Israël assiège les hôpitaux tout en élargissant son offensive à Khan Younis

Israël élargit son offensive à Khan Younis, dans le sud de Gaza, en assiégeant plusieurs hôpitaux et en forçant le déplacement de dizaines de milliers de Palestiniens.

 22 janvier 2024. Le long de la route côtière du sud de Gaza, des familles palestiniennes fuient Khan Younis pour gagner Rafah. (Photo : Ismael Mohamad / UPI)

22 janvier 2024. Le long de la route côtière du sud de Gaza, des familles palestiniennes fuient Khan Younis pour gagner Rafah. (Photo : Ismael Mohamad / UPI)

 

Maureen Clare Murphy, 24 janvier 2024

Environ 25 500 Palestiniens ont été tués au cours de la campagne militaire israélienne à Gaza depuis le 7 octobre, et 63 500 autres ont été blessés, estime le ministère palestinien de la santé.

Le nombre réel de morts est vraisemblablement bien plus élevé du fait que les équipes de secouristes ont été dans l’impossibilité de retrouver les milliers de personnes portées manquantes, soit piégées sous les décombres des bâtiments détruits, soit dont les corps ont été laissés dans les rues, surtout dans les zones où se sont déployées les forces terrestres israéliennes.

L’Afrique du Sud a demandé à la Cour internationale de justice de l’ONU de décréter des mesures provisoires en vue de geler les actions d’Israël à Gaza, qui, dit l’Afrique du Sud, violent la Convention de 1948 sur le génocide.

Le responsable du secteur humanitaire de l’ONU a déclaré mardi que

« 24 personnes avaient été lors de frappes sur un entrepôt d’aide, contre un centre de l’ONU et contre la zone humanitaire de la région de Khan Younis » et qu’un centre de distribution de l’aide « avait été lourdement bombardé »,

a rapporté Reuters.

L’armée israélienne a décrété de nouvelles ordonnances de déplacement forcé ciblant des zones résidentielles de Khan Younis et qui affectent plus d’un demi-million de personnes, dont la grande majorité sont déjà des personnes déplacées.

La zone dont Israël a ordonné l’évacuation comprend le Complexe médical Nassere, où d’abritaient quelque 18 000 personnes déplacées, ainsi que l’hôpital al-Amal et l’Hôpital jordanien, selon le Bureau de l’ONU pour la Coordination des affaires humanitaires (OCHA).

« Les chars israéliens sont partout et nous sommes complètement encerclés », a déclaré Muhammad Harara, un médecin du Complexe médical Nasser, dans une vidéo publiée mardi :

 

L’Euro-Med Human Rights Monitor (Réseau de contrôle euro-méditerranéen des droits humains – REMDH) a déclaré qu’une fosse commune avait été creusée au Complexe médical Nasser, ce qui porte à 127 le nombre de fosses communes qu’il a répertoriées à Gaza.

Aux personnes des environs de Khan Younis désignées pour être évacuées de force, il a été ordonné de faire route vers al-Mawasi, où Israël lance des frappes aériennes et tire des obus d’artillerie depuis lundi, tuant ainsi plusieurs civils déplacés, ont fait savoir les organisations palestiniennes des droits humains Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH).

Des personnes déplacées qui se sont réfugiées à al-Mawasi, qu’Israël a déclaré « zone sûre », se sont retrouvées sous le feu israélien au moment où les opérations terrestres ont gagné la zone.

 

La chaîne britannique d’information ITV a enregistré des prises de vue d’un groupe de civils à al-Mawasi qui ont été pris dans des tirs, alors qu’ils agitaient un drapeau blanc et qu’ils tenaient les mains en l’air.

Avant d’être abattu, l’un des hommes avait dit à ITV que sa mère et son frère se trouvaient dans une maison avec une douzaine d’autres personnes, et ce, dans une zone où opéraient les forces israéliennes, et l’homme avait ajouté qu’ils essayaient de les rejoindre.

Après que le caméraman avait terminé l’interview et s’était éloigné, l’homme, identifié par REMDH comme étant Ramzi Abu Sahloul, avait été abattu et tué.

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Les télécommunications restent coupées à Khan Younis en pleine offensive israélienne. La Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) a déclaré qu’elle avait été la plupart du temps coupée de ses équipes dans la région.

 

« Nous restons extrêmement préoccupés à propos de la sécurité de nos équipes à Khan Younis et nous continuons de demander à la communauté internationale d’intervenir immédiatement »,

a déclaré mardi Nebal Farsakh, le porte-parole du Croissant-Rouge.

Huit paramédicaux du Croissant-Rouge ont été tués dans le cadre de leurs activités à Gaza depuis le 7 octobre, a expliqué Farsakh, au moment où Israël s’est mis à cibler davantage le personnel des soins de santé et leurs sites.

L’hôpital al-Quds, à Gaza même, le principal site du Croissant-Rouge sur le territoire, n’est plus opérationnel

« après avoir été ciblé et assiégé et, aujourd’hui, il semble que nous soyons confrontés au même scénario, au même sort une fois avec l’hôpital al-Amal à Khan Younis »,

a ajouté Farsakh.

Les chars israéliens ont atteint le Complexe médical Nasser à Khan Younis, le plus grand hôpital encore opérationnel à Gaza, ainsi que les zones des hôpitaux al-Amal et al-Khair, ont déclaré lundi les trois organisations palestiniennes des droits humains déjà citées.

L’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a dit que l’un de ses sites les plus importants, qui était utilisé comme refuge pour des personnes déplacées, avait été touché lundi et que six personnes avaient perdu la vie.

 

Des milliers de civils sont piégés dans leurs logements et dans les sites utilisés comme refuges pour les personnes déplacées en provenance d’autres régions, du fait que les forces israéliennes ont manœuvré pour isoler Khan Younis de Rafah, à l’extrême sud de Gaza, ont encore déclaré les trois organisations palestiniennes des droits humains.

 

Des craintes d’une « seconde Nakba » à Rafah

Plus de 1,3 million de personnes sont désormais concentrées à Rafah, selon les organisations palestiniennes des droits humains. Rafah avait une population de 250 000 habitants, avant l’actuelle offensive à Gaza.

Les organisations des droits humains ont expliqué que les développements les plus récents indiquaient qu’Israël avait l’intention de provoquer une « seconde Nakba » – la première ayant consisté en l’expulsion par la force de centaines de milliers de Palestiniens de leur patrie à l’époque de la création d’Israël en 1948.

Les opérations actuelles d’Israël à Khan Younis indiquent que Rafah sera la prochaine cible, ce qui mettra en danger la vie de centaines de milliers de Palestiniens, ont encore dit les organisations des droits humains.

Un porte-parole de l’UNRWA a déclaré à l’adresse d’Arab News que de larges tentes en plastique avaient été dressées le long de la frontière avec l’Égypte à Rafah, du fait que les personnes déplacées se concentraient de plus en plus dans cette zone :

 

Le porte-parole a expliqué qu’il n’y avait

« pas un seul endroit sûr [à Gaza], mais nous pensons que pousser de plus en plus de résidents palestiniens en direction de Rafah, équivaut à pousser les choses vers une explosion ».

Une offensive terrestre contre Rafah accroîtrait l’inquiétude de voir Israël chasser les résidents hors de Gaza, au cas où il refuserait d’autoriser les personnes déplacées à retourner vers les régions du nord.

Israël a refusé à plusieurs reprises l’accès des missions humanitaires aux centaines de milliers de personnes qui restent dans le nord sans accès à la nourriture, à l’eau et à des soins médicaux adéquats.

Une vidéo diffusée par Al Jazeera montre un homme blessé transporté sur la pelle d’un bulldozer après qu’un groupe de gens, dont le journaliste Imad Ghaboun, ont été directement ciblés lundi à Jabaliya, dans le nord de Gaza :

 

Le REMDH susmentionné a déclaré mardi qu’il avait fait état du recours par l’armée israélienne à une violence meurtrière contre des civils qui s’étaient rassemblés au sud de la ville de Gaza en attendant l’arrivée des camions d’aide de l’ONU.

« L’armée israélienne a utilisé des obus d’artillerie, des munitions à balles réelles et des drones quadricoptères pour attaquer des centaines de civils affamés qui s’étaient rassemblés dans l’espoir de recevoir cette aide pourtant peu consistante »,

a déclaré l’organisation des droits humains.

Les gens dans le nord de Gaza ont été forcés de manger les feuilles des arbres et de la nourriture pour animaux mélangée avec du maïs après n’avoir pas reçu la moindre assistance depuis l’effondrement de la trêve temporaire, le 1er décembre, poursuit le REMDH.

Les experts des droits humains de l’ONU, les organisations palestiniennes et internationales des droits humains et les associations caritatives internationales ont accusé Israël d’utiliser la famine comme une arme de guerre, à Gaza.

Le REMDH a exprimé son

« indignation suite au silence de l’ONU à propos du ciblage par l’armée israélienne de civils alors qu’ils tentaient de recevoir des fournitures d’aide ».

Les organisations palestiniennes des droits humains et les organisations humanitaires ont accusé les agences de l’ONU

« d’aider les objectifs de guerre d’Israël en infraction vis-à-vis des lois internationales » du fait qu’elles respectaient « ses restrictions illégales imposées par Israël au secours humanitaire ».

 

Des soldats tués alors qu’ils plaçaient des explosifs

L’armée israélienne a fait état de 219 morts parmi ses troupes et de plus de 1 230 blessés depuis le début de ses opérations terrestres en octobre dernier.

Lundi, l’armée israélienne a subi ses pertes les plus importantes en une seule opération à Gaza depuis l’offensive du Hamas le 7 octobre.

Vingt et un soldats ont été tués après s’être fait tirer dessus par les combattants de la résistance alors qu’ils plaçaient des explosifs dans deux bâtiments du camp de réfugiés d’al-Maghazi. Apparemment, les tirs palestiniens ont fait sauter l’une des mines et provoqué l’effondrement des deux structures à deux étages alors que les soldats israéliens se trouvaient à l’intérieur.

Le quotidien israélien Haaretz a dit que l’incident s’était produit dans une zone dont l’armée avait le « contrôle opérationnel ». Les pertes continues d’Israël des mains de la résistance palestinienne est une indication de plus de la situation d’impasse à Gaza.

Les soldats ont été tués alors qu’ils commettaient un crime de guerre manifeste.

Un porte-parole de l’armée israélienne a expliqué que les bâtiments d’al-Maghazi avaient été

« marqués pour la démolition parce qu’ils étaient situés dans une zone de Gaza qu’Israël avait unilatéralement déclarée ‘zone tampon’ »,

rapporte The Intercept.

Le porte-parole a dit que les militaires cherchaient à

« protéger de futures attaques possibles un kibboutz israélien situé à un demi-mille (800 m) de Gaza »,

ajoute The Intercept.

La publication faisait encore remarquer qu’il s’agit en fait de la première admission en public que l’armée détruit systématiquement des zones de l’est de Gaza afin de les dépeupler

« au nom de la sécurité des colonies israéliennes avoisinantes ».

Des responsables israéliens restés anonymes ont dit dans The New York Times que le

« but de l’armée était de créer un tampon en gros de six dixièmes de mille (un petit kilomètre) le long de toute la frontière israélienne avec Gaza, d’environ 36 milles (58 km) »,

afin d’empêcher de futurs raids depuis Gaza et d’encourager le retour des Israéliens déplacés des colonies de la région.

Le ciblage délibéré des infrastructures civiles constitue une violation des lois de la guerre, de même que l’acquisition de territoire par la force. La « zone tampon » telle que la décrivent les responsables israéliens cités par The New York Times représenterait une surface significative du territoire de Gaza, qui a moins de quatre milles de large en son point le plus étroit.

L’administration Biden à Washington, qui a été étroitement impliquée dans les plans de guerre d’Israël, a déclaré qu’elle s’opposait à toute réduction effective du territoire de Gaza, qui est déjà l’une des zones les plus densément peuplées de la planète.

Mardi, en fait, le secrétaire d’État Antony Blinken a déjà fait marche arrière, vis-à-vis de cette position, en disant que des « arrangements de transition » pourraient être nécessaires pour la sécurité d’Israël.

 

Toutes les universités de Gaza ont été détruites

Les troupes israéliennes ont enregistré des vidéos d’elles-mêmes en train de détruire des infrastructures civiles à Gaza via des démolitions contrôlées comme celle que les soldats tués à al-Maghazi tentaient de préparer.

La semaine dernière, les troupes israéliennes ont fait sauter l’Université d’Israa, dans le sud de Gaza, après l’avoir utilisée comme cantonnements militaires, a déclaré le REMDH.

Il a été confirmé que près de 100 professeurs d’université de Gaza, lesquels « enseignaient toute une variété de disciplines universitaires », ont été tués durant l’offensive israélienne, « en compagnie de centaines d’enseignants et de milliers d’étudiants », selon le REMDH.

 

Le contributeur de The Electronic Intifada, Refaat Alareer, fait partie des professeurs d’université ciblés et tués par les forces israéliennes à Gaza.

Israël a détruit absolument toutes les universités de Gaza, a ajouté le REMDH, de même que d’autres institutions culturelles, ce qui prouve encore plus le ciblage intentionnel par Israël de « chaque aspect de la vie » dans le territoire.

 

Le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a concédé à Israël le bénéfice du doute quand on l’a interrogé sur la démolition contrôlée de l’Université Israa, en disant aux journalistes :

« Je ne sais pas ce qui se trouvait sous ce bâtiment, je ne sais pas ce qu’il y avait à l’intérieur, à l’intérieur de ce bâtiment. »

Les trois organisations palestiniennes des droits humains susmentionnées ont déclaré lundi que les forces israéliennes avaient fait sauter des centaines de maisons et autres bâtiments lors de leur attaque terrestre contre Khan Younis ces derniers jours, et leurs soldats ont publié des vidéos où on les voit en train de célébrer toutes ces destructions.

Le REMDH a déclaré que

« la destruction à grande échelle et intentionnelle par Israël des propriétés culturelles et historiques palestiniennes (…) prouvait sa politique manifeste visant à rendre la bande de Gaza inhabitable ».

L’organisation des droits a ajouté que

« les attaques créent un environnement vide de services et de nécessités élémentaires et peuvent finalement forcer la population de l’enclave à émigrer ».

Un homme interviewé pour une vidéo produite par l’organisation des droits humains Al-Haq a déclaré que, dans le camp de réfugiés d’al-Maghazi, les troupes israéliennes

« n’avaient pas laissé la moindre pierre ni le moindre arbre, elles n’avaient laissé ni humains ni animaux ».

 

« Toutes les nécessités de la vie à Gaza ont été détruites »,

a-t-il dit.

 

Pour le chef de l’ONU, le cessez-le-feu et la désescalade sont « essentiels »

Mardi, António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a déclaré au Conseil de sécurité que

« tout le monde à Gaza a faim, avec un quart de la population gazaouie, soit plus d’un demi-million de personnes, qui se débat à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire ».

Il a expliqué que « la maladie se répand à mesure que le système de santé s’effondre ».

Il a ajouté que les Palestiniens de Gaza

« non seulement risquent de se faire tuer ou blesser par les incessants bombardements : ils courent également une chance accrue de contracter des maladies infectieuses comme l’hépatite A, la dysenterie, le choléra »

et les personnes atteintes de maladies chroniques « risquent d’en mourir ».

Outre le fait que les missions humanitaires se voient refuser l’accès au nord de Gaza,

« des douzaines d’humanitaires attendent depuis des mois de recevoir leurs visas du gouvernement d’Israël »,

a-t-il encore dit.

Après avoir demandé un cessez-le-feu à Gaza, le chef de l’ONU a ajouté que « la désescalade est essentielle » dans la mer Rouge, où les autorités de facto de l’État yéménite ont imposé un blocus en solidarité avec les Palestiniens de Gaza.

Les EU et le Royaume-Uni ont envoyé des frappes aériennes contre le Yémen, suite aux attaques contre les navires cargos.

Guterres a également fait remarquer

« les attaques quasi quotidiennes contre les installations hébergeant les forces des EU et de la coalition internationale en Irak et en Syrie »

ainsi que les frappes aériennes en Iran et en Syrie que ces deux pays ont attribuées à Israël.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 24 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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