Masar Badil condamne le meurtre de plus de 500 migrants en Méditerrannée

Masar Badil, la Voie révolutionnaire alternative palestinienne, condamne le meurtre de plus de 500 migrants dans les eaux grecques et accuse l’Union européenne et ses mesures répressives et génocidaires en matière de migration et de frontières.

 

Un agent de Frontex devant un bateau transportant des migrants. (Photo : Masar Badil)

Un agent de Frontex devant un bateau transportant des migrants. (Photo : Masar Badil)


Masar Badil,
20 juin 2023

En soutien aux victimes de la politique génocidaire européenne, pour que justice soit rendue à ceux qui ont été assassinés, en solidarité avec leurs familles et en soutien aux soulèvements qui ont lieu à l’échelle internationale en réaction de ce qui s’est passé.

Le mercredi 14 juin 2023, à quelque 80 kilomètres des côtes grecques, la Garde côtière grecque, associée à l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), a tué 78 personnes de diverses origines qui se trouvaient à bord d’un bateau transportant environ 750 migrants (surtout des Syriens, des Égyptiens, des Pakistanais, des Afghans et des Soudanais). Jusqu’à présent, 104 personnes ont survécu, alors qu’on estime que plus de 500 corps se trouvent actuellement à 5 000 mètres de profondeur dans la fosse Calypso, la plus profonde de la mer Ionienne. Avant le naufrage du navire, six migrants étaient décédés à bord suite aux conditions extrêmement pénibles du voyage – ils avaient voyagé sans nourriture ni eau depuis Tobrouk, une ville de l’est de la Libye.

Les informations partagées par les migrants et leurs familles indiquent que le navire était censé atteindre l’Italie mais qu’il s’était perdu et qu’il était entré dans les eaux territoriales grecques après plus de cinq jours de navigation sans la moindre nourriture. Les migrants à bord avaient demandé de l’aide mardi, en de nombreuses occasions. Toutefois, dès les tout premiers instants, la Garde côtière grecque s’était déchargée de toute responsabilité. Ses hommes avaient jeté un cordage au bateau trois heures à peine avant qu’il ne sombre, afin de déterminer sa situation et celle de ses passagers mais c’est le moment qu’avait choisi le navire patrouilleur pour s’éloigner, sans toutefois cesser de tenir les choses à l’œil avec attention. Il va y avoir une enquête afin de déterminer si la tentative grecque de remorquage du navire était due à une tentative de le diriger vers les eaux italiennes, ce qui pourrait être considéré comme un renvoi illégal vers la haute mer. Ce qui est clair, c’est que la Garde côtière n’a pas agi à temps pour prévenir le désastre. Par ailleurs, Frontex ainsi que les services de secours d’Italie, de Malte et de Grèce ont été prévenus mardi à 2 heures du matin de cette situation d’urgence. Ils ont même pris des photos du navire, lesquelles révélaient la situation de danger imminent dans laquelle il se trouvait. À l’aube, une unité de la même garde côtière a photographié le bateau de pêche illuminé par ses feux quelques instants avant qu’il ne sombre, mais tout ce qu’elle a fait a consisté à lancer l’opération de secours une fois que le navire s’est enfoncé dans les flots.

Action contre Frontex

Photo : KrasnyiCollective, Jérôme Peraya

 

Les côtes européennes sont une immense et profonde fosse commune abandonnée. Ce massacre est à mettre en parallèle avec ce qui s’est passé en février 2023 au large des côtes italiennes, quand 94 personnes ont été assassinées à bord du Summer Love, à bord duquel se trouvait 200 passagers et pour lequel on n’avait pas lancé la moindre opération de sauvetage, bien que l’Italie et Frontex aient disposé d’informations suffisantes sur la situation dramatique du bateau. Manifestement il ne s’agit pas de cas isolés, puisque, sur les 3 800 personnes qui ont perdu la vie sur les routes de la migration du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord depuis 2022, plus de 70 pour 100 ont perdu la vie en mer. En tout, depuis 2014, plus de 20 000 personnes ont été tuées en Méditerranée. Le meurtre via la politique systématique du « laissez-les crever » n’est pas le seul instrument utilisé par les États membres de l’Union européenne, puisqu’ils recourent également à la torture, à l’emprisonnement, à l’arrestation et au renvoi vers certains pays comme la Turquie, dans le cas de la Grèce et du Maroc, ou vers les pays de l’Afrique du Sud, dans le cas de l’Espagne. Dans le cas présent, la Grèce n’a pas hésité à rendre public le projet politique consistant à réduire de 90 pour 100 l’entrée de migrants sur son territoire afin de devenir la première barrière d’endiguement contre l’arrivée de migrants au sein de l’Union européenne. Pour cette raison, non seulement elle a mis en pratique les expulsions légales au cours desquelles elle forçait les gens à quitter le pays sans les moindres soins médicaux et sans la possibilité de demander l’asile, mais elle a loué des mercenaires pour accomplir le sale boulot à sa place. De plus, la Grèce a fermé ses centres de réception et a appliqué des lois qui rendent difficile d’accorder la citoyenneté grecque à ces demandeurs d’asile dont le revenu ne dépasse pas un seuil minimal.

Sur ce plan, ces plus de 500 personnes assassinées il y a deux jours (auxquelles viennent s’ajouter les plus de 20 000 depuis 2014) n’ont pas été simplement les victimes de « trafiquants impitoyables », comme l’a prétendu Ioannis Sarmas, actuel Premier ministre de Grèce, très à l’instar des dirigeants de l’Union européenne. Ils sont plutôt les victimes des mesures sur l’immigration de l’exécutif grec et de la politique de militarisation des frontières européennes telles qu’elles ont été acceptées et mises en pratique par les États membres, puisque ces mesures sont les principaux outils politiques utilisés par l’Union européenne pour dissuader les migrants de débarquer dans ses États. De même, nous ne pouvons ignorer les raisons qui provoquent la migration, parce que si les gouvernements des pays de l’hémisphère nord n’avaient pas appliqué des mesures économiques de dépossession et de précarisation aux peuples de l’hémisphère depuis des siècles, nous ne nous trouverions pas dans cette situation. Par conséquent, nous ne pouvons séparer les mouvements migratoires des mesures néolibérales, néocoloniales et impérialistes qui les provoquent. À leur tour, les États européens qui appliquent ces politiques doivent mettre au point des outils qui endiguent leurs conséquences s’ils ne veulent pas en ressentir le contrecoup dans le cœur de l’Europe.

 

La Nakba se propage mondialement : l’appareil colonial israélien en tant que soutien essentiel du massacre européen dans la Méditerranée

Comme beaucoup l’ont imaginé, la militarisation des frontières de l’Union européenne pourrait ne pas être appliquée s’il n’y avait l’usage des technologies militaires et sécuritaires constamment développées par le pouvoir sioniste afin de maintenir en place son système de colonialisme, d’apartheid et d’occupation en Palestine. Les sociétés d’armement israéliennes sont essentielles pour l’UE, qui dépense des milliards pour militariser plus encore son agence Frontex de protection des frontières, avant tout responsable du meurtre des migrants sur les routes de la migration. Par conséquent, l’industrie israélienne de l’armement est une composante d’un processus mondial de militarisation, tout en étant soutenue par le développement technologique sioniste.

Passons brièvement en revue ces allégations, en examinant d’abord la nature de Frontex. C’est le système de contrôle et de gestion des frontières de l’UE. Frontex constitue le summum européen des mesures répressives aux frontières et contre la migration. L’agence joue un rôle prépondérant dans le travail de sécurité et de contrôle des frontières de l’UE, dans les déportations, dans la coopération avec des pays tiers et dans les contacts avec l’industrie militaire et sécuritaire. Ces dernières années, Frontex a rapidement accru ses compétences, son budget et le nombre de ses effectifs. Aujourd’hui, l’agence peut fournir des avis contraignants aux États membres de l’UE pour qu’ils renforcent leurs efforts de sécurité des frontières et elle peut même intervenir dans leurs problèmes de sécurité frontalière. Bien qu’une partie du nouveau mandat de Frontex réside dans la création de son propre corps de surveillance permanente des frontières et de sa propre flotte d’équipement, l’agence est néanmoins dépendante des États membres de l’UE qui doivent lui fournir son personnel et ses équipements afin qu’elle puisse mener à bien ses opérations. Les États membres demandent souvent l’assistance de Frontex sous forme d’opérations ou d’autres interventions. Par conséquent, Frontex constitue non seulement l’acteur clé dans la militarisation des frontières extérieures de l’UE, mais aussi une partie vitale de la politique européenne, particulièrement depuis ce qu’on a appelé la « crise des réfugiés », en 2015. L’expansion de Frontex s’est faite via la formation d’un corps permanent, son propre budget pour l’achat d’équipement, la possibilité de mener des opérations dans d’autres pays que ceux de l’UE et des pouvoirs très étendus afin de forcer les États membres de l’UE à renforcer la sécurité de leurs frontières. Actuellement, Frontex a un budget d’environ 6,5 milliards d’euros pour l’achat et la location d’équipement jusqu’en 2027, avec des plans en vue de l’enrôlement de quelque 10 000 gardes frontaliers armés.

 

 

Cependant, la politique militaire de Frontex ne peut être comprise sans se rendre compte que ce sont les sociétés louées à son service qui la conseillent et qui modèlent la politique de migration et des frontières que l’UE doit mettre en place pour réaliser ses objectifs, puisque ces sociétés se positionnent comme des spécialistes en la matière. C’est pourquoi nous ne voyons aucune différence entre le discours des ministères des Affaires étrangères des États de l’UE, celui de l’UE elle-même et celui des industries de l’armement, qui situent tout dans le cadre d’un « problème de sécurité interne ». C’est là que les industries de l’entité israélienne trouvent leur rôle puisque, ces dernières années, Frontex a payé des dizaines de millions d’euros aux sociétés d’armement comme Airbus, Elbit, Israel Aerospace Industries (IAI) et Leonardo pour qu’elles lui assurent les services de drones de surveillance en Méditerranée. Eh oui, les mêmes drones qui sont chargés de détecter des bateaux qui dérivent avec 750 migrants à bord pour les laisser mourir en mer sont dans les mains de tortureurs en provenance de pays tiers.

Les déploiements maritimes de Frontex pour enrayer la migration en Méditerranée et vers les îles Canaries servent en outre à séparer les missions militaires de l’UE (l’opération Sophia et sa successeuse, l’opération Irini) et « l’externalisation des frontières », une méthode via laquelle les pays membres de l’Union européenne exercent des pressions sur les pays tiers afin qu’ils agissent en qualité de gardes des frontières avancées de l’UE, arrêtant ainsi les réfugiés avant même qu’ils ne puissent atteindre les frontières de l’UE, comme c’est le cas de l’Espagne avec le Maroc. Par conséquent, pour Frontex, il est vital d’identifier les migrants et d’organiser des opérations en vue de les renvoyer vers leurs pays d’origine, opérations pour lesquelles Frontex travaille avec des pays tiers, comme la Libye, le Soudan, la Turquie et la Biélorussie, et utilise des systèmes autonomes de surveillance aérienne afin de localiser les migrants naufragés dans la Méditerranée, alertant par la suite la garde côtière de ces pays pour qu’elle intervienne et qu’elle soit par conséquent en mesure de faciliter les renvois. Le cas de la frontière entre la Grèce et la Turquie est l’un des exemples les plus significatifs dans lesquels Frontex, en compagnie du personnel de la garde côtière grecque, intervient pour renvoyer les migrants en Turquie.

Tout ceci ne serait pas possible sans les systèmes israéliens et leurs armes, qui jouent un rôle fondamental dans ces processus. Actuellement, il y a une industrie de 100 millions d’euros dont, en 2020, l’UE a investi 59 millions dans des contrats avec les fabricants d’armes israéliens comme Elbit, Verint Systems et Israeli Aerospace Industries (IAI). Ces armes comprenaient, en particulier, des drones militaires de guerre pour Frontex et l’EMSA (l’Agence européenne de sécurité maritime) qui allaient servir pour la surveillance des migrants et des demandeurs d’asile et pour être en mesure de les arrêter « de façon autonome » avant qu’ils ne puissent atteindre la terre ferme. Ce fut le cas avec l’achat effectué par Frontex du drone israélien pour des patrouilles maritimes qui ont lieu aujourd’hui dans la Méditerranée. Les drones Heron ont été utilisés au cours de l’opération Plomb durci à Gaza à la fin de 2008 et dans la bataille de l’Épée en 2021, tuant ainsi des centaines de Palestiniens.

Ces types de drones et d’engins israéliens utilisés par Frontex et l’EMSA pour « surveiller » la Méditerranée causent la mort de ceux qui cherchent à la traverser pour se mettre en quête d’asile. Manifestement, ces drones ne sont pas destinés à sauver des vies, puisqu’ils n’intègrent aucun mécanisme de sauvetage et ne sont aucunement tenus de se plier aux conventions des lois de la mer qui obligent les navires à venir en aide à tout bateau en danger. En fait, échanger des navires contre des drones est un subterfuge qui permet d’éviter les engagements légaux et abandonner le sauvetage aux mains des gardes côtières qui, comme dans le cas de la Libye, de la Turquie, de la Grèce ou de l’Espagne, sont soumis à de graves violations des droits humains dans les centres de détention de ces mêmes pays. Pour vérifier tout ceci, on peut accéder aux Dossiers Frontex, dans lesquels apparaît la liste des rencontres entre Frontex et divers groupes de pression, dont des sociétés d’armes israéliennes comme Elbit déjà mentionné, de même que Shilat Optronics et Seraphim Optronics, spécialisés dans la reconnaissance faciale, les tâches de localisation et les technologies de monitoring.


Le rôle des peuples colonisés, dépossédés, déportés et précarisés

Nous, de Masar Badil, la Voie révolutionnaire alternative palestinienne, en tant que membres du mouvement palestinien de libération nationale anticoloniale, nous faisons partie de la lutte anti-impérialiste mondiale. Par conséquent, nous comprenons que les axes fondamentaux de ce combat résident dans le démantèlement du système de dépossession qu’est l’Union européenne, en même temps que la démilitarisation de ses frontières et l’éradication des agences comme Frontex et la totalité du complexe militaro-industriel mondial qui la soutient, et dont l’appareil colonial israélien est un contributeur indispensable à son fonctionnement et à sa reproduction.

Le meurtre de plus de 500 migrants en Grèce n’est pas un événement isolé, pas plus qu’il n’est séparé de la souffrance de notre peuple palestinien. Comme nous l’avons vu dans cet article, les agents impliqués dans l’oblitération et le génocide des Palestiniens sont les mêmes qui rendent possible le meurtre de migrants aux portes de l’Union européenne. Les relations néocoloniales de l’Union européenne avec les pays de l’hémisphère sud, ainsi que la dynamique de l’extermination et de la domination des peuples que l’UE elle-même expulse de leurs pays, puis les empêche d’entrer dans sa forteresse, ces relations et cette dynamique se nourrissent de la longue expérience coloniale israélienne en Palestine, pour leurs développements et réalisations. En connaissant leurs liens, nous sommes convaincus que nous ne serons pas en mesure d’éradiquer ce cancer qui se propage internationalement si ce n’est pas par l’union et la coordination de toutes les forces anti-impérialistes populaires avec les masses déportées et dépossédées qui souffrent de diverses façons de la domination capitaliste, raciste et impérialiste, qu’elle soit exercée directement par les institutions du pouvoir sioniste israélien, les États européens, leurs agences paramilitaires ou les tierces parties avec lesquelles elle sous-traite.

Le lien entre l’union européenne, ses États membres, ses agences frontalières d’extermination comme Frontex, ou ses organisations terroristes comme l’OTAN, et le tissu politique, économique et militaire de l’appareil colonial israélien, révèle qui sont les véritables terroristes qui provoquent des milliers de morts chaque année sur le continent. Cette réalité devrait nous rendre capables d’examiner les structures et processus globaux opérant actuellement en vue d’être à même de renverser le discours qui cherche à criminaliser les mouvements politiques qui, eux-mêmes, cherchent à démanteler et à interrompre cette catastrophe. Pour cela, il est essentiel de mettre au point une stratégie politique et de lutte qui transcendera la vraie solidarité et sera capable de rassembler les diverses forces populaires qui habitent les peuples du continent européen et de promouvoir un ordre social, économique et politique différent à un niveau mondial, un ordre qui garantira la décolonisation, la justice sociale et la liberté de mouvement, de résidence et de subsistance pour tous. Pour y arriver, nous devons comprendre que ce qui est arrivé mercredi 14 juin dernier dans les eaux grecques nous concerne tous où que nous soyons.

Nous, de Masar Badil, la Voie révolutionnaire alternative palestinienne, nous nous joignons à vous, nous vous soutenons et nous vous invitons, vous et toutes les organisations anti-impérialistes, partis, mouvements et camarades à rallier les mobilisations, les protestations, les actions et les manifestations qui auront lieu dans les prochains jours au niveau international, afin de s’unir contre ce système européen et sioniste colonial.

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Publié le 18 juin 2023 en espagnol sur MasarBadil.org et le 20 juin 2023 en anglais sur Orinoco Tribune
Traduction de l’anglais : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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Lisez également : Frontex loue les fameux drones israéliens pour des essais de sécurité aux frontières

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