Invoquer l’Holocauste pour justifier le génocide à Gaza, c’est abuser de l’Histoire

Dire l’exacte vérité sur l’Holocauste est un devoir pour les citoyens de l’Europe, le continent où ce crime monstrueux a eu lieu. Dire l’exacte vérité doit inclure la dénonciation de la façon dont on abuse de l’Holocauste afin de fournir une couverture à Israël quand il commet un génocide à Gaza et divers autres actes d’agression.

 

Ursula von der Leyen raffole du slogan hypocrite « jamais plus ».

Ursula von der Leyen raffole du slogan hypocrite « jamais plus ». (Photo : Dati Bendo / European Union)

 

David Cronin, 22 janvier 2024

Cette semaine, l’Union européenne va abuser de l’Holocauste.

Elle va célébrer la Journée internationale en mémoire des victimes de l’Holocauste en accueillant une conférence en compagnie de plusieurs organisations de lobbying pro-israélien.

L’événement illustre bien la duplicité et la dépravation de l’UE.

Ces quelques derniers mois, certains représentants de l’UE ont proposé une interdiction de visa à ce que l’on décrit souvent comme des « colons israéliens violents ».

Toutes les activités de peuplement d’Israël en Cisjordanie, dont Jérusalem-Est et en y adjoignant les hauteurs du Golan, impliquent le vol de terre palestinienne ou syrienne. Toutes sont des crimes de guerre, selon la Quatrième Convention de Genève.

Des sanctions devraient par conséquent cibler Israël, l’État qui construit et développe les colonies, et pas uniquement une poignée de voyous.

L’UE dit implicitement, désormais, que les colons peuvent être divisés en différentes catégories. Il est donc permis de conférer une légitimité à certains de ces colons.

 

Bienvenue, cher colon

La conférence de cette semaine va présenter Dani Dayan, un habitant de la colonie de Maale Shomron en Cisjordanie. Il est un ancien président du Conseil de Yesha, une association de coordination au service des colonies.

Un profil publié par le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz, en septembre, faisait remarquer :

« Il est toujours totalement impliqué envers la conception du monde des colonies : apartheid, occupation, expulsion et exclusion des Palestiniens, suprématie juive. »

Dayan est aujourd’hui le directeur de Yad Vashem.

Habituellement qualifié de mémorial officiel israélien de l’Holocauste, Yad Vashem est en réalité une insulte aux victimes de ce dernier.

Il est situé à proximité de Deir Yassin, un village de la région de Jérusalem où les forces sionistes ont perpétré un massacre au cours de la Nakba, le nettoyage ethnique de la Palestine en 1948. Le fait d’avoir érigé le mémorial en cet endroit est un exemple manifeste de la façon dont Israël abuse de l’Holocauste pour dissimuler ses propres obscénités.

Parmi les partenaires déclarés de l’UE à la conférence de cette semaine, figure également l’American Jewish Committee (AJC – Comité juif américain), l’un des groupes pro-israéliens les plus influents.

Daniel Schwammenthal, responsable du bureau bruxellois de l’AJC, a tenté à de multiples reprises de justifier les attaques contre les hôpitaux de Gaza.

Dans une déclaration faite la semaine dernière, Schwammental a prétendu qu’

« un cessez-le-feu ne pourrait être dégagé que lorsque le Hamas aurait été vaincu ».

C’est un appel sans ambiguïté à infliger des destructions pires encore à Gaza.

 

Jamais plus ?

Personne ne sera surpris d’entendre Katharina von Schnurbein, la coordinatrice de l’UE contre l’antisémitisme, scander la rengaine du « jamais plus » quand elle prendra la parole à la conférence de cette semaine.

Du fait que les participants auront été triés sur le volet, on peut parier à coup sûr que personne ne dissèquera ni même ne remettra en question ce slogan absolument creux.

Von Schnurbein est une fonctionnaire civile provenant de l’Allemagne, le pays qui porte la responsabilité de l’Holocauste.

Dans les années 1930 et 1940, l’Allemagne considérait les juifs comme des « sous-humains » – des Untermenschen. Dans les années 2020, Israël perçoit les Palestiniens comme des « bêtes humaines ».

Loin de s’indigner de l’holocauste perpétré actuellement à Gaza, von Schnurbein l’encourage. C’est ce que fait également l’actuel gouvernement allemand, qui soutient Israël avec ostentation dans l’affaire présentée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice.

Von Schnurbein s’est arrangée pour s’élever au-dessus des règles qui s’appliquent aux officiels de l’UE.

La description de son travail officiel ne mentionne aucunement Israël et limite sa tâche à combattre le sectarisme antijuif en Europe. Pourtant, elle est allée bien plus loin que son mandat en agissant effectivement comme une agente d’Israël.

Ceci n’a rien d’une théorie du complot. Sa propre notice biographique sur X (anc. Twitter) dit qu’elle « défend » Israël.

Von Schnurbein a reçu nombre de distinctions de la part des groupes de lobbying pro-israéliens, qui encensent la « voix de sa conscience ». Selon les règles de l’UE, elle est obligée de demander la permission de sa hiérarchie bruxelloise avant d’accepter ces honneurs.

Quand j’ai introduit une requête au nom de la liberté d’information pour savoir si des approbations de ce type avaient été notifiées, la Commission européenne (l’exécutif de l’UE) l’a rejetée pour des motifs de protection de données.

C’était absurde. La requête avait trait aux activités professionnelles d’une représentante de l’UE au profil relativement élevé, et non à sa vie privée.

La raison la plus plausible pour laquelle von Schnurbein peut s’en sortir avec un tel comportement, c’est qu’elle bénéficie du soutien d’instances supérieures.

Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a proposé son soutien total à l’holocauste israélien à Gaza. Von der Leyen est une autre Allemande qui raffole du slogan « jamais plus ».

Alors que certains des gouvernements de l’UE ont été mécontents de la façon dont elle a pris fait et cause pour Israël sans même les consulter, il s’avère que von der Leyen s’est sentie réellement enhardie suite à cette « controverse » et on peut vraiment s’attendre à ce qu’elle bénéficie d’un second mandat, dans sa situation actuelle.

Von der Leyen avait eu une réunion peu remarquée avec Tony Blair, en octobre.

Après que j’avais introduit une requête au nom de la liberté d’information, la Commission européenne avait reconnu que la discussion avec Blair avait eu trait à « d’importants pays partenaires », mais elle avait refusé d’entrer plus avant dans les détails.

On peut imaginer sans risque d’erreur qu’Israël était l’un des « importants pays partenaires ».

Blair soutenait Israël jusqu’à la garde, quand il était Premier ministre du Royaume-Uni. Plus tard, il était devenu un « envoyé de la paix au Moyen-Orient », pour utiliser un raccourci des journaux britanniques.

Ce raccourci ne pourrait effacer la façon dont Blair et ses copains de Washington ont provoqué un bain de sang massif et une grande instabilité au Moyen-Orient en déclenchant une invasion de l’Irak.

Il serait approprié qu’Ursula von der Leyen prête l’oreille au conseil de Blair. Tous deux peuvent affecter un air de solennité dans le même temps qu’ils adressent un clin d’œil à la brutalité.

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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Publié le 22 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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