Après les pogroms des colons, il faut s’attendre à une violence génocidaire pire encore

Aussi néfastes qu’aient pu être les attaques des colons de cette semaine, le pire est encore à venir. Et les amis puissants d’Israël en seront complices à 100 pour 100, puisqu’ils ont ignoré les supplications émanant de Turmus Aya en répondant à la terreur étatique des colons par les seuls gestes creux d’une solidarité passablement édentée.

 

Le 31 juillet 2015, des photos de famille sont éparpillées sur le sol dans la maison de la famille Dawabsheh, à Duma, en Cisjordanie. Ali Dawabsheh, âgé de 18 mois, a perdu la vie en même temps que ses parents quand les colons ont incendié leur maison. Son frère aîné, Ahmad, a survécu. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

Le 31 juillet 2015, des photos de famille sont éparpillées sur le sol dans la maison de la famille Dawabsheh, à Duma, en Cisjordanie. Ali Dawabsheh, âgé de 18 mois, a perdu la vie en même temps que ses parents quand les colons ont incendié leur maison. Son frère aîné, Ahmad, a survécu. (Photo : Oren Ziv / ActiveStills)

Maureen Clare Murphy, 24 juin 2023

 

« Il ne combattait même pas, il essayait tout simplement de protéger les gens », a expliqué vendredi, entre deux halètements, la veuve d’Omar Qateen à une délégation de diplomates.

La femme a dit qu’elle était submergée de chagrin après que son mari avait été tué mercredi, au moment où des centaines de colons déchaînés, dont certains étaient armés, avaient bouté le feu à des maisons de Turmus Aya, un village palestinien de Cisjordanie occupée.

Cette semaine, les colons ont attaqué plusieurs communautés palestiniennes de Cisjordanie, après que des tireurs palestiniens avaient abattu et tué quatre Israéliens dans la colonie d’Eli, avant d’être eux-mêmes exécutés par des civils armés et par des hommes des forces spéciales. La veille de la fusillade à la colonie, les forces israéliennes avaient tué plusieurs Palestiniens, dont deux enfants, au cours d’un raid à Jénine.

Venu mardi sur les lieux de l’attaque à Eli, le ministre ultranationaliste de la sécurité nationale d’Israël, Itamar Ben-Gvir, a exhorté les colons de Cisjordanie à prendre les armes.

Lors des attaques de représailles qui ont suivi, les colons ont vandalisé une mosquée, déchiré des exemplaires du Coran et mis le feu à une école d’Urif, la ville d’origine des tireurs de l’attaque d’Eli. Ils ont également coupé l’électricité de tout le village.

 

L’armée et la police israéliennes ont utilisé des munitions réelles et des armes de contrôle de foule contre les Palestiniens qui tentaient de se défendre et elles ont entravé le mouvement des ambulances et des camions de pompiers à Turmus Aya, qui n’est distant d’Eli que de quelques kilomètres.

Des prises de vue montrent les colons qui tirent sur des maisons palestiniennes à Turmus Aya :

 

Au cours du déchaînement qui a frappé Turmus Aya, Omar Qateen, 27 ans, a été abattu et tué par des policiers israéliens, qui ont d’abord dit que l’homme abattu était armé – une allégation réfutée par sa veuve et qui n’a plus été reprise dans les déclarations de la police qui ont suivi.

La veuve d’Omar Qateen a déclaré qu’elle se sentait réconfortée en sachant que son mari et père de leurs deux enfants était mort bravement en essayant de venir en aide à d’autres personnes.

Passant d’un anglais à l’accent américain – la femme d’Omar Qateen et leurs enfants sont des citoyens américains – à l’arabe, la femme endeuillée a déclaré qu’ils avaient besoin d’une protection internationale.

 

« C’est un génocide »

Telle était aussi la demande de Lafi Adeeb, le maire de Turmus Aya, après que les colons avaient incendié plus de 30 maisons de la ville, en tentant de brûler vives des familles entières.

« C’est un génocide, c’est une guerre contre nous. Les colons portant des armes et des bidons plein de carburant attaquent notre petit village et boutent le feu aux maisons quand les habitants y sont encore »,

a expliqué Lafi Adeeb au magazine Middle East Eye.

« L’attaque était d’envergure et organisée, sous la pleine protection et organisation de l’armée israélienne, qui travaille contre nous et qui les protège »,

a ajouté le maire.

 

Suite aux violences de mercredi à Turmus Aya, qui héberge de nombreux Palestino-Américains, le Bureau américain des Affaires palestiniennes a déclaré qu’il était « horrifié par les incessantes attaques des colons ».

Le bureau a ajouté qu’il avait demandé aux autorités israéliennes de « protéger les civils américains et palestiniens et de poursuivre les personnes responsables ».

Tom Nides, l’ambassadeur des EU en Israël, a déclaré :

« Nous ne soutenons ni n’assistons sans rien faire à la violence des colons. J’ai été très clair et très spécifique : nous ne la soutiendrons pas. »

En réalité, la politique américaine est pire encore que de ne rien faire. Washington fournit à Israël un montant de 3,8 milliards de USD chaque année en aide militaire, ce qui permet la colonisation par la violence de la terre palestinienne et la répression brutale de toute forme de résistance à cette colonisation.

 

Dans un même temps, les EU protègent Israël de toute responsabilisation dans tous les forums internationaux, y compris la Cour pénale internationale (CPI), où ils s’opposent à l’enquête sur la Palestine, manifestement mise sous l’éteignoir pour l’instant.

Cette impunité apporte de l’eau au moulin aux déchaînements des colons qui ont terrorisé les habitants de plus d’une douzaine de communautés palestiniennes sans défense cette semaine, et cette violence est explicitement encouragée par les dirigeants d’Israël.

Vendredi, Itamar Ben-Gvir, le faiseur de roi au sein du fragile gouvernement de coalition de Benjamin Netanyahou, a expliqué clairement les choses une fois de plus en visitant Evyatar, un avant-poste de colonie situé dans le nord de la Cisjordanie.

 

Il a incité les colons « à se hâter vers les sommets des collines » – rappelant l’exhortation identique faite il y a 25 ans par Ariel Sharon, un criminel de guerre notoire devenu plus tard Premier ministre d’Israël. Ben-Gvir peut bien espérer et s’attendre à suivre le même chemin.

« Outre la nécessité de peupler la terre », a déclaré Ben-Gvir, « nous avons besoin d’une opération militaire : abattre des bâtiments et tuer des terroristes. »

« Pas un ou deux, mais des douzaines et des centaines et, si nécessaire, des milliers ! » a-t-il dit.

« Par-dessus tout, voici comment nous accomplirons notre grandiose objectif : la terre d’Israël pour le peuple d’Israël », a-t-il ajouté, signifiant le contrôle juif exclusif du Jourdain à la Méditerranée, assurant les colons de ce que « nous vous avons soutenus ».

 

Ben-Gvir s’adressait aux colons dans un avant-poste non autorisé par le gouvernement, installé en mai 2021 sur des terres appartenant aux communautés palestiniennes de Beita, Qabalan et Yatma, sur Jabal (le mont) Subeih, près de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie.

Depuis lors, plusieurs Palestiniens ont été tués au cours ou à proximité de protestations contre le peuplement.

Ben-Gvir est honnête, à propos de l’accomplissement de l’idéologie d’État d’Israël, le sionisme – elle requiert de tuer les Palestiniens et de les chasser de leur terre.

Après tout, c’est ainsi que l’État a été fondé – par des milices qui massacraient et terrorisaient les Palestiniens, en les forçant à fuir et en leur refusant le droit au retour à leur terre et à leur propriété. Et, aujourd’hui, l’État est dirigé par des personnages messianiques – comme le ministre des Finances Bezalel Smotrich – qui cherchent à imposer un pouvoir théocratique juif.

 

De façon infamante, Smotrich a lancé un appel à « rayer de la carte » Huwwara, une petite ville près de Naplouse en Cisjordanie, a l’issue d’un raid de destruction lancé en février dernier par les colons, similaire à celui qui a eu lieu à Turmus Aya cette semaine.

Ses alliés au sein de la coalition d’extrême droite de Netanyahou sont manifestement ouverts à tous les moyens pour imposer une domination juive en Palestine, y compris en brûlant vifs des enfants dans le lieu sacré qu’est leur foyer.

Le chef de cabinet du ministère de Ben-Gvir est Hanamel Dorfman qui, lors de son mariage en 2015, a été filmé en train de danser quand ses invités ont lacéré et brûlé des photos d’Ali Dawabsheh, un bébé palestinien brûlé vif en même temps que ses parents par des colons qui avaient incendié leur maison.

Ben-Gvir, qui avait assuré la défense juridique des suspects de l’attaque incendiaire de 2015 qui avait tué la famille Dawabsheh, faisait partie des personnes présentes, de même que Bentzi Gopstein, l’un de ses conseillers. La fille de Gopstein était justement la mariée dont les noces avaient été célébrées lors de cet infâme « mariage de la haine ».

Avant d’assumer ses fonctions, Dorfman avait dirigé la Hilltop Youth (les jeunes des collines), une organisation nationaliste extrémiste et religieuse de colons israéliens qui militent pour un royaume juif d’où seraient chassés les non-juifs.

Le meneur de l’attaque contre la maison de la famille Dawabsheh devait sans doute faire partie de la Hilltop Youth.

Naguère marginaux encore, les suprémacistes juifs qui vénèrent Baruch Goldstein, un colon né aux EU qui avait massacré 29 hommes et garçons palestiniens à la mosquée Ibrahimi de Hébron en 1994, participent aujourd’hui au gouvernement israélien et exercent le contrôle de sa police et de ses forces militaires.

 

La terreur des colons, c’est la terreur de l’État

Israël essaie de continuer de faire croire que la violence des colons n’est en aucun cas cautionnée par l’État, lorsque son porte-parole militaire décrit les déchaînements de cette semaine comme « très graves », ajoutant que cela entrave les capacités de l’armée dans son combat contre le « terrorisme ».

Le porte-parole a également prétendu que l’armée israélienne – qui soumet à une surveillance totale les Palestiniens sous sa domination – n’était pas au courant à l’avance de l’attaque de Turmus Aya par des centaines de colons, bien que cette attaque eût été annoncée dans les groupes WhatsApp et qu’elle ait fait l’objet de fuites dans les médias sociaux.

Comme l’a dit un commentateur israélien, s’il faut croire ce que prétend le porte-parole de l’armée (et il ne faut surtout pas le croire), cela n’a aucun sens qu’Israël n’ait rien su des plans à moins qu’il n’ait pas voulu être renseigné préalablement à leur sujet.

 

Dans un éditorial de vendredi, le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, a fait remarquer que l’attaque contre Turmus Aya « était prévisible », de même que l’était la prétention par l’armée du non-fonctionnement de ses renseignements.

« Quand un non-fonctionnement se poursuit durant des décennies, il est clair que le problème n’est pas un manque de contrôle, mais qu’il réside dans un modèle de comportement et dans une décision d’en haut – c’est-à-dire de la direction du pays – afin de permettre aux Israéliens d’attaquer les Palestiniens »,

explique l’éditorial.

« Il n’est nul besoin d’ordres explicites ; il suffit de connaître la pensée du commandant. »

Alors que l’armée cherche à sauvegarder une non-reconnaissance plausible, Ben-Gvir y va franchement, avec la désagréable vérité : Soutenue par divers appareils d’État, la terreur des colons associée à la répression brutale par l’armée (cette semaine, cela a inclus la toute première frappe militaire par drone en Cisjordanie) est ce qui va assurer la domination juive exclusive du fleuve à la mer.

Netanyahou a accéléré l’expansion des colonies en cédant « pratiquement tout contrôle sur l’approbation des plans de mise en place » des colonies à Smotrich, comme l’a mentionné The Times of Israel.

 

Les colons ont établi plusieurs avant-postes nouveaux depuis que quatre Israéliens ont été tués mardi dernier et il est prévu que d’autres avant-postes soient régularisés par le gouvernement de Netanyahou.

 

Les ordres de Ben-Gvir sont clairs : emparez-vous des collines.

Aussi néfastes qu’aient pu être les attaques des colons de cette semaine, le pire est encore à venir. Et les amis puissants d’Israël en seront complices à 100 pour 100, puisqu’ils ont ignoré les supplications émanant de Turmus Aya en répondant à la terreur étatique des colons par les seuls gestes creux d’une solidarité passablement édentée.

***** 

Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

                                        ******
Publié le 24 juin 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

*****         

NDLR : Afin de pouvoir lire les “tweets” et vidéos repris dans l’article, ouvrez un compte Twitter.

Vous aimerez aussi...