Joie et douleur au début de la trêve de quatre jours et de l’échange de prisonniers

Les femmes palestiniennes libérées vendredi ont été accueillies comme des héroïnes par une foule en liesse dès le moment où elles ont effectué leurs premiers pas en liberté.  A Ramallah, une foule qui recevait certains des prisonniers libérés, a scandé des slogans de soutien à Abu Obeida, le porte-parole de l’aile armée du Hamas, et à son chef, Muhammad Deif, remerciant ainsi la résistance de Gaza qui avait assuré la mise en liberté des prisonniers.

 

Des prisonniers palestiniens nouvellement libérés arrivent à Beitunia, à l’ouest de Ramallh, en Cisjordanie. Ils sont à bord de véhicules du Comité international de la Croix-Rouge. Ce 24 novembre marque le début de l’échange de prisonniers entre Israël et le Hamas à Gaza.

Des prisonniers palestiniens nouvellement libérés arrivent à Beitunia, à l’ouest de Ramallh, en Cisjordanie. Ils sont à bord de véhicules du Comité international de la Croix-Rouge. Ce 24 novembre marque le début de l’échange de prisonniers entre Israël et le Hamas à Gaza. (Photo : Mohammad Tamim / UPI)

 

Maureen Clare Murphy, 25 novembre 2023

Ce vendredi constituait la première journée d’une trêve des hostilités de quatre jours convenue par le Hamas et Israël à l’issue de près de 50 jours d’attaques intenses qui ont détruit de vastes secteurs de Gaza et tué au moins 14 800 Palestiniens, dont 6 000 enfants environ.

Des milliers d’autres Palestiniens à Gaza sont portés manquants sous les décombres des bâtiments détruits.

Vendredi, le Hamas a libéré 24 personnes détenues à Gaza depuis le 7 octobre et, de son côté, Israël a relâché 39 femmes et enfants palestiniens lors de la première étape d’un échange de prisonniers qui aura lieu au cours des quelques prochains jours.

« Selon l’accord, le Hamas doit relâcher au moins 50 otages, et Israël 150 prisonniers palestiniens, sur l’ensemble des quatre jours »,

a rapporté l’agence de presse AP.

« Les deux camps ont commencé par des femmes et des enfants. Israël a déclaré que la trêve de quatre jours pourrait être prolongée un jour de plus pour chaque tranche additionnelle de 10 otages libérés. »

Actuellement, Israël détient plus de 8 000 prisonniers palestiniens dans ses prisons et centres de détention, y compris quelque 2 200 prisonniers administratifs détenus sans accusation ni procès. Quelque 3 000 Palestiniens, dont 145 enfants, 95 femmes et 37 journalistes, ont été arrêtés par Israël depuis le 7 octobre.

Quelque 240 personnes capturées en Israël le 7 octobre sont détenues à Gaza, estime-t-on. Treize femmes et enfants palestiniens, dix ouvriers agricoles thaïlandais et un citoyen philippin ont également été libérés vendredi.

Les travailleurs thaïlandais n’avaient pas été mentionnés précédemment, s’il faut en croire Reuters.

 

Malgré l’accord en vue d’un arrêt temporaire des hostilités, les forces israéliennes ont abattu et tué deux Palestiniens et en ont blessé d’autres qui tentaient de retourner dans le nord de Gaza à partir du sud de l’enclave.

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L’agence AP a rapporté que l’armée israélienne avait « largué des tracts sur le sud de la bande, disant que le retour dans le nord de Gaza était interdit et dangereux ».

La ligne du gouvernement israélien est que les gens qui tentent de regagner le nord de Gaza sont forcés de le faire par le Hamas.

 

Ce discours a été adapté par certains médias, dont Forbes, qui a décrit ces tentatives de retour dans la ville de Gaza et dans le nord par des Palestiniens déplacés comme une « tactique » décidée par le Hamas en vue de perturber la campagne militaire d’Israël.

La réalité est que les gens quittent les refuges souvent surpeuplés et insalubres dans lesquels on les oblige de rester et qu’ils retournent volontairement dans leurs foyers.

Al Jazeera a publié une vidéo montrant des milliers de personnes refluant vers le nord de Gaza ce vendredi, malgré les menaces israéliennes :

 

L’agence de presse AP a déclaré que « la frontière nord d’Israël avec le Liban était calme elle aussi, vendredi », un jour après que le Hezbollah, qui n’est pas partie contractante dans l’accord en vue de faire cesser temporairement les hostilités, « a effectué le nombre le plus élevé d’attaques en un seul jour depuis le début des combats dans la région », le 8 octobre.

 

Du gaz de cuisine entre à Gaza

Les organisations humanitaires internationales ont cherché à tirer parti de la pause de quatre jours pour accroître l’aide à Gaza, qui est sous le choc d’une catastrophe humanitaire après qu’Israël a coupé toutes les livraisons d’eau, d’électricité, de carburant, de nourriture et de fournitures médicales au territoire, et ce, dès le début de son offensive.

Les attaques militaires d’Israël ont rendu inutilisables plusieurs hôpitaux de la moitié nord de Gaza, dont al-Shifa, le plus grand complexe de soins de santé du territoire. Ce vendredi, les forces israéliennes se sont retirées tant de l’hôpital indonésien dans le nord de Gaza que d’al-Shifa, à Gaza, mais non sans avoir détruit les générateurs ainsi que d’autres équipements et infrastructures.

Près de 80 pour 100 des 2,3 millions de résidents de Gaza, dont la plupart sont déjà des réfugiés, ont été déplacés, au cours des sept semaines écoulées, et 46 000 unités de logement du territoire ont été détruites.

Le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires a déclaré que l’institution mondiale

« était en mesure d’accroître la livraison d’assistance humanitaire vers Gaza et à l’intérieur de Gaza »,

et ce, dès le premier jour de la « trêve humanitaire ».

Le bureau des Nations unies a déclaré que « 200 camions avaient été dispatchés depuis Nitzana », où l’aide destinée à Gaza est soumise à l’inspection militaire israélienne, « vers le passage de Rafah », à la frontière avec l’Égypte.

Avant le 7 octobre, la majeure partie de l’aide entrait à Gaza via Israël et le passage de Karem Abu Salem (ou Kerem Shalom), mais ce checkpoint a été fermé par Israël depuis lors.

Les agences d’aide ont plaidé en faveur de la réouverture de Karem Abu Salem afin de faciliter un accroissement des livraisons à Gaza. Le passage de Rafah a été construit pour faciliter le mouvement des personnes plutôt que celui des marchandises et les organisations d’aide disent que l’apport d’aide via le Sinaï égyptien, de même que les inspections israéliennes au passage de Nitzana, grèvent leur temps et leurs dépenses.

Le directeur de l’organisation de défense des droits humains Médecins du Monde a déclaré dans le quotidien Haaretz de Tel-Aviv que la trêve de quatre jours était une « plaisanterie », la qualifiant de « blanchiment humanitaire ».

L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a déchargé 137 camions de marchandises, ce vendredi, « ce qui en fait le plus gros convoi humanitaire reçu depuis le 7 octobre », selon l’OCHA, qui a ajouté que « 129 000 litres de carburant et quatre camions-citernes de gaz avaient également fait la traversée vers Gaza ».

L’OCHA a déclaré que c’était le premier transfert de gaz de cuisine vers Gaza depuis le 7 octobre.

Entre-temps,

« 21 patients dans un état critique ont été évacués depuis le nord de Gaza au cours d’une opération médicale à grande échelle »,

a déclaré l’OCHA, et

« des centaines de milliers de personnes ont été assistées en recevant de la nourriture, de l’eau, des fournitures médicales et autres denrées humanitaires vitales ».

Les Palestiniens de Gaza ont utilisé le début de la trêve de quatre jours pour récupérer et enterrer les morts dégagés des décombres des immeubles détruits ainsi que les corps des personnes tuées le long de l’artère nord-sud le long de laquelle Israël a transféré de force les gens du nord de Gaza vers le sud :

 

Nombreux sont ceux qui ont tenté de retourner vers leurs foyers ou d’aller voir ce qu’il en était, pour découvrir qu’une grande partie de ce qu’ils connaissaient et chérissaient avait été complètement détruite depuis.

 

 

Bien des gens ont reçu des nouvelles d’amis, de proches et de collègues tués à Gaza, dont l’écrivain Mohammed Hamo, qui était l’un des contributeurs de The Electronic Intifada.

La libération de captifs israéliens et thaïlandais

Les Brigades Qassam, l’aile armée du Hamas, ont diffusé une vidéo montrant le transfert des détenus au Comité international de la Croix-Rouge, vendredi :

 

La vidéo montre des hommes dont il s’avère qu’ils sont des ressortissants thaïlandais. Un membre masqué et vêtu d’un uniforme militaire des Brigades Qassam les aide à descendre d’une camionnette, avant qu’ils ne soient escortés par des gens qui portent des vareuses du CICR.

La prise de vue montre un jeune garçon portant une casquette de baseball à l’effigie de Spiderman et qui est pris en charge par un membre des Brigades Qassam dans un véhicule du CICR, ainsi qu’une femme plus âgée portée dans les bras d’un autre membre des Brigades Qassam.

La vidéo, publiée sans bande son, montre une foule de Palestiniens sur les lieux. Nombre d’entre eux ont sorti leurs téléphones pour filmer l’événement ; certains font de la main un signe V pour victoire pendant que les captifs sont transférés vers le CICR.

Une autre vidéo du départ des captifs libérés montre l’un d’eux adressant de la main un adieu à la foule des Palestiniens qui s’est massée au moment où le convoi du CICR s’ébranle en direction du passage de Rafah vers l’Égypte :

 

Le diffuseur israélien Channel 12 a déclaré qu’après avoir subi un examen médical, les captifs libérés seraient isolés dans des hôpitaux et que les adultes subiraient un interrogatoire de sécurité mené par le personnel du Shin Bet.

La chaîne a ajouté qu’il ne serait pas interdit aux captifs libérés de donner des interviews aux médias, mais qu’

« on s’attendait à ce qu’ils soient soumis à un contrôle de très près et qu’on leur expliquerait ce qu’il serait bon de dire aux médias et ce qui ne le serait pas ».

Après que deux Israéliennes plus âgées ont été libérées par le Hamas le mois dernier et que l’une a déclaré avoir été bien traitée par des ravisseurs « affables », certaines personnes en Israël ont perçu la chose comme

« un important faux-pas israélien et une victoire de propagande pour le Hamas »,

comme l’a déploré The Times of Israel.

Entre-temps, à Gaza, la trêve dans les incessants bombardements israéliens a donné aux journalistes palestiniens survivants une opportunité de rejoindre dans la joie leurs familles et de prendre du repos après avoir travaillé sans arrêt et dans des conditions extrêmement périlleuses :

 

Des prisonniers palestiniens libérés vendredi ont également été reçus par leurs familles avec des larmes de joie :

https://twitter.com/TVManar1/status/1728148931589054663?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1728148931589054663%7Ctwgr%5E92245cb38a4cd3b4e655f9e542451de91a960375%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fblogs%2Fmaureen-clare-murphy%2Fjoy-and-pain-outset-four-day-pause-and-prisoner-exchange

 

Les femmes palestiniennes libérées vendredi ont été accueillies comme des héroïnes par une foule en liesse dès le moment où elles ont effectué leurs premiers pas en liberté :

 

Apparemment, Israël a cherché à éviter ce genre de scènes, puisqu’un jeune de 17 ans a expliqué aux journalistes qu’on lui avait dit qu’Israël allait l’arrêter de nouveau si son retour faisait l’objet d’une réception festive :

 

Le président américain Joe Biden – qui est traîné en justice par des Palestiniens pour n’avoir pas empêché le génocide qui se déroule à Gaza ainsi que pour sa complicité dans ce même génocide – a déclaré que le début de la trêve de quatre jours et la libération des 13 captifs israéliens « n’étaient qu’un début, mais que les choses s’étaient bien déroulées jusqu’à présent ».

Biden n’a pas fait mention des Palestiniens libérés vendredi, parmi lesquels figuraient plusieurs enfants détenus sans accusation ni procès.

Il y est allé de plusieurs remarques condescendantes à l’égard du Hamas, mais n’a pas dit un mot du pilonnage de Gaza par Israël et du nombre de morts sans précédent parmi la population palestinienne.

En réponse à la question d’un journaliste, Biden a dit qu’il encourageait Netanyahou à

« se concentrer sur une tentative de réduction de nombre de victimes, dans son entreprise d’élimination du Hamas, laquelle constitue un objectif légitime ».

La réponse de Biden est un signe que son administration laisse à Israël toute latitude de poursuivre le génocide en cours à Gaza et de faciliter ainsi l’expulsion massive des Palestiniens du territoire, espérée par bien des membres du gouvernement et de l’establishment politique.

« Je ne sais pas combien de temps cela va prendre », a dit Biden de la guerre.

« J’escompte et j’espère que, puisque nous allons de l’avant, le reste du monde arabe et de la région va également exercer des pressions sur tous les camps pour ralentir le processus, pour l’amener à son terme aussi rapidement que nous le pourrons ».

En réponse à une question sur les pressions au sein du Parti démocrate afin que soit conditionnée l’aide à Israël, Biden a déclaré :

« Je pense qu’il s’agit d’une réflexion valable, mais je ne pense pas que, si je commençais par là, nous en serions où nous en sommes aujourd’hui. »

Biden a prétendu vendredi que « le Hamas se moque bien » des innocents Palestiniens « qui souffrent beaucoup à cause de cette guerre ». Il a insisté sur une solution à deux États et indiqué que les EU allaient insister pour mettre sur pied des accords de normalisation entre Israël et les États despotiques arabes.

Une foule à Ramallah (Cisjordanie), le siège de l’Autorité palestinienne soutenue par l’Occident, avait un tout autre message à faire passer, vendredi.

Cette foule, qui recevait certains des prisonniers libérés, a scandé des slogans de soutien à Abu Obeida, le porte-parole de l’aile armée du Hamas, et à son chef, Muhammad Deif, remerciant ainsi la résistance de Gaza qui avait assuré la mise en liberté des prisonniers :

 

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 25 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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