Quatre Israéliens tués lors d’une attaque armée contre une colonie

L’attaque suivait un raid meurtrier qui avait laissé six Palestiniens morts la veille à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie. La fusillade a eu lieu à une pompe à essence à Eli, une colonie située au sud de Naplouse.

 

 

Les forces israéliennes sur les lieux d’une fusillade à Eli, une colonie établie dans le centre de la Cisjordanie, le 20 juin.

Les forces israéliennes sur les lieux d’une fusillade à Eli, une colonie établie dans le centre de la Cisjordanie, le 20 juin. (Photo : Ilia Yefimovich / DPA)

 

Maureen Clare Murphy, 20 juin 2023

Mardi, après l’attaque meurtrière contre une colonie plus tôt dans la journée, des colons israéliens ont attaqué des Palestiniens et leurs biens à Huwwara, un village à proximité de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie, ainsi que dans plusieurs autres communautés.

Citant les responsables de la défense, les médias israéliens ont rapporté qu’après avoir incendié des voitures dans un village palestinien, les colons s’en étaient même pris à des soldats amenés dans la zone.

Plus tôt cette année, Huwwara avait déjà été le site d’un déchaînement massif, quand des colons avaient attaqué les Palestiniens, vandalisé leurs maisons et bouté le feu à leurs véhicules, le tout sous la protection de l’armée israélienne. Un Palestinien avait été tué.

La violence à Huwwara, en février dernier, s’était déchaînée en guise de représailles après qu’un Palestinien avait abattu et tué deux frères qui vivaient dans une colonie voisine. Bezalel Smotrich, le ministre des finances de l’ultra-extrême droite israélienne avait dit à l’époque qu’il fallait « balayer Huwwara de la carte ».

Le genre d’incitation génocidaire qui avait abouti au pogrom de Huwwara est absolument inévitable après que mardi, deux tireurs palestiniens ont tué quatre Israéliens dans une colonie. Cette attaque suivait un raid meurtrier qui avait laissé six Palestiniens morts la veille à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.

La fusillade a eu lieu à une pompe à essence à Eli, une colonie située au sud de Naplouse, dans le centre de la Cisjordanie. Toutes les colonies en territoire occupé sont illégales, selon les lois internationales.

Au moins un des Israéliens tués avait 17 ans; les autres, paraît-il, étaient âgés de 18 à 63 ans. Quatre autres auraient été blessés, dont l’un grièvement.

 

Les deux Palestiniens supposés avoir mené cette attaque ont été tués. Ils ont été identifiés : Muhanad Shehadeh, 26 ans, et Khaled Sabah, 24 ans, tous deux d’Urif, un village près de Naplouse, en Cisjordanie.

Précédemment, les deux hommes avaient déjà été emprisonnés ensemble « après que les deux avaient jeté un engin explosif dans une zone ouverte près du village palestinien de Yabad », a rapporté Haaretz, le quotidien de Tel-Aviv.

 

Shehadeh a été tué sur les lieux mêmes par des civils israéliens armés.

Une vidéo enregistrée par un véhicule de passage montre Shehadeh qui se fait tirer dessus alors qu’il est couché face contre terre :

https://twitter.com/LocalFocus1/status/1671165859338031107?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1671165859338031107%7Ctwgr%5Ed5d56bd88d205a1883f0830b7b4bab2a7dce1c92%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Ffour-israelis-killed-settlement-shooting-attack

 

L’un des hommes qui a abattu Shehadeh, un membre de la patrouille de sécurité d’Eli, paraît-il, a affirmé qu’il avait continué de tirer sur le Palestinien même après que celui-ci s’était effondré sur le sol.

« Je lui ai tiré dessus jusqu’à ce qu’il tombe. Il bougeait encore »,

a déclaré aux médias Morel Nikel, depuis l’hôpital où il était soigné pour des blessures par balles.

« Ces bêtes ont manifestement plus d’une âme. J’ai encore tiré une balle et il a cessé de bouger »,

a-t-il ajouté.

Réclamant des frappes préemptives, il a déclaré :

« Il n’est pas nécessaire que quelqu’un s’empare d’une arme et tue des gens, puis qu’on le tue. »

Et d’ajouter :

« Ils veulent nous tuer (…) Il nous faut les tuer avant qu’ils ne le fassent. »

 

Des exécutions extrajudiciaires

Sabah a pu s’enfuir à bord d’un véhicule volé à la pompe à essence, puis dans un taxi, évitant pendant deux heures d’être pris par Israël, avant d’être tué par les forces d’occupation près de Tubas, à quelque 70 kilomètres d’Eli. Un autre Palestinien a subi des blessures modérées, paraît-il, au moment où Sabah a été abattu et tué.

Le Shin Bet, l’agence israélienne des renseignements intérieurs, a déclaré que,

« lors de la tentative d’arrestation, le suspect avait essayé de s’échapper du véhicule et avait été abattu et neutralisé par les forces armées ».

Toutefois, les prises de vue de la caméra de sécurité contredisent la version du Shin Bet prétendant que les militaires avaient tenté d’arrêter Sabah. La vidéo montre que les forces israéliennes ont entouré le véhicule à bord duquel se trouvait Sabah, et l’ont tué à bout portant :

https://twitter.com/eliorlevy/status/1671258006615638016?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1671258006615638016%7Ctwgr%5Ed5d56bd88d205a1883f0830b7b4bab2a7dce1c92%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Ffour-israelis-killed-settlement-shooting-attack

 

Une autre vidéo enregistrée par des passants palestiniens montre des soldats israéliens qui extraient du taxi le corps sans vie de Sabah, en le faisant tomber sur le sol :

 

WAFA, l’agence d’information palestinienne officielle, a déclaré que des sources locales avaient rapporté que les forces spéciales avaient intercepté le véhicule à bord duquel voyageait Sabah

« et qu’elles avaient tiré directement sur ce dernier, le tuant sur place ».

Tant Sabah que Shehadeh peuvent avoir été exécutés extrajudiciairement.

Dans des exemples passés où les forces de l’occupation avaient tués de prétendus agresseurs palestiniens, les hauts responsables israéliens avaient indiqué que leur but était d’exécuter les personnes recherchées, plutôt que de les arrêter.

« Notre message à ceux qui nous font ou essaient de nous faire du tort est que cela peut prendre un jour, ou semaine ou un mois, mais soyez certains que nous réglerons nos comptes avec vous »,

avait dit le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou après un raid meurtrier dans le nord de la Cisjordanie le mois dernier.

« Qu’importe où vous essayez de vous cacher, nous vous trouverons. Tous ceux qui nous font du mal le paieront de leur vie. »

Après l’attaque par balles de mardi, Netanyahou a déclaré :

« Nous avons prouvé ces derniers mois que nous nous vengions de tous les assassins sans exception. »

Itamar Ben-Gvir – le ministre d’ultra-extrême droite de la sécurité en Israël, et faiseur de roi dans la coalition conflictuelle actuellement au pouvoir sous Netayahou – s’est rendu sur les lieux de l’attaque à Eli. Il a exigé que le Premier ministre et le ministre de la Défense Yoav Galant lancent une opération militaire de grande envergure

« et qu’ils reprennent la politique d’assassinats ciblés en Cisjordanie ».

Netanyahou était déjà sous une pression à la hausse afin de lancer une opération militaire à l’issue d’un raid d’arrestation routinier à Jénine, lundi, et qui a tourné mal, avec des combattants de la résistance qui ont immobilisé des véhicules militaires à l’aide de puissants engins explosifs improvisés. Israël a déployé un hélicoptère d’attaque en Cisjordanie pour la première fois depuis 20 ans afin d’évacuer ses soldats blessés au cours du raid.

Mais bien avant le raid de lundi à Jénine, des membres de la coalition d’extrême droite de Netanyahou, dont un grand nombre de colons, avaient exigé une réponse encore plus dure à la résistance palestinienne. Netanyahou avait capitulé face à ces appels lorsqu’Israël avait assassiné plusieurs personnalités de haut rang du Djihad islamique à Gaza le mois dernier, ce qui avait débouché sur plusieurs jours de tirs transfrontaliers intenses et des douzaines de tués.

 

Une « réponse naturelle » au raid de Jénine

Tant le Djihad islamique que le Hamas ont bien accueilli l’attaque par balles de mardi et l’ont caractérisée comme une réponse naturelle au raid meurtrier de Jénine.

Cinq Palestiniens avaient été tués dans ce raid, au cours duquel les forces israéliennes avaient rencontré une résistance acharnée.

Un sixième Palestinien, Amjad al-Jais, 48 ans, est mort mardi des blessures qu’il avait subies au cours du raid.

Al-Jais avait été abattu par un sniper israélien alors qu’il tentait de reprendre ses enfants à l’école, a expliqué son frère aux médias. L’un de ses fils, Wasim, 16 ans, était mort après avoir été abattu par les soldats israéliens au cours d’un précédent raid à Jénine, le 26 janvier.

Douze Palestiniens avaient été tués durant ce raid ou avaient succombé à leurs blessures quelques jours plus tard.

Mardi également, Naser Sinan, 55 ans, est mort de ses blessures après avoir reçu une balle israélienne dans la tête lors d’un raid contre Jénine, le 22 mai. Les médias palestiniens ont dit que Sinan était le père de six enfants.

Près de 170 Palestiniens ont été tués par la police, les soldats et les colons israéliens depuis le début de l’année, ou sont morts des suites de blessures encourues plus tôt, selon les estimations de The Electronic Intifada.

Au cours de la même période, une trentaine de personnes ont été tuées en Israël et en Cisjordanie, suite à des attaques palestiniennes, ou sont mortes de blessures encourues précédemment.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 20 juin 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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