Protégez-nous d’un génocide par Israël, disent les Palestiniens

La guerre de représailles d’Israël contre les Palestiniens de Gaza a pris de nouvelles proportions horribles ce vendredi lorsque l’armée a ordonné l’évacuation de plus d’un million de personnes dans le nord du territoire, et en particulier à Gaza même.

 

13 octobre 2023. Des Palestiniens à la recherche de survivants , après une frappe aérienne israélienne sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

13 octobre 2023. Des Palestiniens à la recherche de survivants , après une frappe aérienne israélienne sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. (Photo : Abed Rahim Khatib / DPA)

 

Maureen Clare Murphy, 14 octobre 2023

Le ministère de la santé de Gaza a rapporté qu’à 22 heures, heure locale, au moins 1 900 Palestiniens avaient été tuéés pour l’ensemble du territoire.

Près de 600 enfants de Gaza avaient été tués depuis samedi, « représentant un tiers du tribut total », a déclaré Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

Sept mille sept cents Palestiniens ont également été blessés par les frappes israéliennes depuis samedi, lorsque des groupes armés dirigés par le Hamas ont tiré des roquettes et ont forcé la clôture frontalière avec Israël pour lancer une attaque dont Israël dit qu’elle a tué 1 300 personnes à l’intérieur du pays.

 

Les autorités israéliennes prétendent qu’elles détiennent les corps d’environ 1 500 combattants palestiniens.

Les Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, ont déclaré vendredi que 13 des quelques dizaines de captifs détenus à Gaza depuis samedi avaient été tués par les frappes ces dernières 24 heures.

Entre-temps, depuis samedi, en Cisjordanie, au moins 51 Palestiniens ont été tués par les forces d’occupation et les colons.

Vendredi, une frappe de l’artillerie israélienne a visé un groupe de journalistes dans le sud du Liban, alors qu’il était visiblement indiqué qu’ils appartenaient à la presse. Un vidéaste de Reuters, Issam Abdallah, a été tué.

Le ciblage et la mort des journalistes ont été diffusés en direct sur Al Jazeera :

 

Au moins 10 journalistes palestiniens ont été lors des attaques israéliennes contre Gaza depuis samedi.

 

Vendredi, les organisations de défense des droits humains ont réclamé une intervention internationale afin de « protéger le peuple palestinien d’un génocide ».

 

L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a déclaré qu’elle n’évacuerait pas ses écoles dans le nord de Gaza, lesquelles étaient utilisées comme refuges pour les personnes déplacées. Plus de 170 000 personnes se sont réfugiées dans les installations de l’UNRWA pour la seule zone sous le coup d’un ordre d’évacuation, a expliqué aux médias un porte-parole de l’agence :

Le commissaire général de l’agence, Philippe Lazzarini, a prévenu que l’évacuation forcée « n’aboutirait qu’à des niveaux sans précédent de misère et pousserait encore davantage les habitants de Gaza vers l’abîme ».

L’UNRWA a expliqué que « l’ampleur et la vitesse de déploiement de la crise humanitaire glacent le sang. Gaza se mue rapidement en un véritable enfer et est au bord de l’effondrement ».

 

« Cela va au-delà de toute cruauté »

L’ordre d’évacuation lancé par Israël a provoqué une panique massive au moment où

« des familles ont tenté de fuir vers le sud, même s’il n’y avait aucune route ou destination sûre dans toutes ces routes détruites et sous les frappes aériennes et tirs d’artillerie israéliens ininterrompus »,

a déclaré l’organisation DCI-P.

Le Croix-Rouge a expliqué que

« les ordres d’évacuation d’Israël, associés au siège total, ne sont pas compatibles avec les LHI (lois humanitaires internationales) ».

L’ONU et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont demandé à Israël d’annuler l’ordre d’évacuation et « d’instaurer de toute urgence un corridor humanitaire afin de pouvoir fournir de l’aide en toute sécurité ».

Un porte-parole de l’OMS a déclaré que, pour les patients, dont des enfants, tributaires de systèmes vitaux,

« les déplacer équivalait à les condamner à mort. Demander à des travailleurs médicaux d’agir de la sorte va au-delà de toute cruauté ».

 

Le ministre égyptien des Affaires étrangères, qui cherche à empêcher un exode palestinien depuis Gaza vers la péninsule du Sinaï, a condamné l’ordre israélien d’évacuation et a demandé à l’ONU et

« aux acteurs internationaux d’intervenir afin d’empêcher la poursuite de l’escalade et de toutes ses conséquences imprévues ».

Les Palestiniens à Gaza ont qualifié les ordres d’évacuation de guerre psychologique et de ruse grossière, du fait qu’Israël a bombardé et tué des personnes qui tentaient de se rendre dans le sud :

 

Gisha, une organisation israélienne de défense des droits humains, a déclaré que l’ordre d’évacuation

« constitue en fait une autre tentative d’Israël en vue de se dégager de toute responsabilité dans les pertes civiles massives que pourrait provoquer une invasion terrestre imminente parmi les personnes incapables ou non désireuses de s’en aller ».

« Ceci annonce une catastrophe indicible »,

a averti Gisha.

Le Conseil norvégien des réfugiés a déclaré que l’ordre d’évacuation,

« vide de toute garantie de sécurité ou de retour, équivaudrait au crime de guerre du transfert forcé. Il doit être annulé ».

L’organisation a ajouté :

« Nous craignons qu’Israël ne prétende que les Palestiniens dans l’impossibilité de fuir le nord de Gaza pourraient être considérés par erreur comme participant directement aux hostilités et, partant, servir de cibles. »

Physicians for Human Rights Israel (Médecins pour les droits humains – Israël) a déclaré que « les plans d’Israël en vue de la déportation et du transfert forcé d’une population civile équivalent à un nettoyage ethnique et constituent un crime contre l’humanité ».

 

Revivre la Nakba

Les Palestiniens de Gaza, dont la plupart sont des réfugiés, ont dit qu’ils revivaient la Nakba – l’expulsion de masse, par Israël, des Palestiniens de leur patrie en 1948, après quoi des menaces de mort les ont empêchés d’y retourner.

Pour certains survivants de la Nakba et leurs descendants, leur préférence était de mourir plutôt que de devoir vivre une nouvelle marche vers l’inconnu.

 

Le nombre de morts à Gaza – totalement privée de nourriture, de carburant, d’électricité, d’eau et de fournitures médicales – a encore grimpé quand Israël a bombardé les Palestiniens qui tentaient de fuir les zones qu’il leur avait ordonné d’évacuer, tuant ainsi des douzaines de personnes.

Entre-temps, vendredi, Israël a annoncé qu’il couperait la connexion internet à Gaza ce samedi. Nombreux sont ceux qui estiment qu’il s’agit d’un prélude à des massacres massifs et à un génocide.

Les frappes aériennes israéliennes ont également détruit deux des trois lignes principales de communication mobile dans la bande de Gaza, annonce l’ONU.

Un contact à Gaza même a expliqué à The Electronic Intifada que l’absence d’électricité et, partant, l’incapacité de recharger les batteries, pouvait mettre fin au contact avec le monde extérieur même avant qu’internet et les lignes de communication mobile ne soient complètement coupés.

 

« Une campagne de génocide »

Les organisations palestiniennes de défense des droits humains ont très largement recouru au terme de génocide pour la première fois ce vendredi.

« Les déclarations des hauts responsables israéliens, combinées aux at taques systématiques menées par les forces israéliennes dans la bande de Gaza, soulèvent d’extrêmes inquiétudes de ce qu’on assiste désormais à une campagne de génocide contre le peuple palestinien »,

a déclaré Brad Parker, de DCI-P.

« Les assauts militaires israéliens ont atteint une intensité visant apparemment à tuer délibérément de très grands nombres de Palestiniens à Gaza et, combinés à la politique israélienne de blocage total, ils montrent bien que l’objectif consiste à anéantir la vie palestinienne à Gaza »,

a ajouté Parker.

« La communauté internationale, dirigée par les EU et l’Union européenne, encourage activement l’armée israélienne à mener une deuxième Nakba et à éradiquer le peuple palestinien »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, un directeur de programme de DCI-P.

Le génocide est l’un des pires crimes, aux yeux des lois internationales, et il peut

« résulter de l’acte de tuer ou de créer des conditions de vie si insupportables qu’elles entraînent la destruction d’un groupe »,

a expliqué l’organisation de défense des droits.

Les chefs militaires et les dirigeants politiques israéliens y sont allés de déclarations supplémentaires annonçant clairement leur intention de perpétrer un génocide à Gaza.

Dans un discours prononcé vendredi, le président israélien Isaac Herzog a tout simplement refusé le statut protégé de civils à la totalité des 2,3 millions d’habitants de Gaza.

« C’est une nation tout entière, là-bas, qui est responsable (…) ce discours à propos de civils non conscients, non impliqués, ce n’est absolument pas vrai »,

a clamé Herzog.

« Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu se battre contre ce régime du mal qui s’est emparé de Gaza via un coup d’État. »

« Nous leur briserons la colonne vertébrale,»

a ajouté Herzog, tout en prétendant – en dépit de toutes les preuves du contraire – qu’Israël adhérait aux règles des lois internationales.

Les remarques de Herzog ont été rapportées par The Financial Times, qui a alors détruit cette section de son article, malgré l’authenticité du discours, qui avait été enregistré sur vidéo.

Entre-temps, Israel Katz,le ministre israélien de l’électricité, a déclaré vendredi :

« Nous combattrons l’organisation terroriste du Hamas et la détruirons. Toute la population civile de Gaza a reçu l’ordre de s’en aller immédiatement. »

« Nous gagnerons. Ils ne recevront pas une goutte d’eau ni une seule pile tant qu’ils n’auront pas quitté ce monde. »

Les agences internationales tirent la sonnette d’alarme à propos de l’exigence israélienne que plus d’un million de personnes évacuent un territoire assiégé et bombardé en permanence, où plus un endroit n’est sûr.

Le bureau des Nations unies en Palestine a demandé à Israël d’annuler son annonce, en déclarant que

« cela allait provoquer une tragédie humanitaire qui pouvait et devait être évitée ».

L’ONU a émis une mise en garde :

« Les déplacements de masse mettent la vie des malades et des blessés en danger immédiat et risquent de provoquer un désastre dans la santé publique, à un moment où le système des soins de santé à Gaza est au bord de l’effondrement, où les hôpitaux du sud de la bande de Gaza sont saturés et incapable de prendre en charge de nouveaux patients ».

« L’accès humanitaire doit être accordé immédiatement et sans condition »,

a encore déclaré le bureau de l’ONU en Palestine.

« Laissez-nous fournir l’aide nécessaire. »

 

« Ne laissez pas Gaza disparaître en silence »

Trois organisations palestiniennes de défense des droits humains qui avaient publié des mises à jour quotidiennes sur les violations commises par Israël à Gaza depuis samedi ont déclaré ce vendredi qu’elles ne publieraient pas de mise à jour ce même jour. Leur personnel à Gaza avait été déplacé et était privé de courant et d’internet et il n’était pas en mesure de circuler en toute sécurité.

« Ne laissez pas Gaza disparaître en silence »,

a dit Al-Haq, l’une des organisations palestiniennes.

Vendredi soir, l’ONU a déclaré que

« de multiples immeubles résidentiels dans des zones densément peuplés ont été ciblés et détruits au cours des dernières 24 heures ».

« L’armée israélienne s’est vantée d’avoir attaqué 12 immeubles de plusieurs étages en une seule minute »,

a ajouté l’ONU.

« Selon des médias palestiniens, plusieurs immeubles résidentiels ont été touchés par des frappes aériennes, y compris dans le camp de Jabaliya, dans le nord de Gaza. Il y a eu 25 morts et des douzaines de blessés. Dans le camp de réfugiés d’al-Bureih, dans le centre de Gaza, il y a eu 17 morts et, à Bani Suheila, à l’est de Khan Younis, 13 morts et 15 blessés. »

Outre les immeubles résidentiels un peu partout dans Gaza, Israël a également frappé 90 sites éducationnels, dont des écoles utilisées comme refuges pour les personnes déplacées, des mosquées, des églises et des installations d’eau potable et d’hygiène.

En tout, quelque 1 300 immeubles ont été complètement détruits à Gaza. Plus de 5 500 unités de logement ont été totalement détruites, 3 750 autres ont été rendues inhabitables et 55 000 partiellement endommagées.

Environ 425 000 personnes ont été déplacées vendredi, avant l’ordre d’évacuation lancé par Israël.

Les Palestiniens ont été dans l’impossibilité d’organiser des funérailles, à cause des bombardements, et certaines personnes ont enterré leurs êtres chers dans des cimetières improvisés et dans des parcelles vides, puisque les plus grands cimetières de Gaza étaient d’un accès trop dangereux. Entre-temps, les hôpitaux étaient eux aussi aux prises avec un nombre très élevé de morts et de blessés.

Bien d’autres victimes

« sont restées piégées sous les décombres et les hommes de la Défense civile ainsi que les équipes médicales ne peuvent accéder à ces zones pour des raisons de sécurité, par manque d’équipement et du fait que les rues sont très gravement endommagées »,

a expliqué l’ONU.

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Ramy Abdu, de l’Euro-Med Human Rights Monitor (Contrôle des droits humains en Europe et dans les régions méditerranéennes) a déclaré qu’Israël avait perpétré quatre massacres, tuant au moins 170 civils en moins de deux heures – dont trois massacres dans des lieux où ils avaient ordonné aux Palestiniens de se rendre :

https://twitter.com/AhmedAbofoul/status/1712897773106811133?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1712897773106811133%7Ctwgr%5E6a5ac96f8d0cfecb92fe60497cd9a8100a9f194c%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fprotect-us-israeli-genocide-say-palestinians

 

Human Rights Watch a demandé à Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale, de faire une déclaration publique, étant donné que

« les enjeux pour les civils dans les hostilités actuelles sont extrêmement élevés. »

« Alors que toute déclaration que vous faites serait sans aucun doute exprimée en termes généraux plutôt que de traiter spécifiquement de l’un ou l’autre incident en particulier »,

a dit l’organisation, dont le siège se trouve à New York,

« il est clair que des violations horribles des lois humanitaires internationales équivalant à des crimes de guerre ont été commises par les différentes parties. »

Au lieu de faire une déclaration reflétant l’urgence de la situation actuelle, Khan y est allé d’un discours passablement décousu sur les images « à vous fendre le cœur « en provenance d’Israël et de Palestine et, lors d’une interview réalisée par l’agence de presse Reuters et publiée vendredi, il a lancé un appel abstrait « à mieux faire en tant qu’espèce ».

L’enquête sur « les preuves à charge ou à décharge sur un pied d’égalité » est un travail qui incombe à la cour, a déclaré Khan.

Spécifiquement, il n’a mentionné que le Hamas et son aile armée, les Brigades Qassam, comme pouvant faire l’objet d’une enquête sous la juridiction de la cour. Il n’a fait aucune mention de la responsabilité de l’État israélien dans des suspicions de crimes de guerre, y compris le blocus total qu’il impose à Gaza.

À Washington, Joe Biden a donné carte blanche à Benjamin Netanyahou pour qu’il poursuive son massacre à l’aide d’armes d’origine américaine et il n’a guère été confronté à des pressions domestiques afin de freiner la campagne de terre brûlée et le siège en vue d’affamer complètement Gaza.

Des douzaines de membres du Congrès ont invité instamment Biden à protéger les civils palestiniens de Gaza :

 

Sara Jacobs, qui est membre du Congrès et a fondé Protection of Civilians in Conflict Caucus, qu’elle préside également, a invité Israël à « reconsidérer » son ordre d’évacuation « afin de sauvegarder les vies civiles ».

Alors que certains représentants américains réclamaient la paix et la protection des civils à Gaza, un mémorandum du département d’État mettait les diplomates en garde contre l’utilisation d’un langage invitant au calme.

Le HuffPost rapportait que,

« dans des messages diffusés vendredi, l’équipe du département d’État avait écrit que les responsables de haut niveau ne voulaient pas que du matériel de presse comprenne trois expressions spécifiques : ‘désescalade/cessez-le-feu’, ‘fin de la violence/du bain de sang’ et ‘restauration du calme’ ».

La publication expliquait que

« cette révélation donne une indication étonnante sur les réticences de l’administration Biden à insister pour qu’Israël fasse preuve de retenue ».

Entre-temps, le porte-parole de la Maison-Blanche a décrit les appels du Congrès en faveur d’un cessez-le-feu comme « erronés », « répugnants » et « scandaleux ».

 

Conscients d’avoir été abandonnés par les puissances mondiales, les Palestiniens de Gaza ont utilisé le peu de courant qui restait dans leurs batteries de téléphone et leurs connexions internet afin de poster dans les médias sociaux ce qui pourrait être – et, dans certains cas, étaient – leurs tout derniers messages :

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 11 octobre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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