La nouvelle charte du Hamas, une évolution positive

Fin avril 2017, l’organisation palestinienne Hamas rendait publique sa nouvelle charte par la bouche de son porte-parole Khaled Meshaal. L’information à ce propos n’était pas toujours équilibrée. Lucas Catherine a lu la nouvelle charte.

L’ancienne charte, de 1988, était caduque depuis quelque temps et cela faisait longtemps déjà que le Hamas s’était résigné à un État palestinien dans les territoires occupés en guise de solution temporaire, jusqu’à ce que toute la Palestine fût libérée.

Hamasviering in Gaza

Depuis 2003, le Hamas a développé une stratégie par étapes, la motivant par le concept de « hudna », littéralement « trêve », découlant de son idéologie islamique. C’est un terme qui provient du droit islamique et par lequel on entend « la suspension de la guerre quand cela profite aux musulmans ».

Pour la première fois, en 2003, l’organisation proposait une « hudna » à Israël. Celle-ci était entrée en vigueur le 29 juin 2003, mais avait été rompue quand Israël avait assassiné le dirigeant du Hamas Ismail Abu Shanab.

En 2004, le dirigeant du Hamas al-Rantissi déclarait qu’une « hudna » de dix ans serait possible avec Israël, à condition que les Palestiniens reçussent un État s’étalant sur tout le territoire de la Cisjordanie et de Gaza, avec Jérusalem comme capitale. Cheikh Yassine, fondateur du Hamas, renchérissait.

Pour lui, une telle trêve pouvait même durer cent ans. Rantissi était assassiné en mars 2004 par Israël et, un mois plus tard, c’était le tour de Cheikh Yassine, écrasé avec sa chaise roulante sous un bombardement.

Sur ce plan, il n’y a donc pas grand-chose de neuf, dans le point 19 :

« (…) la fondation d’un État palestinien indépendant et souverain, avec Jérusalem comme capitale, dans les frontières du 4 juin 1967, de même que le droit au retour des réfugiés, fait partie de notre consensus national communautaire, mais ne signifie pas la reconnaissance de l’État sioniste et ne consiste en aucun cas à ce que nous renoncions aux droits nationaux palestiniens. »

Ce qui est nouveau, toutefois, c’est que le Hamas ne se définit plus comme un mouvement dérivant de la fraternité musulmane.

Dans le nouveau texte, on ne trouve plus de citations du Coran. Dans l’ancienne charte de 1988, ces citations étaient nombreuses et, dans l’argumentation de sa politique, le Hamas fait moins appel à l’islam.

Voici quelques citations importantes qui rendent plus claire cette nouvelle idéologie :

Article 2. La Palestine, qui s’étend de la Jordanie, à l’est, jusqu’à la Méditerranée, à l’ouest, et de Ras Al-Naqurah, au nord, jusqu’à Umm Al-Rashrash, au sud, est une unité territoriale indivisible. C’est la terre et la patrie du peuple palestinien. L’expulsion et le bannissement des Palestiniens de leur terre et l’établissement de l’entité sioniste à leur place n’anéantissent pas le droit du peuple palestinien à sa terre toute entière et ne donnent aucun droit à l’usurpateur sioniste.

Article 6. Le peuple palestinien (…) est composé de tous les Palestiniens, qu’ils vivent en Palestine ou ailleurs, indépendamment de leur religion, leur culture ou leur affiliation politique.

Article 12. La cause palestinienne dans son essence est la cause d’un pays occupé et d’un peuple chassé de sa terre (…).

Article 13. Le Hamas rejette toutes les tentatives visant à abolir les droits des réfugiés, y compris les tentatives de les installer en dehors de la Palestine à travers les projets de patrie alternative.

Article 14. Le projet sioniste est un projet raciste, agressif, colonial et expansionniste basé sur l’appropriation violente de ce qui appartient à d’autres; c’est un projet hostile au peuple palestinien et à son aspiration à la liberté, à l’émancipation.

Article 16. Le Hamas affirme qu’il s’oppose au projet sioniste, et non pas aux Juifs en raison de leur religion. Le Hamas ne lutte pas contre les Juifs parce qu’ils sont juifs, mais il mène la lutte contre les sionistes qui occupent la Palestine. En réalité, ce sont les sionistes qui assimilent constamment le judaïsme et les Juifs à leur projet colonial et à leur entité illégale.

Tout ceci présente une grande différence avec l’ancienne charte, qui était très antisémite. Dans l’ancienne charte, l’ennemi était « derrière la Révolution française et la plupart des autres révolutions », il contrôlait entre autres

« la franc-maçonnerie, le Rotary Club, le Lions Club et autres (…). Il était derrière la Première Guerre mondiale, au moment où le califat avait été aboli et où la déclaration Balfour avait été annoncée (…). Il était derrière la fondation de la Société des Nations (…) Il était derrière la Seconde Guerre mondiale (…). Tant les puissances impérialistes de l’Occident que les communistes de l’Est sont derrière cet ennemi. »

L’article 17 de la nouvelle charte rend ceci encore plus clair.

« Le Hamas estime que le problème juif, l’antisémitisme et la persécution des juifs sont des phénomènes fondamentalement liés à l’histoire européenne et non à l’histoire des Arabes et des musulmans ou à leur héritage. »

La motivation de base du mouvement sioniste est issue de cet antisémitisme européen. Et le sionisme a pu occuper la Palestine mouvement sioniste, qui a pu avec l’aide des pouvoirs occidentaux occuper la Palestine en tant que colonie européenne, le sionisme est un exemple dangereux de colonialisme d’implantation.

Aussi la nouvelle charte énonce-t-elle dans l’article 17 : «  (…) sont considérés comme nuls et non avenus : la déclaration de Balfour, le document du mandat britannique, la résolution des Nations unies sur la partition de la Palestine, et toutes les résolutions et les mesures qui en découlent ou s’y apparentent. »

Et, dans l’article 25, contre ce sionisme, il faut

«  résister à l’occupation avec tous les moyens et méthodes est un droit légitime garanti par les lois divines et par les normes et lois internationales. Au cœur de cela se trouve la résistance armée, qui est considérée comme le choix stratégique pour la protection des principes et des droits du peuple palestinien ».

L’ancienne charte était aussi opposée à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en raison de son caractère séculier :

« Même si nous apprécions le rôle de l’OLP dans le conflit arabo-israélien, nous ne pouvons toutefois collaborer avec une telle institution séculière (…) Le jour où l’OLP adoptera l’islam comme ligne directrice, nous deviendrons ses soldats. »

Dans l’article 29, cela devient :

« L’OLP est un cadre national pour le peuple palestinien à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine. Elle devrait donc être préservée (et, entre les lignes, non pas l’Autorité palestinienne, donc, le gouvernement des enclaves palestiniennes dans les territoires occupés), développée et reconstruite sur des bases démocratiques afin d’assurer la participation de toutes les composantes et forces du peuple palestinien, d’une manière qui garantisse les droits des Palestiniens… » « Nous croyons dans le pluralisme, la démocratie et le dialogue. »

L’Autorité palestinienne (AP) et la politique de sa direction actuelle sont rejetées. Ce n’est pas l’AP, mais l’OLP qui représente les Palestiniens. Selon les accords d’Oslo, l’AP n’a qu’une compétence limitée sur les Palestiniens dans les territoires occupés. L’OLP représente par contre tous les Palestiniens, ainsi que les réfugiés et les habitants palestiniens d’Israël. C’est pourquoi, dans l’article 29, le Hamas déclare : « Le Hamas rejette tous les accords d’Oslo et ce qui en a découlé. »

Enfin, le rôle de la femme est également perçu plus largement. Dans l’ancienne charte, elle ne pouvait jouer de rôle qu’au sein de son foyer, dans l’éducation des enfants. On peut désormais lire dans l’article 34 :

« Le rôle des femmes palestiniennes est fondamental dans le processus de construction du présent et du futur, tout comme il l’a toujours été dans le processus historique palestinien. C’est un rôle central dans le projet de la résistance, de la libération et de la construction du système politique. »

L’un dans l’autre, cela représente donc une importante évolution d’où le Hamas ressort de façon plus positive que ce que suggèrent traditionnellement les médias.


Publié le 7 mai 2017 sur De Wereld Morgen
Traduction : Jean-Marie Flémal

Le texte complet de la nouvelle charte (en français), publié sur Chronique de Palestine

Lucas Catherine est un auteur bruxellois qui a écrit de nombreux ouvrages sur le colonialisme, la relation de la civilisation européenne avec les autres civilisations et l’islam. Concernant la colonisation de la Palestine, il a écrit entre autres : « Palestine, la dernière colonie ? » et plusieurs autres livres en néerlandais.

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