Le chef de l’armée israélienne encense les collabos de l’AP en Cisjordanie occupée

Mercredi, Herzi Halevi, le chef de l’armée israélienne qui mène une campagne d’extermination génocidaire à Gaza, a félicité l’Autorité palestinienne pour sa collaboration avec les forces d’occupation en Cisjordanie. Comme l’a résumé le journal de Tel-Aviv, Haaretz, Halevi a déclaré que l’AP « s’est employée ces dernières semaines à empêcher des manifestations et des marches de soutien au Hamas et à son massacre ».

 

Le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à droite sur la photo, accueille le secrétaire d’État américain Antony Blinken à Ramallah, occupée par Israël, le 5 novembre. Washington désire que l’AP joue un rôle collaborationniste à Gaza, suite à la défaite – espérée – de la résistance palestinienne.

Le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, à droite sur la photo, accueille le secrétaire d’État américain Antony Blinken à Ramallah, occupée par Israël, le 5 novembre. Washington désire que l’AP joue un rôle collaborationniste à Gaza, suite à la défaite – espérée – de la résistance palestinienne. (Photo : Thaer Ganaim / APA images)

 

Ali Abunimah, 9 novembre 2023

Le chef de l’armée a adressé ses commentaires aux députés israéliens à Hakirya, le centre de commandement de l’armée israélienne au cœur d’un quartier civil de Tel-Aviv.

Halevi a rejeté une allégation de Zvi Sukkot, un député du parti d’extrême droite Force juive, disant que, par solidarité envers le Hamas, les forces sécuritaires de l’Autorité palestinienne s’apprêtaient à se retourner contre leurs partenaires israéliens.

Selon Haaretz, « Halevi a répondu que, dans les renseignements collectés, il ne voyait pas d’informations prouvant cela » et il a fait remarquer « que l’AP s’emploie quotidiennement à empêcher des manifestations de soutien au Hamas et ce, avant toute chose, en raison de ses propres intérêts ».  

L’affirmation de Halevi corrobore celle du ministre israélien de la défense, Yoav Galant, qui, en début de mois, avait publiquement demandé que les rentrées de taxation collectées par Israël au nom de l’AP soient rendues à Ramallah.

« L’État d’Israël a intérêt de maintenir la stabilité en Judée et Samarie à tout moment et particulièrement pour l’instant », avait déclaré Galant, en recourant à la terminologie pseudo-biblique pour désigner la Cisjordanie occupée.

« Les fonds devraient être transférés immédiatement de façon à pouvoir être utilisés par le mécanisme opérationnel de l’Autorité palestinienne et par ses secteurs qui s’occupent de la prévention du terrorisme. »

Israël fait référence à n’importe quelle sorte de protestation ou de résistance à sa dictature militaire sur les Palestiniens – même les protestations sans armes, les boycotts et la défense des droits humains – comme étant du « terrorisme ».

 

Amener l’AP à Gaza sur des chars israéliens ?

Les députés israéliens ont insisté auprès de Halevi pour qu’il leur explique pourquoi Israël ne se montrait pas plus brutal encore envers les Palestiniens de la Cisjordanie occupée.

Selon Haaretz, « Halevi a répondu que les FDI entendaient préserver un front calme en Cisjordanie et non pas introduire un nouveau front dans les combats ».

« Le chef d’état-major a également déclaré que les États-Unis avaient tout intérêt à maintenir le calme en Cisjordanie et à ne pas malmener l’AP en ce moment », a ajouté le journal.  

L’Autorité palestinienne a été créée au début des années 1990, dans le sillage des accords d’Oslo, afin d’agir comme auxiliaire autochtone pour le compte de l’occupation israélienne. Elle a joué ce rôle – que le chef de l’AP, Mahmoud Abbas, qualifie de « sacré » – sans interruption depuis ce jour-là.

« Nous avons besoin de l’Autorité palestinienne », avait déclaré Benjamin Netanyahou en juillet. « Nous ne pouvons la laisser s’effondrer. »

« Elle fait notre boulot à notre place », avait ajouté le Premier ministre israélien.

Mais les États-Unis – comme l’a fait remarquer Halevi – sont particulièrement concernés actuellement par la sauvegarde de l’AP.

Mercredi, le secrétaire d’État Antony Blinken a suggéré que, suite à une défaite espérée de la résistance palestinienne à Gaza des mains des Israéliens, l’Autorité palestinienne pourrait y être amenée au pouvoir sur les ruines de Gaza pour le compte du régime israélien en train d’y perpétrer un génocide.

Il s’avère qu’Abbas est désireux d’étendre son pouvoir collaborationniste à Gaza également – c’est sans aucun doute la raison pour laquelle ses forces sécuritaires font tout ce qu’elles peuvent pour aider Israël à réprimer la résistance de la Cisjordanie au génocide commis à Gaza.

Hussein al-Sheikh, le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine contrôlée par Abbas a expliqué cette semaine au New York Times que l’AP était disposée à aider Israël à administrer Gaza, mais qu’elle voulait « une initiative américaine sérieuse » en vue de faire progresser une prétendue solution à deux États.  

« L’actuelle administration américaine est capable de le faire », a ajouté al-Sheikh.

Le fait que l’AP continue d’encenser les EU alors que Washington arme Israël afin d’exterminer quotidiennement des centaines de Palestiniens souligne bien pourquoi le régime de Ramallah soutenu par Israël répugne à la grande majorité des Palestiniens tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur patrie.

Un sondage organisé en juin a découvert que 63 pour 100 des Palestiniens de la Cisjordanie occupée et de la bande de Gaza percevaient la poursuite de l’existence de l’AP comme servant les intérêts d’Israël. Exactement un quart des personnes interrogées pensaient que l’effondrement ou la dissolution de l’AP servirait les intérêts des Palestiniens.

Le même sondage a découvert que 80 pour 100 des Palestiniens voulaient qu’Abbas démissionne en tant que chef de l’AP – un poste auquel il s’est accroché grâce au soutien israélien et américain, mais sans désormais la moindre légalité depuis que son mandat de cinq ans a expiré en 2009.  

Dans le cadre d’élections présidentielles entre Abbas et le chef du Hamas Ismail Haniyeh, 56 pour 100 des personnes interrogées ont déclaré qu’elles voteraient pour Haniyeh, et 33 pour 100 seulement pour Abbas.

Ces chiffres ne sont guère susceptibles d’avoir basculé en direction de l’AP ces dernières semaines.  

Et, plus Washington et Tel-Aviv parlent de ramener les collabos de l’Autorité palestinienne sur le dos des chars israéliens, moins il est probable qu’elle soit jamais acceptée – et encore, ceci suppose qu’Israël puisse imposer sa volonté à Gaza, ce qui n’est pas sûr du tout.

 

Israël totalement dépendant des EU

Dans son briefing organisé pour les députés, le chef de l’armée israélienne, Halevi, a confirmé l’ampleur de la dépendance d’Israël vis-à-vis des États-Unis afin de perpétrer son génocide à Gaza.  

« Le chef d’état-major a tenté d’expliquer l’importance de la coordination et de l’assistance des EU dans la guerre, faisant remarquer que les FDI [l’armée israélienne] était tenue d’acquérir les armes uniques dont les Américains disposent et que la coopération avec ces derniers au niveau des renseignements était d’une importance cruciale pour les activités de l’armée »,

a rapporté Haaretz.

« Il est très important, de ces jours-ci, d’écouter les Américains sur la question de la Cisjordanie »,

a ajouté Halevi.

À la fin du mois dernier, le secrétaire américain à la défense, Lloyd Austin, a confirmé qu’Israël restait complètement dépendant des États-Unis.   

Il témoignait lors d’une session de la commission sénatoriale des appropriations concernant la demande par l’administration Biden de plusieurs milliards de USD de financement militaire additionnel en faveur d’Israël et de l’Ukraine.  

« Israël pourrait-il s’en tirer sans notre soutien ? », a demandé le sénateur Joe Manchin, un démocrate de Virginie-Occidentale.

« Non, je pense que nous devons continuer de les soutenir », a répondu Austin.  

 

Un « calme » mortel

Malgré l’assertion de Halevi, la Cisjordanie a été tout sauf « calme », au beau milieu d’une nette recrudescence des meurtres de Palestiniens par l’armée israélienne et les colons juifs.

Depuis le début de l’année, quelque 2 000 Palestiniens ont subi un nettoyage ethnique en étant chassés de leurs maisons par les colons israéliens – une augmentation de plus de 40 pour 100 par rapport à l’année 2022.

Ces attaques n’ont fait que s’accélérer depuis qu’Israël a entamé sa campagne de bombardement contre Gaza.

En Cisjordanie, les soldats et les colons israéliens ont tué plus de 150 Palestiniens depuis le 7 octobre, dont 44 enfants.  

Le nombre de morts en Cisjordanie – plus de 400 depuis le commencement de l’année – est le plus élevé depuis 2005, l’année où l’ONU s’est mise à les répertorier.

Près de 2 400 Palestiniens ont été blessés.

Le nombre de victimes en Cisjordanie s’est encore accru jeudi, puisque les forces d’occupation israéliennes ont effectué un nouveau raid meurtrier contre le camp de réfugiés de Jénine.

Au moins 10 Palestiniens ont été tués et 20 autres blessés.

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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

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Publié le 9 novembre 2023 sur The ElectronicIntifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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