Une petite Israélienne « complètement brûlée » par un tir de char israélien sur un kibboutz

Une adolescente israélienne retrouvée complètement incinérée au kibboutz de Be’eri a été tuée par deux obus de char tirés par les forces israéliennes à la fin d’un combat de plusieurs heures, a raconté une survivante du carnage au diffuseur national israélien Kan un peu plus tôt ce mois-ci.

 

La petite Israélienne Liel Hatsroni, 12 ans, a été tuée après que les forces israéliennes ont utilisé un char pour bombarder une maison du kibboutz de Be’eri le 7 octobre, explique une Israélienne qui a survécu à cette violence. (Photo : via Twitter)

La petite Israélienne Liel Hatsroni, 12 ans, a été tuée après que les forces israéliennes ont utilisé un char pour bombarder une maison du kibboutz de Be’eri le 7 octobre, explique une Israélienne qui a survécu à cette violence. (Photo : via Twitter)

 

Ali Abunimah et David Sheen, 25 novembre 2023

Yasmin Porat, emmenée comme captive avec au moins une douzaine d’autres civils israéliens le 7 octobre, a raconté à la radio Kan qu’une autre captive de son groupe, la petite Liel Hatsroni, 12 ans, avait survécu à la fin de la bataille et n’était morte que lorsque les forces israéliennes avaient tiré deux obus de char sur la maison où elles étaient tenues en otage par les combattants du Hamas.

La mort de Hatsroni des œuvres d’un tir de char israélien a été révélée ce mois-ci après que sa famille avait décidé d’honorer sa mémoire par des funérailles publiques, même si le gouvernement n’avait toujours pas annoncé officiellement son décès.

Bien que le grand-père de Liel Hatsroni, Aviyah, 69 ans, et son frère jumeau Yanai, aient été enterrés deux semaines après leur décès le 7 octobre, sa tante et tutrice de 73 ans, Ayala, n’avait été enterrée que le 15 novembre, un jour après qu’Israël l’avait officiellement déclarée morte.

Ce jour-là, la famille Hatsroni a également observé les rites funéraires pour Liel, bien que l’État la renseignât toujours comme manquante, parce que, « à ce jour, on n’a toujours pas retrouvé le moindre de ses restes », a expliqué Yasmin Porat à Kan le 15 novembre.

Dans la vidéo qui suit, sous-titrée en anglais, vous pouvez entendre Yasmin Porat s’exprimer au cours d’une interview. Trouvez en bas de l’article la transcription de l’interview en français.

Vidéo : Une adolescente israélienne « complètement brûlée » par un tir de char israélien sur un kibboutz. La survivante Yasmin Porat fournit de nouveaux détails sur le bain de sang du 7 octobre.

 

Trois jours plus tard, la famille Hatsroni était informée que des archéologues travaillant avec l’Autorité israélienne des antiquités, dirigée par des kahanistes, avaient finalement identifié les restes de Liel dans la maison, a rapporté Ynet, un site d’information israélien.

Bien que 50 personnes au moins aient perdu la vie au cours de ce bain de sang en particulier – et qu’au moins dix d’entre elles aient été des civils israéliens – Porat elle-même avait quitté les combats saine et sauve au moment où un officier du Hamas, qui avait commandé une quarantaine d’hommes, s’était rendu.

Les forces israéliennes appelées sur les lieux avaient ordonné au commandant du Hamas de sortir avec Porat, ce qui faisait effectivement de la femme une sorte de bouclier humain.

 

« Deux grosses explosions »

Dans son interview du 15 novembre dans l’émission de Kalman Liberman, de Kan, Porat raconte comment, parmi la douzaine environ d’Israéliens avec qui elle avait été capturée le 7 octobre, seule une autre personne – Hadas Dagan, une résidente de Be’eri – avait survécu à l’épreuve.

Les deux obus de char tirés dans la maison tout à la fin de la bataille avaient tué les compagnons de chacune des femmes, ainsi que la petite Liel Hatsroni et toutes les autres personnes qui se trouvaient dans la maison et qui étaient restées en vie jusqu’à ce moment, explique Porat.

Vers 19 h 30, après environ quatre heures de tirs croisés consistant en « centaines ou milliers de balles », Porat avait regardé de derrière les lignes israéliennes et avait observé qu’un char israélien avait tiré deux obus dans la petite maison de kibboutz.

« Je me suis dit : Pourquoi tirent-ils des obus de char contre la maison ? »,

a déclaré Porat à Kan.

« Et j’ai demandé à une des personnes qui étaient avec moi : Pourquoi tirent-ils ? De sorte qu’ils m’ont expliqué que c’était pour briser les murs, afin d’aider à purifier la maison. »

À ce moment, la captive Hadas Dagan venait d’être prise pendant plusieurs heures dans les tirs croisés entre les deux camps, elle était restée couchée face contre terre dans l’herbe de la pelouse. Quand les obus du char israélien avaient fait mouche, Dagan avait senti leur impact à travers tout son corps, avait-elle dit à Porat après avoir finalement émergé complètement anéantie de la zone des combats.

« Yasmin, quand les deux grosses explosions ont frappé, j’ai eu l’impression de voler dans l’air »,

lui avait dit une Hagas Dagan complètement échevelée quelques minutes après la fin des combats, se rappelle Porat. Dagan était toujours couverte du sang de son mari, ses cheveux étaient hérissés, pleins de poussière et de styromousse.

« Il m’a fallu deux ou trois minutes pour ouvrir les yeux. Je ne sentais plus mon corps. J’étais complètement paralysée »,

lui avait dit Dagan, explique Porat.

En reprenant conscience, Dagan avait compris que les captifs qui se trouvaient au sol de part et d’autre d’elle – son mari, Adi Dagan, et le partenaire de Porat, Tal Katz – venaient d’être tués par des éclats d’obus en provenance du char.

« Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai vu que mon Adi était en train de mourir »,

avait dit Dagan, se souvient Porat.

« Ton Tal ne bougeait plus non plus, à ce moment-là. »

Bien que ni Porat ni Dagan n’eussent assisté au moment où leur compagne de captivité Liel Hatsroni avait été complètement brûlée par les obus de char israéliens, elles avaient compris sur-le-champ qu’elle avait perdu la vie dans les explosions, parce que, après avoir crié durant plusieurs heures d’affilée, elle s’était tue brusquement.

« Je me souviens, quand j’ai été là au bout d’une première heure, qu’elle n’arrêtait pas de crier »,

déclare Porat à Kana, faisant remarquer que ce qu’elle rappelle à propos de Hatsroni concorde avec ce que Hadas Dagan lui avait dit.

« La fille [Liel Hatsroni] n’a pas arrêté de crier, pendant toutes ces heures. Elle n’arrêtait pas de crier »,

lui avait dit Dagan, se rappelle Porat.

« Yasmin, quand ces deux obus ont frappé, elle s’est arrêtée de crier. Ç’a été le silence, ensuite. »

« Ainsi donc, que peut-on déduire de tout cela ? Qu’après cet incident très lourd, la fusillade, qui s’est terminée par deux obus, c’est quasiment à ce moment-là que tout le monde a été tué »,

a déclaré Porat à Kan.

Six semaines après l’épreuve du 7 octobre, Porat conclut que les restes de Liel Hatsroni doivent toujours être retrouvés, parce que le bombardement du char israélien l’a complètement brûlée, ainsi que la quasi-totalité de la maison, éliminant complètement dans un même temps de nombreux combattants du Hamas et tous les autres captifs encore survivants à ce moment.

« Une partie de la maison a été incendiée. La maison de Hadas et Adi [Dagan] n’existe plus. Je ne sais pas comment cela est arrivé »,

déclare Porat.

« Si vous me posez la question, j’estime, en me basant sur ce qui est arrivé aux autres maisons, qu’elle [Liel Hatsroni], apparemment, a été complètement brûlée. »

 

Le fait qu’Israël n’a confirmé la mort d’Ayala, la tante de Liel, que 38 jours après le 7 octobre, suggère qu’elle aussi a été brûlée de même, au-delà de toute possibilité de reconnaissance, par les obus de char israéliens.

Le lendemain de la révélation par Porat, en direct à la radio, que Liel Hatsorni avait été brûlée vive par un tir de char, un responsable israélien a confirmé qu’elle était loin d’être la seule personne brûlée vive par Israël le 7 octobre et au cours des quelques jours suivants.

Lors d’une interview pour MSNBC, le 16 novembre, le porte-parole du gouvernement israélien Mark Regev a reconnu par inadvertance qu’on savait désormais que quelque 200 corps dont Israël avait prétendu pendant des semaines qu’ils appartenaient à des Israéliens brûlés vifs par les Palestiniens, étaient en réalité les corps de combattants palestiniens brûlés vifs par Israël.

« Nous avons dit initialement, lors de l’horrible attaque du Hamas contre notre peuple, le 7 octobre, que nos pertes étaient de 1 400 morts et, ici, nous avons revu ce chiffre à la baisse, le ramenant à 1 200, puisque nous nous sommes rendu compte que nous l’avions surestimé, que nous avions fait une erreur. Il y avait en fait des corps si vilainement brûlés que nous avions pensé qu’ils étaient des nôtres mais, manifestement, pour finir, il s’agissait bien de terroristes du Hamas »,

a expliqué Regev à Mehdi Hasan, l’animateur de MSNBC.

Entre-temps, la mort de Liel Hatsroni est utilisée par des politiciens israéliens pour inciter et justifier le massacre vengeur par Israël de milliers d’enfants palestiniens à Gaza.

 

Des fissures dans le discours officiel

Après avoir brûlé les corps d’environ 200 combattants palestiniens, de la petite Israélienne de 12 ans, Liel Hatsroni, et un nombre inconnu d’autres civils israéliens, puis en mentant au monde entier à propos de ceux qui les ont brûlés et en utilisant leur mort et leurs souffrances comme prétexte pour détruire Gaza et anéantir jusqu’à présent plus de 14 000 Palestiniens, Israël se met enfin à faire preuve d’honnêteté quant à sa contribution réelle au nombre de victimes de cette horrible journée.

La semaine dernière, la quotidien israélien Haaretz rapportait qu’une enquête de police autour des événements du 7 octobre

« indique qu’un hélicoptère de combat des FDI [l’armée israélienne] qui était arrivé sur les lieux et qui avait tiré sur les terroristes apparemment sur place avait également touché certains participants au festival » de la Supernova rave organisée ce jour-là à proximité de la frontière de Gaza.

Une autre source de la police a critiqué Haaretz et est en fait revenue sur la fameuse déclaration le lendemain, mais sans nier qu’Israël avait tué certains de ses ressortissants.

Les premières fissures dans le discours officiel israélien concernant le 7 octobre sont venues du témoignage de Yasmin Porat, une mère de trois enfants de 44 ans qui avait fui la Supernova rave avec son compagnon Tal Katz pour trouver temporairement refuge au kibboutz de Be’eri en compagnie des résidents locaux Adi et Hadas Dagan – jusqu’au milieu de l’après-midi. C’est à ce moment que des combattants du Hamas avaient capturé les quatre personnes et les avaient emmenées dans la maison voisine, pour les ajouter à un autre groupe d’au moins huit résidents du kibboutz.

 

Dans son interview initiale par Kan, le 15 octobre, traduite en anglais et publiée d’abord par The Electronic Intifada dès le lendemain (*), Porat avait révélé qu’à tout le moins certains de la douzaine et plus d’Israéliens gardés en otage avec elle à Be’eri avaient été tués par des tirs israéliens.

Interrogée par l’animateur de la radio Kan, Aryeh Golan, qui lui demandait si certaines des victimes israéliennes de cette bataille avaient été tuées par des tirs amis, Porat avait répondu :

« Sans aucun doute ! »

Porat a également expliqué à Kan et aux autres médias israéliens qu’elle et les autres Israéliens n’avaient pas été maltraités alors que, ce 7 octobre, ils étaient détenus par les combattants du Hamas.

« Ils ne nous ont fait subir aucune violence. Ils nous ont traités de façon très humaine »,

a dit Porat à Kan.

« De temps à autre, ils nous donnaient quelque chose à boire. Quand ils voyaient que nous étions nerveux, ils nous calmaient. C’était très effrayant, mais personne ne nous a traités avec violence. »

Le but de ses ravisseurs du Hamas était d’échanger leurs captifs contre des prisonniers palestiniens détenus par Israël, insiste Porat.

La quarantaine de combattants du Hamas qui ont détenu les captifs israéliens pendant six heures avaient l’intention de ramener Porat et les autres Israéliens à Gaza – et, en effet, ils auraient pu le faire facilement, a-t-elle ajouté.

Les combattants ont toutefois supposé par erreur que les forces israéliennes prises par surprise à l’aube se seraient déjà regroupées à midi et qu’elles auraient encerclé la position palestinienne dans le courant de l’après-midi.

« Ils auraient pu faire l’aller et retour dix fois avec nous »,

a déclaré Porat.

Il y a une masse croissante de preuves que, soit par négligence, soit à dessein, les forces israéliennes ont été responsables de la mort d’un nombre non négligeable d’Israéliens le 7 octobre et dans les quelques jours qui ont suivi. (**)

À ce jour, Yasmin Porat a été interviewée par à peu près tous les médias traditionnels israéliens, mais il semblerait toujours qu’Israël ne lui prête absolument pas l’oreille.

Porat et Hadas Dagan, les seules survivantes de leur groupe de captifs, affirment que deux obus de char israélien ont incendié la maison où elles étaient détenues et qu’ils ont tué au moins trois des personnes de leur groupe : le compagnon de chacune d’elles et la fille de 12 ans, Liel Hatsroni.

En annonçant la mort de Hatsroni la semaine dernière, Ynet a néanmoins conclu que les combattants du Hamas

« avaient assassiné tout le monde. Après cela, ils ont incendié la maison. »

 

*****

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

David Sheen est l’auteur de « Kahanism and American Politics : The Democratic Party’s Decades-Long Courtship of Racist Fanatics

 

 

Publié le 25 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

(*) Trouvez le premier interview de Yasmin Porat ici :

Les forces israéliennes ont tiré sur leurs compatriotes civils, affirme une survivante d’un kibboutz

(**) Lisez également : Les preuves qu’Israël a tué ses propres citoyens le 7 octobre

 

NDLR : Afin de pouvoir lire les “tweets” et vidéos repris dans l’article, ouvrez un compte Twitter (X).

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Transcription de l’interview de Yasmin Porat

Source : Kan Radio

Émission de Kalman Liberman

Date : 15 novembre 2023, à 9 h 18 du matin

Yasmin Porat. Nous sommes sortis et, tout d’un coup, il y a eu un cessez-le-feu très tendu. Toutes les armes étaient pointées sur nous. Tous ceux du Hamas nous pointaient, lui et moi. Il a commencé à se déshabiller tout en marchant, il a enlevé ses sous-vêtements, ses chaussettes, sa chemisette, ce qui l’a laissé nu comme au jour de sa naissance. C’est comme cela que nous nous sommes mis à marcher devant tout le monde, avec lui tout nu et moi devant lui comme bouclier humain. À ce moment, quand nous sommes passés par la salle de séjour et l’arcade avec la pièce où l’on mange, où nous étions précédemment, c’est alors que je suis sortie dans la cour. Et, là, j’ai reconnu mon [compagnon] Tal, Hadas, Adi Dagan et un autre Tal, le fils d’un couple, et un autre couple âgé, tous couchés sur le sol, dans la pelouse, vous ne pourriez imaginer à quoi ça ressemblait. Tout simplement éparpillés là. Et des éclats d’obus partout. Ça n’arrêtait pas de tirer et eux gisaient sur le gazon, comme des cadavres, mais ils étaient encore tous en vie, on pouvait le voir. Tout en m’en allant, j’ai pu demander à Tal : « Tal, t’es OK ? » et il a levé la tête, il était très effrayé… parce qu’ils ne comprenaient même pas que je sortais, parce qu’eux avaient la tête collée au sol. Tout le monde tenait sa tête contre le sol pour se protéger.

Kalman Liebskind (animateur). Vous êtes sortie avec lui… Et où êtes-vous allés ?

Yasmin Porat. Nous avons marché sur toute la longueur de la cour, nous avons atteint les deux rochers des terrasses, nous les avons escaladés, puis nous nous sommes retrouvés directement sur la route. Nous étions juste de l’autre côté de la route où se trouvaient les hommes du YAMAM [les forces israéliennes] et c’est une petite route, très étroite. Des tas de policiers pointaient leurs armes sur nous. Ils lui criaient dessus au mégaphone, j’imagine que ça devait être « Laisse-la aller ! Laisse-la aller ! » Nous nous sommes approchés d’eux un peu plus, il m’a donné une poussée et j’ai rapidement couru vers les policiers, et eux, tout de suite, ils l’ont arrêté. Voilà l’histoire de la façon dont j’ai été sauvée. C’est là que j’ai été sauvée et récupérée par la police. Je suis restée avec eux pendant trois heures, les combats se poursuivaient. J’ai simplement traversé vers le côté où se trouvait la police, mais je suis restée sur les lieux, à Be’eri, et j’y étais encore au moment de cet incident, je suis restée jusque 20 h 30.

Asaf Liberman (autre animateur). Et le terroriste qui vous a libérée, que lui ont-ils fait ?

Yasmin Porat. Ils l’ont arrêté. Ils l’ont arrêté et interrogé. Et, quoi qu’il en soit, aujourd’hui, je sais par des personnes qui étaient là avec moi qu’il a donné des tas d’informations, ils ont obtenu des tas et des tas d’informations de sa part, lesquelles, rétrospectivement, ont sauvé de nombreuses personnes, ce qui, on peut le dire, est réconfortant.

Kalman Liebskind. Quand vous avez été sauvée, il a traversé pour aller du côté de la police, et tous ceux que vous avez laissés derrière, les nôtres, étaient en vie ?

Yasmin Porat. Ils étaient restés exactement dans la même situation. Tous étaient vivants. Vous savez, je n’ai pas compté. Si vous avez parlé de 40 terroristes, eh bien, il y en avait toujours 40, parce qu’un seul s’était rendu sur les 40. Ainsi, ça ne change rien dans l’équilibre des forces. Vous restez dans la même situation.

Kalman Liebskind. Mais il y avait environ une quinzaine de gens à nous.

Yasmin Porat. Tout juste. Et, ainsi, désormais, ils étaient 14 avec 39 terroristes, deux personnes seulement étaient parties. Et cela faisait des masses de gens. Puis, je suis passée de l’autre côté, du côté de la police. Et, tout de suite, je leur ai dit que j’étais en mesure de parler et qu’ils pouvaient m’interroger et me demander tout ce qu’ils voulaient. Et je me suis en fait assise là, avec le commandant de l’unité, et je lui ai décrit à quoi ressemblait la maison et où étaient les terroristes et où étaient les otages. En fait, je lui ai fait un croquis : « Voyez, ici, sur le gazon, il y a quatre otages qui sont couchés de cette façon sur le gazon. Ici, il y en a deux qui sont couchés sous la terrasse. Et dans la salle de séjour, il y a une femme couchée comme ceci et une femme couchée comme cela. » Et je lui ai parlé des jumelles [Yanai et Liel Hatsroni] et [de leur tutrice et tante, Ayala Hatsroni], je ne les ai pas vues. Vous savez que, vraiment, quand je suis partie, ce sont les seules que je n’ai pas vues. J’entendais Liel tout le temps, qui hurlait et, ainsi donc, je suis certaine qu’elles étaient là. Je crois qu’elles étaient à ma gauche – qu’importe. J’ai essayé de leur expliquer que, d’un endroit quelque part près de la cuisine, c’était de là que j’entendais des cris venir, je ne la voyais pas, mais je l’entendais et j’entendais d’où venaient les cris. J’ai essayé de leur expliquer où se trouvaient tous les otages. Manifestement, il y avait dans la maison plus de terroristes que d’otages. Les terroristes étaient dans la salle à sécurité renforcée, ils étaient dans la salle de bain et les toilettes, ils étaient disséminés sous toute la terrasse, sous une fenêtre de la salle de séjour qui assurait une certaine protection. Il y avait une fenêtre qui protégeait des balles et c’est ainsi que des tas de terroristes étaient assis en dessous. Disons qu’ils avaient choisi les meilleurs endroits pour se cacher.

Je suis restée là pendant ces trois heures, ils m’ont interrogée au moins trois ou quatre fois pour comprendre à quoi ressemblait la maison et savoir que faire, et combien d’otages il y avait. Et on voyait qu’ils ne comprenaient tout simplement pas la dimension de cette affaire. La première fois, je leur ai dit qu’il y avait environ 40 terroristes, et ils m’ont dit : « Ce n’est pas possible, il nous semble que vous exagérez. » Ils n’ont pas dit ça comme ça [avec dédain]. « Regardez ici, nous, nous sommes quarante. » Je leur ai dit : « Ils sont plus nombreux que vous. » Ils ne me croyaient pas ! Notre armée elle aussi était tout aussi naïve.

Kalman Liebskind. Ainsi donc, même à ce moment, la police ne comprenait toujours pas la magnitude de l’événement…

Yasmin Porat. Elle ne comprenait pas la magnitude de l’événement. Quand je disais 40, ils pensaient peut-être que j’exagérais un peu, que j’étais hystérique.

Asaf Liberman. Wow !

Yasmin Porat. C’est tout à fait ça. Et maintenant, je vous branche sur un bout du témoignage de Hadas Dagan. Ce n’était pas un témoignage, je veux dire que je lui ai parlé personnellement, afin de comprendre ce qui était arrivé à mon compagnon. Parce qu’à la fin, il a été tué juste à côté d’elle, et je voulais comprendre. Et, alors, par le biais de cette histoire, j’ai également entendu la réponse concernant Liel, plus ou moins. En tout cas, moi, je suis partie. Comprenez, tout le monde (tous les autres) sont restés là. Une bataille a eu lieu. Maintenant, ils connaissaient plus de détails que moi. Et la bataille n’en finissait pas. Il y a eu des tentatives de négociations. Même le terroriste qui s’est rendu a parlé au mégaphone avec ses amis, peut-être afin d’essayer de les convaincre.

Kalman Liebskind. Pour la police [israélienne], cette fois.

Yasmin Porat. Oui, pour la police [israélienne], il a parlé au mégaphone en arabe, tout en étant complètement déshabillé. Il leur criait dessus. C’était réellement… enfin, vous savez. Et ils n’étaient pas convaincus.

Kalman Liebskind. Puis-je dire quelque chose ici, entre parenthèses, Yasmine ? Nous devons présumer que ce groupe nombreux qui était avec vous, ce groupe de terroristes, savait à quel point sa position était bonne au kibboutz – si cela s’était passé ailleurs au kibboutz, cette histoire se serait terminée d’une autre façon, non ?

Yasmin Porat. Vous voulez dire que, s’ils avaient su…

Kalman Liebskind. Qu’ils auraient pu vous prendre et vous kidnapper !

Yasmin Porat. Ah oui ! Oui, oui…

Kalman Liebskind. Ils ne devaient négocier avec personne, ils n’avaient pas à faire le 100 pour appeler la police. Rien !

Yasmin Porat. Voyez, le premier… Aujourd’hui, nous voyons toute l’histoire du kidnapping. Vous voyez que la plupart des kidnappings ont eu lieu au matin, à 10, 11, 12 heures. À 3 h [de l’après-midi], comme aurait pu le faire tout citoyen [israélien], ils ont pensé que l’armée était déjà partout. Ils auraient pu s’en aller et revenir avec nous dix fois. Mais ils ne croyaient pas que telle était la situation, si bien qu’ils ont demandé la police. En tout cas, je vais faire court pour vous. Pendant trois autres heures, j’ai vécu une bataille très intense. Mais, cette fois, j’étais dans le camp des bons, comme on dit. Mais tous les autres étaient pris sous des tirs croisés très, très nourris, avec des terroristes qui, comme je pouvais le comprendre, ne collaboraient pas et qui disaient : « Si vous ne nous laissez pas partir en vie, dans ce cas, tout le monde va mourir. » Et, à un moment donné, un char est arrivé de l’autre côté de la maison. Je crois qu’il devait être 7 h ou 7 h 30 du soir. Comprenez, c’était toujours l’heure d’été et il commençait à faire noir. Et je me suis dit, pourquoi tirent-ils des obus de char sur la maison ? Et j’ai demandé à un des types qui étaient avec moi, pourquoi tirent-ils ? Et ils m’ont expliqué que c’était afin d’aider à purifier la maison… Je vais maintenant embrayer un instant sur ma conversation avec Hadas. Je connais Hadas Dagan qui, comme je l’ai expliqué, était l’une des quatre personnes couchées à l’extérieur l’une à côté de l’autre. Et deux autres étaient couchées sous la terrasse.

Kalman Liebskind. Je vous rappelle que Hadas était la dame de la maison [où les otages ont été initialement capturés par les combattants du Hamas].

Yasmin Porat. Oui. La dame de la maison, Hadas Dagan. Elle croit qu’il y a eu deux explosions. Je sais qu’il y a eu les deux obus tirés par le char. Elle ne le savait même pas, parce que, une fois encore, ils ne pouvaient rien voir. Ils étaient couchés à plat ventre sur le sol. Elle m’a dit, ce sont ses mots mêmes : « Yasmin, quand les deux grosses explosions ont frappé, j’ai eu l’impression de voler dans l’air. » Elle a senti qu’elle était en train de mourir et qu’elle revenait à la vie. En bref, elle a senti qu’elle volait dans l’air et qu’elle atterrissait, bien que je ne pense pas que cela ait eu lieu. Elle m’a dit : « Il m’a fallu deux ou trois minutes pour ouvrir les yeux, je ne sentais plus mon corps, j’étais complètement paralysée. Quand j’ai ouvert les yeux, j’ai vu que mon Adi [Dagan] était en train de mourir. » Son artère principale était coupée et il saignait de partout. Elle m’a dit qu’elle avait placé son pouce sur son artère principale, mais il était déjà mort. Et, alors, elle m’a dit : « Ton Tal lui aussi a cessé de bouger à ce moment-là », parce qu’ils se trouvaient chacun de part et d’autre d’elle. Aujourd’hui, je crois qu’ils ont été des boucliers humains, pour elle, naturellement. C’étaient deux gars bien en chair, et elle, c’est une fe :mme toute menue. Ils étaient couchés à ses côtés et ils ont tout simplement…

Asaf Liberman. Yasmin, il y a deux choses qui nécessitent une clarification, pour un moment.

Yasmin Porat. Ouais.

Asaf Liberman. À quel moment, et comment tous les otages encore détenus dans la maison sont-ils morts ? Et comment se fait-il que Hadas est sortie de là vivante ?

Yasmin Porat. Exact.

Kalman Liebskind. C’est la seule. Il convient de le dire, de toute cette histoire, seules vous et Hadas en êtes sorties vivantes.

Yasmin Porat. C’est vrai. Comprenez tout l’incident – je suis partie de là à 20 h 30. J’ai quitté [la maison] à 17 h 30 et je me suis retrouvée avec la police. Et je suis restée là jusque 20 h 30 et, pendant tout ce temps, il y a une bataille dingue. Des heures de combat entre les deux camps. Ils sont tous là ! Comprenez. Il y avait quatre personnes couchées l’une à côté de l’autre sur le gazon du jardin. Ainsi donc, ils étaient toujours là, vulnérables pour des centaines et des milliers de balles et d’obus qui traversent l’air en cet endroit. Il n’y avait pas moyen d’éviter les dégâts, là. Quant à vous dire qui, à la fin, est mort et d’une balle de qui ? Il n’y a pas moyen de le savoir. Cela venait des tirs croisés. D’après ce que je comprends. Parce que Hadas en est sortie vivante. Et elle dit qu’il n’y a pas eu d’exécutions, ni quoi que ce soit dans le genre. Du moins pas les gens qui étaient avec elle. Parce qu’elle m’a dit qu’après s’être ressaisie des deux explosions, elle avait levé la tête, ou quelque chose comme ça, elle avait senti que son mari saignait sur elle. Elle était couverte de son sang. Je l’ai également rencontrée par la suite. Et elle m’a dit également que mon Tal, qui était couché lui aussi, avait cessé de bouger à ce moment-là. Et, ensuite, comme je le répète, elle m’a raconté cela, elle m’a dit : « La fille [Liel Hatsroni, 12 ans] n’a pas cessé de crier pendant toutes ces heures. Elle n’a pas cessé de crier. » C’est ainsi que j’ai dit : « Je m’en souviens, quand j’étais encore là, au cours de la première heure, elle n’a pas cessé de crier. » Puis elle m’a dit : « Yasmin, quand ces deux obus ont frappé, elle a cessé de crier. Ç’a été le silence, dès lors. » Ainsi donc, que peut-on déduire de tout cela ? Qu’après cet incident très lourd, la fusillade, qui s’est terminée par deux obus, c’est quasiment à ce moment-là que tout le monde a été tué. Du moins, c’est ce que je sais d’après ma conversation avec Hadas, qui a décrit la chose. Et elle, pour l’une ou l’autre raison, peut-être parce que c’est une femme de petite taille, et que tous ces éclats ont touché son mari et mon compagnon, d’une certaine façon elle – écoutez, elle n’avait pas l’air normal quand elle est sortie. Elle avait l’air – je l’ai rencontrée le matin et, si vous aviez vu à quoi elle ressemblait le soir, ce n’était plus la même personne. Mais, quoi qu’il en soit, elle a survécu à tout cela. Aucun éclat d’obus ne l’a touchée. Elle a également été touchée par un éclat, mais aucun éclat ne l’a frappée là où…

Asaf Liberman. Ainsi donc, tous les terroristes ont tout simplement été tués là ?

Yasmin Porat. Ils ont TOUS été tués. Tous les otages et tous les terroristes. Une maison pleine de corps. Comprenez…

Asaf Liberman. Et Hadas, quoi qu’il en soit…

Yasmin Porat. Quoi qu’il en soit, de toute cette tuerie, c’est comme si Dieu avait voulu qu’elle soit avec nous et qu’il l’a sauvée. Elle s’est éloignée de tout cet enfer. Quand je l’ai vue, elle était – comprenez, quand je l’ai rencontrée au matin, elle était joliment habillée, ses cheveux étaient peignés, vous savez, une personne normale. Quand elle est sortie de là, tous ses cheveux étaient hérissés, pleins de poussière et de styromousse.

Asaf Liberman. Comprenez-vous pourquoi on n’a pas pu déterminer que Liel était morte avant la journée d’hier ?

Yasmin Porat. Je comprends qu’à ce jour ils n’ont retrouvé aucun de ses restes. Je pense que certains des explosifs, là… ils ont jeté des grenades et – je ne connais pas grand-chose en munitions. Certains étaient plus gros que des balles de fusil. Je sais qu’ils prennent feu – et je vois aussi, maintenant, sur des photos, qu’une partie de la maison a été incendiée. La maison de Hadas et d’Adi n’existe plus. Je ne sais pas comment cela s’est passé. Je ne puis décrire à quoi ressemblaient ces maisons. OK, vous voyez bien. Si vous me posez la question, j’estime, en me basant sur ce qui est arrivé dans d’autres maisons, qu’apparemment elle a brûlé complètement. Elle [la petite Liel] ne s’est pas enfuie de là. Ils ne l’ont pas kidnappée. Je vous le dis, ils ne sont pas sortis de là. Ce n’était plus du tout le moment où tout le monde aurait pu sortir de là. Non. Nous parlons de 20 h 30, l’obscurité était totale, la maison avait brûlé, pleine de… à ce moment, il y avait tout un tas de militaires, là, sur place, les unités YAMAM et MATKAL, et ils encerclaient la maison. Cela signifie que Liel n’aurait pas pu sortir de là. Et Hadas, qui a été là pendant les quatre heures entières de la bataille, se rappelle qu’elle ne cessait pas de crier, la fille [Liel Hatsroni] ! Et, brusquement, elle arrête.

Asaf Liberman. Okay.

Kalman Liebskind. Yasmin Porat. Yasmin, merci beaucoup pour –

Yasmin Porat. Merci à vous.

Kalman Liebskind. – pour avoir partagé avec nous cette histoire vraiment folle.

Yasmin Porat. [Elle soupire]. Oui. Merci, et puissions-nous connaître des jours meilleurs.

Kalman Liebskind. Uniquement des jours meilleurs.

Asaf Liberman. Merci, Yasmin. Merci beaucoup.

 

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