L’agenda de changement de régime de Biden prolonge le génocide de Gaza

Le soutien américain à l’évincement du Hamas en tant que pouvoir en place à Gaza prolonge le génocide perpétré par Israël et rend l’administration Biden complice du recours à la famine comme arme de guerre et à l’aide humanitaire comme monnaie d’échange – violant ainsi à la fois la législation internationale et les lois américaines elles-mêmes.

 

L'agenda de changement de régime de Biden prolonge le génocide de Gaza. Photo : 7 mars 2024. Des Palestiniens retrouvent le corps d'un enfant dans les décombres de sa maison, suite à une frappe aérienne israélienne à Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza.

7 mars 2024. Des Palestiniens retrouvent le corps d’un enfant dans les décombres de sa maison, suite à une frappe aérienne israélienne à Deir al-Balah, dans la partie centrale de Gaza. (Photo : Omar Ashtawy / APA images)


Maureen Clare Murphy
, 8 mars 2024

Le 3 mars, lors d’une apparition à Selma, en Alabama, la vice-présidente des EU, Kamala Harris, a réclamé un « cessez-le-feu immédiat » à Gaza, suscitant les applaudissements enthousiastes du public dans une ville fortement associée au mouvement des droits civiques.

Mais, ensuite, après quelques secondes, Harris a ajouté « pour les six prochaines semaines au moins », atténuant ainsi ce qui, tout d’abord, avait semblé un appel sans équivoque au cessez-le-feu.

Malgré quelques gros titres prétendant le contraire, la vice-présidente n’a nullement présenté une nouvelle politique émanant de l’administration Biden qui, une fois encore, le 20 février dernier, s’est opposée à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU en faveur d’un cessez-le-feu.

Des remarques récentes d’autres personnalités de l’administration Biden, dont le président lui-même lors de son discours sur l’état de l’Union, affirment que Washington est toujours entièrement engagé dans un changement de régime à Gaza et qu’il exerce des pressions sur le Hamas – lequel insiste en faveur d’un cessez-le-feu permanent – afin qu’il n’accepte qu’une trêve temporaire au génocide et ce, dans les termes d’un arrangement négocié par l’Égypte et le Qatar.

Le soutien américain à l’évincement du Hamas en tant que pouvoir en place à Gaza prolonge donc le génocide perpétré par Israël et rend l’administration Biden complice du recours à la famine comme arme de guerre et à l’aide humanitaire comme monnaie d’échange – violant ainsi à la fois la législation internationale et les lois américaines elles-mêmes.

Les pourparlers indirects entre Israël et le Hamas, dans lesquels les EU sont un acteur clé, s’avèrent de plus en plus être une ruse très semblable aux accords d’Oslo bricolés par les Américains : Le processus permet à Israël de négocier de mauvaise foi tout en continuant de violer de façon flagrante les lois internationales dans la poursuite de ses desseins génocidaires. Et, ensuite, il ne reste plus à Israël, conjointement avec Washington, qu’à blâmer les Palestiniens de l’inévitable rupture issue de son intransigeance.

En torpillant toute demande contraignante d’un cessez-le-feu immédiat au Conseil de sécurité, les EU achètent du temps pour Israël et maintiennent le subterfuge en place, dans le même temps que les enfants de Gaza qui n’ont pas encore été tués par des armes d’origine américaine meurent affamés suite à la famine orchestrée par Israël en guise de pression sur le Hamas.

Et, alors que les EU disent qu’ils s’opposent à toute expulsion massive des Palestiniens de Gaza, leur politique jette exactement les bases en vue de cette expulsion.

 

Les buts stratégiques de Washington à Gaza

Dans une interview publiée le 28 février, le porte-parole de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, John Kirby, a expliqué dans The New Yorker que le but d’une trêve de six semaines est de faire parvenir de l’aide à Gaza et de pouvoir faire sortir les captifs restants aux mains du Hamas et d’autres organisations.

Cela revient à admettre tacitement que l’administration Biden soutient le recours par Israël à l’aide humanitaire nécessaire d’urgence en tant que forme de levier dans les négociations.

Kirby a déclaré que,

« selon une perspective stratégique, nous voulons voir qu’Israël se montre capable de se défendre lui-même et que le Hamas ne soit plus au pouvoir à Gaza ».

Et d’ajouter que

« nous ne soutenons toujours pas un cessez-le-feu général qui laisserait le Hamas au pouvoir ».

Ceci montre que le changement de régime à Gaza reste la toute première priorité, en dépit du massacre de plus de 30 000 Palestiniens en cinq mois, de bien des milliers d’autres encore qui sont restés sous les ruines, et outre les gens dont les décès suite au siège israélien pourraient très bien ne jamais être repris dans les comptes.

Les statistiques des cinq derniers mois à Gaza – aussi horribles qu’elles soient – ne donnent qu’une idée de l’holocauste qu’ont subi les Palestiniens et, sans cessez-le-feu immédiat, le pire peut encore venir.

La destruction et les ordres d’évacuation forcée émanant d’Israël ont déplacé la quasi-totalité de la population de Gaza (2,3 millions de Palestiniens), et une bonne partie de cette population a même été déplacée à plusieurs reprises. Environ 1,5 million de personnes sont actuellement concentrées à Rafah, le long de la frontière de Gaza avec l’Égypte.

Benjamin Netanyahou, le Premier ministre d’Israël, dit que l’armée va envahir Rafah sans tenir compte de la moindre trêve temporaire.

Pendant ce temps, les EU ont laissé entendre sans ambages qu’ils n’imposeront aucune conséquence matérielle à Israël si ce dernier devait envahir Rafah sans plan de protection des civils – les organisations des droits humains et les agences humanitaires ont dit clairement qu’un tel plan était impossible –, bien qu’ils soient très conscients qu’une telle opération entraînerait des masses de victimes et qu’elle scellerait la fin pour Gaza des missions d’aide humanitaire déjà sévèrement restreintes.

Le transfert forcé des Palestiniens dans l’extrême sud de Gaza a suscité l’inquiétude qu’Israël n’envisage une expulsion de masse depuis Gaza vers la péninsule égyptienne du Sinaï, où ont eu lieu récemment des défrichements de terrain et des aménagements en vue, potentiellement, d’accueillir toute une population contrainte de quitter l’enclave.

L’administration Biden dit qu’elle est opposée à cela, avec Kirby qui affirme que

« nous ne voulons pas voir Gaza occupé, nous ne voulons pas voir la moindre réduction de territoire à Gaza et nous ne voulons pas voir le moindre déplacement forcé de population palestinienne ».

Mais Israël contredit directement ces trois principes, quand son ministre des renseignements recommande « l’évacuation de la population civile de Gaza vers le Sinaï », une mesure d’une illégalité flagrante appliquée sur le terrain même par l’armée, qui a détruit de vastes ensembles d’infrastructures civiles afin d’installer une « zone tampon » sur le territoire de Gaza – et il s’agit également d’une violation manifeste des lois internationales. Et le cabinet israélien de la guerre a révélé récemment les appels d’un plan « post-Hamas » en faveur d’un contrôle direct illimité du territoire par l’armée israélienne.

Même le fait de qualifier de « plan » le document de Netanyahou constitue un dépassement : Alon Pinkas, qui écrit dans Haaretz, le décrit comme une peu sérieuse

« négation du plan Biden, une liste de déclarations qui signifient un contrôle israélien illimité de Gaza sans la moindre lueur d’espoir politique ».

Le plan de Netanyahou souhaite qu’un pouvoir civil à Gaza soit exercé par « des éléments locaux ayant une expérience du management » et qui seront indépendants des « pays ou entités qui soutiennent le terrorisme » apparemment, il s’agit d’une tentative de relance des Ligues villageoises qui avaient pour but de contrer l’influence révolutionnaire de l’Organisation de libération de la Palestine dans les années 1970 et 1980. Il comprend également une zone tampon contrôlée par Israël à Rafah, le long de la frontière avec l’Égypte.

Le plan de Biden, au contraire, envisage la présence d’une force internationale à Gaza et l’extension au territoire de la gestion par une Autorité palestinienne « revitalisée ». Netanyahou et les membres de son gouvernement d’extrême droite rejettent ce plan.

Ce que les plans de Netanyahou et de Biden ont en commun, c’est qu’ils présument, en fait, qu’Israël va évincer le Hamas en tant qu’entité au pouvoir à Gaza – ce qui est loin d’être couru d’avance, ont expliqué en février des responsables des renseignements aux membres du Congrès.

Netanyahou et l’administration Biden partagent également un désintérêt total pour la façon dont les Palestiniens souhaitent s’organiser et se gouverner – cela ressemble très fortement au déni d’autodétermination qui se situe au cœur de la lutte de libération nationale des Palestiniens.

Le massacre de la Farine

Kirby a expliqué à The New Yorker que

« réclamer un cessez-le-feu en ce moment même, sans conditions préalables, avantage le Hamas et le laisse au pouvoir, et il n’aura donc aucun prix à payer pour ce qu’il a fait le 7 octobre ».

Ce que Kirby a décrit comme l’un des buts stratégiques de Washington à Gaza a laissé dans le territoire un vide sécuritaire qui a rendu impossible la livraison d’une aide vitale efficace, et cela aggrave encore l’insécurité alimentaire subie par les Palestiniens dans toutes les régions de l’enclave.

Cette politique désastreuse a créé les conditions de ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de massacre de la Farine – le massacre d’au moins 118 Palestiniens et les blessures de plusieurs centaines d’autres après que les forces israéliennes ont ouvert le feu sur des personnes qui s’étaient rassemblées pour recevoir de la nourriture dans la ville de Gaza, le 29 février.

Il conviendrait également de percevoir cet horrible incident comme une indication du danger pour les Palestiniens de Gaza que représenterait un contrôle israélien direct et prolongé tel que le propose Netanyahou.

Ce serait Israël qui aurait initié ce convoi de camions d’aide transportant de la farine et d’autres denrées alimentaires et fournitures et aurait chargé des hommes d’affaires palestiniens de délivrer le tout, et trois livraisons de ce genre auraient déjà eu lieu au cours des jours qui avaient précédé l’incident meurtrier.

Lors de la livraison du 29 février, les soldats ont ouvert le feu sur la foule « en deux vagues », a rapporté Al Jazeera, « la première, quand les gens se sont emparés des marchandises et, la seconde, quand la foule est retournée vers les camions ».

L’émetteur, qui cite le journaliste Ismail al-Ghoul, présent ce jour-là, a déclaré qu’

« après avoir ouvert le feu, les chars israéliens se sont avancés et ont écrasé sous leurs chenilles un grand nombre de morts et de blessés ».

Israël aurait organisé ce convoi d’aide en une tentative de combler un vide après que l’ONU a été forcée de suspendre des missions d’aide au nord de Gaza en raison d’un manque de sécurité – une situation qui résulte d’ailleurs des actions mêmes d’Israël.

« Les partenaires humanitaires ont été mis dans l’impossibilité d’atteindre en toute sécurité le nord de Gaza et des parties de plus en plus importantes du sud de Gaza, puisque les convois d’aide se sont retrouvés sous le feu et se sont vu systématiquement refuser l’accès aux personnes en détresse »,

a expliqué le Bureau de l’ONU de coordination des affaires humanitaires (OCHA).

Les convois d’aide se sont non seulement retrouvés sous le feu israélien et se sont vu refuser tout accès, ils ont également été interceptés par des foules de personnes désespérées et d’éléments criminels qui cherchent à exploiter la situation avant que la cargaison, qui est transférée vers Gaza dans le sud, n’atteigne le nord, où les besoins sont les plus urgents.

Israël a favorisé un environnement d’insécurité en ciblant et en tuant près d’une douzaine de policiers palestiniens qui gardaient les passages frontaliers et les convois d’aide, forçant ainsi la police à cesser d’escorter les camions d’aide, tout en accusant les agences humanitaires de leur incapacité à distribuer l’aide de façon efficiente.

Deux des policiers tués étaient responsables du côté palestinien des principaux passages vers Gaza.

Bassem Ghaben, le directeur de la partie gazaouie du carrefour commercial de Kerem Shalom / Karem Abu Salem, a été tué en compagnie de trois autres personnes le 21 décembre au cours de ce que les Palestiniens ont qualifié de raid aérien israélien contre le passage, lequel a réouvert quelques jours plus tard.

Plusieurs semaines plus tard, le 7 février, l’officier supérieur Majdi Abd al-Aal, le responsable du côté gazaoui du passage frontalier entre Rafah et l’Égypte, était assassiné en compagnie de plusieurs autres policiers lors d’une attaque aérienne israélienne. Les responsables palestiniens ont affirmé qu’Abd al-Aal, qui était membre du Hamas, avait été tué alors qu’il assurait le passage de camions d’aide.

L’administration Biden a implicitement soutenu le ciblage des agents qui assuraient l’aide comme une forme de compte à rendre pour l’opération militaire du 7 octobre dirigée par le Hamas, même si les responsables américains disent qu’ils s’opposent au ciblage de policiers civils à Gaza et qu’ils ont dit à plusieurs reprises à leurs homologues israéliens que personne d’autre, en dehors de ces hommes, n’était en mesure d’assurer la sécurité des convois d’aide.

Le manque d’escortes policières a rendu

« pratiquement impossible pour l’ONU ou quiconque d’autre (…) d’envoyer l’aide en toute sécurité à Gaza, et ce, à cause des bandes criminelles »,

avait expliqué en février l’ambassadeur des EU David Satterfield.

L’absence de policiers a également rendu la situation plus dangereuse pour les Palestiniens et, depuis quelque temps, des hommes armés et masqués patrouillent dans Rafah afin de lutter contre les prix abusifs.

Les convois permettent à Israël de « continuer à faire la guerre »

Malgré la condamnation à l’échelle mondiale – y compris par certains des alliés les plus fidèles d’Israël – du massacre de la Farine, l’armée a encore ouvert le feu, depuis lors, sur des Palestiniens rassemblés pour recevoir de l’aide dans le nord de Gaza, puisqu’elle l’a fait en 14 (quatorze) occasions au moins entre la mi-janvier et la fin de février.

Le 5 mars, le Programme alimentaire mondial (PAM) a déclaré qu’une nouvelle tentative en vue de reprendre les livraisons dans le nord de Gaza avait échoué. Un convoi de vivres de 14 camions avait été contraint, après de longues heures d’attente, de faire demi-tour à un checkpoint israélien, et, après qu’il était reparti, « une importante foule de gens désespérés (…) avait pillé la nourriture et en avait emporté quelque 200 tonnes », selon l’agence de l’ONU.

Des officiers supérieurs de l’armée israélienne

« croient que, si le gouvernement israélien ne décide pas  qui est responsable de la distribution de l’aide humanitaire à l’intérieur de la bande de Gaza, il y aura encore d’autres désastres comme l’incident de la semaine dernière dans le nord de Gaza »,

rapporte Yaniv Kubovich, qui écrit dans le quotidien israélien Haaretz.

Selon Kubovich, l’armée israélienne

« a prévenu à de multiples reprises le gouvernement que l’incapacité de décider d’une méthode de distribution de l’aide au nord de la bande de Gaza pouvait compromettre le soutien international et américain à la poursuite de la guerre ».

Zvi Bar’el, un autre journaliste de Haaretz, écrit qu’

« Israël comprend que les convois de nourriture et de médicaments et les fournitures d’eau et de carburant sont ce qui lui permet de poursuivre la guerre ».

« Le paradoxe de cette aide censée sauver des vies humaines est d’une importance capitale pour qu’Israël puisse continuer à tuer des gens, des ennemis et des ‘non-combattants’ »,  ajoute Zvi Bar’el.

« Mais Israël n’a pas inventé la roue et le gouvernement américain est celui qui a dicté les règles. »

Le Réseau euro-méditerranéen de contrôle des droits humains (Euro-Med Monitor) a déclaré qu’il disposait de témoignages de Palestiniens dans le nord de Gaza qui avaient reçu des appels téléphoniques de l’armée israélienne juste avant le massacre de la Farine. On leur avait dit

« clairement et explicitement de se rendre dans les sections du centre et du sud de la bande de Gaza afin d’obtenir de la nourriture et de l’eau et d’éviter ainsi de mourir de faim ».

Trois éminentes organisations palestiniennes des droits humains – Al-Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains (CPDH) – disent que

« des milliers de Palestiniens risquent leurs vies chaque jour à la recherche de denrées vivrières essentielles, telle la farine, à proximité des checkpoints israéliens où l’on s’attend à la venue des camions d ‘aide ».

Bien que l’armée israélienne

« soit pleinement consciente des circonstances qu’elle impose, elle cible les individus qui attendent pendant des heures afin d’apporter des vivres à leurs familles qui meurent de faim ».

La politique de famine orchestrée par Israël a pour but de forcer les Palestiniens du nord de Gaza à « s’en aller vers le sud », ajoutent les organisations de défense des droits et, « potentiellement, à les expulser de force » vers l’Égypte.

 

« Créer la famine : une stratégie de négociation »

Non seulement l’armée israélienne perçoit l’aide humanitaire comme un aspect clé de sa stratégie de guerre, mais elle a également perçu la famine qu’elle a orchestrée dans le nord de Gaza

« comme une monnaie d’échange dans les pourparlers avec le Hamas à propos d’un accord de libération des otages »,

écrit Kubovich.

Une proposition examinée par le Hamas ces derniers jours comprend un engagement de 500 camions d’aide humanitaire par jour, la livraison de 200 000 tentes de de 60 000 caravanes et la permission de réinstaller des hôpitaux et des boulangeries à Gaza.

 

Amal Saad, une spécialiste concernant le Hezbollah et l’axe de la résistance, a déclaré que cette proposition montre bien qu’« Israël utilise la famine comme une stratégie de négociation ».

« Sa proposition d’une trêve de 40 jours stipule qu’il permettra à 500 camions d’aide humanitaire d’entrer chaque jour à Gaza, mais ne renferme aucune mention d’un cessez-le-feu permanent, d’un retrait complet de ses troupes, d’une levée de son siège ou d’un retour de tous les civils dans le nord, comme le réclamait le Hamas »,

a-t-elle ajouté.

L’affamement délibéré des Palestiniens a permis à Israël « de créer de nouveaux faits sur le terrain » et a baissé le plafond des négociations

« à un simple ralentissement de l’affamement, dont il peut dire désormais qu’il s’agit d’une ‘concession’ majeure ».

Amal Saad a ajouté qu’une rupture sociale servirait le discours d’Israël pour le scénario d’après-guerre qu’il imagine à Gaza et dans lequel le Hamas serait écarté, ce qui ferait d’Israël « la seule partie à même de restaurer la loi et l’ordre ».

Elle a encore dit que

« cela donnerait à Israël le plein contrôle, direct ou indirect, sur un Gaza ‘incontrôlable’ et qui requiert une administration coloniale ».

 

L’aide à Gaza réduite d’une bonne moitié suite à la décision de la CIJ

Sven Koopmans, l’envoyé de l’Union européenne pour la paix au Moyen-Orient, a déclaré à l’adresse du Times of Israel que

« l’assistance humanitaire, qui sauve les vies de civils innoncents, ne peut faire l’objet de négociations politiques ».

« Ce n’est pas qu’une question d’humanité et de valeurs même si celles-ci sont très importantes », a déclaré Koopmans. « C’est également une question de lois internationales. »

Fin janvier, la Cour internationale de justice (CIJ) décidait qu’il était plausible qu’Israël commettait un génocide à Gaza et elle lui ordonnait de permettre la livraison immédiate et effective de services de base et d’aide humanitaire aux Palestiniens du territoire.

« En janvier, avant la décision de la cour, une moyenne de 147 camions entraient chaque jour à Gaza »,

selon les experts indépendants des Nations unies.

« Depuis la décision de la cour, 57 camions seulement sont entrés quotidiennement à Gaza entre le 9 et le 21 février 2024. »

Les experts ont ajouté que

« la livraison d’aide humanitaire constitue l’obligation humanitaire élémentaire minimale qu’Israël doit fournir inconditionnellement ».

Et, depuis la décision de la CIJ, les alliés d’Israël, avec les EU à leur tête, ont suspendu le financement de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, avec des allégations sans preuves disant que certains membres de son personnel étaient impliqués dans les attaques du 7 octobre – assénant de la sorte un coup fatal potentiel au principal fournisseur d’aide humanitaire à Gaza.

Apparemment, les EU ont admis qu’ils étaient complices, en le soutenant, dans le recours à la famine comme arme de guerre contre Gaza.

Quand on lui a demandé, fin février, si l’administration envisageait de parachuter de l’aide à Gaza, la secrétaire de presse de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre a déclaré :

« Une fois encore, c’est pourquoi il importe à ce point d’en arriver à cet accord sur les otages, pourquoi il importe tant d’en arriver à ce cessez-le-feu temporaire. »

 

Washington reconnaît également que les ministres israéliens bloquent la livraison d’aide, y compris l’assistance humanitaire fournie par les EU, et que cette obstruction est une question de politique délibérée plutôt qu’une résultante de problème technique ou de défis logistiques auxquels on pourrait s’attendre en distribuant de l’assistance dans une zone de guerre.

« Vous avez vu des ministres du gouvernement israélien bloquer la sortie de farine du port d’Ashdod »,

a déclaré le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, lors d’un briefing de presse, le 5 mars.

« Vous avez vu des ministres du gouvernement israélien soutenir des protestations qui empêchaient l’aide d’entrer dans le passage de Kerem Shalom, si bien que toutes ces choses sont des obstacles émanant des ministres mêmes du gouvernement israélien. »

Les lois américaines interdisent l’aide à des pays qui interdisent ou restreignent la livraison d’aide humanitaire fournie par les EU. Mais l’administration Biden ne dira pas si elle estime officiellement qu’Israël se plie ou pas aux lois américaines.

 

Les protestations auxquelles Miller faisait allusion, et par lesquelles les citoyens israéliens ont bloqué le transfert de l’aide au croisement de Kerem Shalom / Karem Abu Salem pendant plus d’un mois, ont été organisées, dit-on, par Andy Green (connu également sous le nom de Baruch Ben Yosef), un citoyen américain que l’on soupçonne de l’assassinat en 1985 d’Alex Odeh, un dirigeant palestino-américain des droits civiques.

Washington refuse de recourir à de réelles pressions sur Israël pour qu’il ouvre les passages, simplifie les formalités administratives et assure la protection des convois d’aide – des mesures requises de toute urgence afin d’aller à la rencontre des besoins élémentaires des Palestiniens de Gaza qui ont survécu cinq mois au constantes attaques israéliennes perpétrées à l’aide d’armes en provenance des EU.

En lieu et place, l’administration Biden participe actuellement à des parachutages théâtraux d’aide à Gaza et elle a annoncé qu’elle allait construire un port artificiel temporaire sur sa côte, même si l’ONU affirme que ce qu’il faudrait, c’est davantage de livraisons terrestres d’aide et en volumes plus importants.

Tout au long du génocide à Gaza, les EU ont utilisé l’aide humanitaire comme une feuille de vigne dans une tentative très peu convaincante en vue de masquer leur complicité. Le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a prétendu que

« ce sont les États-Unis d’Amérique, et non un autre pays, qui ont été à même d’assurer un accord en vue de faire entrer de l’aide humanitaire à Gaza”

tout en oubliant de mentionner que ce sont également les EU qui ont fourni à Israël les armes et l’impunité qui lui ont permis de perpétrer un génocide.

L’administration Biden a déclaré que « bien trop d’innocents Palestiniens ont été tués » à Gaza et elle a demandé à Israël d’autoriser davantage d’aide « via le plus grand nombre de points d’accès possible, et de faciliter la distribution en toute sécurité de cette aide partout à Gaza ».

Mais les dirigeants israéliens avaient fait savoir clairement dès le début de l’offensive qu’ils utiliseraient la nourriture et l’eau comme des armes de guerre contre la population tout entière de Gaza. Cinq mois plus tard, leurs « choix de méthodes et de moyens de guerre ont provoqué une catastrophe humanitaire », estime le bureau des droits humains de l’ONU.

Les agences d’aide disent à l’unanimité que seul un cessez-le-feu permettra l’opération de secours massive nécessaire pour empêcher la famine à Gaza,

« où toutes les lignes vitales (…) ont plus ou moins été coupées »,

pour reprendre les propos adressés aux journalistes, début mars, par Christian Lindmeier, le porte-parole de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

« Les livraisons de nourriture ont été interrompues délibérément. Ne l’oublions pas »,

a ajouté Christian Lindmeier.

Selon Michael Fakhri, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la nourriture, les Palestiniens de Gaza

« constituent aujourd’hui 80 pour 100 de toutes les personnes sur terre qui sont confrontées à la famine ou à une faim catastrophique ».

« Depuis le Seconde Guerre mondiale, nous n’avons jamais vu une population civile tout entière rendue aussi complètement affamée, et aussi rapidement »,

ajoute Michael Fakhri.

La faim peut se muer en l’arme la plus meurtrière de la guerre israélienne d’anéantissement des habitants palestiniens de Gaza, dans le même temps que les États-Unis aident, facilitent et prolongent la destruction de toutes ces existences.

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Maureen Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada.

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Publié le 8 mars 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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