Un général israélien a tué des Israéliens le 7 octobre et a ensuite menti à ce propos
Une vidéo et des témoignages récemment publiés par les médias israéliens révèlent de nouveaux détails sur la façon dont les forces israéliennes ont tué leurs propres civils au kibboutz de Be’eri, le 7 octobre.
Ali Abunimah et David Sheen, 24 décembre 2023
La semaine dernière, Channel 12, une chaîne israélienne, a diffusé des prises de vue inédites montrant un char israélien qui tire sur une maison civile de la colonie, à quelques milles à peine à l’est de Gaza.
Cette nouvelle preuve montre que le commandant israélien sur les lieux, le général de brigade Barak Hiram, a bel et bien menti à un important journaliste israélien sur ce qui s’est passé au kibboutz ce jour-là, après que les combattants de la résistance palestinienne avaient lancé depuis Gaza une offensive à grande échelle contre les bases militaires et colonies israéliennes situées juste au-delà de la frontière.
Cela constitue une tentative de dissimulation de la part d’un officier supérieur de l’armée et ce, avec la complicité des médias.
Mais, bien loin d’en être tenu responsable, Hiram n’a pas tardé à assumer son nouveau rôle de commandant de la Division Gaza, la brigade de l’armée israélienne qui a été mise en déroute par les forces palestiniennes le 7 octobre.
Hiram réside à la colonie de Tekoa, construite en violation des lois internationales près de la ville de Bethléem, en Cisjordanie occupée.
Dans une interview réalisée le 26 octobre par Ilana Dayan, l’animatrice de la prestigieuse émission d’enquête Uvda sur Channel 12, Hiram y est allé d’un compte rendu falsifié des efforts en vue de venir au secours des civils à Be’eri.
Il a également forgé de toutes pièces une propagande d’atrocités, prétendant que les combattants palestiniens avaient ligoté et exécuté de sang-froid dix civils du kibboutz, dont huit enfants.
Ces espèces d’histoires à sensation – amplifiées par les dirigeants israéliens et relayées directement vers la Maison-Blanche et les médias mondiaux – ont joué un rôle direct en stimulant le soutien des gouvernements et du public de l’Occident à la réponse génocidaire d’Israël.
L’interview de Hiram par Dayan a été diffusée plus de dix jours après que Yasmin Porat avait livré son propre témoignage à la radio nationale israélienne – un récit très différent de celui de Hiram et bien moins flatteur pour les forces israéliennes.
Porat faisait partie d’une quinzaine de civils retenus par les combattants palestiniens dans la maison sur laquelle a tiré le char qu’on aperçoit dans la nouvelle vidéo, la maison de Pessi Cohen, un habitant du kibboutz Be’eri, qui a lui aussi perdu la vie en cet endroit.
Dans son interview du 15 octobre à la radio israélienne et qui est devenue virale après sa traduction par The Electronic Intifada, Porat décrivait comment elle et son compagnon Tal Katz se trouvaient à la rave party Supernova quand des tirs de roquettes venus de Gaza avaient été déclenchés tôt le matin du samedi 7 octobre.
Les deux étaient remontés dans leur voiture et s’étaient éloignés en direction de Be’eri, où ils avaient frappé à la porte des résidents du kibboutz Adi et Hadas Dagan.
Ils s’étaient cachés en compagnie des Dagan jusqu’au moment où les combattants palestiniens les avaient découverts et les avaient emmenés vers une autre maison toute proche où d’autres civils encore étaient retenus par plusieurs douzaines de combattants du Hamas.
Des rapports hâtifs avaient établi par erreur que ces événements avaient eu lieu dans le réfectoire du kibboutz.
Dans la maison de Pessi Cohen, explique Porat, les combattants palestiniens avaient traité la grosse douzaine de civils israéliens « avec humanité » et les avaient assurés qu’il ne leur serait plus fait aucun mal.
Les Palestiniens leur avaient donné de l’eau et leur avaient permis de sortir sur la pelouse afin d’échapper à la chaleur.
Selon Porat, les combattants voulaient que les autorités israéliennes, dont ils pensaient qu’elles se massaient déjà dans le secteur, leur assurent un retour en toute sécurité à Gaza, où elles auraient pu alors relâcher les civils à la frontière.
Les requêtes des combattants avaient été transmises à Porat via Suhayb al-Razim, un conducteur de minibus palestinien de Jérusalem-Est occupée, qu’ils avaient également capturé et forcé à leur servir de traducteur en hébreu.
Al-Razim avait été fait prisonnier un peu plus tôt dans la journée alors qu’il transportait dans les deux sens des participants à la rave party Supernova, soit que ces personnes s’y rendaient, soit qu’elles en revenaient.
Parlant au nom des combattants palestiniens, Porat avait appelé la police israélienne afin que les hommes du commando puissent négocier leur sortie.
Après de nombreux échanges téléphoniques avec la police, les otages et leurs ravisseurs attendaient l’arrivée des forces israéliennes. Quand celles-ci avaient finalement atteint la maison de Pessi Cohen, elles s’étaient mises à tirer sans sommation, avait dit Porat.
Tués par leur propre camp
« Nous étions dehors et, brusquement, il y a eu une volée de balles dans notre direction en provenance de [l’unité israélienne] YAMAM. Nous nous sommes tous mis à courir pour nous mettre à l’abri »,
avait déclaré Porat sur Channel 12.
Pendant la fusillade qui a suivi, un commandant palestinien, identifié plus tard comme Hasan Hamduna, a négocié sa propre reddition avec les forces israéliennes. Elles lui ont dit de se dévêtir et de sortir avec Porat.
Quand ils sont sortis, Porat a demandé aux Israéliens qu’ils cessent de tirer, ce qu’ils ont fait. Puis elle a vu plusieurs résidents du kibboutz affalés sur le sol – des gens qui, à une exception près, n’allaient pas tarder à mourir.
Quand on lui a demandé s’il était possible que les forces israéliennes les aient tués, Porat a répondu :
« Sans aucun doute ! »
« Elles ont éliminé tout le monde, y compris les otages. Parce qu’il y avait de très, très lourds tirs croisés »,
a dit Porat.
« J’ai été libérée approximativement à 17 h 30. Les combats ont pris fin, apparemment, à 20 h 30. Après ces tirs croisés insensés, deux obus de char ont été tirés dans la maison. »
Parmi ceux qui avaient été tués par les obus de char, il y avait Adi Dagan et Tal Katz, le compagnon de Porat.
Hadas Dagan a été blessée, mais elle a survécu – la seule Israélienne, hormis Porat, à être sortie vivante de l’affrontement.
Dans une autre interview donnée le mois dernier, Porat a révélé que, selon Hadas Dagan, le tir d’obus du char avait également tué Liel Hatsroni, une fille de 12 ans dont les propagandistes israéliens ont prétendu qu’elle avait été exécutée par les Palestiniens.
Un peu plus tôt ce mois-ci, Hadas Dagan donnait sa première interview, confirmant les éléments clés du récit de Porat.
L’interview fait partie d’un reportage d’une demi-heure de Channel 12, diffusé le 9 décembre et qui met également en scène Porat ainsi que des proches d’autres captifs israéliens tués au cours du même incident.
« Il est évident que cet incident présente un dilemme moral très lourd. Je ne veux pas que quelqu’un s’empare de l’histoire chargée de ce dilemme moral particulièrement difficile pour pointer un doigt accusateur vers l’armée »,
explique Dagan quand elle identifie la cause immédiate de la mort de son mari.
« Pour moi, il est très clair que moi et Adi avons été blessés par un éclat d’obus du char, parce que la chose est arrivée exactement au même moment. »
Elle décrit l’expérience horrifiante d’avoir vu son mari se vider de son sang sur elle, par une entaille de plusieurs centimètres de long dans le cou, jusqu’au moment où il avait cessé de bouger.
« Je suis furieuse. Je suis très furieuse. Je suis furieuse parce que nous avons été abandonnés, nous avons été trahis, nous avons été laissés seuls, seuls, seuls pendant tant de longues heures »,
avait-elle dit.
« Adi, finir sa vie ainsi, de cette façon, complètement broyé… »
« Soudain, j’ai vu un char »
Une vidéo prise plus ou moins au niveau du sol montre un char qui traverse le kibboutz le 7 octobre, alors que des prises de vue aériennes prises par un hélicoptère israélien montrent un char tirant un obus sur la maison de Pessi Cohen à 17 h 33. Les soldats israéliens présents ont décrit ce tir comme un coup de semonce.
Ce char, ensuite, a subi des dégâts, peut-être infligés par une roquette RPG (grenade antichar manuelle) tirée par les combattants du Hamas depuis l’intérieur de la maison.
« Après cela, le char a été endommagé et un autre char est arrivé et il a achevé la mission »,
a rapporté Channel 12.
Dans le reportage du 9 décembre, Hadas Dagan confirme le récit de Yasmin Porat sur les longues négociations avec les combattants palestiniens avant que les forces israéliennes n’arrivent et ne se mettent à tirer.
Channel 12 a réalisé un clip sonore à partir des appels téléphoniques de Porat dans lesquels elle-même, les deux jumelles israéliennes de 12 ans Liel et Yanai Hatsroni et le commandant palestinien Hasan Hamduna, s’adressent aux services d’urgence.
Hamduna dit à l’officier israélien qu’il veut que l’armée garantisse leur passage vers Gaza, prétendant que les Palestiniens détiennent quelque 50 Israéliens.
Comme l’a expliqué Porat, Hamduna avait délibérément exagéré le nombre d’Israéliens retenus, apparemment dans une tentative en vue de forcer la police et l’armée à traiter la situation avec plus d’urgence.
Après que Hamduna s’était rendu avec Porat, il existe une vidéo de lui en garde à vue chez les Israéliens, nu, les yeux bandés, menotté, appelant ses camarades à se rendre aussi, leur disant à l’aide d’un mégaphone que les Israéliens allaient les traiter avec humanité et soigner leurs moindres blessures.
Alors que se poursuivait cette tentative en vue de raviver les négociations, il y avait une fusillade incessante dans les deux sens, a expliqué Porat à la chaîne nationale de télévision Kan, le 6 décembre.
Finalement, un deuxième char israélien est apparu, apparemment dirigé par le commandant de bataillon blindé le lieutenant-colonel Salman Habaka, qui allait être tué quelques semaines plus tard à Gaza.
« Moi-même, je suis arrivé à Be’eri et j’ai adressé un rapport au général de brigade Barak Hiram »,
avait déclaré Habaka dans une vidéo produite par l’armée israélienne dans les jours qui avaient suivi la bataille de Be’eri.
« La première chose qu’il me demande : tirer un obus dans la maison. »
Invité par une chaîne des médias sociaux israéliens à livrer un récit de la façon dans il
« était parvenu à sauver une famille »,
Habaka n’a rien pu proposer.
Au lieu de cela, il a dit que sa mission était de « situer et d’éliminer les terroristes » et si on les trouvait à l’intérieur,
« nous détruisions les terroristes avant d’envoyer l’infanterie à l’intérieur afin de faire sortir les gens ».
Immédiatement, l’arrivée de tout cet armement avait accru les craintes de Porat.
« Soudain, j’ai vu un char »,
a-t-elle dit à Kan.
« Je me souviens, j’ai dit à l’un des policiers : ‘Quoi ? Vous allez tirer un obus de char ? Il y a des otages, à l’extérieur ! »
« Et il me répond : ‘Non, c’est uniquement pour faire en sorte que les unités soient à même de pénétrer dans la maison, ils abattent les murs’ »,
a ajouté Porat.
Mais ce n’étaient pas les seules armes lourdes utilisées par les forces israéliennes à Be’eri.
Les organes des médias traditionnels du monde entier ont diffusé des prises de vue de ce qui s’est passé après dans le kibboutz, où des rangées entières de maisons ont été réduites à l’état de décombres.
Mais personne n’a posé la question pourtant évidente : Comment les combattants du Hamas, armés de leurs seuls fusils d’assaut AK-47 et de quelques grenades RPG, auraient-ils pu occasionner de tels dégâts ?
La réponse, évidemment, c’est qu’ils n’ont pas été les seuls à le faire. La télévision nationale israélienne a rapporté qu’en plus des chars, les forces israéliennes avaient utilisé des hélicoptères de combat dans leur contre-offensive de reconquête de Be’eri.
Deux vétérans de l’Unité 669 de secours tactique, une unité d’élite de l’armée israélienne, qui s’étaient portés volontaires le 7 octobre, ont expliqué ce mois-ci à Kan ce qu’ils avaient vu à Be’eri.
Israeli volunteer saw Apache helicopter fire into Kibbutz Be’eri on October 7
Evidence continues to amass that the Israeli military destroyed its own settlements and killed citizens, but army brass refuses to investigate.
Full story: https://t.co/vMMAmu8WWg
By @dancohen3000 pic.twitter.com/8S9x0rte6e
— Uncaptured News (@UncapturedNews) December 14, 2023
« Telle était la situation : Vous vous trouvez dans un kibboutz de l’État d’Israël, où nous emmenons les enfants faire du vélo le week-end. À chaque seconde, un missile vous tombe dessus. À chaque minute »,
dit Erez Tidhar, l’un des volontaires.
« Brusquement, vous voyez un missile de l’hélicoptère qui tombe à l’intérieur du kibboutz. »
« Un hélicoptère des FDI qui tire sur un kibboutz israélien », a
joute Tidhar, consterné,
« puis vous voyez un char qui dévale les allées du kibboutz, en tirant au canon et en lançant un obus dans une maison. Ce sont des choses qu’on ne peut pas vraiment comprendre. »
Tidhar, c’est bien connu, est le chef du directorat de la cybersécurité nationale d’Israël.
Les hélicoptères israéliens Apache, de fabrication américaine, étaient déjà connus pour avoir été déployés en grands nombres dans la région, le 7 octobre, tirant d’énormes quantités de missiles Hellfire dévastateurs et d’obus explosifs, qui ont tué des Palestiniens et, en même temps, des civils israéliens.
Cette puissance de feu particulièrement acharnée a brûlé si intégralement des centaines de personnes que, des semaines durant, les autorités israéliennes n’ont pu dire s’il s’agissait de combattants palestiniens ou de civils israéliens.
La confusion a amené Israël à ramener son nombre de morts à 1 200 le 10 novembre, quand le principal porte-parole du gouvernement israélien, Mark Regev, a admis que 200 des morts qu’il avait initialement comptés comme israéliens étaient en fait des combattants palestiniens.
« L’autorisation de tirer »
Mais ce n’est pas ainsi que Barak Hiram, le général de brigade qui était sur les lieux, décrit les événements de Be’eri.
Hiram se décrit lui-même comme traversant héroïquement une situation chaotique, assumant le commandement, livrant bravement bataille aux terroristes et secourant les otages civils.
Il raconte également des histoires d’atrocités dénoncées comme des mensonges dans les récits des deux survivantes, Yasmin Porat et Hadas Dagan.
« Samedi matin, quand nous avons compris qu’une invasion avait lieu dans la zone autour de Gaza, bien des soldats et d’anciens soldats venus de partout en Israël se sont rassemblés pour vaincre les terroristes et sauver les familles israéliennes dans leurs foyers »,
a raconté Hiram à i24News (Israël) le 11 octobre.
Vidéo : « L’officier israélien ment à propos des événements du 7 octobre au kibboutz de Be’eri »
https://www.youtube.com/watch?v=CQNQDlMYvo0
Deux semaines plus tard, il s’étendait sur sa version dans son interview du 26 octobre réalisée par Ilana Dayan, de Channel 12.
« À un moment donné, Nissim Hazan est arrivé lui aussi ; c’était un commandant de brigade de ma division »,
explique Hiram.
À l’instar de Hiram, Hazan vit lui aussi dans une colonie en Cisjordanie occupée.
« Il est arrivé comme commandant de char à bord d’un seul char qu’il était parvenu à remettre en état de fonctionnement après qu’il avait été endommagé, et il a été notre premier char à l’intérieur de la colonie »,
déclare Hiram.
« Et je lui ai donné l’autorisation de tirer au mortier sur les structures, tout simplement pour arrêter les terroristes »,
ajoute Hiram.
Parlant de la situation des otages, Hiram dit qu’alors qu’une unité de commando israélienne, connue sous le nom de YAMAM, « purifiait » l’un des quartiers, « l’un des citoyens est parvenu à s’enfuir des bâtiments ».
Il s’avère qu’il s’agit d’une allusion à la sortie négociée de Porat de la maison Cohen en compagnie du combattant palestinien Hasan Hamduna.
« Et cela crée une sorte de dynamique ou de sentiment que les terroristes sont barricadés là, à l’intérieur du bloc [de maisons] et qu’ils pourraient être disposés à parler ou quelque chose de ce genre »,
se souvient Hiram.
Une équipe spéciale de négociateurs est arrivée sur les lieux et a essayé de communiquer avec les combattants à l’intérieur, selon Hiram.
Les distorsions et les mensonges de Hiram
Jusque-là, le récit de Hiram correspond plus ou moins à celui de Porat mais, dès ce moment, avec la complicité d’Ilana Dayan, il dérape dans la distorsion et la fiction pure et simple.
« Répondent-ils ? »
demande Dayan à propos des efforts en vue de négocier.
« Ils nous répondent avec une roquette RPG »,
dit Hiram.
« À ce stade, j’autorise le commandant de la force YAMAM sur place à faire irruption à l’intérieur et à tenter de sauver les citoyens piégés dans ces bâtiments »,
prétend Hiram.
« Ainsi l’équipe de YAMAM mène un combat vraiment héroïque, là, et elle charge à l’intérieur »,
enjolive Hiram.
« Reste-t-il le moindre espoir qu’il y ait toujours des otages à sauver ? »
« Je pense que, dans ce bloc, il y avait environ 20 citoyens et je pense que l’équipe YAMAM est parvenue à en sauver quatre »,
affirme Hiram.
« Tous les autres ont été assassinés »,
dit Dayan.
« Tous les autres ont été assassinés de sang-froid »,
répond Hiram.
« Et, là, nous avons trouvé huit enfants liés ensemble et abattus, un couple, mari et femmes, liés ensemble aussi et abattus. »
Des mensonges horribles perçus à Washington
Le récit de Hiram est sans doute la source des affirmations du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, transmises directement au président américain Joe Biden dans la foulée, et disant qu’ils
« avaient pris des douzaines d’enfants, les avaient liés, brûlés et exécutés ».
Le journal israélien Haaretz a démystifié l’allégation, rapportant au début de ce mois qu’
« il n’y a pas de preuve que des enfants de plusieurs familles ont été assassinés ensemble ».
C’est également vrai pour les familles tenues en otage à la maison de Pessi Cohen, comme l’ont confirmé les seules captives à l’avoir quittée vivantes.
Hadas Dagan n’a jamais prétendu que les otages avaient été liés et Yasmin Porat a fait remarquer dans une interview avec Channel 12, le 12 octobre, que son compagnon Tal Katz, également tué par le tir d’obus du char, était la seule personne de leur groupe de 15 otages dont les mains avaient été liées par les combattants du Hamas.
Dagan n’a jamais prétendu qu’il y ait eu des exécutions et Porat a insisté en disant qu’il n’y en avait pas eu du tout.
Dans le même interview du 12 octobre, Porat a déclaré que, bien que les combattants palestiniens aient tous eu des armes chargées, elle ne les avait jamais vus abattre des captifs ni les menacer de leurs armes.
« Ils ne nous ont pas brutalisés. Ils nous ont traités avec beaucoup d’humanité »,
a déclaré Porat dans sa plus célèbre interview à la radio, trois jours plus tard, avec Kan.
« J’entends par là qu’ils veillaient sur nous. De temps à autre, ils nous donnaient quelque chose à boire. Quand ils voyaient que nous étions nerveux, ils nous calmaient »,
avait-elle ajouté.
« C’était très effrayant, mais personne ne nous a traités avec violence. Par bonheur, rien ne m’est arrivé qui ressemblait à ce que j’ai entendu dans les médias. »
Qui plus est, ni Porat ni Dagan n’ont jamais mentionné – et aucune vidéo n’a jamais fait surface à ce propos – que des commandos israéliens avaient forcé l’entrée de la maison dans une tentative en vue de sauver les captifs.
Et, contrairement au récit de Hiram, il y avait bel et bien eu des négociations – comme l’avait décrit Porat.
Quelques jours après que Channel 12 avait publié son interview de Hiram, Channel 13 avait diffusé des enregistrements d’appels aux services d’urgence au cours desquels les combattants palestiniens avaient cherché à négocier leur retour en sécurité à Gaza.
Un compte rendu des événements de Be’eri publié dans The New York Times le 22 décembre montre également un Hiram pressé de recourir à la force, même si d’autres officiers estimaient que des négociations auraient pu produire de meilleurs résultats.
« Comme le crépuscule approchait, le commandant du SWAT [unité de commandos] et le général Hiram ont commencé à discuter »,
rapporte le Times reports.
« Le commandant du SWAT pensait qu’un plus grand nombre de kidnappeurs allaient se rendre. Le général, lui, voulait que la situation soit résolue avant la tombée de la nuit. »
« Quelques minutes plus tard, les activistes ont lancé une grenade au lance-fusée, prétendent le général et d’autres témoins’,
peut-on lire dans le journal.
« Les négociations sont terminées »,
se souvint d’avoir dit Hiram au commandant de char, selon le Times.
« Foncez dans le bazar, même si cela doit entraîner des pertes civiles. »
Au lieu d’avoir sauvé quatre personnes comme il le prétendait devant Ilana Dayan, avec son ordre de tirer des obus de char sur la maison, Hiram a fait en sorte que tout le monde, sur le champ de bataille, hormis Hadas Dagan, a été tué, et qu’au moins trois autres – Liel Hatsroni, sa tante et Ayala Hatsroni ainsi que Suhayb al-Razim – ont pour ainsi dire été complètement brûlés sur place.
Les proches réclament une enquête
Les proches des personnes tuées à Be’eri se posent des questions sur ce qui est arrivé à leurs êtres chers et ils prennent note des mensonges de Hiram.
« Nous collectons des bouts et des éléments d’information, personne ne nous parle normalement »,
déclare Naama Ben Ami, dont la mère Hava a été tuée à Be’eri.
« Nous ne savons pas vraiment ce qui s’est passé ici. »
Ben Ami et d’autres proches des victimes ont été interviewés au milieu des ruines de Be’eri, au cours de ce même reportage de Channel 12, le 9 décembre, dans lequel Hadas Dagan avait pris la parole pour la première fois.
« Je pense qu’il y a un tas de questions opérationnelles dérangeantes, ici »,
déclare Omri Shifroni, neveu d’Ayala Hatsroni et cousin des jumelles de 12 ans que cette dernière élevait, Liel et Yanai Hatsroni, qui ont péri toutes les deux dans le bain de sang de Be’eri.
« Comment sont-ils arrivés là ? Quand ont-ils ouvert le feu ? Qui a tiré ? Je ne sais pas d’où provenaient les tirs qui les ont tuées »,
déclare Shifroni.
Il fait ensuite allusion directement aux affirmations de Hiram lors de son interview par Dayan.
« Il n’en avait aucune idée ! »,
dit Shifroni du général de brigade.
« Même quand il parlait, et c’était deux semaines après [les événements du 7 octobre], il n’avait pas la moindre idée de ce qui s’était passé ici. Pas la moindre idée – parce que ce n’était pas la vérité ! »
« C’est une chose sur laquelle il faut enquêter »,
dit Sharon Cohen, la belle-fille de Pessi Cohen.
« Il le faut ! »
Ils parlaient spécifiquement de leur propre famille, mais ce qui s’est passé au kibboutz de Be’eri n’avait rien d’un incident isolé au cours duquel Israël a tué ses propres citoyens, que ce soit par incompétence inconsidérée ou à dessein.
La vérité finit par apparaître
Jusqu’à présent, la vérité n’a filtré qu’au compte-gouttes.
En novembre, une source de la police israélienne admettait que des hélicoptères de l’armée avaient tiré sur des civils de la rave party Supernova – la fameuse nuit de danse dans le désert, près de Be’eri, à laquelle avaient assisté Yasmin Porat et son compagnon.
Nof Erez, un colonel des forces aériennes d’Israël, est allé jusqu’à qualifier la réponse israélienne au 7 octobre d’« application massive de la doctrine Hannibal » – une application à grande échelle d’une doctrine militaire israélienne qui autorise de tuer délibérément ses propres citoyens plutôt que de permettre qu’ils soient faits prisonniers.
Ce même mois, Israël révélait que des centaines de corps calcinés méconnaissables, dont il pensait que c’étaient ses propres ressortissants civils, étaient en fait des combattants du Hamas – ce qui constituait un aveu manifeste qu’il y avait eu des tirs sans discrimination à une échelle de masse.
Un peu plus tôt ce mois-ci, l’armée israélienne a admis une quantité « immense » d’incidents impliquant des tirs prétendument amis, ce 7 octobre, mais elle affirmait également qu’il ne serait pas « sain, moralement parlant » d’enquêter sur ces incidents, comme le rapportait le journal israélien Yedioth Ahronoth.
Qui plus est, Israël a été confronté à un énorme embarras international et à une grande colère au niveau national après que son armée avait admis qu’elle avait tué trois prisonniers israéliens qui étaient parvenus à fausser compagnie à leurs ravisseurs à Gaza.
Le « monstre » palestinien
Alors que le massacre de civils israéliens – hommes et femmes, enfants et personnes âgées – par des combattants palestiniens le 7 octobre a été largement diffusé, le meurtre de civils israéliens par les forces israéliennes, le même jour, est mis sous l’éteignoir par l’État israélien.
Entre-temps, les médias d’Israël et ses sympathisants à l’étranger bêlent des allégations et mensonges non vérifiés à plein volume afin de détourner les esprits du génocide qui se passe à Gaza ou de le justifier.
Ceci inclut les tristes mensonges bien connus concernant les bébés exécutés et pendus sur des cordes à linge, ou décapités ou encore cuits dans un four.
Mais dans un Israël plus excité que jamais à l’idée d’annihiler les Palestiniens, peu de voix appellent à quelque responsabilisation réelle à propos de ce qui s’est passé le 7 octobre et après.
Prenons Ilana Dayan, par exemple.
En tant que l’une des principales journalistes d’« investigation » d’Israël, elle a essayé de dégager Barak Hiram de toute responsabilité dans l’affaire des obus de char à Be’eri qui ont tué des citoyens israéliens en disant :
« Quand les rapports d’information concernant un incident avec des otages, c’est triste à dire, en fait, mais il n’y avait pas d’otages. »
Voici comment elle expliquait ce qui s’est passé ce jour-là dans un récent épisode du podcast Unholy (profane), animé par Yonit Levy, de Channel 12, et Jonathan Freedland, du Guardian :
« Il y a un monstre qui a grandi de l’autre côté de la clôture, de l’autre côté de la frontière. »
Tout en étant heureuse de répéter des exagérations et des inventions, Dayan n’a jamais exprimé le moindre intérêt pour ce qu’Israël faisait depuis 75 ans aux Palestiniens dans tout le pays, et particulièrement à Gaza, qui allait les amener à lancer une attaque armée de quelque échelle que ce soit contre Israël.
Quand on lui a demandé si les Israéliens allaient devoir admettre un jour ou l’autre le degré terrifiant de mort, de souffrance et de dévastation infligé par leur armée aux civils, Dayan s’est rebiffée avec indignation.
« Est-il possible de comprendre qu’une nation au cœur brisé est trop brisée pour avoir toute une réserve d’empathie avec l’autre, avec l’ennemi ? »,
a demandé Dayan.
« Qu’attendait le Hamas, quand il a lancé cette atrocité brutale, sadique, terrible et horrifiante ? Qu’est-ce qu’il espérait ? »
Et quand on l’a interrogée quant à savoir si l’on devait montrer cette réalité aux Israéliens, Dayan a répondu :
« Nous ne sommes pas des journalistes étrangers, nous sommes des journalistes israéliens. Ce n’est pas le moment pour nous d’évaluer les deux camps. »
Cela pourrait expliquer pourquoi Dayan voulait se faire la porteuse d’eau de Barak Hiram étayer son compte rendu fantaisiste de la bataille de Be’eri, en enterrant la vérité sur la façon dont Israël avait tué ses propres citoyens sur place.
Cela n’explique pas toutefois pourquoi les médias, organisations et gouvernements internationaux, dont les Nations unies, continuent d’accepter les mensonges d’Israël et se sont montrés incapables de réclamer des enquêtes crédibles et indépendantes sur ce qui s’est réellement passé le 7 octobre.
Le prix de cette complicité est payé par les habitants de Gaza.
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Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.
Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse
David Sheen est l’auteur de « Kahanism and American Politics : The Democratic Party’s Decades-Long Courtship of Racist Fanatics
Publié le 24 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
(*) Trouvez le premier interview de Yasmin Porat ici :
Les forces israéliennes ont tiré sur leurs compatriotes civils, affirme une survivante d’un kibboutz
(**) Lisez également : Les preuves qu’Israël a tué ses propres citoyens le 7 octobre