La solidarité est la clé de la survie, à Gaza

Il y a quelque temps, en novembre, quand il avait rejoint l’émission en direct de The Electronic Intifada, le romancier récompensé Ahmed Masoud, installé en Grande-Bretagne, nous racontait que sa famille était confrontée à un dilemme terrible : Allait-elle quitter ou pas sa maison du camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza ?

 

Ali Abunimah, 16 janvier 2024

Il craignait particulièrement pour sa mère, une dame âgée avec un handicap de mobilité et d’autres problèmes de santé.

La situation depuis la prétendue pause humanitaire en novembre – la trêve d’une semaine au cours de laquelle Israël et la résistance palestinienne ont échangé des prisonniers – n’a fait qu’empirer, nous avait encore dit Ahmed la semaine dernière.

« Cela a été incroyablement difficile », dit-il. Sa mère et plusieurs de ses frères et sœurs ont quitté Jabaliya et ont pris la route du sud, alors que d’autres membres de la famille sont restés sur place.

On peut visionner la toute dernière apparition d’Ahmed sur la vidéo ci-dessous.

 

 

Le froid et la faim

« J’ai appris qu’elle est pour l’instant dans une tente, quelque part à la campagne, dans le secteur d’al-Mawasi, qui se trouve près de la côte. Sa tente est en plastique, elle est incroyablement froide et elle n’a pas assez de couvertures »,

dit Ahmed de la situation actuelle de sa mère.

« Ma sœur m’a envoyé un message et m’a dit qu’elle pleure beaucoup. Cela m’a tout simplement brisé le cœur. »

Les membres de la famille qui sont restés à Jabaliya continuent d’être exposés au danger des bombardements, des tirs d’obus et des quadricoptères israéliens (les quadricoptères sont des drones équipés de mitrailleuses qui, apparemment, tirent sur toutes les personnes à leur portée).

Et, par-dessus tout, les gens luttent contre la froidure de l’hiver dans un blackout permanent, avec la famine et un accès limité à l’eau portable et aux soins de santé.

Ahmed apprend de proches qu’un mince approvisionnement en denrées est entré par le sud de Gaza et qu’il est toujours possible de trouver un peu de nourriture sur le marché – surtout des denrées en boîte, comme des sardines – mais à des prix très gonflés.

« L’autre problème, c’est que les gens sont à court d’argent liquide, si bien qu’ils ne peuvent même pas en tirer des distributeurs automatiques de billets »,

dit Ahmed.

« Je ne peux même pas leur envoyer d’argent, pour l’instant »,

ajoute-t-il, du fait qu’il y a si peu d’endroits où l’on peut en retirer.

 

La solidarité communautaire

Il reste la solidarité qui, sans aucun doute, aide les gens à survivre.

« Les gens se rassemblent dans un sentiment de communauté »,

dit Ahmed. Si quelqu’un trouve un sac de farine,

« ils cuisent du pain pour toute la rue ».

Ou, si quelqu’un trouve des boîtes de nourriture, ils

« préparent un gros ragoût et le distribuent ».

L’accès existe toujours à certains produits comme les pommes de terre et les légumes-racines, dans les terres agricoles à proximité de Jabaliya, qui n’a pas encore été détruite par l’armée israélienne.

« Ils essaient de toutes leurs forces de faire avec ce qu’ils ont, en ce moment »,

dit Ahmed.

Quant aux soins de santé, plus rien du tout n’est disponible, d’après Ahmed.

Si vous êtes confronté à la maladie,

« vous ne pouvez même pas vous rendre à l’hôpital ou chez un médecin ou quoi que ce soit, parce qu’ils sont remplis et surpeuplés » ;

explique Ahmed. Et les rares hôpitaux qui ne sont pas fermés sont désormais perçus comme trop dangereux en raison des attaques israéliennes systématiques.

« Et c’est ainsi que les gens tentent bien sûr de les éviter »,

dit Ahmed.

« Et je pense que c’est ce qu’ils [les Israéliens] voulaient en premier lieu. Si bien que là où, auparavant, les hôpitaux semblaient avoir l’air d’endroits sûrs, en un sens, maintenant, ils sont devenus des espaces dangereux que les gens tentent d’éviter. »

Récemment, Ahmed a partagé sur les médias sociaux quelques photos et vidéos qu’il a reçues de membres de sa famille à Gaza :

 

Danser dans la fumée

Bien qu’il vive à Londres, Ahmed continue de soutenir sa famille à Gaza – un rôle que de nombreux Palestiniens de la diaspora tentent d’assumer au profit de leurs êtres chers restés à Gaza.

« J’ai de la famille dans le nord, j’ai de la famille dans le centre et j’ai de la famille dans le sud et il ne leur est pas possible de communiquer entre eux ! »,

dit Ahmed. Il passe une bonne partie de son temps à essayer de communiquer avec eux séparément et de leur donner des nouvelles des uns et des autres.

Le stress prend son tribut sur Ahmed – une fois de plus, c’est quelque chose qu’il a en commun avec d’autres Palestiniens séparés de leur famille à Gaza – puisqu’il se languit d’eux dans le même temps qu’il fait son travail à temps plein dans un pays où tout le monde n’éprouve pas nécessairement de l’empathie pour les Palestiniens.

« Je me sens pour ainsi dire comme un bout de tissu qu’on a jeté dans le feu et qui danse quelques brefs instants dans la fumée et qui, à un moment donné, se pose sur le feu et se met à brûler »,

dit Ahmed.

« Je ne suis pas encore tombé dans les flammes et n’ai pas encore brûlé, mais je sens que ça se rapproche de plus en plus, de jour en jour. »

*****

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

 

 

Publié le 29 décembre 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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