À Jénine, Israël se sert de drones pour tuer des enfants
Jeudi 14 décembre, les forces israéliennes ont entamé leur retrait de la ville de Jénine et de son camp de réfugiés, dans le nord de la Cisjordanie occupée, suite à une offensive militaire de grande envergure qui aura duré plus de 60 heures et tué au moins 12 Palestiniens, dont 4 enfants.
12 décembre. Des Palestiniens inspectent les dégâts lors d’une incursion de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)
Tamara Nassar, 15 décembre 2023
Ç’a été l’un des raids militaires les plus longs subis par Jénine et son camp de réfugiés depuis la seconde intifada, ont rapporté les médias israéliens.
La campagne israélienne de meurtre et de destruction des infrastructures du camp de réfugiés impliquait également le lancement par l’armée israélienne de missiles à l’aide de drones et le tir par fusil de grenades antichars Energa sur au moins 10 maisons de Jénine et de son camp de réfugiés, les détruisant complètement, a rapporté l’agence d’information Wafa.
Des bulldozers de l’armée ont provoqué des dégâts considérables à Jénine et aux infrastructures de son camp de réfugiés, dont les réseaux de l’eau, de l’électricité et de l’égouttage. Les forces israéliennes ont également bombardé des commerces et un salon de coiffure, incendié et détruit des étalages de fruits et légumes et elles ont en outre saisi ou incendié un certain nombre de véhicules se trouvant dans le secteur, toujours selon l’agence Wafa.
Les forces israéliennes ont ensuite imposé un couvre-feu aux habitants, ils ont razzié des maisons habitées et les ont utilisées comme bases militaires, ont posté des snipers sur les toits de certains immeubles et opéré des arrestations massives.
« Des centaines de Palestiniens ont été arrêtés, dont certains ont été relâchés en dehors de la ville après leur interrogatoire ; on ne leur a pas permis de retourner à Jénine et ils ont été forcés de se réfugier au sein de communautés toutes proches en dehors de la ville »,
a rapporté l’organisation de contrôle OCHA.
Des douzaines de Palestiniens ont été blessés, dans cette attaque israélienne, dont au moins dix à balles réelles, selon Wafa.
L’armée israélienne a admis que sept de ses soldats, ainsi qu’un officier, avaient été blessés au cours du raid, dont certains, toujours selon l’armée, par des tirs amis de ses propres forces. Près de 1 300 soldats, réservistes et autres forces de l’armée israélienne ont participé à l’opération.
Des missiles lancés par des drones
Le raid israélien contre Jénine et son camp a même été d’une ampleur supérieure, avec plus de destructions et de morts, à celle de l’offensive militaire menée au même endroit en juillet dernier, laquelle avait été surnommée « la plus grosse opération militaire depuis la seconde intifada ».
Les forces israéliennes ont lancé des missiles à l’aide de drones contre des groupes de gens dont elle a prétendu qu’ils « jetaient des explosifs et tiraient sur les troupes [israéliennes] » – tuant de la sorte « sept terroristes », a affirmé l’armée.
Mais trois des tués lors des attaques par drone étaient des enfants.
Mardi, une frappe de drone dans le quartier al-Sibat de la ville de Jénine a tué quatre Palestiniens – dont deux enfants.
Ils s’appelaient Thaer Shadi Tabaji, 17 ans, et Rafiq Muhammad Ezqaily, 16 ans.
Rafiq « tenait prétendument une arme à feu », selon une enquête de terrain menée par Defense for Children International – Palestine (DCI-P), de même que les deux adultes tués au cours de l’attaque.
Jeudi à minuit, un missile israélien lancé par un drone a tué un adolescent de 13 ans.
Bashar Haitham Abu Zeid se trouvait en compagnie de plusieurs autres jeunes Palestiniens qui
« lançaient des bouteilles remplies d’huile de moteur sur les véhicules militaires israéliens qui passaient à leur portée »,
a déclaré DCI-P.
Un missile israélien lancé par un drone a frappé le groupe, tuant Basahr et deux autres jeunes.
« Désormais, les forces israéliennes ont pris l’habitude d’utiliser des drones aériens armés afin d’effectuer des attaques contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée »,
a expliqué Ayed Abu Eqtaish, directeur du programme de responsabilisation de DCI-P.
Le 12 décembre, au cours d’un raid, des véhicules de l’armée israélienne entrent dans le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)
« Pendant des années au cours desquelles on a vu de plus en plus les forces israéliennes tuer illégalement des enfants palestiniens en toute impunité, ces mêmes forces israéliennes multiplient désormais les tactiques en vue de mener des attaques contre les enfants dans un environnement hyper-militarisé où ce sont ces mêmes enfants palestiniens qui supportent le poids de l’agression israélienne. »
Un quatrième enfant palestinien a été tué à balles réelles au cours de l’incursion.
Un soldat israélien planqué à l’intérieur d’un véhicule lourdement blindé a tiré sur des Palestiniens se trouvant à quelque 100 mètres de là, dans une école pour filles, et qui jetaient des pierres.
Mousa Ahmad Khatib, 15 ans, a été touché par le soldat d’une balle qui lui est entrée dans la poitrine et est ressortie par le dos.
« Mousa s’est précipité au département des urgences de l’hôpital, où il s’est écroulé au sol »,
a déclaré DCI-P.
« Des dépositions de témoins prises par Médecins sans frontières (MSF) et le ministère de la santé en Cisjordanie disent qu’il a été tué par les forces israéliennes », alors qu’il se trouvait « à l’intérieur du complexe hospitalier Khalil Suliman »,
a rapporté l’OCHA des Nations unies.
Entrave aux soins de santé
Les forces israéliennes ont tiré sur une ambulance et en ont bloqué d’autres. Elles ont également assiégé un certain nombre d’hôpitaux de la zone.
Deux Palestiniens, dont un garçon de 13 ans, sont morts de n’avoir pu arriver à temps à l’hôpital afin d’y être soignés.
Le ministre de la santé de l’Autorité palestinienne a déclaré que les hôpitaux de la zone étaient soumis à une « violente attaque » des forces d’occupation israéliennes.
La Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) a dit jeudi qu’elle n’avait pas été en mesure, depuis la veille, de répondre au moindre appel émanant de l’intérieur de la ville de Jénine et de son camp de réfugiés.
Des centaines de patients rénaux se sont retrouvés sans soins à Jénine, incapables de rallier l’hôpital du fait que l’armée israélienne avait désigné certaines zones comme « zones militaires fermées », a rapporté l’agence d’information Wafa.
Outre les attaques contre les bâtiments médicaux et leur personnel, les soldats israéliens ont également profané une mosquée à Jénine et vandalisé ses murs extérieurs.
Des vidéos diffusées en ligne ont dépeint des soldats qui chantaient la fête de Hanoucca ainsi que d’autres chants dans les haut-parleurs de la mosquée, et on a pu les entendre dans toute la zone du voisinage de la mosquée.
تغطية صحفية: صور| تدنيس جنود الاحتلال لمسجد بمخيم جنين. pic.twitter.com/r82ga5dd6v
— شبكة قدس الإخبارية (@qudsn) December 14, 2023
L’armée israélienne a suggéré qu’elle allait discipliner ses soldats.
Depuis le 7 octobre, les tirs israéliens ont tué au moins 78 Palestiniens dans la ville de Jénine et son camp de réfugiés.
Les troupes israéliennes ont tué au moins 266 Palestiniens en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre et huit autres ont été tués par des colons, a rapporté l’OCHA, l’organisation de contrôle des Nations unies.
Ceci constitue plus de la moitié de tous les meurtres israéliens dans la région depuis le début de l’année.
L’an 2023 touche à sa fin et aura été pour les Palestiniens de la Cisjordanie occupée l’année la plus meurtrière depuis 2005, l’année où l’office de contrôle des Nations unies s’est mis à enregistrer de telles données.
Les forces israéliennes ont blessé plus de 3 500 Palestiniens en Cisjordanie, depuis le 7 octobre, et plus de 540 étaient des enfants.
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Publié le 15 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
