Les preuves qu’Israël a tué ses propres citoyens le 7 octobre

Un major retraité de l’armée israélienne a admis qu’Israël avait probablement tué certains des 1 200 Israéliens que le gouvernement prétend avoir été assassinés par le Hamas le 7 octobre. Cette confession, découverte par The Electronic Intifada, est à ce jour l’une des confirmations au plus haut niveau qu’Israël a tué un grand nombre, si pas la totalité, des civils qui ont perdu la vie lors de l’offensive palestinienne.

 

Un vétéran israélien a admis que ses forces armées peuvent avoir tué des Israéliens.

Un vétéran israélien a admis que ses forces armées peuvent avoir tué des Israéliens. (Photo : Legacy Conversations / CNN)

 

Asa Winstanley, 23 novembre 20232

Samedi, on apprenait qu’une source officielle israélienne avait conclu pour la première fois que les tirs israéliens avaient à tout le moins touché plusieurs Israéliens.

Cette masse croissante de preuves met à mal le discours officiel israélien des terroristes palestiniens sauvages envahissant Israël et s’acharnant à massacrer des civils. Le Hamas, de son côté, maintient que ses cibles étaient militaires et qu’il n’a pas tué intentionnellement des civils.

L’aveu de l’officier israélien est apparu dans une série de vidéos traitant du 7 octobre et postées par Legacy Conversations, une obscure chaîne de YouTube gérée par des vétérans de l’armée et de la police du régime d’apartheid de l’Afrique du Sud.

Leur invité vedette est un homme né en Afrique du Sud, qui s’est installé en Israël à l’âge de 18 ans et qui a passé 29 ans dans l’armée. Il a participé à l’invasion du Liban en 2006 et à celle de Gaza en 2014.

Le vétéran se fait appeler le « major Graeme » et se sert des pseudonymes probables que sont « Graeme Ipp » et « Graeme I ».

Dans une vidéo postée une semaine seulement après le 7 octobre, le major Graeme déclarait que des captifs israéliens aux mains des Palestiniens avaient

« peut-être bien été tués par des frappes aériennes israéliennes au moment où l’aviation israélienne avait attaqué des véhicules qui retournaient à Gaza ».

S’exprimant près de deux semaines avant le début de la plus grande invasion terrestre israélienne lancée dans le nord de Gaza, le major Graeme expliquait qu’après les frappes aériennes,

« il y avait là certains corps que les forces spéciales étaient allées ramasser ».

 

 

S’il dit vrai, ce compte rendu suggère qu’Israël essaie de masquer les preuves que – intentionnellement ou pas – il a tué ses propres civils, le 7 octobre.

À tout le moins, le compte rendu souligne l’urgente nécessité d’une enquête internationale sur ce qui s’est réellement passé ce même 7 octobre.

Un groupe anonyme d’Israéliens a rédigé une lettre ouverte réclamant une enquête indépendante. Mais Israël n’a pas l’air désireux d’accepter la chose et il s’avère qu’en fait il dissimule les preuves, puisqu’il a enterré certains corps avant qu’on ne les ait identifiés.

Israël n’a pas consenti le moindre effort non plus en vue de collecter sur les corps des preuves médicolégales susceptibles d’étayer ses allégations de viol et d’agression sexuelle de la part des Palestiniens.

Le 10 novembre, après avoir prétendu pendant plus de trois semaines qu’« au moins 1 400 » Israéliens avaient été tués, Israël a officiellement revu à la baisse le nombre de morts pour le ramener à « quelque 1 200 ».

La semaine dernière, le porte-parole israélien Mark Regev a reconnu par inadvertance que 200 des morts

« avaient été si affreusement brûlés que nous avons pensé qu’ils étaient des nôtres et qu’en fin de compte, il est apparu qu’il s’agissait de terroristes du Hamas ».

 

Ceci indique que les bombardements israéliens sur les colonies à la frontière de Gaza ont été si intenses et dénués de discernement qu’ils ont tué par le feu de nombreux captifs israéliens en même temps que les combattants palestiniens.

La suggestion du major Graeme semble être confirmée par une vidéo antérieure postée par Israël et montrant un véhicule entièrement incendié contenant des corps calcinés.

Le ministère israélien des Affaires étrangères a prétendu que la vidéo prouvait que le Hamas recourait aux « mêmes tactiques » que les « terroristes de l’EI », insinuant ainsi que le Hamas avait brûlé vifs des prisonniers, de la même manière qu’en 2015, l’EI avait brûlé vif un pilote jordanien enfermé dans une cage.

Mais il s’avère que les corps de la vidéo ont été incinérés sur-le-champ par l’explosion d’une énorme bombe. Deux des corps incinérés – vraisemblablement des captifs israéliens – étaient assis sur le siège arrière du véhicule au moment de l’impact. Les corps apparaissent figés dans une douleur brûlante, mais instantanée.

Le véhicule présente lui aussi des signes d’avoir été bombardé par voie aérienne, avec son toit complètement tordu et détruit.

https://twitter.com/idfonline/status/1710586299592081657?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1710586299592081657%7Ctwgr%5E1f9c8fe0eae6f1d6f6cd915be987816c767a8af9%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Felectronicintifada.net%2Fcontent%2Fevidence-israel-killed-its-own-citizens-7-october%2F41156

 

Une vidéo de plusieurs frappes aériennes similaires a été postée en ligne par l’armée israélienne le matin du 7 octobre. La vidéo prétendait que les véhicules avaient été

« les cibles de l’organisation terroriste du Hamas, dans la bande de Gaza ».

Si ces véhicules étaient occupés par des captifs israéliens sous la garde de combattants palestiniens retournant à Gaza, il est probable que tous aient été tués par Israël – mais ils ont alors été ajoutés au nombre de morts israéliens « assassinés par le Hamas ».

Depuis le 7 octobre, une masse croissante de preuves ont été rapportées en hébreu, indiquant qu’un nombre important, bien qu’indéterminé, d’Israéliens ont été tués par les forces israéliennes au cours de l’offensive du 7 octobre.

Ces comptes rendus ont été d’abord rapportés en anglais par des médias indépendants, dont The Electronic Intifada, Mondoweiss, The Grayzoneet The Cradle.

 

Vidéo EI : Ce que nous apprenons aujourd’hui des événements du 7 octobre.

 

Un élément clé de ces preuves a été traduit en anglais par The Electronic Intifada le 11 novembre.

Le média israélien Ynet a cité le commandant d’une escadrille israélienne d’hélicoptères qui avait déclaré que, le 7 octobre, les forces aériennes avaient envoyé plus de deux douzaines d’hélicoptères de combat – ainsi que des drones Elbit – pour tirer tout au long de la frontière de Gaza à l’aide de missiles et de mitrailleuses.

Selon le compte rendu transmis à Ynet d’une évaluation préliminaire des forces aériennes,

« il était très malaisé de faire la distinction entre les terroristes et les soldats ou civils [israéliens] »,

mais le commandant avait de toute façon donné l’ordre à ses pilotes

« de tirer sur tout ce qu’ils voyaient dans la zone de la clôture »

avec Gaza.

« La fréquence de tir sur les milliers de terroristes a été énorme au début et ce n’est qu’à un certain point que les pilotes se sont mis à ralentir leurs attaques et à choisir leurs cibles avec soin »,

avait rapporté le journal, en citant une enquête des forces aériennes israéliennes.

La justification de cette attaque menée manifestement sans le moindre discernement fut de

« faire cesser le déluge des terroristes et des masses meurtrières qui se déversaient en territoire israélien par les brèches de la clôture ».

Mais, étant donné que les combattants palestiniens retournaient à Gaza avec des prisonniers israéliens au même moment, exactement, où d’autres Palestiniens arrivaient toujours de Gaza ce jour-là, le fait de tirer sur

« tout ce qui se trouvait »

dans les environs de la clôture devait nécessairement inclure des prisonniers israéliens.

Au cours des quatre premières heures, ont prétendu les forces aériennes, leurs pilotes

« ont attaqué environ 300 cibles, la plupart en territoire israélien ».

La « Supernova rave » se déroulait elle aussi très près de la clôture frontalière – entre celle-ci et la colonie israélienne toute proche du kibboutz de Be’eri.

 

Pour commencer, Israël a prétendu que 260 Israéliens étaient morts en cet endroit. Plus tard, ce nombre a grimpé jusque 364.

Samedi, une source de la police confirmait pour la première fois qu’Israël avait tué certains de ses citoyens présents dans cette fameuse rave party du 7 octobre.

Le journal israélien Haaretz a rapporté qu’une enquête de la police avait conclu qu’un

« hélicoptère de combat israélien qui était arrivé sur place et qui avait tiré sur des terroristes présents avait apparemment touché aussi certains participants au festival ».

Une deuxième source policière anonyme a critiqué Haaretz et est revenue sur cette déclaration le lendemain, mais sans nier qu’Israël avait tué certains Israéliens.

Une prise de vue israélienne diffusée le même jour que l’article d’Ynet dont il est question plus haut a montré ce que les forces aériennes prétendaient être des attaques contre

« des terroristes palestiniens s’infiltrant en Israël le matin du 7 octobre ».

Le prise de vue semble montrer des frappes aériennes dénuées du moindre discernement contre plusieurs véhicules civils semblables à celui que l’on voit dans la vidéo des corps incinérés, ainsi qu’un tir de mitrailleuse sur des gens qui s’enfuient à pied.

Le champ labouré présenté dans la vidéo ressemble très fortement à d’autres prises de vue postées en ligne et montrant des participants israéliens à la rave party au moment même où ils fuyaient la Supernova rave.

Un véhicule civil le long de la frontière de Gaza quelques secondes avant d’être détruit par une frappe des forces aériennes d'Israël

Un véhicule civil le long de la frontière de Gaza quelques secondes avant d’être détruit par une frappe des forces aériennes israéliennes. (Photo : IAF)

Avec la campagne génocidaire d’Israël qui a prélevé les vies d’au moins 14 000 Palestiniens, les captifs israéliens à Gaza ont aussi été victimes des bombardements israéliens sans discernement.

L‘aile armée du Hamas dit qu’à ce jour, 60 Israéliens ont été tués par les frappes aériennes d’Israël contre Gaza.

Dans la série sud-africaine sur YouTube, le major Graeme explique le raisonnement de l’armée.

« Avec toute la difficulté et la douleur qu’entraîne une telle décision, l’armée israélienne continue comme s’il n’y avait pas d’otages »,

a-t-il dit. Israël

« ne peut tout simplement pas se permettre (…) d’autoriser le Hamas à utiliser avec succès ces boucliers humains [israéliens] (…) Rien de cela n’arrive. Et c’est ainsi. »

Il a également dit que « certains contrôles et limitations » imposés aux frappes aériennes israéliennes avaient été levés.

Le major Graeme peut avoir fait allusion à une très vieille doctrine militaire israélienne tenue secrète, connue sous le nom de Directive Hannibal, du nom de l’antique général carthaginois qui s’était empoisonné plutôt que d’être capturé.

Israël a instauré cette doctrine pour décourager les combattants de la résistance arabe de capturer des soldats israéliens qui, plus tard, pourraient être échangés au cours d’échanges négociés de prisonniers. En 2011, Israël avait relâché 1 027 prisonniers palestiniens en échange d’un seul soldat israélien capturé (Gilad Shalit, NdT).

La Directive Hannibal a fait l’objet d’un regain d’attention après avoir été utilisée pour tuer un soldat israélien lors de l’invasion de Gaza en 2014. En 2016, l’armée israélienne a déclaré que

« la façon dont l’ordre est compris aujourd’hui »

allait être supprimée.

« Cette démarche ne consistait pas nécessairement en un changement complet de politique, mais en une clarification »,

avait rapporté The Times of Israel.

Mais il s’avère que la doctrine a été remise à l’honneur, depuis lors.

Parlant en hébreu dans un podcast de Haaretz, le colonel de réserve de l’aviation Nof Erez a déclaré que ce qui s’était passé près de la clôture consistait en un « Hannibal massif » et qu’ils creusaient des scénarios similaires depuis 20 ans.

Yasmin Porat

Yasmin Porat (Photo : Channel 12)

Les forces terrestres israéliennes ont également tué beaucoup de civils israéliens.

La première preuve qui vient à la lumière a été le témoignage de Yasmin Porat, une survivante du kibboutz de Be’eri, l’une des quelques douzaines de colonies israéliennes des environs de la frontière avec Gaza que les combattants palestiniens ont attaquées le 7 octobre.

Le récit de Porat a été fait en hébreu à la radio israélienne, mais est devenu viral au niveau international quand The Electronic Intifada l’a traduit en anglais le 16 octobre.

Participante de la Supernova rave, Porat s’est échappée en direction de Be’eri, tout proche, peu après le début de l’attaque.

En compagnie d’une douzaine d’autres Israéliens, elle a été capturée par des combattants palestiniens qui, a-t-elle insisté,

« ne nous ont pas fait subir la moindre violence. Ils nous ont traités humainement. »

Porat a expliqué que leur but

« était de nous kidnapper et de nous emmener à Gaza ».

Apparemment, les combattants avaient l’intention de relâcher leurs otages au bout d’une journée.

Les captifs ont eu l’autorisation de s’asseoir à l’extérieur et d’attendre l’arrivée des négociateurs de la question des otages. Les Palestiniens, semble-t-il, voulaient une sortie négociée.

Mais, avec l’arrivée des forces spéciales, connues sous le nom de YAMAM, les choses ont très vite mal tourné.

Les « négociateurs » ont annoncé leur présence par une grêle surprise de coups de feu.

« Brusquement, YAMAM a envoyé une volée de balles dans notre direction. Nous nous sommes tous mis à courir pour nous mettre à l’abri »,

a expliqué Porat à la télévision.

Sur une vidéo prise à Kfar Azza, on peut voir ce bâtiment apparemment rasé par un bombardement israélien.

Sur une vidéo prise à Kfar Azza, on peut voir ce bâtiment apparemment rasé par un bombardement israélien. (Photo : The Washington Post)

 

Porat a insisté sur le fait que les tirs sans discrimination

« ont tué tout le monde, y compris les otages, parce qu’il y avait vraiment beaucoup de tirs croisés ».

Elle a vu des corps sur le sol.

Le combat à balles qui a suivi a duré une demi-heure et a culminé par deux obus de char qui ont été tirés contre la maison où les otages avaient été détenus. Porat elle-même n’a survécu que parce qu’elle avait développé une connexion avec un combattant palestinien qui parlait l’hébreu et qui s’est rendu par la suite.

Il semble que plusieurs incidents impliquant des « tirs amis » non intentionnels aient eu lieu dans la riposte chaotique des Israéliens à l’offensive du 7 octobre.

Mais il y a des signes que le massacre par l’armée israélienne de ses propres ressortissants civils peut aussi avoir été le résultat d’une politique délibérée – ou, comme le dit le major Graeme,

« d’une poursuite [des opérations] comme s’il n’y avait pas [eu] d’otages ».

Le lieutenant-colonel Salman Habaka s’était hâté vers le kibboutz Be’eri avec deux chars, ce matin-là.

« Je suis arrivé à Be’eri pour voir le général de brigade Barak Hiram et la première chose qu’il m’a demandée a été de tirer un obus sur une maison »,

dit-il, selon The Guardian.

« Nous sommes allés de maison en maison pour libérer les otages. Et c’est ce qu’a été le combat jusqu’au soir. Dans le kibboutz et dans les rues. »

La bataille pour le kibboutz de Be’eri a duré deux jours, pour ne se terminer que le soir du lundi 9 octobre.

 

Des photos postées en ligne par Israël et une vidéo postée par The Telegraph montrent plusieurs immeubles du kibboutz de Be’eri qui semblent bien avoir été bombardés par Israël.

Des photos postées en ligne par Israël et une vidéo postée par The Telegraph montrent plusieurs immeubles du kibboutz de Be’eri qui semblent bien avoir été bombardés par Israël. (Photo : Israel MFA / Telegraph)

 

Pendant ce temps, selon Haaretz (dans un article qui, une fois encore, n’a été publié qu’en hébreu), les commandants israéliens à Be’eri

« ont pris des décisions difficiles – y compris celle de bombarder les maisons avec tous leurs occupants à l’intérieur dans le but d’éliminer les terroristes en même temps que les otages ».

Ceci suggère qu’il y a eu une décision délibérée, de la part d’officiers israéliens, d’« éliminer » les captifs israéliens plutôt que de les laisser tomber aux mains des Palestiniens à Gaza, où ils auraient pu être utilisés comme leviers dans les négociations concernant les prisonniers.

Selon The Guardian, 108 résidents du kibboutz de Be’eri ont été tués au cours de l’offensive.

« Les corps des morts », expliquait le journal à l’issue d’une tournée médiatique dirigée par l’armée le 10 octobre, « ont été amenés et étalés sur le sol, en attendant d’être pris en charge », dans le réfectoire communautaire du kibboutz.

Mais, d’après le major Graeme, dans la vidéo YouTube du 15 octobre, « un nombre important » de prisonniers israéliens avaient été gardés initialement, et en vie, par le Hamas dans ce même réfectoire de Be’eri.

« Le réfectoire a été pris d’assaut par les forces spéciales »,

expliquait-il.

« D’après ce que je comprends, la majorité des otages ont été tués dans cette tentative en vue de les sauver. Ils n’en ont sauvé que quatre (…) Je pense qu’il y en a eu 14 de tués, en cet endroit ».

La tactique militaire brutale et sans discernement d’Israël au kibboutz de Be’eri s’est répétée dans d’autres colonies frontalières proches de Gaza.

 

The Electronic Intifada a pratiqué un examen de chaque vidéo et de chaque photo postées sur X (anciennement Twitter) entre le 7 et le 27 octobre par trois comptes officiels israéliens : @Israel, @IDF et @IsraelMFA. Nous avons également effectué un examen extensif des reportages des médias traditionnels à propos de l’offensive contre le kibboutz de Be’eri et d’autres colonies proches de la frontière avec Gaza.

Nous avons découvert une mine de preuves visuelles qui étayent très bien les récits de Yasmin Porat et d’autres personnes prétendant que l’armée israélienne avait attaqué ses propres colonies.

Ces indications importantes de ce qu’Israël a tué ses propres civils sont généralement ensevelies sous d’épaisses couches d’une propagande officielle israélienne concernant des atrocités et incriminant le Hamas.

L’armée israélienne a traité la colonie frontalière de Kfar Azza (les mots hébreux pour « village de Gaza ») de la même façon brutale que le kibboutz de Be’eri.

Un reportage vidéo posté par The Washington Post le 10 octobre parlait brièvement de deux bâtiments détruits dans la colonie, et il s’avère que tous deux ont été bombardés par des chars.

Israël affirme que les combattants du Hamas ont complètement incendié des bâtiments dans les colonies. Bien que, dans la vidéo, apparaissent d’autres bâtiments qui ont été complètement détruits par le feu, au lieu de cela, deux des bâtiments détruits au moins ont toutefois été réduits entièrement ou partiellement à l’état de décombres.

L’un des deux a été rasé presque complètement, d’une façon étonnamment similaire aux frappes aériennes qui détruisent pour l’instant Gaza.

Et cette vidéo est loin d’être un exemple unique.

L’ampleur de la destruction ne peut être correctement expliquée par l’armement léger des combattants palestiniens ce jour-là – fusils, grenades à main, grenades propulsées par roquettes et, dans quelques cas seulement, mitrailleuses fixées sur véhicules.

 

Vidéo : Faites connaissance avec le M230LF : le canon à chaîne 30 mm américain.

 

Par contre, elle peut s’expliquer par le type d’armement dont on sait qu’il a été utilisé par Israël : des obus de char et des missiles Hellfire (feu de l’enfer, NdT) lancés par plus de deux douzaines d’hélicoptères Apache.

Ces hélicoptères sont également armés de canons-mitrailleuses de 30 mm qui tirent des obus dont chacun est « comme une grenade à main », pour reprendre l’explication du média israélien Ynet. La vidéo ci-dessus nous fait une démonstration des capacités de ces canons dévastateurs destinés à détruire des chars et capables de tirer environ 600 coups à la minute.

Le 7 octobre,

« 28 hélicoptères de combat ont tiré au cours de la journée toutes les munitions qu’ils avaient emportées, après avoir réarmé à plusieurs reprises »,

a rapporté Ynet.

 

Les boucliers humains d’Israël

Pourquoi le Hamas a-t-il frappé en premier lieu le kibboutz de Be’eri et 21 autres colonies, bases et avant-postes militaires israéliens ?

Pour comprendre la chose, il nous faut considérer en même temps l’histoire immédiate et les 141 années écoulées d’expulsion et de génocide perpétrés par le projet de colonisation sioniste en Palestine.

Non seulement les colonies frontalières israéliennes ont toutes été bâties sur des terres palestiniennes mais, souvent, elles sont également utilisées comme bases pour stationner des troupes qui combattent dans les offensives militaires récurrentes d’Israël contre Gaza.

Sans son livre, My Golani (Ma brigade Golani), le major Graeme a expliqué comment, en 1995, lui et son unité militaire avaient été stationnés dans « nos quartiers au kibboutz de Kfar Azza ».

Lors de la guerre d’Israël contre le Liban, en juillet 2006, on lui commanda d’emmener son bataillon au kibboutz de Sassa, dans le nord. Lors de l’attaque israélienne contre Gaza, en 2014 – qui tua 2 251 personnes, dont 551 enfants – le quartier général avancé de sa brigade était cantonné

« non loin des kibboutzim de Kissufim et d’Ein Hashlosha »,

tous deux proches de la clôture de Gaza et qui furent d’ailleurs attaqués l’un et l’autre le 7 octobre.

La raison pour laquelle des colonies furent établies à la frontière de Gaza consistait en premier lieu dans la volonté de contenir et de réprimer la population civile massive autour de Gaza, population aujourd’hui constituée en majeure partie de réfugiés, et ce, depuis 1948. Ces colonies – dont les kibboutzim prétendument socialistes – ont toujours fait partie intégrante de la stratégie militaire israélienne.

Comme l’expliquait récemment Amir Tibon, correspondant de Haaretz et habitant du kibboutz Nahal Oz,

« nous protégeons la frontière et ils [le gouvernement] nous protègent ».

Les kibboutzim sont en effet des boucliers humains, pour Israël.

L’un d’eux, fondé en 1951, s’appelle même « Magen » – le terme hébreu pour « bouclier ».

Magen et trois autres kibboutzim ont été construits sur les terres du village palestinien détruit de Ma’in Abu Sitta. En 1948, l’éminent historien palestinien Salman Abu Sitta, âgé de 10 ans à l’époque, fut expulsé sur village par les forces sionistes.

 

 Une unité du Palmach rassemblée au kibboutz de Be’eri en 1948. Lors de la Nakba, le Palmach et d’autres milices sionistes ont expulsé quelque 800 000 Palestiniens.

Une unité du Palmach rassemblée au kibboutz de Be’eri en 1948. Lors de la Nakba, le Palmach et d’autres milices sionistes ont expulsé quelque 800 000 Palestiniens. (Photo : Wikipedia)

 

Qu’est-ce qui explique l’empressement – son vif désir, en effet – d’Israël de voir des Israéliens tués plutôt que de les savoir aux mains des Palestiniens ?

Les choses commencent tout en haut.

Dans la foulée immédiate du 7 octobre, le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, a instamment invité le cabinet à

« frapper avec brutalité le Hamas et à ne pas accorder de considération significative au problème des captifs ».

Peu après, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a rencontré des proches des Israéliens captifs de Palestiniens. Le groupe l’a pressé de négocier. Mais quatre personnes inconnues ont brusquement rallié la réunion, dont un homme, qui a déclaré être prêt à payer de la vie de sa fille captive.

Un peu plus tard, il s’est avéré que les mystérieux visiteurs étaient des colons de Cisjordanie introduits dans la réunion par le cabinet même de Netanyahou. La journaliste israélienne Noga Tarnopolsky a dit de l’homme qu’il était le chef d’une organisation d’extrême droite et qu’il n’avait en aucun cas de fille captive des Palestiniens.

Dans un reportage vidéo très largement diffusé en ligne, Clarissa Ward, de CNN, a interviewé avec un pathos débordant Tom Hand, un colon né en Irlande et débarqué à Be’eri il y a une trentaine d’années. C’est un Hand complètement égaré qui a raconté son allégresse une fois que les autorités israéliennes lui ont dit que sa petite fille Emily, huit ans, avait été retrouvée morte.

« J’ai dit ‘Oui !’ et j’ai souri (…) si vous saviez la moindre des choses de ce qu’ils font aux gens à Gaza ! C’est pire que la mort ! »

Plus tard, les autorités israéliennes ont modifié leur affirmation. Par bonheur, on croit aujourd’hui que la petite Emily est vivante.

Un autre habitant du kibboutz de Be’eri y est allé d’une résolution tout aussi sombre. Or Yelin – le fils d’un ancien dirigeant de conseil local – a déclaré sur la chaîne israélienne i24 News que lui et sa femme s’étaient mis d’accord pour dire qu’il vaudrait mieux la poignarder, elle, à mort, avec un couteau de cuisine que de la savoir capturée vivante par le Hamas.

Tout cela est soutenu à fond par le gouvernement des États-Unis !

Il paraît que le président Joe Biden a indiqué à Netanyahou que le retour des prisonniers israéliens vivants – même ceux qui sont des citoyens américains – était vraiment facultatif.

« Ce que je lui ai fait voir, c’est que si c’est possible, de faire sortir ces gens sains et saufs, c’est ce qu’il devrait faire. La décision leur appartient »,

a déclaré Biden.

 

La villa dans la jungle

Savoir qui est réellement responsable de la mort de civils au kibboutz de Be’eri et dans les autres colonies frontalières n’a rien d’une question historique abstraite.

La guerre génocidaire d’Israël contre Gaza a balayé jusqu’à présent quelque 14 000 Palestiniens de la surface de la terre. Dont 40 pour 100 environ d’enfants.

Les États-Unis et la plupart des gouvernements européens soutiennent à fond ce génocide.

La semaine dernière, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a visité les restes du kibboutz de Be’eri à l’occasion d’une tournée propagandiste de l’armée israélienne. En fait, il y a plusieurs décennies, le socialiste espagnol avait été volontaire dans un kibboutz.

« Rien ne justifie de tuer des femmes, des enfants, des personnes âgées ou de les enlever de leurs foyers »,

a-t-il dit.

 

L’homme qui a scandaleusement divisé la planète entre le « jardin » de l’Europe et la « jungle » du reste du monde accordait son soutien à l’entité sioniste l’autoproclamée « villa dans la jungle ».

Il n’a pas eu un regard pour les morts de Palestine, les femmes, les enfants et les personnes âgées, sans parler des hommes. Pas plus qu’il n’a mentionné les quelque 7 000 Palestiniens actuellement gardés en otages dans les prisons israéliennes, dont un grand nombre sans accusation ni procès.

La rébellion armée des Palestiniens contre leur oppression a été qualifiée de violence profanatrice, irrationnelle, plutôt que d’offensive militaire bien préparée dans la guerre palestinienne de libération.

Ils ont éclaté les règles tant du « jardin » que de la « villa ».

Haim, le père d’Or Yelin, a pris similairement ombrage de la résistance :

« Ils se déplaçaient autour de Be’eri, comme si l’endroit leur appartenait »,

a déclaré l’ancien dirigeant du conseil régional local.

Le fait que les fils de la bande de Gaza – dont 80 pour 100 des habitants sont les descendants des réfugiés de la Nakba de 1948 infligée par Israël aux Palestiniens – sont en fait les propriétaires de la terre sur laquelle il vit n’a jamais semblé l’effleurer.

Prenant la parole récemment à la télévision israélienne, un autre habitant de Be’eri a exprimé la logique génocidaire du sionisme en termes musclés.

« Je ne retournerai à Be’eri que lorsque le dernier Palestinien aura été anéanti. Je me fous de savoir si ce sont des enfants, des personnes âgées, des gens avec des béquilles qui sont venus au pillage. Je m’en fous. En ce moment, je n’ai de pitié pour personne. »

« Il n’y a que nous. Rien que nous ! »

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Cet article a bénéficié de compléments de recherches effectués par Ali Abunimah, Michael F. Brown, Tamara Nassar, Jon Elmer, Maureen Murphy et Refaat Alareer.

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Asa Winstanley est un journaliste freelance installé à Londres et qui a vécu en Palestine occupée, où il a réalisé des reportages. Son premier ouvrage : Corporate Complicity in Israel’s Occupation (La complicité des sociétés dans l’occupation israélienn e) a été publié chez Pluto Press. Sa rubrique Palestine is Still the Issue (La Palestine constitue toujours la question) est publiée chaque mois. Son site Internet est le suivant : www.winstanleys.org

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Publié le 23 novembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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