Zaid Abdulnasser: « Face à la répression, notre réponse est la fermeté ! »

Depuis plusieurs semaines, une large campagne internationale a lieu en soutien à Zaid Abdulnasser. Réfugié palestinien né en Syrie et coordinateur de Samidoun Deutschland, il est menacé par l’État allemand de se voir retirer son titre de séjour en raison de son engagement politique au sein de Samidoun et de Masar Badil.

 

Zaid Abdulnasser

Zaid Abdulnasser

 

Plus de 150 organisations (*) dans le monde mobilisées et des actions de soutien dans de nombreux pays, du Pérou en passant par les États-Unis et le Danemark, témoignent du développement de la campagne #StandWithZaid et soulignent que cette attaque est une attaque contre l’ensemble des Palestiniens et leur mouvement de solidarité en Europe. Nous reproduisons ci-dessous une interview de Zaid Abdulnasser accordée journal germanophone Perspektive qui revient sur cette mobilisation et les enjeux qu’elle porte.

 

L’État allemand menace de te retirer ton permis de séjour. Que te reproche-t-on concrètement ?

J’ai reçu une lettre de l’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés. Dans la lettre, il est dit qu’il y a eu une communication du Land de Berlin selon laquelle je suis un activiste de l’organisation de solidarité avec les prisonniers palestiniens Samidoun et d’une autre organisation, à savoir Masar Badil. C’est pourquoi, comme il est écrit textuellement à mon intention, « une procédure de retrait a été engagée concernant la protection que vous avez reçue de l’Office fédéral ». Il est dit que l’intérêt public de la reprise doit être mis en balance avec mon intérêt privé.

En d’autres termes, l’État a l’intention de me retirer mon permis de séjour et remet en question mon statut de réfugié en raison de mon engagement politique.

Pour cela, il faut savoir que je suis né en Syrie en tant que réfugié. Je suis fils, petit-fils et arrière-petit-fils de réfugiés palestiniens qui se voient refuser le droit de retourner dans leur pays d’origine, la Palestine. C’est le cas de la moitié du peuple palestinien qui vit en exil. Or, mon statut de réfugié en Allemagne a été reconnu sur la seule base du fait que je suis un Palestinien de Syrie.

 

Quel est le système derrière ces accusations ?

Il y a deux instruments principaux que les acteurs impérialistes utilisent contre l’organisation pro-palestinienne.

D’une part, il s’agit de la réinterprétation selon laquelle l’antisionisme est une forme d’antisémitisme. L’État a même créé un nouveau concept : « l’antisémitisme lié à Israël ». Avec cette nouvelle définition, la lutte palestinienne est par définition antisémite. Et l’on prétend que la répression des Palestiniens sert à combattre l’antisémitisme en Allemagne.

Mais ce qui doit être clair pour nous : l’antisémitisme est un produit historique du capitalisme européen. Le fait de blâmer notre mouvement palestinien de nos jours s’inscrit dans la vision coloniale selon laquelle l’Europe importe les problèmes bien plus qu’elle n’est elle-même la cause des problèmes dans le monde entier. L’État allemand préserve ses intérêts impérialistes en soutenant politiquement, militairement et économiquement la base militaire occidentale au Proche-Orient appelée « Israël ». L’Allemagne fait cela tout en propageant l’idée qu’elle expie ainsi ses péchés pendant la Seconde Guerre mondiale. Si l’Allemagne assimilait réellement ses atrocités, elle ne serait pas derrière un autre projet d’État ethnique.

Autre point important : si l’on veut combattre l’antisémitisme, il faut combattre le sionisme et l’État sioniste, qui tente de présenter ses crimes quotidiens et l’extermination des Palestiniens comme s’il représentait ‘les Juifs’ et ‘le judaïsme’. Or, c’est précisément le mouvement de libération palestinien, en tant que mouvement antiraciste et anticolonial, qui rejette l’assimilation du sionisme et de la judéité. C’est le mouvement de libération palestinien qui lutte contre l’antisémitisme, le fascisme et toutes les formes de racisme, et non l’État allemand.

L’État allemand tente bien entendu de saper ce point de vue et de le punir. Ceux qui défendent la cause palestinienne sont rapidement criminalisés…
Et c’est justement le deuxième instrument principal ! On prétend que le mouvement de libération palestinien est « terroriste » et qu’il figure sur des « listes de terroristes ». Cela signifie que notre soutien politique ouvert et clair au mouvement de libération palestinien et à la résistance palestinienne est une forme de soutien au terrorisme.

Cela aussi est faux. La résistance palestinienne mène une lutte de libération contre une colonie occidentale qui sert les intérêts de l’impérialisme et du capitalisme au Moyen-Orient. Les véritables organisations terroristes en Palestine sont l’armée sioniste et ses milices. Cette déformation des faits et l’étiquette de « terroristes » ont été utilisées contre toute force révolutionnaire au cours des 20 dernières années, qu’elle soit arabe, turque, kurde, philippine ou autre.

 

Comment situes-tu l’attaque de l’État contre toi dans l’évolution de ces dernières années en ce qui concerne le traitement des organisations révolutionnaires palestiniennes et autres organisations révolutionnaires ?

Trente ans après les accords d’Oslo de 1993, nous pouvons aujourd’hui observer la renaissance de la résistance palestinienne organisée en Palestine à Jénine, Naplouse et Gaza, ainsi que les effets positifs de cette renaissance sur le mouvement palestinien en exil. Les États impérialistes répondent à nouveau à ce nouveau développement en criminalisant notre mouvement.

Dans les années 70, lorsque le mouvement révolutionnaire palestinien a atteint son apogée et a été confronté à une vague de répression et de persécution, cette criminalisation était encore plus violente. À l’époque, des milliers de Palestiniens ont été expulsés en Allemagne et les syndicats d’ouvriers et d’étudiants palestiniens ont été interdits. Aujourd’hui, nous assistons à de nouvelles tentatives d’interdiction de notre mouvement : par exemple, la tentative d’interdiction du groupe local membre de Samidoun à Toulouse en France par le président français Macron l’année dernière et la demande des organisations sionistes à l’État allemand d’interdire Samidoun en Allemagne à l’aide du §129b.

En outre, la question palestinienne est la question politique et historique centrale pour les Arabes, les musulmans et de nombreuses forces anti-impérialistes. Samidoun, en tant que point de convergence politique de ces forces en Allemagne, représente justement un grand danger pour l’État. Cette attaque contre l’ensemble de notre mouvement montre l’inquiétude de l’État allemand quant à la politisation des masses migrantes dans la lutte anti-impérialiste, ce que Samidoun a partiellement réussi à faire en Allemagne. Elle doit être considérée comme une contre-mesure claire visant à affaiblir les forces anti-impérialistes et à maintenir et renforcer l’ordre impérialiste.

 

Comment allez-vous réagir à cette attaque ?

Notre réponse est la fermeté et la poursuite de la création d’un mouvement révolutionnaire de masse en Allemagne, qui lutte contre les intérêts sionistes et impérialistes ici en Europe et en Allemagne. Nous avons déjà appelé à une campagne internationale et visons ainsi la répression qui frappe les réfugiés palestiniens qui s’engagent pour leur cause. Cette campagne rassemble de nombreuses forces, car nous ne sommes pas les seuls et ne serons pas les derniers à être touchés par de telles mesures de répression.

Nous avons vu cette année — précisément le jour de la Nakba avec les interdictions de manifester — mais aussi dans les différentes procédures §129 contre des militants antifascistes en Allemagne, comme pour les camarades Dev-Genc et Lina, comment une attaque ne vise pas seulement une partie de notre mouvement. L’attaque de l’État vise toujours l’ensemble du mouvement. Il est donc nécessaire pour toutes les forces révolutionnaires de réagir à cette affaire de la même manière qu’elles le feraient si elles étaient, elles aussi, directement touchées. L’incendie atteindra tout le monde.

 

Quel soutien as-tu déjà reçu jusqu’à présent ?

Notre campagne a été soutenue jusqu’à présent par plus de 150 partis, syndicats et organisations dans le monde entier. Elle nous a permis de nous associer à de nombreuses forces en Allemagne et dans le monde et d’organiser des événements dans plusieurs villes allemandes. Cette campagne est déjà un énorme outil entre nos mains, qui nous permet de mobiliser et d’organiser. Et nous continuons à inviter tout le monde à signer la déclaration et à affirmer un refus clair des mesures répressives contre les réfugiés palestiniens.

 

Merci pour tes réponses et bonne continuation dans la campagne !

La prise de position de Samidoun peut être lue et signée ici.

*****

Publié le 27 septembre 2023 sur Perspektive
Traduction : Collectif Palestine Vaincra

*****

(*) Depuis la publication de ce texte, la campagne de soutien a fortement progressé : 230 organisations soutiennent la campagne #StandWithZaid et de nombreuses actions ont eu lieu en Allemagne et dans le monde.https://samidoun.net/2023/09/standwithzaid-campaign-grows-with-international-and-german-events-230-endorsers/

 

 

Vous aimerez aussi...