Les points forts de l’actualité de la 33e semaine du génocide à Gaza
Cette dernière semaine, les forces d’occupation israéliennes ont attaqué des zones un peu partout dans la bande de Gaza, depuis Beit Lahiya, Jabaliya et la ville de Gaza dans le nord, jusqu’à Rafah et Khan Younis, dans le sud, en passant par Deir al-Balah, dans le centre.
Nora Barrows Friedman, 24 mai 2024
Lundi, Israël a bombardé le quartier de Mashrou à Beit Lahiya, tuant au moins sept personnes alors que d’autres restaient coincées sous les décombres.
Mardi, une attaque israélienne contre le camp de réfugiés de Jabaliya « a mis des victimes en pièces », laissant « des têtes arrachées dans les rues », ont raconté des témoins et des équipes de secours à Al Jazeera.
Samedi, des travailleurs médicaux ont expliqué à Reuters que 15 Palestiniens avaient été tués et des douzaines d’autres blessés lors du bombardement de Jabaliya par Israël.
Le ministère de la santé de Gaza et le Service civil des secours ont ajouté que leurs équipes avaient reçu des douzaines d’appels concernant des victimes possibles mais qu’ils avaient été incapables d’effectuer les moindres recherches en raison de l’offensive terrestre et des bombardements aériens en cours, a rapporté Reuters.
Dans le sud, des personnes résidant à l’est de Khan Younis ont fait savoir à Reuters, mardi, qu’elles fuyaient la ville de Khuzaa après que les soldats israéliens avaient entamé une incursion dans la bordure orientale de la bande de Gaza et qu’ils avaient nivelé au bulldozer la clôture frontalière.
L’aviation israélienne a continué de pilonner des quartiers de Rafah alors que, une fois de plus, les gens avaient été forcés de se déplacer, parfois même à plusieurs reprises, au cours des quinze derniers jours.
Les Nations unies ont déclaré mardi que plus de 900 000 personnes, soit près de 40 pour 100 de toute la population de Gaza, ont de nouveau été déplacées.
Ce chiffre comprend 812 000 personnes de Rafah et plus de 100 000 dans le nord, entre le 6 et le 18 mai.
« Les personnes déplacées en provenance de Rafah cherchent actuellement refuge à Khan Younis et à Deir al Balah sur n’importe quel terrain ouvert disponible, y compris les accès aux routes et les terres agricoles, ainsi que dans des immeubles endommagés qui n’ont pas été évalués structurellement »,
ont déclaré les Nations unies.
Le passage de Rafah reste assiégé et fermé
Le passage de Rafah est resté fermé depuis le 7 mai, empêchant tout mouvement à la fois des personnes et des livraisons d’aide.
Lundi, Edem Wosornu, la directrice des opérations et du soutien au Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a pris la parole au Conseil de sécurité de l’ONU.
Elle a expliqué que la fermeture du passage de Rafah avait
« empêché l’entrée de 82 000 tonnes de marchandises, dont des vivres et des médicaments d’une importance absolue ».
Elle a ajouté que le passage de Kerem Shalom,
« qui était le principal point d’entrée de toute l’aide vitale, est resté ouvert en principe mais extrêmement difficile d’accès depuis Gaza pour les organisations humanitaires en raison des hostilités, des conditions logistiques impossibles et de la complexité des procédures de coordination ».
À propos des routes terrestres dans le nord, Mme Wosormu a déclaré que le passage d’Erez, qui a été ouvert pendant huit jours au début du mois, est de nouveau fermé depuis lors. Le passage nouvellement ouvert d’Erez-Ouest
« est désormais utilisé pour des quantités d’aide restreintes mais, aujourd’hui, des zones situées dans le voisinage de ce passage ont elles aussi reçu des ordres d’évacuation ».
« Disons-le franchement »,
a ajouté Mme Wosornu,
« les mots nous manquent pour décrire ce qui se passe à Gaza. Nous en avons parlé comme d’une catastrophe, un cauchemar, un enfer sur terre. C’est tout cela en même temps, et en pire. »
Selon des données des Nations unies, 1,1 million de personnes, soit la moitié de la bande de Gaza, sont confrontées à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire.
Le département de la santé de l’ONU a mis en garde contre une recrudescence de la malnutrition et des maladies contagieuses, dont l’hépatite A, en raison d’un
« important taux de déplacement vers des régions qui continuent de manquer de nécessités élémentaires telles l’eau et la nourriture ».
L’agence de Nations unies pour les réfugiés de Palestine, l’UNRWA, a déclaré mardi que les distributions de vivres à Rafah avaient été suspendues en raison du manque de marchandises et de l’insécurité. L’agence a ajouté que seuls 7 des 24 centres de santé de l’UNRWA étaient opérationnels.
Au cours des dix derniers jours, ces centres de santé n’ont pas reçu la moindre fourniture médicale en raison des fermetures et des interruptions aux passages de Rafah et de Kerem Shalom.
Le chef de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré mardi que
« les passages de l’Égypte vers Gaza étaient restés fermés depuis deux semaines, coupant ainsi totalement l’important canal de fournitures médicales d’urgence en direction de Gaza ».
« Partout à Gaza, l’impact des incursions et des ordres d’évacuation se fait ressentir. Six hôpitaux et neuf importants centres de santé ont été touchés. Plus de 70 refuges ont désormais perdu l’accès à leurs antennes médicales »,
a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Citant des responsables de l’ONU, Reuters rapportait lundi que non seulement les vivres et les médicaments destinés aux Palestiniens de Gaza s’étaient empilés en Égypte du fait que le passage de Rafah restait fermé, mais que les promesses faites par les responsables des États-Unis à propos de la livraison d’aide via une jetée temporaire de 320 millions de dollars, n’avaient pas été appliquées.
Le Commandement central américain s’est vanté vendredi d’avoir débuté la livraison de l’aide à partir de la jetée temporaire construite par les EU, tout en fournissant des photographies montrant des camions qui n’étaient que partiellement remplis de caisses d’aide.
Mais ces colis ont cessé d’être déchargés sur le littoral, à la date du dimanche, après que 26 camions seulement en deux jours eurent atteint la terre ferme.
L’armée américaine a déclaré que la jetée allait transporter dès le début 90 camions par jour et au moins 120 dans sa pleine capacité – ce qui ne constitue toujours qu’une fraction de ceux qui pourraient être traités aux divers passages terrestres.
Bombardements et évacuation des hôpitaux
Entre-temps, les forces israéliennes ont continué d’ordonner aux médecins, au personnel et aux patients de quitter les centres de soins de santé et les hôpitaux alors qu’elles étaient occupées à les bombarder.
Mardi, dans le nord de Gaza, des chars israéliens ont encerclé l’hôpital Kamal Adwan à Beit Lahiya, arrosant de balles et d’obus les entrées du département des urgences.
Des scènes de familles et de membres du personnel hospitalier déplacés et forcés de transporter les patients en civière le long de rues envahies de décombres et sous les tirs israéliens, ont circulé dans les médias sociaux.
Une autre vidéo montrait les patients en train de fuir l’hôpital.
Un journaliste s’est entretenu avec une jeune fille qui portait du lait pour bébé et des langes au moment où elle fuyait l’hôpital avec sa mère et un bébé – son frère ou sa sœur – dont la tête était entourée d’un bandage.
Une autre vidéo montrait des membres du personnel médical en train d’évacuer des bébés prématurés de l’hôpital Kamal Adwan sans rien pour les envelopper à part des blouses d’hôpital et d’autres pièces de vêtements.
Tedros Adhanom Ghebreyesus, le chef de l’OMS, a déclaré que l’hôpital Kamal Adwan passait pour avoir été bombardé à quatre reprises mardi,
« ce qui avait endommagé l’unité des soins intensifs, la réception, l’administration et les toitures ».
Mardi, le journaliste Anas al-Sharif s’est filmé en compagnie de ses collègues alors qu’ils se mettaient soigneusement à l’abri d’une attaque israélienne contre l’hôpital.
Vendredi, l’hôpital a été forcé de cesser de fonctionner après que des soldats israéliens ont envahi l’entrée et que des quadricoptères ont mitraillé le personnel et des personnes déplacées.
À l’hôpital al-Awda tout proche, en état de siège depuis dimanche, près de 150 membres du personnel et 22 patients et leurs proches ont été piégés à l’intérieur de l’hôpital sans eau courante ni fournitures élémentaires, a fait savoir Médecins Sans Frontières.
Les chars israéliens ont envahi le nord du camp de Jabaliya et encerclé l’hôpital al-Awda mardi, tandis que des tireurs embusqués visaient les bâtiments de l’hôpital.
Jeudi, Mohamed Salha, le directeur faisant fonction de l’hôpital, a expliqué à Al Jazeera, alors que l’on entendait nettement tirer derrière lui, que la plupart du personnel médical, des patients et leurs familles avaient été évacués, mais que lui et une douzaine d’autres personnes restaient à l’intérieur de l’hôpital – toujours sans eau, et alors que les snipers israéliens continuaient à tirer à partir des toits.
L’hôpital a été forcé de fermer vendredi, selon Médecins Sans Frontières.
J’ai demandé à la Dre Dorotea Gucciardo, une docteure canadienne qui se trouve à Rafah dans le cadre de son travail pour le Glia Project, de nous envoyer, via un message vocal, un rapport sur la situation médicale et les attaques contre al-Awda et les autres hôpitaux de la bande de Gaza. Elle nous a adressé ceci.
Un nouveau rapport traite des tortures infligées aux Palestiniens
Ce week-end, il a été rapporté qu’un Palestinien âgé, Bilal Aljamala, avait été relâché par les forces d’occupation israéliennes via le check-point militaire de Netzarim, dans la partie centrale de Gaza. Au moment de sa libération, il a reçu une balle dans le dos, alors qu’il était toujours menotté à l’aide d’attaches à glissière et il montrait en outre des traces de tortures sévères.
Les organisations palestiniennes de défense des droits font état depuis très longtemps de la torture systématique des Palestiniens par les forces israéliennes, mais de plus amples détails apparaissent par la bouche de personnes qui ont été enlevées à Gaza, enfermées et torturées dans les centres de détention israéliens au cours des huit derniers mois.
Mardi, l’organisation Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med), dont le siège est à Genève, a publié un rapport reprenant les témoignages de Palestiniens qui ont été libérés récemment de leur détention en Israël.
Leurs témoignages dans le rapport, intitulé « Otages de la revanche israélienne dans la bande de Gaza », estiment que les autorités et l’armée israéliennes
« ont commis d’horribles crimes de détention arbitraire, de disparitions forcées, de torture et de traitements inhumains et cruels à l’encontre de milliers de civils palestinien qui ont été arrêtés dans le cadre du génocide israélien dans la bande de Gaza, en cours depuis le 7 octobre 2023 ».
Le rapport s’appuie sur des déclarations, des témoignages et des interviews personnelles réalisée par Euro-Med auprès d’une centaine de détenus, dont des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées et des personnes déplacées qui ont été relâchés de la garde de l’armée israélienne suite aux opérations terrestres dans diverses parties de la bande de Gaza.
Les forces israéliennes envahissent Jénine
Mardi matin, en Cisjordanie occupée, l’armée israélienne a de nouveau lancé un raid contre Jénine et son camp de réfugiés.
Le raid s’est poursuivi pendant près de trois jours, et on rapporte que les forces israéliennes se sont retirées jeudi après-midi.
Douze Palestiniens, dont un médecin, un enseignant et au moins quatre enfants, ont été tués par Israël au cours de l’incursion. Les tirs israéliens ont blessé au moins 25 Palestiniens, dont certains très grièvement.
Les soldats israéliens ont également tiré sur des équipes d’ambulanciers – et en ont arrêté certains – qui tentaient d’atteindre et de soigner les blessés au cours du raid, et ils ont détruit les routes et les infrastructures à l’aide de leurs bulldozers blindés.
Le directeur des soins infirmiers de l’Hôpital gouvernemental de Jénine a déclaré mardi que les soldats israéliens avaient tiré sur des civils dans la cour de l’hôpital, et qu’ils avaient assiégé les rues adjacentes avant de les défoncer complètement avec leurs bulldozers.
L’organisation palestinienne de défense des droits, Al-Haq, a déclaré mercredi que des maisons avaient été démolies, que les rues étaient détruites et que tous les aspects de la vie avaient été sévèrement perturbés, à Jénine.
Pour en savoir plus, lisez le rapport de Tamara Nassar : « Un médecin, un enseignant et plusieurs enfants tués par Israël à Jénine ». (NDLR : Traduction en français ICI)
Mise en évidence de la résilience
Finalement, nous avons voulu vous apporter certaines images et vidéos émanant de journalistes à Gaza qui ne se contentent pas de renseigner inlassablement les atrocités indicibles mais qui confirment également à coup sûr, en les mettant en évidence, la résilience, l’enthousiasme et la détermination du peuple palestinien.
Le journaliste du nord de Gaza, Hossam Shabat, a pris ce selfie en compagnie de ses collègues la semaine dernière, avec, comme légende :
« Ça marche toujours aussi fort, 222 jours de couverture, nous faisons tout cela pour l’amour de notre peuple et de notre patrie. »
La journaliste Maha Hussaini a partagé cette vidéo dans laquelle elle explique que ces jeunes Palestiniens sont arrivés à Deir al-Balah pour fuir les bombardements de Rafah, mais qu’ils sont parvenus à trouver un moment pour jouer au volley-ball tout en plantant leurs tentes sur la plage.
Des enfants du nord de Gaza ont été interviewés par une journaliste locale après qu’elle les a vus rassemblés autour d’un téléphone pour écouter une nouvelle chanson, « Hind’s Hall » (La salle Hind, allusion à la salle de l’Université de Columbia rebaptisée par les étudiants propalestiniens, NdT), par l’artiste américain Macklemore.
La chanson célèbre l’intifada estudiantine dans le monde entier, et elle constitue un hommage à Hind Rajab, la fillette palestinienne de six ans de Gaza tuée par les forces israéliennes en compagnie de ses parents dans une voiture en janvier dernier.
Et l’activiste Ahmed Madhoun a partagé cette vidéo d’un homme et d’un jeune garçon travaillant ensemble pour déblayer les décombres et les débris, et posant des briques afin de reconstruire leur maison à Gaza.
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Publié le 24 mai 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine