L’offensive israélienne contre Jénine entre dans son troisième jour et a tué dix Palestiniens

Un raid israélien meurtrier et à grande échelle contre la ville de Jénine et son camp de réfugiés, dans le nord de la Cisjordanie occupée, entrait dans sa troisième journée ce jeudi.

Ce 13 décembre, des membres de la famille Baajawi inspectent leur maison, vilainement endommagée la nuit précédente lors d’un raid de l’armée israélienne contre Jénine, en Cisjordanie occupée.

Ce 13 décembre, des membres de la famille Baajawi inspectent leur maison, vilainement endommagée la nuit précédente lors d’un raid de l’armée israélienne contre Jénine, en Cisjordanie occupée. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

 

Tamara Nassar, 14 décembre 2023

Dans un communiqué de propagande, l’armée israélienne affirmait qu’elle avait entamé le raid dès les premières heures de mardi en compagnie du Shin Bet et d’autres forces opérant sous le commandement de la Division Menasha, un sous-groupe de l’armée israélienne actif au cours des Première et Seconde Intifadas et qui se concentre sur les villes de Jénine et de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie occupée.

Cette opération de l’armée israélienne est toujours en cours au moment de la rédaction du présent article.

Au moins dix Palestiniens ont été tués lors de l’attaque israélienne et bon nombre d’autres ont été blessés lorsque les forces israéliennes ont poursuivi leurs opérations par des attaques aériennes dans le camp de réfugiés de Jénine, détruisant des infrastructures et mitraillant des Palestiniens.

Les forces israéliennes ont fait irruption dans des maisons et, dans certains cas, les ont utilisées comme bases militaires. Elles ont également arrêté nombre de Palestiniens.

L’armée israélienne a également assiégé la partie orientale de la ville, bloquant les entrées et les routes au moyen de véhicules blindés et de bulldozers.

Mardi, quatre Palestiniens dont un enfant ont été tués au moment où l’armée israélienne effectuait une frappe par drone dans le quartier d’al-Sibat, à Jénine.

L’armée israélienne a partagé des prises de vue de cette frappe sur Twitter/X, disant qu’elle avait identifié « une équipe » qui tirait sur des hommes et qu’à son tour elle avait frappé le groupe à partir d’un avion israélien, tuant « un certain nombre de terroristes », mais ignorant la mort d’un enfant.

La vidéo montre quelqu’un qui lancé quelque chose vers les forces d’occupation, sans doute un engin explosif, encore qu’on ne puisse être sûr qu’il s’agit d’un des hommes visés par la frappe :

Le missile a tué Thaer Shadi Tabaji, 17 ans.

Il était là avec trois Palestiniens armés quand les forces d’occupation israéliennes ont lancé le missile qui allait les tuer tous les quatre, selon une enquête sur le terrain effectuée par Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

Thaer présentait des blessures par éclats et des brûlures sur tout le corps, a déclaré DCI-P.

 

Les forces israéliennes ont également tiré à l’aide de fusils des grenades Energa antichars sur plusieurs maisons de Jénine et de son camp de réfugiés, provoquant des dégâts et des destructions considérables. L’agence d’information Wafa a fait état de ces dégâts en citant des sources sécuritaires et locales.

Wafa a également rapporté que des travailleurs civils s’étaient vu interdire l’accès aux maisons qui avaient pris feu dans le camp.

Une maison au moins a été complètement détruite lorsqu’elle a été bombardée, a déclaré DCI-P.

Les frappes de drones israéliennes en Cisjordanie occupée ont tué dix enfants palestiniens en 2023, alors qu’Israël a utilisé un hélicoptère Apache de fabrication américaine pour lancer des missiles qui ont tué quatre enfants. Une frappe d’un avion de combat israélien a tué un enfant de plus en Cisjordanie, pendant ce temps.

Des soldats israéliens ont assiégé les trois principaux hôpitaux de la ville, empêchant des ambulances de les atteindre.

Les forces israéliennes ont également entravé les mouvements de paramédicaux et ont effectué des fouilles complètes des ambulances au cours du raid, mercredi matin.

Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré avoir reçu des appels d’aide médicale, mais les équipages des ambulances ont été empêchés d’atteindre leurs destinations du fait des obstructions permanentes de l’armée israélienne, malgré l’instauration d’une « coordination préalable ».

L’organisation médicale a rapporté « une pénurie sévère de lait et de pain pour nourrissons » chez des douzaines de Palestiniens dont les maisons sont toujours occupées par le personnel militaire israélien qui les empêche d’en sortir.

 

De la fumée s’élève d’un bâtiment lors d’un raid israélien contre Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée, le 13 décembre.

De la fumée s’élève d’un bâtiment lors d’un raid israélien contre Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée, le 13 décembre. (Photo : Mohammed Nasser / APA images)

 

Deux autres Palestiniens sont morts après qu’Israël les a empêchés d’accéder aux soins médicaux et d’être hospitalisés lors du raid. Il s’agissait d’un Palestinien adulte qui avait reçu une balle dans la cuisse et d’un adolescent de treize ans qui avait été malade.

Ahmad Muhammad Sammar avait été malade à son domicile. Son père avait tenté de l’emmener à l’hôpital gouvernemental de Jénine, mais l’armée israélienne l’avait forcé à rebrousser chemin à plusieurs reprises.

 

« Quand Ahmad et son père ont été à quelque 500 mètres de l’hôpital, les forces israéliennes ont arrêté la voiture et les ont forcés tous deux à sortir. Le père d’Ahmad l’a porté en marchant jusqu’à l’hôpital et y est arrivé vers 10 h 30 du matin ; là, les médecins ont déclaré qu’Ahmad était mort. »

L’impunité dont jouit Israël quand il attaque des hôpitaux de la bande de Gaza semble avoir créé un précédent qui s’étend également à la Cisjordanie occupée, où l’armée israélienne a pris l’habitude d’empêcher les Palestiniens d’accéder aux sites médicaux. Elle attaque même les hôpitaux, désormais, au cours de ses raids en Cisjordanie.

Une autre prise de vue montre un véhicule blindé israélien progressant vers des journalistes qui couvrent le raid et que l’on voit ensuite tenter de s’en aller :

 

Les soldats israéliens ont envahi une mosquée de Jénine, durant la campagne.

Les forces d’occupation ont également effectué un raid contre le Théâtre de la Liberté et elles ont ouvert le feu. Les soldats israéliens ont saccagé les bureaux et défoncé un mur séparant un de ces bureaux de la maison d’un voisin.

« Des heures durant, les Israéliens sont restés dans les bureaux et on pouvait entendre des coups de marteau et des détonations »,

ont expliqué les gens du théâtre. À l’issue du raid, qui a laissé des dégâts considérables dans le théâtre, l’armée a arrêté son directeur artistique et son producteur.

 

« Les bulldozers de l’armée israélienne ont détruit des infrastructures civiles du camp de Jénine ainsi que plusieurs quartiers de la ville »,

a fait savoir DCI-P.

L’armée israélienne a en outre prétendu avoir découvert des armes enterrées sous certaines routes, au cours du raid.

L’armée occupante affirme également avoir arrêté des centaines de Palestiniens, durant l’opération, razzié des centaines de bâtiments et confisqué des armes.

Les médias locaux ont diffusé des prises de vue de ce qui s’avère être des arrestations massives de Palestiniens :

 

L’armée israélienne a admis qu’au moins quatre de ses soldats avaient été blessés par des éclats dont elle prétend qu’ils provenaient d’explosifs. Par ailleurs, elle reconnaît que certains de ses hommes ont été blessés par des tirs amis.

Une vidéo publiée par les médias locaux montre un soldat israélien touché par balle à la jambe :

 

Un enfant frappé par une balle dans la tête

La semaine dernière, les forces israéliennes ont tué six Palestiniens au cours d’un raid militaire dans le camp de réfugiés de Fara, près de Tubas.

Les forces spéciales israéliennes se sont faufilées dans le camp de réfugiés de Fara à bord de véhicules portant des plaques d’immatriculation palestiniennes.

Plusieurs snipers israéliens ont alors pris position sur le toit d’un centre médical géré par l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, alors que les troupes israéliennes razziaient les maisons des habitants et arrêtaient des Palestiniens.

Peu après, les résidents du camp ont détecté la présence du contingent occupant entré en secret et des Palestiniens armés ont résisté à l’invasion israélienne au cours des confrontations qui ont suivi.

D’autres forces israéliennes – quinze véhicules blindés et un bulldozer de l’armée – sont arrivées dans le camp et l’ont bouclé complètement.

Maher Abdullah Jawabra, 14 ans, était débout sur le toit de la maison de son cousin en compagnie de celui-ci et d’un ami, quand un sniper israélien planqué sur le toit du bâtiment médical de l’UNRWA a ouvert le feu sur eux, blessant l’adolescent et son cousin.

Les forces israéliennes ont menacé les ambulances palestiniennes « à bout portant et les ont empêchées de fournir de l’aide » pendant plus d’une heure, selon une enquête de terrain de DCI-P.

 

Maher et son cousin ont finalement été transférés en toute hâte dans un hôpital voisin quand les forces israéliennes ont quitté le camp, mais les deux jeunes ont été déclarés morts à leur arrivée.

Soixante-dix enfants palestiniens ont été tués en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre, selon les renseignements collectés par DCI-P. En 2023, les forces et colons israéliens ont tué au moins 110 enfants palestiniens en Cisjordanie occupée.

Une vidéo du même raid contre Fara a été prise au moment même où les forces israéliennes ont abattu un Palestinien, lui ont ensuite tiré à nouveau dessus alors qu’il était allongé sur le sol, incapable de faire quoi que ce soit.

 

Cette vidéo montre Rami al-Aboushi s’enfuir en courant jusqu’au moment où, manifestement, il est touché par une balle et s’effondre au sol. On ne voit ensuite gisant par terre, blessé et incapable de se relever malgré ses efforts.Un véhicule blindé israélien s’approche ensuite très près de lui, toujours couché. Un soldat israélien ouvre la porte du véhicule et vide son chargeur sur Rami al-Aboushi, le tuant net.

 

L’année la plus meurtrière

L’année 2023 se termine et elle aura été pour les Palestiniens de Cisjordanie occupée la plus meurtrière depuis que le bureau de surveillance de l’ONU s’est mis à enregistrer ce type de données en 2005.

Depuis le 7 octobre, au moment où Israël a lancé sa campagne de mort et de destruction dans la bande de Gaza, suite à l’opération militaire du Hamas, l’organisation de résistance palestinienne, le long de la frontière et contre les colonies du sud d’Israël – un territoire qui a vu le nettoyage ethnique des Palestiniens en 1948 – l’armée d’occupation a intensifié ses attaques meurtrières contre les Palestiniens et leur résistance armée en Cisjordanie.

Israël a pris l’habitude de mener des raids militaires prolongés dans les villes, localités et camps de réfugiés de Cisjordanie, surtout dans le nord. Souvent, les raids militaires israéliens comprennent des attaques hautement destructrices contre les infrastructures, avec l’emploi de bulldozers pour endommager les réseaux de distribution d’eau et d’électricité, ainsi que les routes, ce qui se traduit par des dégâts partout dans les rues, des destructions d’habitations et de zones commerçantes en ces endroits.

L’armée israélienne a également effectué des attaques aériennes en Cisjordanie occupée, une pratique qu’elle a remise au goût du jour depuis la seconde intifada il y a une vingtaine d’années.

Les troupes israéliennes ont tué plus de 260 Palestiniens en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre et huit autres ont été tués par des colons, a rapporté l’organisation de surveillance OCHA, de l’ONU.

Cela constitue plus de la moitié des homicides israéliens dans la région depuis le début de l’année.

Les forces israéliennes ont blessé près de 3 500 Palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Plus de 540 d’entre eux sont des enfants.

Malgré l’intensification des attaques et raids meurtriers des forces israéliennes en Cisjordanie, la résistance armée continue à opérer sans relâche et sans répit, et deux nouvelles organisations de résistance armée se sont constituées à Tulkarem en moins d’un an.

*****

Publié le 14 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...