Le patron de l’ONU encourage Israël à tuer encore plus d’enfants palestiniens

Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, encourage Israël à tuer et mutiler encore plus d’enfants palestiniens. Bien sûr, il ne l’exprimerait pas lui-même de cette façon mais c’est la seule conclusion qu’on peut tirer de sa décision – une de plus – d’omettre de faire figurer Israël sur la « liste de la honte » de l’ONU, qui répertorie les violateurs graves des droits des enfants durant les conflits armés.

 

Le patron de l’ONU encourage Israël à tuer encore plus d’enfants palestiniens. 6 juin 2023, Nabi Saleh, Cisjordanie occupée. Des gens en deuil portent le corps de Muhammad al-Tamimi lors de ses funérailles. L’enfant en bas âge est décédé la veille des blessures qu’il avait subies lorsque l’armée israélienne avait tiré sur la voiture de sa famille, le 1er juin, le blessant lui et son père.

6 juin 2023, Nabi Saleh, Cisjordanie occupée. Des gens en deuil portent le corps de Muhammad al-Tamimi lors de ses funérailles. L’enfant en bas âge est décédé la veille des blessures qu’il avait subies lorsque l’armée israélienne avait tiré sur la voiture de sa famille, le 1er juin, le blessant lui et son père. (Photo : Ahmad Arouri / APA images)

 

Ali Abunimah, 29 juin 2023

La consternation suscitée par cette décision manifestement partiale était palpable même parmi les journalistes présents à la présentation, mardi, du rapport annuel du secrétaire général, rédigé par Virginia Gamba, sa représentante spéciale pour les enfants et les conflits armés.

« Les pays qui ont enregistré les nombres les plus élevés de violations graves en 2022 étaient la République démocratique du Congo, Israël et l’État de Palestine, la Somalie, l’Ukraine et la Syrie, alors que les pays confrontés à la pire détérioration étaient le Myanmar, le Sud-Soudan et le Burkina Faso »,

a expliqué Gamba.

Et elle a pourtant fait remarquer qu’

« en Israël et dans l’État de Palestine, le secrétaire général n’avait cité aucune partie engagée dans le conflit ».

En fait, Israël est le seul pays parmi les violateurs les plus graves (la Palestine n’est pas une violatrice, mais une victime) qui n’apparaît pas sur la liste.

Mais Gamba a cité le rapport de Guterres de l’an dernier, dans lequel le patron de l’ONU avait prévenu que

« si des frappes aériennes et des lancements de roquettes substantiels résultant de l’escalade des hostilités en mai 2021 devaient se répéter en 2022, les parties engagées dans le conflit devraient être reprises sur la liste ».

Naturellement, les attaques israéliennes contre Gaza se sont répétées – en août 2022 – et, de plus, en mai 2023. N’empêche qu’Israël a échappé une fois de plus à la responsabilisation de ses actes.


Personne n’est dupe

Gamba y est allée d’une courageuse tentative de bluff face aux questions des journalistes. On peut regarder la vidéo ci-dessous :

 

Interrogée par James Bays, d’Al Jazeera, qui voulait savoir pourquoi Guterres n’avait pas placé Israël sur la liste cette année, malgré l’avertissement de l’année précédente, Gamba a répondu :

« Je pense que cela a trait à la fois avec l’engagement et avec les chiffres. »

Selon Gamba, le fait qu’Israël n’a bombardé Gaza que 52 fois en 2022, contre près de 600 fois en 2021, constituait une amélioration louable.

Elle a également tapé gentiment sur l’épaule d’Israël pour des gestes comme

« un échange de lettres, la désignation de points focaux par toutes les parties et l’identification de mesures spéciales »

afin de réduire les graves violations des droits des enfants.

Tel est le genre de tactiques dilatoires qu’Israël utilise depuis des décennies pour faire plaisir à l’ONU.

Israël a tué au moins 30 enfants depuis le début de cette année, a calculé Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

 

« Je ne comprends toujours pas. Ils tuent toujours des enfants en grands nombres »,

a riposté Bays à l’adresse de Gamba.

« Simplement parce que les chiffres de 2021 étaient plus terrifiants du fait que la guerre avait duré un peu plus – et je sais que votre rapport est censé être pour 2022 – mais vous avez le bénéfice de savoir ce qui va venir et vous auriez pu envoyer un avertissement clair, un signal clair à Israël qui aurait pu sauver des vies d’enfants en plaçant Israël sur cette liste. »

Il est particulièrement choquant et répréhensible que Gamba ait tenté de présenter 2022 comme une année d’amélioration importante dans le comportement meurtrier d’Israël à l’égard des enfants palestiniens.

En fait, selon DCI-P, 2022

« a été particulièrement meurtrier pour les enfants palestiniens en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, ainsi que dans la bande de Gaza ».

Et, comme on l’a fait remarquer, il n’y a pas eu de relâchement dans la brutalité israélienne en 2023.

Malgré cela, Gamba a affirmé que

« nous devions donner du temps aux mesures que nous avions convenues – les deux camps ont accepté de les appliquer cette année ».

Bays a répondu, sans aucun doute en parlant au nom d’un grand nombre :

« Ainsi donc, nous allons juste leur donner le temps, n’est-ce pas, et laisser plus d’enfants encore mourir, dans l’intervalle ? »

Gamba a été incapable de trouver la moindre explication cohérente à l’indulgence de l’ONU envers Israël, surtout, étant donné la façon dont l’ONU a traité les accusations contre la Russie et l’Ukraine.

Cette année, la Russie a été ajoutée à la liste de la honte à propos de ses prétendues violations au cours de la guerre en Ukraine. C’était la première fois qu’un membre permanent du Conseil de sécurité était repris sur la liste.

Gamba a également fait remarquer qu’alors que l’Ukraine n’avait pas été ajoutée à la liste, le secrétaire général

« avait décidé de mettre également en garde les forces armées ukrainiennes (…) en raison du grand nombre d’enfants tués et mutilés et d’attaques contre des écoles et des hôpitaux attribués à ces mêmes forces armées ukrainiennes ».

La Russie figurait sur la liste et l’Ukraine avait reçu un avertissement, même si Gamba a reconnu que les deux pays s’étaient engagés de façon intense avec elle et qu’ils avaient entrepris des démarches qui avaient déjà réduit le nombre de violations présumées.

Pour Israël, cependant, envoyer une lettre et d’autres subterfuges du même genre était apparemment plus que suffisant pour éviter d’être incorporé dans la liste de la honte tout en restant l’un des pires violateurs au monde des droits des enfants, selon les propres propos de l’ONU.

Gamba n’a pas dupé les journalistes, lors de la conférence de presse, et elle ne dupe personne d’autre.

 

« L’oubli permanent de placer Israël sur la liste de la honte rend un très mauvais service aux enfants palestiniens »,

écrit Jo Becker, de Human Rights Watch.

Becker fait remarquer que le rapport du secrétaire général

« a estimé que les forces israéliennes étaient responsables de 975 victimes parmi les enfants et de 110 attaques contre des écoles et des hôpitaux en 2022 ».

Et, entre 2015 et 2020, l’ONU a attribué plus de 6 700 victimes enfants aux forces israéliennes.

« Alors que le secrétaire général n’a jamais incorporé Israël dans sa liste, il y a inclus d’autres forces ou groupes responsables de violations nettement moins nombreuses »,

a ajouté Becker.

 

L’impunité

Revenons en 2015. Ban Ki-moon, à l’époque secrétaire général de l’ONU, avait cédé aux pressions américaines et israéliennes et avait retiré Israël de la liste de la honte pour 2014 – l’année où Israël avait tué plus de 550 enfants palestiniens lors de son offensive contre Gaza cet été-là.

Cela avait été un message clair et un précédent que le successeur de Ban Ki-moon avait consciencieusement suivi.

Ban Ki-moon était allé en Palestine, ce mois-là, en compagnie de Mary Robinson, l’ancienne présidente irlandaise et responsable des droits humains à l’ONU. Tous deux membres des Sages, un groupe d’anciens dirigeants fondé par Nelson Mandela pour promouvoir la paix, la justice et les droits humains.

 

Suite à leur visite, Mary Robinson et Ban Ki-moon avaient rapporté qu’ils

« avaient vu eux-mêmes certains des faits sur le terrain et qu’ils avaient été mis au courant par des organisations de défense des droits humains israéliennes, palestiniennes et internationales des preuves sans cesse croissantes de ce que la situation correspondait à la définition juridique internationale de l’apartheid ».

Les deux dirigeants avaient fait remarquer qu’ils n’avaient

« entendu aucune réfutation détaillée de la preuve de l’apartheid »,

et ils avaient affirmé que les déclarations et les mesures du gouvernement israélien

« témoignaient clairement d’une intention d’envisager une annexion permanente plutôt qu’une occupation temporaire, tout en s’appuyant sur la suprématie juive ».

L’un des tout premiers actes d’António Guterres, qui avait succédé à Ban Ki-moon comme haut responsable de l’ONU, a consisté à mettre sous l’éteignoir un rapport historique de 2017 détaillant comment Israël commettait le crime d’apartheid contre le peuple palestinien tout entier.

Cette découverte de l’apartheid a été largement confirmée depuis par les organisations mondiales et locales de défense des droits humains.

Malheureusement, ni Ban Ki-moon ni António Guterres n’ont fait preuve pendant leur mandat d’un grand courage face aux crimes israéliens.

Peut-être António Guterres rejoindra-t-il les Sages lorsqu’il prendra sa retraite et admettra-t-il finalement les vérités qu’il réprime actuellement.

Pour alors, naturellement, il sera bien trop tard pour que les points de vue d’António Guterres comptent un tant soit peu et de nombreux enfants palestiniens supplémentaires auront été tués – grâce à l’impunité et à la couverture fournie par sa lâche exclusion d’Israël de la liste de la honte.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 29 juin 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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