La situation de la santé est catastrophique alors que le génocide à Gaza entre dans son sixième mois

À Gaza, médecins, infirmier.e.s et personnel médical sont forcés de traiter les patients dans des conditions de plus en plus pénibles du fait qu’Israël continue de bloquer la nourriture, l’eau, les médicaments et les fournitures de base, et ce, avec le soutien et la complicité des États-Unis.

 

Gaza, 7 Mars 2024. Un enfant blessé est soigné par des médecins à l'hôpital des Martyrs d'Al-Aqsa, à Deir El-Balah, suite à des attaques israéliennes.

7 Mars 2024. Un enfant blessé est soigné par des médecins à l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa, à Deir El-Balah, suite à des attaques israéliennes. (Photo : Ali Hamad / APA images)

 

Nora Barrows-Friedman, 9 mars 2024

Ces cinq derniers mois, les forces israéliennes ont détruit 155 institutions de santé et ont mis 32 des 36 hôpitaux de Gaza complètement ou partiellement hors service, selon le Dr Ashraf al-Qedra, le porte-parole du ministère palestinien de la santé à Gaza.

« La situation de la santé est absolument catastrophique et défie toute description. Elle empire et se détériore plus encore suite à l’absence de l’aide médicale nécessaire »,

ajoute le Dr al-Qedra.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fait savoir que la moyenne d’occupation des lits dans les hôpitaux de Gaza approchait les 300 pour 100.

Depuis près de 50 jours, Israël assiège l’hôpital Al-Amal de la ville de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza.

Les forces israéliennes ont attaqué l’hôpital à quarante reprises au moins depuis la mi-janvier, tuant au moins 25 Palestiniens et laissant la site pratiquement hors d’usage, selon les Nations unies.

Des milliers de patients, de familles déplacées et de membres du personnel médical sont piégés depuis des semaines à l’intérieur du bâtiment, à cause des chars et des snipers israéliens qui entourent le complexe hospitalier.

 

« Les bâtiments continuent d’être la proie des tirs des snipers, des pannes de communications et des arrestations de travailleurs médicaux en même temps que sévissent une pénurie dramatique de produits essentiels et des restrictions sur tout ce qui est susceptible de sauver des vies et de pouvoir entrer dans le complexe »,

a déclaré l’ONU fin février.

Le directeur d’Al-Amal, le Dr Haidar Al-Qudra a expliqué au Nations unies que, depuis des mois, les cas chirurgicaux critiques étaient obligatoirement reportés.

« Aucune de ces opérations normales n’a plus été effectuée dans aucun hôpital et, de ce fait, la plupart de ces patients sont morts ou souffrent de plus en plus »,

a déclaré le Dr Al-Qudra.

Les forces israéliennes ont arrêté plus d’une douzaine de travailleurs médicaux de la Société du Croissant-Rouge de Palestine (SCRP), y compris des médecins et du personnel ambulancier qui se trouvait à l’hôpital. On ignore ce que ces personnes sont devenues.

L’OMS rapporte qu’en tout 118 travailleurs médicaux de Gaza ont été enlevés et arrêtés depuis le 7 octobre.

 

Le Dr Al-Qudra a expliqué aux Nations unies qu’

« il n’y a de respect pour aucune règle ou loi humanitaire se rapportant au personnel médical ».

Cette semaine, on rapporte que des travailleurs de la défense civile et des personnes de la SCRP ont tenté de maîtriser des incendies qui avaient éclaté à l’intérieur des bâtiments de l’hôpital.

 

La SCRP a prévenu le 3 mars que les fournitures médicales, les médicaments et les équipements de labo « étaient épuisés », alors que l’eau potable, la nourriture et autres produits essentiels pour enfants en bas âge comme pour patients plus âgés l’étaient quasiment aussi.

 

Le blocage des convois médicaux

À de multiples reprises, les forces israéliennes ont attaqué et bloqué des convois médicaux se rendant à l’hôpital Al-Amal ou qui en venaient.

Fin février, des équipes de la SCRP et de l’OMS ont évacué deux douzaines de patients de l’hôpital, dont une femme enceinte ainsi qu’une mère et son nouveau-né.

« En dépit d’une coordination préalable pour tous les membres et véhicules de l’équipe avec le camp israélien, les forces israéliennes ont bloqué le convoi dirigé par l’OMS durant de nombreuses heures au moment où il a quitté l’hôpital »,

ont déclaré les Nations unies.

« L’armée israélienne a forcé les patients et le personnel, a sortir des ambulances et tous les paramédicaux ont dû se dévêtit complètement. Trois paramédicaux de la SCRP ont ensuite été arrêtés, bien que leurs coordonnées personnelles eussent été préalablement partagées avec les forces israéliennes. Pendant ce temps, le reste du convoi est resté bloqué pendant plus de sept heures »,

a ajouté l’ONU.

 

Le mois dernier, le médecin urgentiste vivant à Chicago, Thaer Ahmad, a participé au livestream de The Electronic Intifada pour parler de sa récente expérience de travail au Complexe médical Nasser à Khan Younis.

 

Vidéo EI : « Ce que j’ai vu dans un hôpital de Gaza me hante… »

 

Depuis que le Dr Thaer Ahmad est revenu de Gaza, le Complexe médical Nasser a été complètement rendu inopérationnel par le siège brutal et les attaques d’Israël contre le site ainsi que contre les patients, le personnel et toutes les personnes réfugiées sur place.

« C’était déjà une situation très, très écrasante bien avant n’importe quelle forme de siège »,

a déclaré le Dr Ahmad.

« Nous devions soigner certaines personnes à même le sol, nous nous occupions d’activation de traumatisme là où plusieurs personnes entraient en même temps, parce qu’une maison venait d’être bombardée à quelques blocs de là »,

a-t-il expliqué.

« Les médecins sur place étaient surmenés. Ils travaillaient durant des pauses de 24 heures, avec 24 heures de repos entre les deux et, dans ce cas, eux aussi s’abritaient sans doute en l’un ou l’autre endroit dans les parages de l’hôpital – et certains d’entre eux restaient dans une tente juste à l’extérieur, en compagnie de leur famille. »

 

L’impact de la faim sur les enfants en bas âge

 

Vidéo EI : « Ce que j’ai vu en soignant les plus jeunes victimes du génocide… »

 

Lors de l’épisode du 7 mars du livestream de The Electronic Intifada, le Dr Arham Ali, un spécialiste des cas critiques en pédiatrie, a décrit ce que c’était que de traiter les patients les plus vulnérables dans un hôpital à Gaza.

Le Dr Ali, qui travaille à l’hôpital des enfants de l’Université de Loma Linda, dans le sud de la Californie, est récemment rentré d’un séjour de deux semaines à Gaza au cours duquel il a travaillé en compagnie de médecins et d’infirmier.e.s à l’hôpital-maternité des Émirats, à Rafah.

« Malgré mes années de pratique, mon vocabulaire ne contient pas suffisamment de mots pour décrire les atrocités et la dévastation qui ont lieu à Gaza en ce moment même, pour ces jeunes enfants innonents et tout particulièrement pour la population des nouveau-nés »,

nous a expliqué le Dr Ali.

Avec très peu de fournitures et sans médicaments de base, le Dr Ali a expliqué que les médecins ne peuvent tout simplement pas fournir de soins salvateurs aux nombreux enfants nés prématurément.

Il a également parlé des impacts physiques et cognitifs à long terme sur les enfants en raison de la politique de famine orchestrée par Israël.

L’unité des soins intensifs néonatals de l’hôpital Emirati ne dispose que de douze lits, a-t-il expliqué, mais les médecins ont été forcés de caser jusqu’à 40 enfants dans ces lits.

« Ces patients partagent des incubateurs, ils sont dans des espaces qu’ils partagent également, et vous pouvez aisément imaginer à quel point cela peut être dévastateur sur le plan du côntrôle des infections et de l’état septique »,

a-t-il ajouté.

Nombre de petits patients que le Dr Ali a traités sont nés prématurément en raison de la malnutrition maternelle, de la déshydratation, du stress et de l’un ou l’autre traumatisme.

« Un grand nombre d’entre eux auraient pu être traités et auraient connu une vie normale et belle – avec un peu d’assistance, nous les verrions atteindre l’âge adulte », a-t-il encore dit.

« Malheureusement, étant donné le manque très sévère d’infrastructures de soins de santé, en raison de l’absence dramatique de fournitures médicales essentielles et d’équipements en tous genres, ces enfants, qui ont des blessures auxquelles ils pourraient normalement survivre, sont aujourd’hui dans l’incapacité totale de survivre. »

 

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Publié le 9 mars 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine


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