, 21 juin 2023

 

Mercredi, un Palestinien a été tué en Cisjordanie occupée, au moment où les colons mettaient à sac plusieurs zones du territoire. Cette violence de foule faisait suite à une attaque par balles qui, la veille, avait laissé quatre Israéliens sur le carreau.

Au moment de publier le présent article, on rapporte que l’armée israélienne a effectué une frappe par drone sur une voiture qui transportait des Palestiniens au nord de Jénine. Trois hommes auraient été tués, ce qui constitue une escalade dramatique dans le recours à la force contre les activistes de la résistance en Cisjordanie :

Mercredi soir également, des centaines de colons ont envahi le village d’Urif, d’où proviennent les deux tireurs supposés qui ont été tués après l’attaque par balles de mardi, dans la colonie d’Eli.

Les Palestiniens d’Urif ont lancé des pétards en direction des colons pour les repousser :

 

Les forces israéliennes ont utilisé des armes de contrôle de foule contre les Palestiniens qui tentaient de défendre leur village :

 

Mercredi également, une jeune Palestinienne de 14 ans est morte de ses blessures encourues à Jénine l’avant-veille, ce qui porte à sept le nombre de tués de ce raid.

 

L’attaque contre Turmus Aya

Omar Jabara, 25 ans, également connu sous le surnom d’Abu Qateen, a été tué par les forces israéliennes à Turmus Aya, près de Ramallah, en Cisjordanie, pendant que les colons assiégeaient la ville sous la protection des forces d’occupation.

La police israélienne a prétendu qu’un officier « avait touché au moins un Palestinien de la ville, qui était soupçonné d’avoir ouvert le feu » sur ses hommes.

Toutefois, un témoin oculaire a dit aux journalistes que Jabara était désarmé et qu’il n’était en aucun cas à proximité des forces israéliennes quand il avait été tué.

Pendant ce temps, les colons tiraient à munitions réelles sur les résidents, incendiaient leurs biens et boutaient le feu aux terres agricoles.

L’agence d’information de l’AP a déclaré qu’à la suite de l’attaque,

« les rues étaient jonchées de récipients brisés, d’arbres déracinés, de meubles de jardin et de carcasses de voitures calcinés ».

« Une maison au moins a été complètement détruite par le feu, avec sa salle de séjour toute noircie et ses meubles réduits en cendres. »

Un Palestino-Américain qui visitait le village, d’où il est originaire, a déclaré à l’AP :

« C’était terrifiant, nous n’avons vu que des foules de gens masqués et armés dans les rues… »

Il a dit que l’armée avait facilité la tâche des assaillants, « en leur déblayant littéralement la voie ».

Une Palestino-Américaine, en visite dans sa patrie pour la première fois depuis trente ans, a déclaré que les colons avaient tenté de brûler vifs ses enfants dans leur maison :

 

Lafi Adeeb, le maire de Turmus Aya, a expliqué à l’agence d’information palestinienne officielle, WAFA, qu’environ 400 colons avaient participé à l’attaque au cours de laquelle 12 personnes avaient été blessées par des tirs à balles réelles.

Adeeb a déclaré que les colons avaient mis le feu à 30 maisons et à plus de 60 voitures et il a lancé une demande de protection internationale contre les attaques quotidiennes de la part des Israéliens vivant dans les colonies qui entourent la ville.

La Société du Croissant-Rouge palestinien a dit que les colons empêchaient les ambulances de se rendre à Turmus Aya afin d’y soigner les blessés.

Les Palestiniens ont exprimé leur colère envers l’Autorité palestinienne qui ne les protège pas contre les colons armés, et un résident de Turmus Aya a fait état de sa frustration au cours d’une conférence de presse en compagnie du Premier ministre de l’AP, Mohammad Shtayyeh :

 

Un « pogrom »

La désolation semée à Turmus Aya ressemble de façon dérangeante à ce qui s’est passé à Huwwara, près de Naplouse, suite à la mort par balles de deux colons en février dernier.

Même des responsables de l’armée israélienne ont qualifié cet événement, au cours duquel un Palestinien a été tué, de « pogrom ».

Ce terme, « dévastation » en yiddish, est utilisé pour décrire des émeutes violentes organisées dans le but de massacrer ou d’expulser une population sans défense et il est associé à la persécution des juifs en Europe.

Une enquête menée par l’émetteur d’information américain CNN a découvert que les forces israéliennes n’avaient pas empêché l’attaque contre Huwwara en février et qu’elles n’avaient

« pas non plus protégé les résidents quand les colons avaient bouté le feu à des maisons et des petits commerces palestiniens, mais qu’elles avaient empêché les services d’urgence d’intervenir ».

En lieu et place, l’armée avait utilisé des armes de contrôle de foule contre les Palestiniens quand ils avaient tenté de se défendre en jetant des pierres.

Un soldat présent sur place a déclaré :

« Nous leur [aux colons] avons tout simplement permis de continuer d’avancer » et d’ajouter que, généralement, l’armée « ne sait comment s’y prendre avec le terrorisme des colons ».

Les organisations de défense des droits humains font remarquer depuis très longtemps que les colons et l’armée travaillent en tandem du fait que l’État encourage les attaques de vigiles contre les Palestiniens, dans un effort en vue de les chasser de leurs terres.

 

La principale fonction de l’armée israélienne en Cisjordanie occupée est de protéger les colons qui vivent dans les colonies exclusivement réservées aux juifs et construites en violation des lois internationales.

B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits humains, a mis le doigt sur la « synergie » de la coopération :

« Les colons mènent l’attaque, l’armée les protège, les politiciens la soutiennent. »

 

L’organisation palestinienne de défense des droits humains Al-Haq a déclaré que les attaques contre les communautés palestiniennes de cette semaine

« résultent de la très vieille politique israélienne consistant à permettre et à encourager des actes de violence graves de la part des colons ».

Al-Haq a fait remarquer le rôle de la justice israélienne dans la garantie de l’impunité pour ceux qui étaient impliqués dans les attaques.

Des voitures incendiées par les colons à al-Lubban al-Gharbi, près de Ramallah, en Cisjordanie, le 21 juin.

Des voitures incendiées par les colons à al-Lubban al-Gharbi, près de Ramallah, en Cisjordanie, le 21 juin. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

 

La violence des colons contre les Palestiniens est une réalité quotidienne mais, selon l’organisation israélienne de défense des droits humains Yesh Din,

« 93 pour 100 de toutes les enquêtes [israéliennes] sur les crimes à motivation idéologique en Cisjordanie se terminent sans la moindre mise en accusation. La plupart des cas ne font pas l’objet d’une enquête de la police parce que les Palestiniens ne voient guère l’utilité de compiler sur la violence des colons des rapports qui seront de toute façon ignorés. Depuis 2005, à peine 3 pour 100 des enquêtes concernant des attaques de colons ont abouti à des condamnations, ce qui a contribué à confirmer « le sentiment d’impunité chez les perpétrateurs »,

estime Yesh Din.

 

Mardi, après que deux Palestiniens ont abattu et tué quatre Israéliens dans la colonie d’Eli, des colons ont attaqué Huwwara, vandalisant des voitures et des habitations.

Selon B’Tselem,

« quand les résidents palestiniens sont venus protéger leurs propres biens, les soldats leur ont tiré dessus à coups de grenades lacrymogènes et de balles enduites de caoutchouc. Une ambulance du Croissant-Rouge a été incendiée après avoir été touchée par une grenade lacrymogène ».

 

Mardi soir,

« des douzaines de colons, accompagnés par l’armée, ont assiégé le village d’al-Lubban al-Sharqiya pendant plusieurs heures. Ils ont pulvérisé les fenêtres de sept habitations, incendié cinq voitures et occasionné des dégâts à une station à essence »,

a déclaré B’Tselem.

Comme à Huwwara,

« les soldats ont tiré des balles en métal enduit de caoutchouc et des grenades de gaz lacrymogène sur les résidents qui essayaient de se défendre »,

rapporte l’organisation de défense des droits.

Les colons ont eux aussi provoqué des dégâts dans plusieurs autres communautés palestiniennes et ils ont attaqué des conducteurs palestiniens dans plusieurs zones.

 

Une fille touchée à la tête meurt

Entre-temps, mercredi, Sadil Ghasam Ibrahim Naghnaghieh mourait de ses blessures après avoir été abattue par un soldat israélien au cours d’un raid contre Jénine lundi matin.

Defense for Children International – Palestine a déclaré que la fille avait été abattue

« par un soldat israélien à l’intérieur d’un véhicule blindé de l’armée qui passait près de chez elle ».

Sadil était assise dans le jardin de sa maison et elle enregistrait sur vidéo les véhicules militaires israéliens qui roulaient dans les parages

« quand un soldat israélien a ouvert la porte arrière du véhicule et a tiré deux balles ».

L’une des balles a frappé Sadil à la tête et lui a provoqué des lésions au cerveau.

L’organisation de défense des droits des enfants a déclaré que, selon les renseignements dont elle disposait, au moment où Sadil a été abattue,

« il n’y avait pas de confrontations entre les forces israéliennes et les Palestiniens dans cette zone-là ».

La fille est l’un des deux enfants tués pendant ce raid. Sa mort porte à sept le nombre total de décès palestiniens imputables au raid.

L’UNRWA, l’agende de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a déclaré que Sadil et Ahmad Saqer un garçon de 15 ans également tué au cours de de raid, étaient tous deux des élèves de ses écoles.

L’agence a ajouté qu’au moins 75 maisons de réfugiés avaient été endommagées au cours des raids.

Les forces israéliennes ont tué 22 enfants palestiniens en Cisjordanie, depuis le début de l’année, et quatre à Gaza. De plus, à Gaza, un garçon de 10 ans est mort suite aux blessures qu’il avait subies lors d’une frappe aérienne en 2022.

Ayed Abu Eqtaish, un directeur de programme de Defense for Children International – Palestine, a déclaré que la mort de Sadil

« prouve que les forces israéliennes jouissent d’une impunité totale, sans la moindre crainte des répercussions ».

Et d’ajouter que

« filmer des soldats israéliens sur un téléphone cellulaire n’est pas un crime. Par contre, cibler et tuer des enfants palestiniens, c’est un crime de guerre. »

 

Des journalistes ciblés

Des journalistes ont déclaré qu’ils avaient été délibérément ciblés par des soldats israéliens lors du raid sur Jénine de lundi.

Le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, a cité un journaliste, un certain Hafez, qui a dit qu’il s’était fait tirer dessus par des soldats au moment où il photographiait les confrontations entre l’armée et les Palestiniens.

Trois balles ont été tirées sur sa voiture, dont l’une qui a frappé la porte du côté du conducteur. Il croit avoir été délibérément ciblé et a ajouté :

« Notre voiture porte des marques de voiture de presse et moi-même, je portais une veste m’identifiant comme membre de la presse. »

On lui a de nouveau tiré dessus au moment où il se trouvait au sein d’un groupe de journalistes qui « se sont retrouvés directement dans la ligne de tir d’un sniper positionné dans l’un des bâtiments ».

Et d’ajouter que

« nous avons été coincés là pendant vingt minutes et n’avons pu nous en aller que lorsque tout a été terminé ».

Un autre journaliste présent a déclaré qu’ils portaient des vêtements les identifiant en tant que membres de la presse quand des soldats se sont mis à tirer sur eux.

« Nous n’avions rien fait, nous prenions seulement des photos. »

Le mois dernier, le chien de garde qu’est le Comité de protection des journalistes a déclaré qu’il avait répertorié au moins 20 journalistes tués par l’armée israélienne au cours des deux dernières décennies, et personne n’avait

« été accusé ou tenu responsable de ces homicides ».

Cette impunité a

« sévèrement miné la liberté de la presse, laissant dans la précarité les droits des journalistes ».

En mai 2022, la correspondante d’Al Jazeera, Shireen Abu Akleh, qui avait la citoyenneté américaine, a été tuée alors qu’elle couvrait un raid israélien à Jénine.

De nombreuses enquêtes indépendantes ont conclu qu’elle avait été délibérément tuée par des soldats israéliens.

Un documentaire réalisé par Al Jazeera décrit la complicité de l’administration Biden à Washington dans la mise sous éteignoir de la responsabilité d’Israël dans la mort de la journaliste, dont personne n’a été tenu responsable.

Plus de 170 Palestiniens ont été tués par la police, les soldats et les colons israéliens jusqu’à présent cette année, ou sont morts suite à des blessures subies précédemment, d’après les calculs de The Electronic Intifada.

Environ 30 personnes ont été tuées en Israël et en Cisjordanie suite à des attaques palestiniennes au cours de la même période, ou sont mortes de blessures subies précédemment.

***** 

Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

                                        ******
Publié le 21 juin 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

*****         

NDLR : Afin de pouvoir lire les “tweets” et vidéos repris dans l’article, ouvrez un compte Twitter.

 

Vous aimerez aussi...