Israël accélère le vol de terre en Cisjordanie

Depuis le 7 octobre, les Palestiniens de Cisjordanie occupée sont soumis à la saga interminable que constituent les massacres et les vols de terre commis par les Israéliens.

 

Des Palestiniens examinent les dégâts provoqués par une intrusion de l'armée israélienne dans le camp de réfugiés de Nur Shams, à Tulkarem, en Cisjordanie, le 21 mars 2024.

Des Palestiniens examinent les dégâts provoqués par une intrusion de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés de Nur Shams, à Tulkarem, en Cisjordanie, le 21 mars 2024. (Photo : Ayman Nobani / DPA via ZUMA Press / APA images)

 

Tamara Nassar, 26 mars 2024

Les forces d’occupation israéliennes ont démoli près de 460 maisons palestiniennes, l’an dernier, laissant plus d’un millier d’enfants sans la protection d’un foyer. Ce chiffre ne reprend pas d’autres structures appartenant à des Palestiniens et également détruites par les autorités israéliennes.

Aujourd’hui, Israël accélère le vol de terre en Cisjordanie occupée, organise des assassinats de combattants de la résistance et tue des enfants un peu partout sur le territoire, en dépit des mises en garde répétées disant que la poursuite de l’agression israélienne risque de provoquer une éruption.

Israël a approuvé la saisie de l’une des plus grandes surfaces de terre depuis que les accords d’Oslo ont été signés par Israël et par l’Organisation de libération de la Palestine au milieu des années 1990.

Bezalel Smotrich, le ministre israélien des finances, de l’ultra-extrême droite, a proclamé « terres d’État » près de 2 000 acres (800 hectares) de terre palestinienne en Cisjordanie occupée.

« Nous promouvons le peuplement par le biais du dur labeur et de façon stratégique dans tout le pays »,

a déclaré Smotrich la semaine dernière.

L’annonce a été faite la veille de l’arrivée du secrétaire d’État américain, Antony Blinken, en Israël.

« La taille de la surface en question est la plus importante depuis les accords d’Oslo »,

a déclaré Peace Now, une organisation qui tient à l’œil les colonies israéliennes.

« L’année 2024 marque un point culminant dans l’ampleur des proclamations de terres d’État »,

a ajouté l’organisation.

Proclamer des terres palestiniennes « terres d’État » est une manœuvre juridique visant à confisquer des terres appartenant à des Palestiniens en interprétant une loi ottomane utilisée dans un contexte tout à fait différent voici près de deux siècles.

Cette tactique juridique donne la possibilité à Israël de contourner la légalité technique de la détention de terre, puisque « la majeure partie des terres de Cisjordanie ayant le statut de propriété privée ne sont pas enregistrées officiellement », a déclaré Peace Now.

Cette déclaration suit les sanctions symboliques infligées par les EU à trois autres colons juifs israéliens un peu plus tôt ce mois-ci.

Ceci vient s’ajouter à la sanction infligée par les EU le mois dernier à quatre colons, dans une tentative manifeste de détourner l’attention de leur complicité dans le génocide israélien des Palestiniens à Gaza. D’autres pays, dont la France et le Royaume-Uni, leur ont emboîté le pas.

Ces sanctions donnent faussement l’impression que la violence des colons émane de quelques pommes pourries et elles contournent la réalité de la violence inhérente à la politique illégale, dirigée par l’État israélien, de colonisation par peuplement. Les colons n’agissent pas en tant qu’individus mais au nom de l’État, dont le but réside dans le vol et le contrôle total de toute la terre de Cisjordanie.

Une opération en Cisjordanie

Dans l’intervalle, jeudi, un tireur palestinien a ouvert le feu sur un bus à proximité de la colonie israélienne de Dolev, en Cisjordanie occupée. Mujahed Barakat Mansour a été traqué des heures durant par des soldats israéliens avant d’être tué par un missile tiré par un hélicoptère Apache.

Mansour fuyait en direction du village proche de Deir Ibzi, son fief, quand les soldats israéliens sont arrivés.

Malgré une longue poursuite de plusieurs heures par les forces israéliennes, il était parvenu à se réfugier dans une zone densément plantée, évitant ainsi d’être capturé. Plus tard, l’armée israélienne allait publier des prises de vue montrant l’attaque aérienne contre Mansour.

 

En fin de compte, les forces israéliennes ont recouru à un hélicoptère Apache, qui a tiré deux missiles contre lui, le tuant, après quoi ils ont attribué la chasse à l’homme de plusieurs heures aux « conditions météorologiques couvertes », a rapporté Haaretz.

Un soldat israélien a été tué et sept autres blessés, au cours de l’opération.

La colonie de Dolev a été établie en 1983 sur des terres des villages palestiniens tout proches de Janiyeh, Ein Qiniya et Deir Ibzi.

Mansour avait travaillé précédemment au sein de la garde présidentielle palestinienne avant de démissionner voici plus de dix ans. Il avait été arrêté, dit-on, en 2015, « suite à des soupçons de violations sécuritaires », a rapporté le quotidien de Tel-Aviv, Haaretz.

L’Autorité palestinienne, qui collabore avec Israël, réprime l’opposition et la résistance palestiniennes afin d’aider Israël à maintenir son occupation de la Cisjordanie, tout en promouvant l’illusion d’une autonomie et d’une représentation palestiniennes.

Il vaut la peine de mentionner qu’un membre de ses forces allait changer de cap plus tard et diriger son arme contre les militaires facilitant le peuplement sur des terres volées à son village et à d’autres villages palestiniens du voisinage.

Désormais, les autorités israéliennes prévoient de démolir la maison familiale de Mansour en guise de mesure punitive.

 

Le durcissement de la résistance

Israël a intensifié ses attaques mortelles partout en Cisjordanie occupée sous le prétexte de cibler la résistance armée émergente.

Les troupes israéliennes ont envahi le camp de réfugiés de Nur Shams le 20 mars et ont tué quatre Palestiniens, dont deux enfants.

Des douzaines de véhicules blindés israéliens, dont des bulldozers, ont envahi le camp à l’est de la ville de Turkarem, dans le nord de la Cisjordanie occupée, et se sont mis à niveler les routes et les infrastructures souterraines du camp.

L’armée israélienne procède de la sorte sous le prétexte d’une augmentation du nombre d’engins explosifs improvisés (EEI) plantés sous les routes afin de cibler les véhicules blindés israéliens.

« Nous voyons des EEI à Bethléem, à Hébron »,

a déclaré récemment notre contributeur Jon Elmer,

« depuis l’extrémité sud de la Cisjordanie jusqu’à son extrémité nord, nous assistons à une hausse qualitative de la lutte armée. »

Les troupes israéliennes ont provoqué d’énormes dégâts dans les infrastructures du camp de réfugiés de Nur Shams avec, entre autres, la destruction complète de la place publique adjacente à la principale entrée du camp. Les forces israéliennes ont également endommagé des biens palestiniens publics et privés dans le camp, a rapporté l’agence d’information Wafa.

Des photos diffusées par les médias locaux montrent des routes complètement défoncées aux alentours du camp de réfugiés et une destruction massive de la voirie dans les zones commerciales et résidentielles.

 

Un missile tiré par un drone israélien a tué deux Palestiniens, dont un adolescent, au moment où les troupes israéliennes ont envahi le camp.

Iyad Nidal Kanouh, 17 ans, et un adulte palestinien, Nidal Mamoun Abu Obeid, ont été tués par cette frappe. Israël a alors « retardé délibérément l’accès d’une ambulance palestinienne » aux deux blessés pendant deux heures et demie, selon un rapport sur le terrain établi par Defense for Children International – Palestine (DCI-P).

Les forces israéliennes ont blessé mortellement un autre enfant palestinien dans le camp en lui tirant une balle dans la tête quelques heures plus tard.

Abdullah Mahmoud Qaisi, 17 ans, participait prétendument à des confrontations contre les envahisseurs israéliens dans le camp de réfugiés quand des soldats lui ont tiré dessus à une distance de 50 ou 60 mètres, puis ont empêché les ambulances de l’atteindre, lui et un autre homme également blessé, a ajouté DCI-P.

Des Palestiniens ont transféré Abdullah et l’autre homme vers une mosquée toute proche durant plusieurs heures jusqu’au moment où les forces israéliennes se sont retirées de la zone, après quoi les deux blessés ont été transférés vers un hôpital proche.

Le 20 mars également, un missile tiré par un drone israélien a frappé un véhicule dans le camp de réfugiés de Jénine, tuant quatre Palestiniens.

 

La Brigade de Jénine, une organisation associée à Saraya al-Quds, l’aile militaire de l’organisation de résistance du Djihad islamique, a identifié les victimes comme étant Ahmad Barakat, chef des opérations militaires ; Ziyad Hamran qui, un peu plus tôt dans le mois, avait abattu et blessé des membres de l’appareil d’espionnage domestique d’Israël, le Shin Bet, à la jonction de Gush Etzion près de Bethléem ; ainsi que les membres Mahmoud Rihal et Muhammad al-Fayed.

Au cours de la procession funéraire des quatre hommes, des Palestiniens ont demandé que l’Autorité palestinienne libère les détenus affiliés à la Brigade de Jénine afin de leur permettre de dire adieu à leurs camarades avant qu’on ne les enterre.

L’AP a brutalement réprimé les protestations en lançant des grenades lacrymogènes sur les personnes qui assistaient aux funérailles, et il s’en est suivi que quatre personnes ont été blessées, dont une à la tête.

Entre-temps, le 21 mars, un Palestinien accusé de collaborer avec les autorités israéliennes a été tué dans le camp de réfugiés de Jénine.

Laisser des enfants paralysés

Les tirs israéliens ont tué 32 enfants palestiniens en Cisjordanie occupée, cette année, dont deux citoyens américains.

« L’incessante brutalité des forces israéliennes est facilitée par les pays occidentaux, surtout les États-Unis, qui continuent à offrir au gouvernement israélien leur soutien, inconditionnel et à envoyer à l’armée israélienne des armes qui sont utilisées pour tuer des enfants palestiniens sans la moindre conséquence »,

a déclaré Ayed Abu Eqtaish, de DCI-P.

Quand les tirs israéliens ne tuent pas les enfants palestiniens en Cisjordanie, ils les laissent néanmoins paralysés.

En février, un adolescent palestinien roulait sur une bicyclette électrique en compagnie d’un autre homme quand un véhicule militaire israélien leur a foncé dessus, les envoyant tous deux brutalement au sol.

Le jeune homme est parvenu à s’enfuir, mais un soldat israélien a heurté le jeune Amr Sweidan, 17 ans, avec la porte du véhicule blindé au moment où il tentait de se relever.

Un soldat israélien a alors tiré sur Amr à bout portant alors qu’il gisait déjà au sol. Comme Amr était là en train de saigner, a rapporté DCI-P, l’un des soldats a placé la main sur la blessure d’Amr et a crié :

« Crève ! Crève donc ! »

Amr a finalement été transporté à l’hôpital, où il a été constaté que la balle avait fracturé une de ses vertèbres cervicales, provoquant ainsi une lésion à la moelle épinière et la paralysie des quatre membres de l’adolescent.

Début décembre, un enfant a reçu une balle dans le cou d’un soldat israélien. Il en a gardé une paralysie des jambes.

Kareem Sharaab a été abattu alors qu’il se trouvait en compagnie de proches près de la maison de ses parents à Awarta, non loin de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie.

« Un soldat est sorti d’un véhicule militaire et a tiré une balle en direction de Kareem, le blessant à la nuque »,

a rapporté DCI-P.

Le grand-père de Kareem a essayé de le transporter vers un hôpital à bord d’un véhicule privé. À un checkpoint militaire sur la route vers l’hôpital de Naplouse, a expliqué DCI-P, le grand-père

« est sorti de la voiture en portant son petit-fils blessé et il a tenté de marcher vers les soldats afin de franchir l’embouteillage qu’il y avait au checkpoint. Mais les soldats ont refusé de lui autoriser le passage et lui ont demandé de placer l’enfant sur le sol ».

Le grand-père

« a refusé d’obtempérer et a continué de marcher jusqu’au moment où une ambulance l’a rejoint de l’autre côté du checkpoint ».

La blessure a paralysé les jambes du petit Kareem, a abîmé des nerfs à sa main et a provoqué chez lui nombre d’autres complications médicales.

Les soldats israéliens ont tué plus de 420 Palestiniens en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre et neuf au moins ont été tués par des colons, a rapporté l’organisation de contrôle de l’ONU, l’OCHA.

Parmi ces tués, 113 étaient des enfants.

Les militaires et les colons israéliens ont blessé près de 5 000 Palestiniens en Cisjordanie depuis le 7 octobre, dont plus de 700 enfants.

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Publié le 26 mars 2024 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

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