Israël tue des centaines de Palestiniens à Gaza après la décision de la CIJ
Plusieurs centaines de Palestiniens ont été tués à Gaza depuis que la Cour internationale de justice (CIJ) a décrété des mesures provisoires ordonnant à Israël de mettre un terme à ses violations de la Convention de 1948 sur le génocide.
Maureen Clare Murphy, 31 janvier 2024
Ces actes génocidaires consistent entre autres à tuer et à infliger de graves blessures corporelles ou mentales aux Palestiniens du territoire, estime l’ordre du tribunal, qu’Israël a rejeté.
Le Réseau euro-méditerranéen de contrôle des droits humains (REMDH) a déclaré que l’armée israélienne avait tué 373 Palestiniens, dont 345 civils, dans les 48 heures qui avaient suivi la très attendue décision provisoire du tribunal, vendredi dernier.
Le ministère palestinien de la santé à Gaza a rapporté que 114 Palestiniens avaient été tués entre les après-midis des 29 et 30 janvier, portant à plus de 26 750 le nombre de décès connus dans le territoire depuis le 7 octobre.
Quarante-cinq Palestiniens ont été tués lundi, au cours de deux frappes séparées contre des immeubles résidentiels de Gaza même, a fait savoir le Bureau de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).
Lundi également, Israël a ordonné l’évacuation de plusieurs quartiers de l’ouest de la ville de Gaza, où restent encore des dizaines de milliers de personnes.
Dans sa décision provisoire de la semaine dernière, la CIJ a exigé qu’Israël
« prenne des mesures immédiates et efficaces en vue de faciliter la livraison des services élémentaires et de l’aide humanitaire d’une nécessité urgente ».
Since the International Court of Justice ruled four days ago that Israel is plausibly committing genocide, Israeli forces have reportedly killed 668 Palestinians and injured 1149.
Also since the trial four days ago: pic.twitter.com/IIOUw9g0t5
— Prem Thakker (@prem_thakker) January 30, 2024
Ces mesures n’ont pas été appliquées à Gaza. Au lieu de cela, les alliés d’Israël ont annoncé qu’ils gelaient leur soutien financier à l’UNRWA, le principal fournisseur d’aide humanitaire dans le territoire.
Un porte-parole de l’ONU a déclaré que les effets de ces coupures allaient se faire sentir d’ici quelques semaines, ajoutant que le monde n’avait pas reçu les moindres rapports écrits en provenance d’Israël concernant les allégations prétendant que 12 employés de l’UNRWA auraient participé aux attaques du 7 octobre dirigées par le Hamas.
Mardi, les responsables de plusieurs agences de l’ONU et organisations humanitaires internationales ont réclamé la restauration du financement de l’UNRWA.
« Retirer des fonds de l’UNRWA est dangereux et se traduirait par l’effondrement du système humanitaire à Gaza », ont-ils mis en garde, « avec des conséquences humanitaires et humaines extrêmes dans le territoire palestinien occupé et dans toute la région. »
Le Complexe médical Nasser en danger
Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré mardi que l’agence avait livré des fournitures médicales essentielles au Complexe médical Nasser à Khan Younis après l’interruption provoquée par les lourds combats.
« Mardi, une cargaison de vivres destinés à l’hôpital a été assaillie par des foules affamées en raison des retards encourus près d’un checkpoint israélien et n’a jamais atteint le site de l’hôpital »,
a rapporté Reuters.
« L’hôpital héberge des milliers de personnes déplacées ainsi que du personnel médical et des patients »,
selon Reuters.
Quatre cents patients sont actuellement traités à l’hôpital.
« Naguère le premier hôpital de référence dans le sud de Gaza »,
a déclaré Ghebreyesus,
« d’ici une semaine, Nasser passera de partiellement à minimalement fonctionnel. »
Le responsable de la santé pour l’ONU a ajouté que cela reflétait
« la démantèlement injustifié et ininterrompu du système de santé »
à Gaza.
Le Dr Ghassan Abu Sitta, un chirurgien palestino-britannique qui a travaillé à Gaza au cours des premières semaines du génocide, a expliqué que les attaques systématiques d’Israël contre les hôpitaux avaient pour but de rendre Gaza invivable au point de forcer sa population à s’en aller.
Les homicides perpétrés par Israël contre les professionnels de la médecine à Gaza ont pour but d’éliminer « toute une génération de médecins », estime Abu Sitta.
L’organisation Physicians for Human Rights – Israel (PHR-I – Médecins pour les droits humains – Israël) a déclaré mardi qu’elle n’avait pas reçu de réponse des officiels israéliens après que des organisations leur avaient demandé de localiser près de deux douzaines de médecins et travailleurs médicaux arrêtés à Gaza.
Plus d’un millier de personnes ont été arrêtées à Gaza au cours des opérations terrestres d’Israël, a encore dit l’organisation,
« y compris des douzaines de travailleurs des soins de santé ».
L’organisation a ajouté que
« la capture d’individus par l’armée, sans en informer leurs familles ou leurs représentants des circonstances, de l’endroit ou des motifs d’arrestation équivalait à des disparitions forcées ».
« Arrêter et faire disparaître par la force du personnel médical viole non seulement très gravement les lois internationales mais porte également préjudice au système des soins de santé de Gaza, qui se trouve au bord de l’effondrement complet »,
a déclaré PHR-I.
L’organisation a fait remarquer qu’environ 340 travailleurs médicaux avaient été tués à Gaza depuis le 7 octobre. Du fait qu’il y a plus de 63 300 blessés à Gaza,
« on assiste à un besoin désespéré de personnel médical ».
Le sort d’une fillette et d’une équipe d’ambulanciers reste inconnu
La Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP) a déclaré mardi qu’elle avait perdu tout contact avec l’équipe d’une ambulance qui avait tenté d’aller porter secours à une fillette de 6 ans s’appelant Hind Hamadeh, après que six membres de sa famille avaient été abattus et tués par les troupes israéliennes à Khan Younis.
Layan, la sœur aînée de la gamine, a appelé le Croissant-Rouge pour dire que leur voiture était encerclée et qu’elle se faisait tirer dessus par des chars. Layan avait dit au Croissant-Rouge : « Ils nous tirent dessus » juste avant qu’on entende une rafale de coups de feu et des cris.
Hind est restée au téléphone avec le Croissant-Rouge pendant plus de trois heures après que tous les autres dans la voiture avaient été abat tus. Pour l’instant, on ne sait toujours rien de son sort.
🚨The fate of the ambulance crew 🚑that headed yesterday to rescue the child Hind remains unknown until this moment.
⚠️PRCS completely lost contact with them for 24 hours.
Six-year-old Hind was trapped by Israeli tanks inside a vehicle and the occupation soldiers fired at it,… pic.twitter.com/XDOe08Y49G— PRCS (@PalestineRCS) January 30, 2024
Mardi, des entretiens en vue d’un cessez-le-feu ont eu lieu à Paris avec la participation du directeur de la CIA, William Burns, le Premier ministre du Qatar, le chef du Mossad, l’agence de renseignement israélienne, ainsi que le chef des renseignements égyptiens.
L’administration Biden à Washington a déclaré qu’elle ne voulait pas d’une poursuite de l’escalade régionale ni d’une guerre avec l’Iran après que trois membres des services américains ont été tués et 34 autres blessés dimanche, lors d’une frappe de drone contre une base militaire en Jordanie, près de la frontière syrienne.
Le président américain Joe Biden a déclaré mardi qu’il avait décidé de la façon d’exercer des représailles mais qu’il n’avait pas encore mis au point ce qui allait s’ensuivre.
Washington a accusé le Kataib Hezbollah, une milice cantonnée en Irak, de la frappe meurtrière.
Le Premier ministre du Qatar avait dit la veille qu’il espérait que la réponse américaine n’allait pas faire dérailler les négociations en vue d’assurer un second échange de prisonniers entre le Hamas et Israël après qu’une trêve de sept jours s’était écroulée en novembre dernier.
Le Hamas « reconstruit » dans le nord de Gaza
L’armée israélienne a déclaré lundi qu’elle allait continuer de concentrer ses opérations sur Khan Younis, dans le sud de Gaza.
L’OCHA a expliqué mardi qu’
« on a observé de grands nombres d’hommes palestiniens qui se faisaient arrêter par l’arme israélienne à un checkpoint »
de Khan Younis durant la semaine écoulée. Bon nombre d’entre eux « ne portaient plus que leurs sous-vêtements, on leur avait bandé les yeux et on les avait emmenés ».
La SCRP a rapporté qu’une personne avait été tuée et neuf autres blessées mardi quand des obus étaient tombés sur l’hôpital al-Amal à Khan Younis et sur le quartier général de l’organisation humanitaire, situé à proximité immédiate.
Le pavillon chirurgical de l’hôpital a cessé ses opérations lundi après être tombé à court d’oxygène.
Des combats intenses à proximité et le siège des bâtiments de l’hôpital ont entravé tout mouvement des ambulances du Croissant-Rouge et des équipes des urgences médicales à Khan Younis tout en les empêchant
« d’atteindre les blessés et de les transporter vers l’hôpital pour les soins médicaux dont ils avaient grand besoin »,
a ajouté l’OCHA.
Les hostilités se sont intensifiées dans le nord, forçant davantage de Palestiniens encore à fuir vers le sud, qui a également été touché par des frappes aériennes israéliennes ces derniers jours.
The Guardian rapportait mardi que les forces du Hamas mobilisaient à nouveau dans le nord de Gaza et qu’
« elles reconstruisaient un système de gouvernance ».
Un important fonctionnaire de l’ONU a informé le journal que Rafah, près de la frontière avec l’Égypte, est « le tout dernier endroit où règne encore quelque ordre civil », en raison du maintien du contrôle par la police du Hamas.
Ailleurs à Gaza, des convois d’aide ont été attaqués, particulièrement dans la zone centrale, « qui n’est contrôlée ni par le Hamas, ni par les forces israéliennes », toujours d’après The Guardian.
Le journal d’ajouter que
« plusieurs attaques de convois ont été imputés à des familles puissantes et bien armées de la partie centrale de Gaza ».
Sigrid Kaag, la coordinatrice de l’ONU pour l’humanitaire et la reconstruction à Gaza, a expliqué à des diplomates que l’accès humanitaire était resté sévèrement restreint lors de son premier briefing au Conseil de sécurité qui s’est tenu à huis clos mardi.
L’ancienne ministre hollandaise a été désignée par le secrétaire général de l’ONU après que son poste a été créé suite à une résolution du Conseil de sécurité, en décembre, réclamant une aide accrue au territoire.
Des diplomates ont expliqué à des journalistes que Kaag avait demandé l’ouverture de davantage de passages et la reprise des activités commerciales à Gaza, où quelque 300 000 civils sont restés dans le nord, et ce, dans des conditions de plus en plus dramatiques.
La coordinatrice a également dit que le personnel de l’ONU à Gaza avait besoin d’équipements de protection et de véhicules blindés.
Lors du briefing avec la presse, elle a en outre insisté sur l’importance de l’UNRWA.
Israël renvoie des corps à Gaza
Mardi, les Palestiniens ont enterré une centaine de corps dans une fosse commune à Rafah, dans l’extrême sud de Gaza, après qu’Israël a transféré leurs dépouilles via le passage de Kerem Shalom (Karem Abu Salem).
Les fonctionnaires palestiniens ont expliqué aux médias que les corps comprenaient des personnes tuées au cours de l’offensive militaire israélienne « et des corps qui avaient été exhumés au moment où les forces israéliennes effectuaient leur poussée à travers Gaza », a rapporté Reuters.
En attendant, des Palestiniens ont fait état de la découverte de douzaines de personnes exécutées à Beit Lahiya, dans le nord de Gaza, « et qu’on a retrouvées sous des décombres et des immondices », selon Ramy Abdu, directeur de REMDH.
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Un grand nombre de corps étaient enveloppés dans des linceuls portant des marques identitaires en hébreu.
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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.
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Publié le 31 janvier 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine
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